• Aucun résultat trouvé

Le goût sucré, de l’enfance… à la dépendance ?

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Le goût sucré, de l’enfance… à la dépendance ?"

Copied!
11
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: hal-01249251

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01249251

Submitted on 30 Dec 2015

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Le goût sucré, de l’enfance… à la dépendance ?

Sophie Nicklaus, Camille Divert

To cite this version:

Sophie Nicklaus, Camille Divert. Le goût sucré, de l’enfance… à la dépendance ?. Cahiers de Nutri-

tion et de Diététique, Elsevier Masson, 2013, 48 (6), pp.272-281. �10.1016/j.cnd.2013.06.002�. �hal-

01249251�

(2)

Cahiersdenutritionetdediététique(2013)48,272—281

Disponibleenlignesur

www.sciencedirect.com

COMPORTEMENT ALIMENTAIRE

Le goût sucré, de l’enfance . . . à la dépendance ?

Sweet taste, from infancy . . . to addiction?

Sophie Nicklaus

a,∗,b,c

, Camille Divert

a,b,c

aCNRS,UMR6265,centredessciencesdugoûtetdel’alimentation,17,rueSully,21065 Dijon,France

bInra,UMR1324,centredessciencesdugoûtetdel’alimentation,17,rueSully,21000Dijon, France

cUMR,centredessciencesdugoûtetdel’alimentation,universitédeBourgogne,17,rue Sully,21000Dijon,France

Rec¸ule4avril2013;acceptéle3juin2013 DisponiblesurInternetle17juillet2013

MOTSCLÉS Sucre; Addiction; Circuitdela récompense; Plaisir;

Statutpondéral; IMC

Résumé Peut-onparlerdedépendanceausucre?Lesucreestuncomposantmajeurdenotre régimealimentaireetunesourceimportantedeplaisiretce,dèsleplusjeuneâge.Ladéfinition del’addictionimpliquequelessubstancesaddictivesagissentsurlecircuitdelarécompense etentraînentdeuxsymptômes,l’effetdemanqueetlatolérance.Est-celecasdusucre?Au regarddela littérature,desactivationscérébralesauniveau desrégionsimpliquéesdansle circuitdelarécompensesontconstatéesenréponseau«sucre»,quidiffèrentselonletype desucre(glucidescaloriquessucrésounon;édulcorants).Parailleurs,leseffetsdemanqueet detoléranceausucresontmalcaractérisés:silesenviescompulsivesalimentairesconcernent fréquemmentdesalimentssucrés,onobserveavecl’âgeunediminutiondespréférencespour lesfortesintensitéssucrées.Enfin,iln’yaaucunlienclairentrestatutpondéraletpréférence pourlesucre.Commetoutaliment,lesucreestnécessaireàla vie,cependant,lespreuves permettantd’assimilerconsommationdesucreetaddictionsontpourlemoinsfaibles.

©2013Sociétéfranc¸aisedenutrition.PubliéparElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés.

KEYWORDS Sugar;

Addiction;

Rewardsystem;

Pleasure;

Weightstatus;

BMI

Summary Canonetalkaboutaddictiontosugar?Sugarisanimportantpartofourdiet,and animportantsourceofpleasure,asofayoungage.Thedefinitionofaddictioninvolvesthat addictivesubstancesactonthe rewardcircuit,andlead totwo symptoms,withdrawaland tolerance.Isitthecasewithsugar?Accordingtotheliterature,brain activationsinregions involvedintherewardcircuitareobservedinresponseto‘‘sugar’’,andtheydifferaccording tothetype ofsugar(caloriccarbohydrates,sweet ornot;sweeteners).Besides,withdrawal andtolerancesymptomsarenotwellcharacterized:foodcravingsoftenconcernsweetfoods,

Texted’uneconférencedeSophieNicklausauxJournéesFrancophonesdeNutritionàLyonendécembre2012.

Auteurcorrespondant.

Adressee-mail:sophie.nicklaus@dijon.inra.fr(S.Nicklaus).

0007-9960/$seefrontmatter©2013Sociétéfranc¸aisedenutrition.PubliéparElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés.

http://dx.doi.org/10.1016/j.cnd.2013.06.002

(3)

butthereisadecreasewithageofthepreference/likingforintenselysweetproducts.Thereis noclearrelationshipbetweenweightstatusandlikingforsugar.Asanyfood,sugarisnecessary forlife,buttheevidenceenablingtoassimilatesugarconsumptionandaddictionisweak.

©2013Sociétéfranc¸aisedenutrition.PublishedbyElsevierMassonSAS.Allrightsreserved.

Introduction

Pourévaluerl’association«sucreetaddiction»,nousparti- ronsdel’examendesfonctionsdel’alimentation,quisont nombreuses dans toute société. La fonction première de l’alimentationestnutritionnelle:nousmangeonspournous nourrir, ingérer des macro- et micronutriments en quan- titésuffisante etavecunéquilibre sipossible optimal.La deuxième fonction est liée au plaisir qui suit l’ingestion des aliments. Ce plaisir peut être ressenti dès la pre- mière consommation d’un aliment nouveau (c’est le cas des aliments sucrés en général, et ce, dès la naissance; nous reviendrons sur cet aspect) ou après un apprentis- sageliéàlaconsommationrépétéed’unaliment,puisque lespréférencesalimentairessontessentiellementapprises.

Noussommesdoncéquipéspourapprendreàaimerceque nousmangeons.Latroisièmefonctiondel’alimentationest unefonctionsymbolique,noschoixalimentairesdéfinissent quinous sommes,ce quiestparticulièrement saillantpar exemplechezlesvégétariensoulesconsommateursdepro- duits«bio».Laquatrièmefonctionestunefonctionsociale, l’alimentationpermetd’établirdeslienssociauxetlesliens sociaux s’établissent en mangeant ensemble; difficile en effetd’imaginerunecélébration(religieuse,familiale,ami- cale ouprofessionnelle) partagéesans nourriture (surtout sucrée!).

Nousnousintéresseronsiciprincipalementàlafonction

«plaisir» de l’alimentation, particulièrement exacerbée dans le cas de la consommation d’aliments sucrés. Pour pouvoir considérer les éléments à charge ou à décharge permettantd’associersucreetaddiction,ilconvientdedéfi- nir lanotiond’addiction.Danslecas desdrogues,l’usage consacre plutôt l’utilisation du terme «dépendance». En psychiatrie, selon le manuel diagnostic et statistiquedes troubles mentaux [1], le diagnostic de la dépendance s’appuiesurlesélémentssuivants:

• utilisationrécurrented’unesubstancerésultantdansune incapacitéàremplirlesobligationsmajeuresautravail, àl’école,àlamaison;

• utilisationrécurrented’unesubstancedansdessituations danslesquelleselleestphysiquementdangereuse;

• problèmesjuridiquesrécurrentsliésàlasubstance;

• poursuite de l’utilisation de la substance en dépit de problèmes sociaux ou interpersonnels persistants ou récurrentscausésouexacerbésparleseffetsdelasub- stance.

