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Réflexions autour du financement public

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Academic year: 2021

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Réflexions autour du financement public

La question des financements publics ne peut être appréhendée sans la situer par rapport à la crise systémique que nous traversons et à l'état actuel de la société.

Première question

Le premier débat porte sur le montant des ressources publiques nécessaire au financement des services publics et de la protection sociale.

Les caisses publiques ont été délibérément asséchées depuis 10 ans (il manque 100 milliards de recette fiscales par rapport à 2000 sans compter les exonérations de cotisations sociales)

Pour contourner la difficulté politique de réduire les dépenses publiques dans des sociétés qui sont attachées à l'Etat social, la stratégie néo-libérale a consisté à abaisser systématiquement le niveau des ressources publiques en s'appuyant sur l'idéologie qui dénonce "l'excès" de prélèvements fiscaux et sociaux comme une entrave à la dépense privée et à l'activité économique.

Dans un deuxième temps, le déficit public généré par le manque de ressources sert à justifier une politique de baisse des dépenses publiques sur le thème de l'Etat en faillite ou du "trou de la Sécu".

La baisse des ressources publiques est la contrepartie de la progression recherchée des services privés, de la protection par l'épargne individuelle.

Tout débat sur le financement public doit commencer par là : quel choix de société ? Les débats sur les modalités de financement sont subordonnés à cette question..

En outre, depuis 2007, la crise a provoqué un recul des ressources publiques par rapport à une situation où les tendances antérieures de la croissance se se seraient poursuivies. Selon l'OFCE, si l'activité avait continué sur sa tendance des années 2000 (au rythme de 1,5 %), le PIB par habitant serait aujourd'hui supérieur de 8 %.

La stagnation dans laquelle l'économie française est entrée provoque une baisse des ressources fiscales, phénomène qui sera amplifié par l'austérité décidée par F.Hollande.

La premier levier pour accroître les ressources publiques est une politique en faveur de la croissance.

Mais cela ne doit pas faire oublier la politique d'asséchement des ressources publiques : le rapport de la Cour des Comptes (juin 2011 ) estime que « la crise explique au plus 38 % du déficit, qui est surtout structurel et résulte largement de mesures discrétionnaires ».

« Mesures discrétionnaires » désigne en termes polis les cadeaux fiscaux faits aux plus riches et aux plus grandes entreprises depuis plus de dix ans. Le rapport Carrez (juin 2010) reconnaît que sans ceux-ci la France aurait connu un excédent budgétaire de 2006 à 2008, et le déficit aurait été de 3,3 % du PIB en 2009 au lieu de 7,5 %, la perte de recettes fiscales étant évaluée plus de 5 points de PIB.

Le rapport Champsaur-Cotis (avril 2010) va dans le même sens : en l’absence de baisses de prélèvements, la dette publique serait environ de 20 points de PIB plus faible qu’elle ne l’est aujourd’hui

L'exemple des retraites est éclairant : le déficit des régimes de retraites est fondé sur une hypothèse présentée comme indiscutable : le blocage des cotisations sociales sur le long terme.

Cette méthode a l'avantage de présenter la réduction des dépenses publiques comme une nécessité économique alors qu'il s'agit d'un programme politique visant à instaurer l'hégémonie de la dépense privée et des services marchands dans la société.

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Notre objectif est de réhabiliter la dépense publique et de trouver les ressources publiques

nécessaires à assurer le financement des interventions que les choix politiques à l'issue d'un débat démocratique font rentrer dans le champ de l'action publique.

Seconde question

Le second débat porte sur la redistribution. Actuellement, on a un système de prélèvements fiscaux et sociaux anti-redistributif comme l'ont montré les travaux de Piketty :

Le système actuel de prélèvements (impôts et cotisations) fiscal actuel est faiblement progressif jusqu’au niveau des « classes moyennes », c'est à dire jusqu'à environ 4 000 euros bruts, le taux de prélèvement plafonne ensuite jusqu'à 9 000 euros. Il devient franchement régressif au sein des 5% les plus riches (soit 2,5 millions de personnes sur 50,4 millions), et surtout à l’intérieur des 1%

les plus riches (soit 0,5 million de personnes).

Avec un système de prélèvements aussi peu redistributif, la redistribution se fait un peu par les prestations sociales et surtout par les services publics, deux facteurs de redistribution eux-mêmes sévèrement attaqués.

L'accroissement des inégalités de revenus et de patrimoine a marqué la dernière période dans l'ensemble des pays capitalistes. Ce mouvement qui a commencé aux Etats-Unis et au Royaume- Uni dans les années 80 s'est étendu depuis une dizaine d'années en Europe continentale. Les inégalités se creusent par le haut, c'est à dire par une croissance plus rapide des revenus et des patrimoines les plus élevés, tandis que les revenus moyens ont stagné et que la pauvreté tend à augmenter sous l'effet de la crise.

