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Droits et libertés

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Au-delà de l’importance qu’il y a à traiter des droits et libertés au plus près de la pratique pé- dagogique et de l’expérience professionnelle des collègues, au sein même de toute la vie de l’établissement – comme c’est le cas dans le thème cen- tral – il apparaît nécessaire de traiter spécifiquement quelques grands domaines de l’intervention du S.n.e.s. en matière de droits et libertés, et de la mise à jour de ses man- dats depuis le précédent

congrès, même si des C.a. na- tionales ont avancé en ce sens.

Ils sont parfois évoqués voire approfondis dans le thème central (présence F.n. dans les C.a., droit syndical…). Ils doi- vent en tous cas concerner l’engagement de tout le syn- dicat.

1. En effet, le développe- ment des libertés et de la démocratie est un levier nécessaire de la transfor- mation sociale.

Des droits nouveaux doivent être reconnus, dans la vie pro- fessionnelle, dans la vie so- ciale et pour la vie personnel- le. Le plein exercice de la citoyenneté doit pouvoir s’éta- blir à tous ces niveaux.

Des liens sont nécessaires avec le mouvement associatif pour défendre les droits et les

libertés fondamentales et en acquérir de nouveaux. Cela fait partie du rôle du syndica- lisme qui se fonde sur des va- leurs d’égalité et de solidarité.

2. Le droit à l’enseigne- ment, à l’éducation ne sau- rait être conditionné par une origine, une nationalité, une si- tuation familiale, un état de santé ou de handicap, un confinement géographique, en particulier pour les enfants d’origine étrangère ou les « enfants du voyage ».

L’éducation à la citoyenneté liée à la connaissance des droits et libertés fondamen- tales, à l’éducation contre le racisme et la xénophobie, à l’éducation à la résolution non violente des conflits, à l’édu- cation à la paix, à la solidarité et la responsabilité sociale et environnementale devient un élément essentiel, avec la laï- cité, des valeurs républicaines permettant à la fois le plein épanouissement de l’individu et son intégration dans le corps social, la vie écono- mique et citoyenne du pays.

3. La riposte et l’argumen- tation sont indispensables face aux idées de l’extrê- me droite et ceux qui en sont les porteurs dans les C.a. d’éta- blissement et dans les ins- tances tripartites départe-

mentales ou régionales. L’ac- tion unitaire, collective est à rechercher dans le cadre in- tersyndical ou d’un comité de vigilance, avec les forces dé- mocratiques du pays. Parents et élèves sont des acteurs po- tentiels de cette lutte.

4. Les droits des étrangers non-ressortissants de l’Union européenne doivent être res- pectés et améliorés dans le sens de l’égalité pour tous, de la non-discrimination et de l’accès élargi à la nationalité française et au droit de vote.

Le S.n.e.s. maintient sa reven- dication de l’abrogation com- plète des mesures introduites par les lois Pasqua-Debré, ce que ne fait pas vraiment la loi Chevènement.

Les « sans-papiers » qui en ont fait la demande doivent être régularisés. Beaucoup l’étaient avant les lois Pasqua.

Le droit de vivre en famille, de se marier, ainsi que le droit aux études pour les enfants, le droit à l’accès aux soins doi- vent être respectés. Le droit du sol est à rétablir pour rendre possible dès la nais- sance en France la demande de la nationalité.

Les personnels étrangers, en- seignants et non-enseignants dans l’Education nationale, doivent avoir le droit à une stabilisation de leur situation professionnelle dans des conditions comparables à celles des ressortissants de l’U.e. Pour les enseignants de second degré, le S.n.e.s. pro- pose un statut de professeur associé répondant à cet ob- jectif, ainsi qu’une plus grande facilité pour obtenir la natio- nalité française.

5. Le refus des discrimina- tions sexistes et la défense du droit des femmes sont des domaines où des avancées de la société s’avèrent indis- pensables.

Le droit de vivre en couple ou non, de pouvoir établir un pacte civil de solidarité en ac-

cord avec une autre personne majeure, quel que soit son sexe, doit être reconnu plei- nement.

Tous les éléments qui consti- tuent la carrière, les droits so- ciaux, la protection sociale doivent prendre en compte les situations de couple (ma- riage, concubinage, P.a.c.s., union libre) sans discrimina- tion entre elles ni en fonction de leurs orientations sexuelles.

La démarche mutualiste, dont nous sommes partie prenante, et qui l’a déjà partiellement pris en compte, doit le faire complètement sans attendre les évolutions nécessaires de la loi.