La lecture de cette définition révèle clairement l’impossibilité de considérer l’alimentation comme une dépendance. Maispuisque nous devons manger pour vivre, nous sommes bien évidemment dépendants à l’alimentation, qu’elle soit sucrée ou salée, riche en légumesouengâteaux,sandwichprissurlepouceousacro- saintrepasfranc¸ais.Laplupartdessociétéssontd’ailleurs organiséesselon des rythmesquipermettent desatisfaire à cette exigence pluriquotidienne d’alimentation (pause méridienneenparticulier).

Considérons maintenant la définition de l’addiction au sens pharmacologique, qui la présente comme une compulsionà consommerqui estguidée par une envie et caractériséepardeuxsymptômes:latolérance,c’est-à-dire lanotionquepourobtenirlamêmeréponse,ilfautaugmen- terladose,etladépendance,c’est-à-direl’effetdemanque en l’absencede consommation, qui rend l’arrêt difficile.

C’estàcettedéfinitionmoinsstrictequenousferonsréfé- rencepour tenterd’analyserlapossibilitéd’uneaddiction ausucre[2].

Nousprésenteronsd’abordunesynthèsedusupportneu- robiologiqueduplaisiralimentaireengénéraletpréciserons comment les sucres sont détectés et comment le cer- veau réagit au sucre (saccharose), aux sucres (glucides) etau sucré (sucres caloriques ouédulcorants). Nouséva- lueronsensuite si le sucre peut être associé àdes envies compulsivesousidessymptômesdemanquepeuventêtre observésenabsencedeconsommation.Ensuite,nouséva- lueronslapossibilitédudéveloppementd’unetoléranceau sucré,c’est-à-direlanécessitéd’augmenterladosedesucre consomméepourobtenirunemêmesatisfaction.Enfin,nous évalueronsl’associationentreappréciationdusucreetobé- sité.

Support neurobiologique du plaisir alimentaire ; cas du sucre

Détection du sucre : de la sphère orale aux cortex gustatifs

Le sucre est détecté au niveau oral par les récepteurs gustatifsT1R2et T1R3. Ils répondent à différentes molé- culespossédant un pouvoirsucrant: lessucres caloriques (mono-etdisaccharides,moléculesapportant4kcal/g,par exemple:saccharose,glucose,fructose)etlesédulcorants (substances faiblement ou non caloriques, par exemple sucralose, aspartame, saccharine) [3]. Il est intéressant de noter que la mise en bouche de sucres caloriques ou d’édulcorantsentraînedesactivationscérébralessimilaires auniveauducortexgustatifprimairealorsqu’ellesdiffèrent au niveau du circuit de la récompense et notamment du striatum[4,5].Nousappellerons«stimulussucré»unsucre calorique ou non étant perc¸u comme sucré et nous pré- ciseronsle cas échéant s’il s’agit desucres caloriques ou d’édulcorants.

Lesdonnéesconcernantlatransductiondusignalgustatif jusqu’auxcentres corticauxproviennent engrande partie d’étudesmenéeschezl’animal,notammentchezleprimate (pour des revues destravaux chezl’animal, voir [6,7,8]).

Nousdécrironsicilesprincipalesvoiesnerveusesimpliquées danslatransmissiondel’informationgustative.

Ainsi, une fois perc¸ue par les récepteurs gustatifs, l’informationsensorielleesttransmise,via lesnerfsVII,IX etX,aunoyaudutractussolitairequiconstituelepremier relaisgustatif. Puis, l’information gustativeest relayée à d’autrescentrescommelenoyauventro-postérieur-médian

(4)

274 S.Nicklaus,C.Divert du thalamus, le deuxième relais gustatif qui transmet

l’information jusqu’au cortex gustatif primaire situé au niveaudel’insulaantérieureetdel’operculumfrontal.Les populationsdeneuronesprésentesauniveauducortexgus- tatifprimairerépondentà desstimulations correspondant aux cinq saveurs (salé, sucré, umami, acide et amer) et permettentdelesdiscrimineretdedéterminerl’intensité du stimulus (pour une synthèse, voir [9]). Depuis le cor- texgustatifprimaire,l’information sensorielleest relayée au niveauducortexorbitofrontal caudolatéralqui consti- tue le cortex gustatif secondaire. C’est à ce niveau que serareprésentée lavaleurhédonique dustimulusgustatif etdoncsavaleurderécompensequiseraelle-mêmemodu- léeparl’étatmotivationnel(étatdefaimoudesatiétépar exemple)[10,11].

Chez l’Homme, plusieurs études utilisant la technique d’imagerieparrésonancemagnétiquefonctionnelle(IRMf) ont aussi révélé le rôle des cortex gustatifs primaire et secondairedanslagustationetnotammentdanslapercep- tiondelasaveursucrée.Deplus,desneuronesrépondant aux stimuli gustatifs ont été mis en évidence dans de nombreusesautresrégionscérébrales,quipeuventdifférer d’uneétudeàl’autre[9,12—15].Eneffet,l’interprétation decetyped’étudespeut êtredélicatecar lesactivations cérébralesenréponseàunmêmestimulusgustatifpeuvent différeren fonctiondesblocs destimulations(nombre de répétitions par exemple), du stimulus contrôle (eau, eau distillée,saliveartificielle,etc.)[16],dusujet(sexe,âge, habitudes alimentaires, etc.) et des tâches qui lui sont demandées. Les tâches de discrimination et de mesure d’intensitéentraînentuneforteactivationducortexgusta- tifprimairetandisquelestâcheshédoniquesentraînentune forte activation du cortex orbitofrontal (COF) [12,14,17].

C’estpourquoiVeldhuizenetal.(2011)ontcherchéàiden- tifierleszonescérébraleslesplusfréquemmentactivéesen réponseàunstimulusgustatifdoncayantleplusdeproba- bilitéd’êtreimpliquéedanslagustation.Pourcela,ilsont effectué une méta-analyse de 15études d’imagerie céré- brale(IRMfettomographieparémissiondepositonsouTEP) portantsurdesstimulationsgustativessimples,comparées àuncontrôle«sansgoût»(eaudistillée,saliveartificielle), sanstenircomptedutypedetâche.Cetteanalysemontre, enréponse à un stimulus gustatif, une activation à forte probabilité au niveau de l’insula et de l’operculum (cor- texgustatifprimaire),ducortexgustatifsecondaire(COF), ducortexcingulaire antérieur(CCA),duthalamusetdans uneplusfaiblemesuredel’amygdale[18].Lethalamusper- metentreautre lerelaisetl’intégrationdesinformations sensorielles.LeCCA etl’amygdalesont des régionsimpli- quées dans le circuit dela récompense, quijoue un rôle prépondérantdanslecomportementalimentaire.