Ces inégalités constatées dans la répartition primaire sont aggravées par l'évolution des systèmes fiscaux qui sont devenus de moins en moins redistributifs.

En effet, les baisses d'impôts ont essentiellement profité aux plus aisés, notamment à la fraction la plus riche d'entre eux. Elles favorisent de façon spectaculaire les grandes entreprises par rapport aux PME.

Notre objectif est de revenir à des systèmes de prélèvements plus redistributifs.

Nos propositions en matière de réforme fiscale et des prélèvements sociaux doivent donc obéir à deux principes qui sont liés: accroître les ressources publiques et réduire les inégalités.

Troisième question

Depuis plus de 20 ans, la construction européenne est fondée sur la mise en concurrence des systèmes sociaux et fiscaux.

Le dumping fiscal est pratiqué par de nombreux pays au sein de l'UE. Cela concerne

particulièrement l'impôt sur les sociétés où la concurrence est rude en termes d'assiette et de taux.

Longtemps pratiqué par de petits pays comme l'Irlande, ce dumping sur l'imposition des sociétés a pris de l'ampleur lorsqu'un grand pays comme l'Allemagne est entrée dans le jeu au début des années 2000.

La sortie de Cameron déployant le tapis rouge aux exilés fiscaux français et le faux exil de Bernard Arnault en Belgique illustrent le tapage médiatique sur la concurrence fiscale, alors que l'essentiel de l'évasion fiscale passe par les paradis fiscaux tant pour les grandes fortunes que pour les grandes entreprises qui "optimisent" leur fiscalité, c'est à dire s'arrangent par différents moyens pour ne pas payer d'impôt.

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Un peu partout en Europe les systèmes fiscaux son devenus moins redistributifs du fait de la faible imposition du patrimoine et de ses revenus et de la montée de la "flat tax" (impôt à taux unique), c'est à dire des prélèvements proportionnels sur le revenu, comme l'illustre en France le poids prépondérant des cotisations sociales et de la CSG.

La compétitivité par la baisse du coût salarial est devenue un credo des politiques d'austérité, ce qui amplifie les politiques de baisse des prélèvements sociaux déjà anciennes.

La hausse de la TVA est devenue un must des politiques d'austérité. Non seulement, elle est injuste socialement, mais assimilée à une dévaluation de fait, elle contribue à la montée des politiques non coopératives en Europe.

Enfin, il faut ajouter au niveau européen la promesse d'une taxation sur les transactions financières sans cesse remise et la fiscalité écologique qui suppose de dépasser le cadre national.

La question de ressources fiscales directement européennes et destinées à financer un budget européen qui devrait être élargi pour financer des transferts de solidarité et des politiques européennes comme la recherche ou le développement de services publics européens est posée.

Notre objectif devrait être d'aborder de façon approfondie ces questions pour dépasser des discours trop généraux, insuffisants au moment où une réflexion sur une autre Europe s'amorce.

Quatrième question

La question du financement de la protection sociale est à la fois un sous ensemble de la question du financement public et une question propre.

Le financement de la protection sociale s’explique par son histoire associée au combat des travailleurs qui ont obtenu des droits sociaux fondés sur le produit de leur travail et gérés par les organisations syndicales.

Ce principe consacré en 1945 reste complètement légitime. En même temps, la société a évolué.

Les organisations syndicales ont en grande partie perdu leur pouvoir sur les organismes de sécurité sociale au profit de l'Etat.

En 1945, les droits sociaux étaient fondés sur l'emploi du travailleur, sa famille bénéficiant de droits dérivés. Avec la montée du travail féminin et la revendication d'égalité se pose la question de

l'individualisation des droits sociaux (et de l'imposition) qui suscite des débats au sein du camp progressiste.

L'évolution majeure est celle de l'emploi lui-même : les assurances sociales ont été fondées sur la base d'une norme sociale de l'emploi (à temps plein et sur toute une carrière) qui tend à devenir minoritaire au sein du salariat. Les droits des salariés à temps partiel aux carrières courtes, connaissant la précarité et le chômage, sont réduits et financés en grande partie par l'impôt.

Le développement de la mondialisation et de la concurrence a mis au premier plan l'exigence de la compétitivité des entreprises, argument qui a été utilisé pour diminuer les cotisations sociales employeurs et recourir à l'impôt. Cette fiscalisation des ressources de la protection sociale a progressé de façon spectaculaire, cf la montée en puissance de la CSG.

Cette évolution est depuis longtemps soutenue (cas de la CFDT) par ceux qui estiment que le financement par cotisations sociales doit être réservé aux régimes d'assurance visant à assurer un revenu de remplacement à des revenus d'activités (cas des régimes de retraite et d'assurance chômage), tandis que la protection sociale qui a vocation à fonder des droits pour l'ensemble de la population (famille et maladie) devrait être financée par l'impôt.