6. Les enfants, les jeunes, nos élèves doivent voir res- pectés à leur égard tous les éléments de la Convention in- ternationale des droits de l’en- fant et être protégés contre le bizutage, le racket, les vio- lences sexuelles. Ils ne doi- vent souffrir d’aucune discri- mination prétendant se fonder sur leurs origines, leur sexe, leur religion ou tout autre ca- ractère de leur personnalité.

7. La nouvelle conscrip- tion : depuis la loi du 28 oc- tobre 1997, dans le cadre de la professionnalisation des ar- mées, les jeunes ont l’obliga- tion de se faire recenser à par- tir de l’âge de 16 ans et de participer à la journée d’Ap- pel de préparation à la défen- se (A.p.d.), rendez-vous obli- gatoire d’un samedi dans l’année qui a pour objectif le renforcement du lien « armée- défense ». Ce rendez-vous per- met de vérifier la fiabilité des fi- chiers du recensement.

Se soumettre à la journée A.p.d. aboutit à une inscrip- tion automatique sur les listes électorales.

En fait, cette journée est cen- sée être le point culminant d’un cheminement dit « de ci- toyenneté », la première étape relevant de la seule autorité de l’Education nationale, avec

pour objet de dispenser aux collégiens et lycéens un en- seignement sur les principes et l’organisation de la défense nationale et européenne. La seconde étape est l’obligation de se faire recenser à la mairie du domicile dès l’âge de 16 ans. A l’issue de ce recense- ment, un certificat est délivré par la mairie.

La loi de 1997 fait désormais de l’accomplissement de ces obligations une condition in- dispensable pour se présen- ter à des examens scolaires ou universitaires (B.e.p.c., Bac, D.e.u.g., licence…), aux concours soumis au contrôle de l’autorité publique et aux épreuves du permis de conduire ou à tout autre per- mis (chasse, pêche,…). Tout comme l’attestation de re- censement, le certificat de par- ticipation à l’A.p.d. doit être désormais présenté au mo- ment de l’inscription à ces examens, concours ou épreuves.

Cette exigence dure jusqu’à l’âge de 25 ans. La possibilité de lever l’obstacle résultant du non-recensement existe, par une démarche personnel- le effectuée à tout moment, en se rendant à la mairie pour se faire porter sur les listes de recensement.

Il convient de réfléchir à ces questions, ne serait-ce que dans la mesure où elles concernent aussi des contenus d’ensei- gnement (notamment en édu- cation civique) et touchent directement nos élèves. L’édu- cation à l’esprit de défense ne peut se concevoir sans débat pluraliste, sous la responsabilité pédagogique des enseignants, et sans accorder une même im- portance à l’éducation à la paix.

Le S.n.e.s. ne devrait-il pas de- mander que le non-recense- ment ne soit pas la cause d’un refus de pouvoir se présenter à un examen ou un concours scolaire ou universitaire ?

Droits et libertés

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S O M M A I R E

Très forts

A l’heure où ces lignes sont écrites, au lendemain de la grève du 15 et à quelques jours du 20 et du 21 mars, la profession se mobi- lise. La manifestation s’annonce très forte. Les T.g.v. et les cars réservés ne suffisent pas. Il faut que nous soyons plusieurs dizaines de milliers dans les rues de Paris samedi. Utilisant le rap- pel que nous avons fait à la presse du rôle déterminant qu’avait joué notre manifestation du 4 mars 1989 où nous étions 100 000, le ministère mène déjà campagne sur l’échec probable de notre manifestation de 1999. Il tente aussi de réduire à 34 % le nombre de grévistes du 15 alors que nous étions entre 50 et 60 %.

Le 20, nous manifesterons pour une autre politique scolaire, ce qui suppose un élargissement de l’offre de formation et non sa régression, un meilleur suivi pour tous les élèves qui réussiront mieux dans des classes à effectifs réduits, avec des petits groupes et une aide pédagogique soutenue à ceux qui en ont le plus besoin.

Nous proposons des savoirs réinterrogés pour qu’ils aient l’am- bition qu’il faut avoir pour le XXI

e

siècle tout en prenant tout leur sens et toute leur valeur formatrice et éducative pour les élèves.

Formation continue des personnels, meilleure formation initiale, travail en équipe, moyens financiers et en postes sont des éléments nécessaires à cette rénovation de nos enseignements.

Le gouvernement fait le sourd pour l’instant.