Implication du circuit de la récompense

Circuitdelarécompense,plaisiretcomportement alimentaires

Nous aborderons ici le fonctionnement du circuit de la récompensechezl’Hommenesouffrantpasdepathologies alimentaires(obésité, anorexie ouboulimie) ouliées àla dépendance(alcooloudrogues)(Fig.1)(d’après[19]).

De manière innée, le comportement de l’Homme ou de l’animal est régi pour répondre à un besoin (par exemple,senourrir)quientraîneunerécompenselorsquece besoinestsatisfait(parexemple,apportcalorique).Ainsi, les comportements bénéfiques pour la survie de l’espèce

(reproduction,alimentation)sontrécompensésparlessen- sationsdeplaisiretdebien-être.Cesystèmederécompense est fondamental etindispensable àla survie. Ilfournit la motivation nécessaire à laréalisation des comportements adaptés(recherchedenourriture,reproduction,évitement desdangers,etc.)enrécompensantl’exécutiondefonctions vitales. Au niveaucérébral, cesystème correspond à des amas et connexions neuronales dont l’activation entraîne unefortesensationdeplaisiroudesatisfaction:lecircuitde larécompense.Cecircuitenglobeunensembledeneurones dontlescorpscellulairessontsituésdansl’airetegmentale ventrale (ATV) et qui envoient des projections au niveau de différentes régions: amygdale et hippocampe, noyau accumbens(situéauniveaudustriatumventral),hypotha- lamus,septum,cortexcingulaireetcortexpré-frontal(CPF, dontleCOF).

Leplaisiralimentairepeutêtredissociéendeuxcompo- santes:unecomposantepurementhédonique,onparlede

«liking»etunecomposanted’incitationàmanger,onparle de «wanting».Ces composantes font toutesdeux parties du systèmederécompense maisferaient appel àdes cir- cuits neuronaux etdes neurotransmetteurs distincts [20].

Le «liking», c’est-à-direla palatabilitéd’un stimulus ali- mentaire,feraitappelàdesopiacésendogènestandisque le«wanting»,c’est-à-direl’appétit,l’enviedemangerun aliment feraitappel àla dopamine[21].Ladopamine est undesneurotransmetteursclésducircuitdelarécompense quipourraitêtreimpliquédanslesdifférentstroublesliésà ladépendance.Ellevéhiculelavaleurderécompensed’un stimulus.

Stimulusalimentaireetcircuitdelarécompense Nous nous intéresserons maintenant à l’activation du cir- cuitdelarécompenseenréponseàunstimulusalimentaire.

La mise en bouche d’aliments palatables, c’est-à-dire d’aliments dont la consommation procure une sensation agréable(parexemple,desalimentsàfortedensitéénergé- tique,c’est-à-direlesalimentssucréset/ougras),entraîne une réponse au niveau du circuit de la récompense qui s’observepardesactivationsauniveaudel’ATV,del’insula, du striatum dorsal, du cortex cingulaire et du CPF [22].

Par ailleurs, il a été montré que la consommation d’un repas apprécié était associée à la sécrétionde dopamine au niveau du striatum dorsal. Il y aurait une corrélation positive entreles quantitésdedopamine sécrétées etles notes d’appréciation du repas [23]. De plus, l’activation decesrégionsimpliquéesdanslecircuitdelarécompense (COF, striatum,CCA) serait fonction de l’état defaim ou desatiétéetdel’appréciationdesalimentsingérés[10,11].

C’estauniveauduCOFetduCCAquelavaleurderécom- pensedustimulusestreprésentée,desrégionsdistinctesde cecortexsontactivéesenréponseàunstimulusagréable (solution sucrée) oudésagréable (solution salée) [16]. La représentation de la valeur de récompense d’un aliment estundéterminantprimordialdel’appétitspécifiquepour cetaliment,or,ceseraitlareprésentationdelavaleurde récompenseauniveauduCOFquientraîneraitl’activation du striatum et du cortex cingulaire qui déterminent son ingestion[24].

Calories,sucres,édulcorantsetcircuitdela récompense

Aprèsavoirdécritlaréponseducircuitdelarécompenseà unalimentpalatable,étudionsmaintenantplusspécifique- mentlaréponseàunalimentsucré.

(5)

Figure1. Représentationducircuitdelarécompensechezl’Homme.Ceschémareprésentelestriatum,lecortexorbitofrontal,l’aire tegmentale ventrale,l’hypothalamuslatéraletl’insulaainsi quelesconnexionsreliantces différentesstructures.Pourunemeilleure lisibilité,l’hippocampeetlecortexcingulaireantérieurnesontpasreprésentés.Cesrégionscérébralessontimpliquéesdanslecircuit delarécompenseetrégissentdeconcertlecomportementalimentaireenrégulantl’apprentissageetlareprésentationdelavaleurde récompensedesalimentsetenorientantl’attentionetleseffortsversl’obtentiond’alimentsàfortevaleurderécompense.

D’aprèsKennyetal.,2011.

La perceptiond’un stimulussucréentraîne l’activation des cortex gustatifs et de différentes régions impliquées danslecircuitdelarécompense.Cependant,sommes-nous capables de détecter au niveau cérébral un sucre calo- riqued’unédulcorant?Etqu’enest-ildelaconsommation d’hydratesdecarbonesquiapportedescalories(4kcal/g) sans être perc¸us comme sucrés? Qu’est-ce qui active le circuit de la récompense: la saveur sucrée, la présence d’énergieoul’associationdesdeux?Peut-on distinguerau niveauducircuitdelarécompensecesdifférentsglucides? Nousallonsmaintenantabordercesaspects.

La mise en bouche d’un stimulus sucré et calorique entraînel’activationdescortexgustatifsetderégionsimpli- quéesdanslecircuitdelarécompense;deplus,plusieurs étudesontmontréquelamiseenbouched’édulcorantsou deglucidesnonsucrés pouvaitaussientraîner l’activation dececircuit[4,5,25,26].