Le Medef soutient cette position parce qu'il y voit le levier pour abaisser le coût salarial.

La fiscalisation est soutenue dans une toute autre optique par ceux qui regardent les prélèvements

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du point de vue de la redistribution.

Le débat ne porte pas alors sur l'impôt ou non, mais sur le type d'impôt : les cotisations étant au mieux un prélèvement proportionnel (quand elles ne sont pas plafonnées), elles forment avec la CSG (qui a la même caractéristique mais est étendue à des revenus du capital) un bloc central qui s'agissant des revenus des ménages n'a aucun effet redistributif.

C'est dans ce contexte qu'a émergé la proposition d'une CSG redistributive.

Les partisans d'un système de prélèvements plus redistributif attirent l'attention sur le risque que faute de redistribution verticale (entre hauts et bas revenus) par les prélèvements il n'y ait la tentation de faire de la redistribution verticale par les prestations (en multipliant les prestations ou l'accès aux droits à des conditions de ressources), alors que les prestations ou l'accès aux services publics ont pour finalité une redistribution horizontale (par exemple entre malades et gens en bonne santé) ou relèvent d'un droit universel (l'éducation par exemple).

En d'autres termes, il vaut mieux financer l'éducation par des impôts que de scinder son accès entre des boursiers et des financements par les étudiants eux-mêmes.

Cet argument fait consensus pour l'éducation, mais fait débat lorsqu'il s'agit de la sécurité sociale financée en principe par des cotisations.

Cette question resurgit sous un autre angle qui fait débat dans le mouvement syndical.

Les droits acquis par les travailleurs dits stables reposent sur des cotisations sociales et la

problématique est d'accroître ces droits par des hausses de cotisations employeurs (par le taux ou le changement d'assiette).

Reste le problème de tous ceux et surtout de toutes celles qui ne sont pas en situation d'acquérir des droits pleins par leur travail. Les réformes portées par les politiques et par certains syndicats visent à renforcer la contributivité des régimes sociaux, c'est à dire établir un lien plus fort entre l'emploi et les droits acquis.

C'est le cas notamment de l'assurance-chômage, avec comme résultat que la moitié des chômeurs ne sont pas indemnisés. C'est le cas également des régimes de retraite, au détriment des retraites des salariés qui ont une carrière plus courte, ont subi chômage, précarité et temps partiel.

Il y a là un vrai débat : faut-il les maintenir dans le régime d'assurance sociale et dans ce cas trouver des sources de financement qui peuvent passer en partie par l'impôt, ou faut-il les rejeter dans des dispositifs d'assistance financés par l'impôt ?

Ce débat est extrêmement important car c'est l'unité du salariat qui est en jeu.

On voit que le débat impôt/cotisation sociale est complexe car il recouvre des débats de nature différente.

Aujourd'hui, le débat sur le financement de la protection sociale est complètement piégé par l'offensive du patronat, soutenu par Sarkozy, pour abaisser le coût salarial en transférant les

cotisations maladie et famille sur la TVA. Le gouvernement socialiste semble bien près de proposer un autre transfert, celui de ces cotisations sur la CSG au motif qu'elle serait plus juste (ou plutôt moins pire) que la TVA (Hollande a parlé aussi de la fiscalité écologique).

Il faut évidemment s'opposer à cette opération qui porte sur des sommes considérables et signe une prise de position radicale en faveur du patronat contre les salariés.

Cinquième question

Cette question est moins prégnante que les précédentes. Mais elle a une certaine importance lorsqu'il s'agit de traiter le problème des mutations sociales ou écologiques.

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Les réformes des systèmes de prélèvements ont été marqués par la domination d'une pensée qui privilégie les incitations à modifier le comportement des agents économiques par une évolution des prix relatifs.

Plutôt que d'agir par une dépense publique directe, on réduit un prélèvement pour modifier le comportement micro-économique d'un agent : alléger les cotisations sociales pour inciter à

l'embauche, alléger l'impôt des rentiers pour développer l'investissement locatif privé, renchérir le prix de l'énergie pour en diminuer la consommation, (ou le réduire dans le cas des renouvelables), quotient familial pour encourager la natalité, crédit impôt recherche pour les entreprises,....

Les niches fiscales et sociales se sont ainsi multipliées et représentent des budgets considérables sans que leur impact soit évalué la plupart du temps (cas des effets d'aubaine pour les incitations à l'embauche).

Or la modification recherchée des comportements suppose le plus souvent des actions globales,

"macros"qui ne peuvent être réalisées que dans le cadre de dépenses publiques ou coordonnées par la puissance publique (cas de la transition écologique) et qui réalisent l'objectif poursuivi de façon plus efficace ou plus juste socialement par la dépense publique.

De même, la question de la réforme des circuits du crédit est trop peu présente dans le débat sur le financement public alors qu'elle est cruciale pour financer les actions nécessaires.

Daniel Rallet 12 septembre 2012

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