Se développe une campagne médiatique qui cherche à réduire le débat à une opposition entre conservateurs et réformateurs. La réalité est ailleurs. Il y a bien plusieurs conceptions du système éducatif. Nous voulons la démocratisation dans la qualité, ce qui évidemment suppose les changements ci-dessus, des moyens, des évolutions des métiers, un développement de la formation conti- nue. Que cela soit dit.

Et, après le 21, jour du forum de la F.s.u. sur l’éducation, que faire ? Que dire ?

Nous voulons l’ouverture d’une vraie négo- cation avec le gouvernement, une négocia- tion sur nos bases, enfin ! Le gouvernement a les éléments de réponse. Il faut qu’il sache que nous sommes déterminés, y compris à pour- suivre, si rien n’avance.

Monique VUAILLAT, secrétaire générale

E D I T O

L’Université Syndicaliste, hebdomadaire du Syndicat National des Enseignements de Second degré, SNES, 1, rue de Courty, 75341 Paris Cedex 07.

Tél. standard :01 40 63 29 00.

• Directeur de la publication : Gérard Anthéaume.

Tél. 01 42 80 91 04

• Rédacteur en chef : Serge Chatelain.

• Collaborateurs permanents : Claudie Barles, Andrée Béhotéguy, Francis Guillout.

• Secrétariat de rédaction : Gabrièle Hübner.

• Service publicité : Catherine Pinchaux. Tél. : 01 40 63 29 80.

• Photocomposition et photogravure noire et couleur : CAG.

• Imprimerie : FAVA PRINT, Les Mureaux (78).

• C.P. N° 1578 D 73.

• Prix du numéro : 7,80 F • Abonnement : 1) Personnels de l’Education nationale : France : 168 F ; étranger : 263 F. 2) Autres, France : 242 F ; étranger : 335 F.

• Pour s’informer et donner son avis : – Minitel : 3615 USTEL – E-Mail : Secgene@snes.edu – Internet : http://www.snes.edu

COMPLÉMENTS

Droits et libertés 2

CONTRIBUTIONS

La réforme des lycées 4

La précarité 10

La formation des enseignants 11

C.P.E. 12

Femmes 13

Retraites 14

Protection sociale 16

Pensez à voter sur les rapports d’activité

et financier nationaux

T.O.M.

Les formations paritaires chargées d’exa- miner les candidatures à une affectation à Mayotte, en Polynésie et à Saint-Pierre-et- Miquelon se réuniront :

– le 22 mars pour les C.e.-C.p.e.-C.o.

– le 23 mars pour les agrégés, certifiés, A.e.

Les résultats de ces deux commissions seront consultables sur Ustel dès le 23 mars en soirée.

La commission relative aux P.e.g.c. se

réunira le 26 mars. Les résultats seront

donnés par téléphone au 01.40.63.29.41.

(4)

Mireille Gamel, professeur de français,

lycée technique Langevin-Wallon, Champigny-sur-Marne (94)

Arguments pour un réel changement de politique

éducative

(Extraits) […]

L’art de nier la réalité 1. Un prétendu immobilisme Le débat a été biaisé d’emblée quand M. Allègre a prétendu dé- busquer l’immobilisme de l’institu- tion. Ce premier mensonge a auto- risé tous les autres et continue de conforter tous les défenseurs de cette réforme. On persiste à ne pas admettre que l’école n’a cessé de changer depuis trente ans et, ré- cemment encore (en 91) par la grâ- ce de MM. Allègre et Jospin réunis.

Et l’on s’étonne de l’agacement des professeurs qui n’ont cessé de s’adapter, de se mettre en ques- tion, d’améliorer leurs méthodes et leurs savoirs ! M. Montebourg, dé- puté P.s. s’indigne qu’il ne puisse « y avoir aucune remise en question » dans cette profession. Comment peut-il ignorer qu’il n’y a eu que ce- la et qu’en prétendant l’inverse, il dé- juge ceux-là mêmes qu’il espère dé- fendre ?

2. L’obsession de l’échec Il est de bon ton également dans ce débat de focaliser l’attention sur l’échec scolaire. La première confu- sion date de M. Rocard qui a assi- milé l’échec scolaire (I.e. de cer- tains élèves) à un échec de l’école (I.e. de l’institution), constat vague- ment appuyé sur les conclusions de Bourdieu.