Ainsi, Frank etal., en2008, ont comparé parIRMf les activationscérébralesenréponseà deuxstimulisucréset iso-intenses:unesolutiondesaccharoseetunesolutionde sucralose.Lamiseenbouchedesaccharoseactiveplusfor- tementlesrégionsgustativesetlesrégionsdopaminergiques (ATV,striatum)quelamiseenbouchedesucralose.Ainsi, le cerveaudistinguede manière inconsciente(lespartici- pantsn’étaientpascapablesdedistinguerlesdeuxsolutions l’une de l’autre) les sucres caloriquesdes édulcorants et cenotamment au niveauducircuit delarécompense[4].

Parallèlementàcetteétude,Chambersetal.,en2009ont cherchéàdéterminerparIRMflesdifférenceséventuelles d’activation,d’unepart,entreunesolutionsucréecalorique (glucose) et une solution sucrée non calorique (saccha- rine);et,d’autrepart,entreunesolutioncaloriquesucrée

(glucose) et une solution calorique non sucrée (malto- dextrine). Les résultats ont montré que, à perception sucrée équivalente, contrairement au glucose, la saccha- rinen’entraînaitpasd’activationauniveaudustriatumet duCCA,régions associéesau circuitdelarécompense. En revanche,àvaleurcaloriqueéquivalente, leglucoseetla maltodextrineentraînaient desschémas d’activationsimi- laires.Ainsi,mêmesansêtreperc¸ueaussiplaisantequela solutiondeglucose,lasolutiondemaltodextrine(calorique maisnonsucrée)entraînel’activationderégionsassociées aucircuitdelarécompense[25].Lasaveursucréeneserait doncpasnécessaireàl’activationdececircuitquirépon- draitpréférentiellementàlavaleurcalorique.Néanmoins, l’associationdelasaveur sucréeetdelavaleurcalorique permettraitdegénéreruneplusforteréponseauniveaudu réseaudopaminergique et des régions impliquées dans le circuitdelarécompense.

Grasetcircuitdelarécompense

Silaprésenced’énergiedansleshydratesdecarbonesuffit à entraîner l’activation de zones impliquées dans le cir- cuit de la récompense telles que le striatum et le CCA etle CPFdorsolatéral[25],qu’en est-ilde lareprésenta- tion cérébrale des lipides? En effet, les lipides sont des nutriments très énergiques(9kcal/g) et ils forment avec lessucres lescomposants majoritairesdes aliments pala- tablesdefortedensitéénergétique.Laprésencedelipides dans la sphère orale pourrait être détectée indépendam- mentdelaviscositédustimulus,enaccordavecl’existence de lipido-récepteurs oraux [27]. Ainsi, de Araujo etRolls ontmontrédesactivationsenréponseàlamiseenbouche

(6)

276 S.Nicklaus,C.Divert d’huilevégétale(stimuluslipidiqueetvisqueux)auniveau

de l’insula, du COF, de l’hypothalamus et du CCA. De même,ensoustrayantlesactivationsobservéesenréponse àunestimulationlipidiqueetàunestimulationvisqueuse, ilsont montréqueleslipides entraînaient des activations spécifiquesau niveaudedeux zones:une partiedu stria- tum et une zone située au niveau du CCA rostral et du COF médian. Ils avaient déjà observé l’activation de ces zones en réponse à une solution sucrée, une autre sti- mulationagréable [13,28].Uneautre étudeamontréque la valeur de récompense d’un stimulus lipidique (crèmes aromatisées)serait représentéeau niveauduCOFmédian et du cortex cingulaire prégenual [29]. Enfin, la percep- tion d’émulsions lipidiques de différentes concentrations entraîne l’activation du cortex gustatif primaire et des régionssomatosensorielles ainsique des régions associées au circuit de la récompense: amygdale et CCA dont les réponsessont fonction dela concentrationlipidique[30].

Ainsi, au même titre que les sucres, le gras peut entraî- nerl’activationderégionsimpliquéesdanslecircuitdela récompense.

Consommation de sucre et envie compulsive

Sil’addictionphysiquejouaitunrôledanslaconsommation desucre,parmilessymptômesassociésàl’addiction,l’envie compulsivedevraitêtreobservée.Dansledomainealimen- taire,l’envie compulsivesedéfinitparledésir intensede mangerunalimentspécifique.C’estcettespécificitépour unalimentdonnéquidifférenciel’envie compulsivedela sensation de faim [31]. Les envies compulsives sont très courantes,ellestouchentplusparticulièrementlesfemmes (87%) que les hommes (68%) [32]. Les envies compulsi- ves concernentgénéralementlesaliments à fortedensité énergétique, salés ou sucrés/gras, et ayant une texture solideousemi-solide;ainsilesboissonssucréesnesontpas l’objetd’enviecompulsive.Lesenviescompulsivesconcer- nentprincipalementlechocolatetlesproduitssucrés(pour unerevue voir[33]). Cependant,à l’inverse des drogues, lesenviescompulsivesalimentairesneseraientpasliéesà lasensationde«manque»lorsdusevrage:aucontraire,le faitde suivreunrégime,voire laprivation denourriture, entraîneraitplutôtune diminutiondes enviescompulsives [33].Cetteconclusionaétéremiseenquestionparuntra- vail récent qui a évalué les envies compulsives chez des femmesquisuivaientunrégimepourperdre dupoids, qui

«surveillaient»leurpoidsouquinesuivaientpasderégime [34]. Les envies compulsives ont été plus fréquemment observéeschez lesfemmesau régimeque chezcellesqui nel’étaient pas, etdemanière intermédiaire chez celles qui«surveillaient»leurpoids. Lechocolat étaitl’aliment leplusdésiré;etplusgénéralement,lesalimentsdontles femmesrestreignaientla consommationétaientplusdési- rés.Destravauxcomplémentairespermettraientdemieux explorerlesrelationsentrerégimesetenvie compulsives, selonletypederégimeetlesalimentsévités.Ilaétésug- géré également que les envies compulsives étaient liées à des états émotionnels particuliers(émotions négatives, ennui,etc.),cequineserapasdétailléici[33].

Quelssontlescorrélatsneuronauxdesenviescompulsi- ves?Pourcequiestdesdroguesetdel’alcool,lesrégions impliquéesdanslesenviescompulsivessontl’amygdale,le CCA, le COF, l’insula, l’hippocampe, le noyau caudé et

leCPFdorsolatéral[31].Desschémasd’activationsimilaires sont-ilsobservésdanslesenviescompulsivesalimentaires? Pourrépondreàcettequestion,Pelchatetal.ontrecruté 20participants dont dix suivaient leur régimealimentaire habitueletdixdevaientsuivreunrégimemonotonependant un jour et demi (consommation d’une préparation nutri- tionnelle, nommée «boost»). Lors d’une séance d’IRMf, différentes séries de noms d’alimentsétaient présentées aux sujets: une série monotone («boost») et une série de noms d’aliments appréciés. Pendant que le nom de l’alimentétaitaffiché,lessujetsdevaientimaginerleurver- sionpréféréedecetalimentetenimaginerlespropriétés sensorielles. Seuls les sujets ayant suivi le régime mono- tone ont déclaréavoir des enviescompulsives pendant le scan. Ces sujets présentaient des activations plus fortes au niveaude l’hippocampegauche, del’insula gauche et du noyau caudé droit (striatum dorsal) en contrastant la série«boost»etlasérie«alimentsappréciés»;cesrégions seraientdoncspécifiquesauxenviescompulsivessuiteàun régimemonotone.Parailleurs,RollsetMcCabeontcherché à répondre à l’hypothèse suivante: l’activation cérébrale enréponseau chocolat(perception visuelleet/ouchimio- sensorielle)diffère-t-ellechezlespersonnesressentantdes envies compulsives fréquentes dechocolat («cravers»en anglais, ici compulsifs) vs les personnes n’en ressentant pas(«non-cravers», ici non compulsifs)? Pour cela, deux groupesdefemmes(8compulsiveset8noncompulsives)ont passéunscand’IRMfenvisualisantet/ouayantenbouche du chocolat. Aucune différence d’activation en réponse à la mise en bouche de chocolat n’a été montrée entre les compulsives etnon compulsives. Cependant,à la vue d’unephotographiedechocolat,uneplusforteactivationau niveauduCOFetdustriatumventralestobservéechezles compulsivescomparéesauxnoncompulsives.Enfin,lorsque lessujetsvisualisentduchocolatetenontenbouche,une plusforteactivationau niveauduCCAetducortexcingu- laire prégenual est observée chez lescompulsives vs non compulsives.Demanièrelogique,aucunedifférencen’aété observéeauniveauducortexgustatifprimaire[35].Ainsi,on observeraitunesuractivation enréponseau chocolatchez lespersonnesressentantuneenviecompulsived’enmanger auniveauderégionsreprésentantlavaleurderécompense desaliments,suractivationquipourraitêtreassociéeàune augmentation du «wanting» et du «liking» pour cet ali- ment.

Consommation de sucre et « tolérance »

Unefoisencore,sil’addictionphysiquejouaitunrôledans la consommation de sucre, parmi lessymptômes associés à l’addiction, latolérance devrait être observée,c’est-à- direl’augmentationdeladoseconsomméepourobtenirune satisfactionéquivalente.

Développement de l’attraction pour le sucre

La saveursucrée estuniversellementplébiscitée:elleest appréciéepardifférentesespècesanimales(rongeurs[36], primates[37]).Chezl’Homme,elleestappréciéedansdif- férentescultures,etparlesnourrissonsdèslanaissance,ce que différentesétudes ontcaractérisé finement,enmon- trant parexemple que plus la saveur sucrée est intense, plus la consommation et/ou les manifestations de plaisir sontmarquées(pourunerevuevoir[38]).Enrevanche,les saveurs acide, amère ousalée déclenchent généralement

(7)

chezle nouveau-nédes réactionsquitraduisentunaffect négatif[39].Lesréactionspositivesenverslasaveursucrée se manifestent donc avant même que le nourrisson ait eu la possibilité d’ingérer du sucre et donc d’apprendre l’associationentresongoûtetsonapporténergétique.La saveursucrée(etnonl’apportcaloriqueassocié)présente uneffetanalgésiantquiestmisenapplicationenpédiatrie enprésentantunesolutiontrèssucréeàunnouveau-népour atténuerlesdouleursressentieslorsd’interventionsmodé- rémentdouloureuses(piqûreparexemple)(pourunerevue voir [38,40]). Il est intéressant de noter que l’organisme ne s’adapte pas à cet effet analgésiant: l’application de sucre répétée trois jours de suite produit le même effet [41].L’effetdusucrepourréduireladouleurlorsdetelles interventionstendàdiminueravecl’âgemaisilesttoujours observéchezdesenfantsdecinqà11ansavecdessolutions fortementsucrées(saccharoseà24%)[42,43].

Lapréférencemarquéepourlesucreobservéeàlanais- sances’estomperelativementdanslapetiteenfance:chez des nourrissonssuivisdemanière longitudinaleentretrois et 20mois dans l’étude Observatoire des préférences ali- mentairesdu nourrissonetdel’enfant(Opaline), l’attrait pour une solution sucrée (lactose) diminue entre 12et 20mois,signifiantpeut-êtrequ’à20moislesucreestplus apprécié dans un aliment que dans une boisson [44,45].

La saveursucrée demeure néanmoins fortappréciéedans l’enfance. Les variantes de jus de fruits les plus sucrées sontparticulièrementappréciéesdesenfantsdesixà12ans, comparativement àdes sujetsplus âgés[46].Lespréado- lescents(9à15ans)apprécientdavantagelessolutionstrès sucréesque lesadultes[47]. Lessujetsdecette dernière étudeontétérevusdixansplustard:ilspréféraientalors desconcentrationsdesucreplusfaibles[48,49].Parailleurs, l’appréciation élevée du sucre dans l’enfance ne signi- fie pas nécessairement une consommation plus élevée de variantesd’alimentsplussucrés. Ainsi,nousavonsmesuré chez des enfants de 30mois la consommation ad libitum d’une compote de fruits plus oumoins sucrée, et conclu quelaquantitédesucreapportéeàlacompoten’avaitpas d’influencesurlaquantitéconsommée[50].

Évolution de l’attraction pour le sucre avec la consommation de sucre

Il est possible d’apporter des éléments de réponse à cettequestion,quimériteraitcependantd’êtreévaluéede manière plus systématique,bien que la conduite d’essais randomisésdanscedomaineposedesproblèmeséthiques.