Depuis on a multiplié les variations

sur la crise de l’école, à tel point qu’on en vient à se demander si l’idéal de nos réformateurs ne serait pas de mener tout le monde à bac + 5 ou davantage. Le lieu commun de l’échec scolaire décliné à tous les niveaux du cursus, est devenu un ta- bou.

Il est sûr qu’il est plus facile d’in- criminer école et enseignants que d’instaurer plus de justice dans la société.

Or ce sont justement les raisonne- ments bâtis sur cette obsession de l’échec scolaire qui ont engendré bien des maux supplémentaires, auxquels M. Allègre prétend remé- dier par les mêmes méthodes, aggravées.

Mais avant de procéder à l’inven- taire de ces prétendus nouveaux re- mèdes, remarquons tout de même que la maladie n’est pas universel- le, contrairement à ce que voudraient nous faire croire les alarmistes. Il y a des classes, nombreuses, où les élèves étudient, où les professeurs enseignent, sans heurts, y compris dans des milieux socialement peu fa- vorisés. Mais, comme il n’y a pas de troubles, on n’entend pas parler d’eux sur la scène publique qui se laisse obnubiler par les situations problématiques comme si elles étaient générales.

Thèmes idéologiques et remèdes qui tuent 1. L’égalitarisme

Le projet de donner à tous la même instruction continue de se heurter à la diversité et même à l’inégalité des talents et des réussites. Ce constat assurément regrettable, d’autant plus que les inégalités sco- laires correspondraient en gros aux inégalités sociales, a engendré de bonnes et de mauvaises mesures.

Pour les bonnes, signalons la créa-

tion des Z.e.p., l’effort d’amélioration de la formation théorique et péda- gogique des enseignants. Pour les mauvaises, elles se ramènent à une volonté de maquiller les écarts : marche forcée au même rythme pour tous les élèves et quasi-interdiction des redoublements ; suppression des C.a.p. et progressivement de tous les parcours qui sortent du col- lège unique ; création de sections of- ficiellement hypocrite, par exemple par la hiérarchisation de fait des établissements scolaires (que le ha- sard géographique et le calcul des fa- milles ont séparés en « bons » et

« mauvais »), le tout cautionné par le palmarès des lycées cher au Monde de l’éducation et encouragé par les chefs d’établissement, eux-mêmes invités à se prendre pour des chefs d’entreprise chargés de valoriser l’image de leur collège ou de leur lycée.

Avec tout cela, on a donné une illu- sion d’égalité qui se fissure aujour- d’hui : on constate en effet que pro- portionnellement, l’inégalité des réussites selon les catégories so- ciales s’est encore aggravée même si le nombre total de reçus au bac par exemple a évidemment aug-

menté. Mais au lieu de considérer ce constat d’échec comme une preuve de l’inefficacité de leurs remèdes, nos réformateurs se proposent de renchérir sur les mêmes mauvaises mesures. Pour les faire apparaître comme nouvelles, ils s’emploieront à les accompagner d’un discours pédagogique culpabilisateur qui fe- ra des enseignants les éternels cou- pables de l’échec des élèves, cou- pables de n’avoir jamais les outils pédagogiques censément néces- saires, cela découlant bien entendu des péchés d’archaïsme et de cor- poratisme. Dans cette perspective, il conviendra également d’accuser les savoirs : si les contenus savants restent inacessibles à certains, c’est parce que ce sont des contenus bourgeois, entendait-on dans les années 70. Aujourd’hui, nos diri- geants préfèrent parler d’« encyclo- pédisme », au sens d’empilement des savoirs.

[…] Cette politique et les représen- tations qui l’accompagnent sont dé- jà largement en place et c’est elles qu’il faut incriminer plutôt que les contenus et ceux qui les professent.

Pour nous en tenir au lycée, nous constatons que trop d’élèves en-

La réforme des lycées

et l’action du S.n.e.s.

(5)

trent en Seconde sans en avoir le ni- veau, loin de là ; plutôt que de dé- nigrer les exigences, ne pourrait-on pas s’en prendre au laxisme imposé par les lois qui permet à ces élèves de traverser le primaire et le collège sans acquérir les bases nécessaires à une poursuite d’études. N’est-il pas évident qu’on les expose ainsi à de réelles souffrances qui les mè- nent parfois à des actes de violen- ce ou du moins à un dégoût défini- tif de l’étude ? A force de ne rien exiger des élèves, on les a habitués à confondre le droit d’accéder à l’école et le droit d’y réussir et on a rendu impossible la confiance en l’institution dont il est trop facile ensuite de stigmatiser l’échec.