Pourcequiestdurôledesexpériencesalimentairesdans lapetiteenfance,l’analysedesconsommationsalimentaires desenfantsdel’étudeOpalineentermesd’expositionsaux différentes saveurs révèle la prépondérancede la saveur sucréetoutaulongdelapremièreannée[51];cequiamène à souligner que la saveursucrée est la saveur dominante dulait(materneloupréparationpournourrisson),premier alimentconsommé.Nousavonsconstatéunegrandevaria- bilitédansledegréd’expositionàcettesaveurd’unenfant àl’autreàpartirdeladiversificationalimentaire,maisles enfantslesplusexposésausucrédeunà12moisnesontpas nécessairementceuxquipréfèrentunesolutiondesucreà 12ou20mois[52].Demême,uneexpositionpendanttrois moisàdesalimentsdediversificationmoinssucrésqueles versionshabituelles n’avaitpasmodifiél’attirancepourle sucréd’enfantsdeseptmois[53].Enrevanche,uneétude américaineavaitmontréquelapréférenceinnéepourl’eau

sucrée (par rapport à l’eau non sucrée) était maintenue jusqu’à 24mois chez les nourrissons qui avaient rec¸u de l’eau sucrée pendant les six premiers mois alors qu’elle diminuaitchezceuxquin’enavaientpasrec¸u[54].Cepen- dant,ceteffetn’étaitpasgénéralisableàd’autresboissons: tous les enfants de 24mois, qu’ils aient été exposés ou nonàdel’eausucrée,préféraientunjusdefruitsucréau mêmejusnonsucré[54].Ainsi,aucoursdesdeuxpremières années,iln’estpasévident d’identifierunphénomènede

«tolérance»,d’unepart,parcequelelienentreconsomma- tiondesucreetpréférencepourlesucren’apasétémontré defac¸onclaire,et,d’autrepart,parcequel’«augmentation deladoseconsommée»n’estpascaractérisée(augmenta- tiondelafréquencedeconsommation?delaquantitéde sucreconsomméeàchaqueoccasion?delapartdessucres dansl’énergietotale?).

Plustarddansl’enfance,ilaétémontréquelaconcen- tration préférée de sucre en solution chez des enfants afro-américainsestsupérieureàcelled’enfantscaucasiens [55]. Il est probable que la fréquence de consomma- tion d’aliments sucrés plus élevée dans la population afro-américaine que dans la population caucasienne soit à l’origine de la différence de concentration préférée observée(parexemple,38%desnourrissonsafro-américains recevaientdel’eausucréecontre6%decaucasiens),même si on ne peut exclure l’impact de différences génétiques entrecesdeuxpopulations.Deplus,lesenfantsdequatreà septansdontlesmèressucrentrégulièrementlesplatspré- fèrentlesjusdepommeetlescéréalesplussucrées;dans cecasencore,lacausalitén’estpasclairementétablie[56].

Plus généralement, lorsqu’on étudie la question de l’acquisition del’appréciation d’unaliment, onremarque que larépétition de la présentation d’un alimentpermet d’augmentersonappréciation.Laprésentationrépétéed’un alimentplussucrépeutentraîneruneplusforteaugmenta- tiondesonappréciationlorsqu’iln’est plussucré,comme cela a été montré à plusieurs reprises avec des légumes [57,58].Néanmoins, d’autresétudes montrentunappren- tissageéquivalentquandle légumeest présentéplusieurs fois sucré ou nature [59—61]. Dans le cas de boissons à l’orange,l’exposition à une version sucrée conduit à une appréciation plus élevée, mais l’exposition à une version aciden’augmentepasl’appréciation[62].

Àl’échelle delapopulation, lesdonnéesfranc¸aisesde l’enquête INCA1 (conduite en 1998—1999) concernant la part des glucides simples dans l’apport énergétiquetotal montrent qu’elle s’élève à 24% chez les trois à six ans, 20%chezles15—24ans,19,4%chezles18—24anset15% chezles 50—79ans [63]. Lesdonnées de l’enquête INCA2 (2006—2007)montrentquelapartdesglucidessimplesdans l’apporténergétiquetotals’élèveà25,1%chezlestroisà sixans,20,1%chezles15—17ans,19,4%chezles18—24ans et 17,8% chez les 50—79ans [64]. Ainsi, la part de glu- cidessimplesdécroitavecl’âge,commeleconfirmentdes donnéesaméricaines[65].Néanmoins,cesdonnéesneper- mettentpasdedistinguerl’effetdel’âgedel’effetdela génération.

Danslesétudesconduitesenimageriecérébrale,ilaété noté que l’activation del’amygdale (circuitde la récom- pense) en réponse à la mise en bouche d’une solution de saccharose est significativement plus faible chez les sujetsayant une fréquence plus élevée deconsommation d’édulcorants[66].Celaconfirmelerôledel’amygdaledans lareprésentationdelavaleurd’unalimentenlienavecson utilité biologique, et suggère qu’être exposé à la saveur sucrée sans apport de calories entraîne une dégradation

(8)

278 S.Nicklaus,C.Divert delacapacité dela perceptionsucrée à prédirel’arrivée

de calories au niveaude l’amygdale. Les résultats d’une autreétudemontrentaussiquelaconsommationrégulière d’édulcorantspourraitêtreassociéeàunealtérationdela valeurderécompensedelasaveursucrée,caloriqueounon [26].Unautretravailmontrequechezlesadolescentsnor- mopondéraux,laconsommationfréquentedecrèmeglacée entraîne une sous-activation du striatum en réponse à la miseenbouchedemilkshake[22].

Ainsi,laconsommationrégulièred’alimentsàforteden- sitéénergétiquepourraitentraînerune sous-activationdu circuitdelarécompenseenréponseàcesaliments.

Appréciation du sucre et statut pondéral

Bienqu’ilait étémontréque l’obésitéétaitune patholo- gied’originemultifactorielle,l’hypothèsed’uneassociation entre obésité et forte attraction pour les aliments gras et sucrés conduisant à leur consommation excessive est communémentévoquée.Orlesoptimumsdepréférencede sucrevarient-ilsentreobèsesetnormopondéraux?Existe-t- ilunlienentrelepoidscorporeletlespréférencespourles alimentsgrasetsucrés?

Ilest,àl’heureactuelle,difficilederépondreàcesques- tionscarsiquelquestravauxlesontabordées,lesrésultats restentassezcontradictoires. Ainsi,l’interrogation parun questionnairede366enfantsâgésdeseptà neufans,n’a montré aucune différence entre le niveau d’appréciation d’alimentsgrasetsucrésd’enfantsnormopondéraux vsen surpoidsouobèses,quireprésentaient18%del’échantillon [67].Parailleurs,viauntestdepréférencededeuxvariantes dejusde pomme (0,53%vs 3,11% desucre ajouté),Lan- feretal.ontmontréchezdes enfantsdedeuxàneufans (n=16220)uneassociationpositiveentreladéviationstan- darddel’IMCetleurpréférencepourlavariantedejusde pommesplussucrée[68].Chezl’adulte,aucunlienn’avait été montré entre l’appréciation de niveaux variables de sucre et l’obésité [69]. Une autre étude chez l’adulte a montréquelessujetsnormopondérauxpréféraientdessti- mulià20%delipidesetmoinsde10%desucre,alorsque lesobèsespréféraientdesstimuliàplusde34%delipides et moins de 5% de sucre [70]. Une étude menée auprès dedeuxpopulationsadultes,descaucasiensetdesindiens Pima très susceptibles à l’obésité,a montré que l’IMC et le pourcentage de masse grasse n’étaient pas corrélés à l’appréciationdusucre au débutdel’étude[71]. Lesuivi desmêmessujetsàcinq ansetdemimontrequechezles indiensPima,laprisedepoidsestsignificativementcorré- léeàla préférence initialepour lesucre. Une étudeplus récentemontrequesilesfemmesobèsesounormopondé- ralesapprécientdelamêmemanièreunesolutiondesucre, aprèsdesprésentationsrépétéesdecettesolution,lephé- nomèned’habituation(diminution del’appréciation au fil desconsommations) estplus lentchezlesfemmes obèses quechezlesnormopondérales[72].

Ilsembledoncdifficiled’établirdelienclairentrepoids corporeletpréférencepourlasaveursucrée,deplusdans lesétudesmontrantuneassociationentrel’expositionàdes aliments ouà des boissons sucrées etl’augmentation des préférencespourlesucre[55,56,73],iln’yapasdelienavec l’apparitiondesurpoids[74].Parailleurs,ilaétésuggéré queplutôtque l’appréciationdes aliments oudecertains macronutriments (lipides, glucides), ce seraient plutôt le plaisiràmanger,l’appétitetlamotivationàobtenirdela nourriturequiseraientcorrélésaupoidscorporel(synthèse

[67]). Enparallèle deces résultats, lestravaux menésen imageriemontrentbienunesuractivationdesrégionsasso- ciées au circuit dela récompenseen réponse à un signal alimentairevisuel(photographied’aliments)chezlessujets obèsescomparésauxsujetsnormopondéraux[75]quitradui- raitunemotivationplusfortepourobtenirlarécompense, c’est-à-direl’ingestiondel’aliment.Àl’inverse,onobser- verait une sous-activationducircuitde larécompenseen réponseàlamiseenbouched’alimentspalatableschezles sujetsobèsesvsnormopondéraux,enlienavecunerégula- tionnégativedesrécepteursD2àladopamine[22].

Ainsi,iln’estpasévidentdelierappréciationdusucreet obésité.Enrevanche,ilestplausiblequelaconsommation fréquented’unalimentdonnéentraîneunesous-activation ducircuitdelarécompensespécifiqueàcetaliment,etque lessujetsobèsesprésententdesactivationsducircuitdela récompensedifférentes decelles dessujets normopondé- raux.

L’apport des modèles animaux à la compréhension de l’addiction au sucre chez l’Homme

Chez l’animal, différentesétudes menéeschez le ratont montrédessimilaritésdeconséquencescomportementales et neurobiologiques liées à la consommation de drogues et de sucre. Ainsi, des rats soumis à un régime discon- tinudesolutionssucréesetdenourriture(12hdeprivation alimentaire, puis 12h d’accès aux aliments) adoptent un comportement similaire à celui observé dans la dépen- danceauxdrogues:hyperphagieboulimique(bingeeating), symptômesdemanque/sevrage,enviescompulsives,vulné- rabilité envers des substances psychostimulantes pendant l’abstinence au sucre, augmentation de la consommation d’alcoolpendantl’abstinenceausucre,maisilsprésentent unpoidsnormal[76].Deplus,onobservechezcesratsdes changements neurobiologiques similaires à ceux observés lors del’administration dedrogues tels qu’unealtération des récepteursD1etD2de ladopamineet desrécepteurs opioïdes,unelibérationrépétéeanormalededopamineau niveaudunoyauaccumbens,etc.Lesaltérationsducompor- tement sont moindres chez les rats soumis à un régime alimentaire discontinusans solutionsucrée; maisdes rats soumis au régime solution sucrée et nourriture en accès libresur24hneprésententpasdecomportementprochede l’addiction[77].L’effetd’uneconsommationintermittente d’alimentsgrasn’apasétéétudiéaussisystématiquement, maisuntelrégimesembleentraînermoins desymptômes demanquequelaconsommationintermittentedesolution sucrée [76]. Ainsi, cette revue de la littérature suggère qu’unaccèsausucreentrecoupédepériodesd’abstinence entraîne une surconsommation de sucre et pourrait être addictifchezcertainssujets[76].

Onpeutnoter,d’unepart,quecedispositifexpérimen- talnereflètepasl’accessibilitéauxalimentshabituelspour la plupart des sujets humains, saufceux qui restreignent leurconsommationdesucre,et,d’autrepart,quecetype decomportementalimentaire nereflètepaslecomporte- mentalimentaire«normal»d’unhumainsainmaispourrait s’apparenter aux crises d’hyperphagie boulimique dont souffrentlespatientsboulimiques.

Parallèlement,d’autrestravauxontmontréquelorsd’un testdedoublechoix,lesratsontunepréférenceplusforte pourunesolutiondesaccharinequedecocaïneetce,même

(9)

lorsqueladosedecocaïneesttrèsélevéeetmêmechezles ratsdépendantsàlacocaïne[78].Cesrésultatssignifieraient quepourlerat,lavaleurderécompensedelasaveursucrée estplusfortequecelledelacocaïne.

Néanmoins, si ces paradigmes expérimentaux et ces résultats aident àmieux comprendrecomment lesphéno- mènesdedépendancesemettentenplaceilsnepeuvent pasêtredirectementtransposésàl’Hommesaindanslebut d’unemeilleurecompréhensiond’uneéventuelleaddiction ausucre.

Conclusion

Nous avons vu que les preuves permettant d’assimiler consommation de sucre et addiction chez l’Homme sont pour le moins faibles (effets de manque et de tolérance mal caractérisés). Un rapport de l’Organisation mondiale de lasanté[79] traitantdela dépendance auxdrogues a comparé les drogues et les non-drogues (stimuli associés aux aliments, à l’eau et au sexe) et conclut que toutes ces substancesdéclenchentunrenforcement etpartagent des similarités comportementales et neurochimiques (par exemple, la propriété d’activer la transmission dopamine dépendantepréférentiellementdanslenoyauaccumbens).

Ce rapport précise la différence entre ces substances:

«les drogues conduisant à une dépendance diffèrent des renforc¸ateursconventionnelsdans lamesureoùleureffet stimulant sur la libération de dopamine dans le noyau accumbensestsignificativementplusgrandparnatureque celuidesrenforc¸ateursnaturelscommelesaliments.Alors que des aliments produisent une augmentation des taux de dopamine dans le noyau accumbens d’environ 45%, l’amphétamineetlacocaïneaugmentent letauxdedopa- minede 500%. Le systèmedopaminergique mésolimbique renforce descomportementsetdes signauxquisont asso- ciésavecdesstimulationscritiques pourlasurvie,comme l’alimentationetlareproduction»(p.51[79]).Cerapport clarifie le fait quece sont les droguesqui «empruntent» les circuits de la récompense utilisés pour des renforce- mentstraditionnels(alimentation,reproduction),etnonpas l’inverse. L’évolution nous a dotés d’un systèmepuissant permettantd’associerl’ingestiond’unalimentnontoxique auressentid’unplaisirimportant(systèmesdopaminergique et opioïde). Cet équipement biologique particulièrement efficaceesttrèssollicitélorsdelaconsommationd’aliments sucrés. L’aspect «addictif» de cette consommation peut éventuellementconcerner unpetit segmentdelapopula- tion[80], sans que cette«addiction»présentetoutes les caractéristiquesdeladépendanceàunedrogue.

Il n’est pas exclu que l’utilisation très répandue de la notion d’addiction vise les autres fonctions de l’alimentationquelafonctionnutritionnelleetqu’àtravers ceterme,cesoitlaconsommationdesucre,sourcedeplai- sir,quisoitviséedansuneportéeplussymbolique,àmettre enrelationavecl’usaged’expressiontelleque«stupéfiante voluptédelasubstanceblanche»[81];celle-cifaitpresque explicitementréférenceàuneformerépanduededrogue.

Il s’agit peut-être là d’un héritage de la culture judéo- chrétienne qui a désignéla gourmandise comme l’undes septpéchéscapitaux.L’alimentation,ilfautlerappeler,est indispensable à lasurvie.À uneépoque oùl’alimentation estparticulièrementstigmatisée,enl’absenced’éléments tangiblespermettantd’associersucreetaddiction,lamodé- rationdesproposs’impose.

Déclaration d’intérêts

Lesauteursdéclarentnepasavoirdeconflitsd’intérêtsen relationaveccetarticle.

Remerciements

SN remercie l’Inra (métaprogramme Did’it)pour le finan- cementdu projetSweetLip-Kid sur le développement des préférencespourlesalimentssucrésetgras.

Références

[1]American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manualofmentaldisorders.4thedition(DSM-IV)Washington, DC:AmericanPsychiatricAssociation;1994.

[2]Benton D.Theplausibilityofsugar addictionand itsrolein obesityandeatingdisorders.ClinNutr2010;29:288—303.

[3]NelsonG,HoonMA,ChandrashekarJ,ZhangY,RybaNJ,Zuker CS.Mammaliansweettastereceptors.Cell2001;106:381—90.

[4]Frank GK, Oberndorfer TA, Simmons AN, Paulus MP, Fudge JL, Yang TT, et al. Sucrose activates human taste path- ways differently from artificial sweetener. Neuroimage 2008;39:1559—69.

[5]SmeetsPA,WeijzenP,deGraafC,ViergeverMA.Consumption of caloric and non-caloric versions of a soft drink diffe- rentially affectsbrainactivationduringtasting.Neuroimage 2010;54:1367—74.

[6]FaurionA.Physiologiedelagustation.In:EncyclMédChir.Oto- rhino-laryngologie20-490-C-10.Paris:ÉditionsScientifiqueset MédicalesElsevierSAS;2000.p.1—15.

[7]JonesLM,FontaniniA,KatzDB.Gustatoryprocessing:adyna- micsystemsapproach.CurrOpinNeurobiol2006;16:420—8.

[8]RollsET.Sensoryprocessinginthebrainrelatedtothecontrol offoodintake.ProcNutrSoc2007;66:96—112.

[9]KobayashiM,TakedaM,HattoriN,FukunagaM,SasabeT,Inoue N,etal.Functionalimagingofgustatoryperceptionandima- gery:‘‘top-down’’processingofgustatorysignals.Neuroimage 2004;23:1271—82.

[10]SmallDM,ZatorreRJ,DagherA,EvansAC,Jones-GotmanM.

Changes in brainactivity relatedto eating chocolate: from pleasuretoaversion.Brain2001;124:1720—33.

[11]KringelbachML,O’DohertyJ,RollsET,AndrewsC.Activation of thehumanorbitofrontal cortexto a liquid foodstimulus is correlatedwithitssubjective pleasantness. Cereb Cortex 2003;13:1064—71.

[12]BenderG,VeldhuizenMG,MeltzerJA,GitelmanDR,SmallDM.

Neuralcorrelatesofevaluativecomparedwithpassivetasting.

EurJNeurosci2009;30:327—38.

[13]deAraujoIE,RollsET,KringelbachML,McGloneF,PhillipsN.

Taste-olfactory convergence,and the representation ofthe pleasantness offlavour,in thehuman brain.EurJNeurosci 2003;18:2059—68.

[14]Small DM, Gregory MD, Mak YE, Gitelman D, Mesulam MM, Parrish T. Dissociation of neural representation of inten- sity and affective valuation in human gustation. Neuron 2003;39:701—11.

[15]Zald DH, Hagen MC, Pardo JV. Neural correlates of tas- tingconcentratedquinineandsugarsolutions.JNeurophysiol 2002;87:1068—75.

[16]O’DohertyJ,RollsET,FrancisS,BowtellR,McGloneF.Repre- sentationofpleasantandaversivetasteinthehumanbrain.J Neurophysiol2001;85:1315—21.

[17]GrabenhorstF,RollsET.Selectiveattentiontoaffectivevalue altershowthebrainprocessestaste stimuli.EurJNeurosci 2008;27:723—9.

[18]Veldhuizen MG, Albrecht J, Zelano C, Boesveldt S, Bres- lin P, Lundstrom JN. Identification of human gustatory

Références

Documents relatifs

Nous avons aussi constaté que les molé- cules bactériennes AHL (ces molécules qui activent les cellules chimiosensorielles nasales chez la souris) activent directement

Récepteur au goût sucré : sa régulation par des inhibiteurs ouvre de belles perspectives thérapeutiques : Brève de Maud Sigoillot sur le site internet de Sucre INFO, le site pro

consigne: classe les aliments sucr classe les aliments sucr classe les aliments sucr classe les aliments sucréééés et pas sucr s et pas sucr s et pas sucrééééssss s et pas

• Mécanisme d’action :réduire la sécrétion du glucose hépatique(glycémie à jeun). • Augmente l’affinité de l’insuline

1) Les sucres. Le sucre inverti, l’iso-glucose, le glucose font partie de ce groupe. Le saccharose est, pour toutes les études comparatives, considéré comme

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des

[r]

Après avoir versé la moitié de la pâte dans le moule, on peut rajoute une préparation aux pistaches, faite de 30g de pistaches hachées, de 20 g de sucre et de 10 cl de