2. « L’enfant au centre » ou le pédocentrisme

Ce slogan, qui court depuis dix ans au ministère de l’Education natio- nale, a bien sûr été repris comme une découverte par M. Allègre dans son article intitulé « Ce que je veux » ; « L’enfant doit être mis au centre du système éducatif » ; ce qui sous-entend qu’il n’y est pas ac- tuellement. Nous avons là un men- songe à double détente qui prétend révolutionner la conception de l’en- seignement alors que cette formule est le maître-mot depuis 89 et qu’el- le cautionne, depuis, toutes sortes d’égarements.

Ainsi, c’est au nom des rythmes va- riables de l’enfant qu’on a interdit, paradoxalement, le redoublement.

Ce dernier n’est pas une panacée, mais il a le mérite parfois de donner justement un peu plus de temps à ceux qui en ont besoin.

C’est au nom de « l’enfant au centre » qu’on a demandé à l’élève d’être « acteur dans le processus de son apprentissage », responsabili- té écrasante pour la plupart des élèves qui ont surtout besoin qu’on les aide et qu’on les guide.

C’est au nom d’un goût des enfants pour la modernité technique que M. Allègre prétend substituer la « fas- cination » (sic) de l’ordinateur à la ré- flexion critique du professeur clas- sique et qu’il affirme que l’écran

« fera oublier l’effort » autre maniè- re de dire qu’on ne peut apprendre qu’en jouant. C’est aussi ce que présuppose une des questions posées dans la consultation de M. Meirieu : « Quels sont les savoirs que vous jugez importants mais qui vous ennuient ? » Or en privilégiant le jeu, on ne fait que retarder la vé- ritable confrontation avec l’effort et on la rend peut-être même impos-

sible. En tout cas, on le délégitime aux yeux des élèves.

[…] Au bout du compte, ce qui est en cause ici, c’est l’idée d’autorité, l’autorité d’un professeur, si décriée parce qu’on la confond avec une re- lation de domination et de répres- sion, est en fait surtout une rela- tion de confiance, confiance que les plus jeunes accordent à un adulte quand ils pensent que celui-ci détient un savoir à transmettre et qu’il connaît le chemin le plus sûr pour ar- river à bon port. Or en sapant les fon- dements même de l’autorité que sont les savoirs et la compétence des professeurs, on n’a fait qu’ajou- ter au malaise des élèves et qu’augmenter leurs risques d’échec.

[…]

3. Le technicisme pédagogique Rousseau l’avait bien vu : si l’on supprime l’autorité des maîtres, il faut mettre en place toutes sortes de dispositifs compliqués (on dit au- jourd’hui des « processus ») qui sont autant de ruses pour maintenir l’élè- ve dans le droit chemin.

Version moderne du rousseauisme pédagogique : les apprentissages se ramèneraient toujours à des pro- blèmes techniques. Ainsi, si l’élève a des difficultés, c’est qu’on n’a pas su repérer assez finement ses lacunes, qu’on n’a pas mis en pla- ce les « outils » d’évaluation adé- quats, qu’on n’a pas su proposer les groupes de besoins appropriés, qu’on n’a pas assez découpé les savoirs en « compétences », elles- mêmes tronçonnées à l’infini dans des référentiels d’autant plus infla- tionnistes qu’ils ne constituent pas des seuils d’exigence, etc. […]

Un contresens tenace :

l’école conçue comme un service L’école, redisons-le, n’est pas la Poste, ni la S.n.c.f. Elle n’a pas de clients, ni d’usagers. Elle est une institution dont plusieurs catégories de personnes (y compris les élèves et les parents) sont les acteurs à dif- férents titres, pas forcément équi- valents, ni même égaux.

Or, on ne cesse d’accréditer le contraire quand on prétend gérer l’école selon les poncifs du mana- gement : « zéro défaut », pas de profs sans classe, pas de classe sans prof, exigence de disponibilité de plus en plus grande du corps en- seignant et des autres membres des équipes éducatives, flexibilité de tous, adultes, élèves, groupes, classes, afin de répondre à la multiplicité des besoins (des

« usagers ») etc. C’est ainsi qu’on en

arrive à prôner le remplacement au pied levé par n’importe qui, ce qui se justifie fort bien dans un modèle scolaire où l’acquisition de connais- sances n’est pas l’objectif princi- pal.

[…] Ce n’est pas faire des procès d’intention que de repérer tous ces dangers. L’expérience a déjà prouvé que certains mots étaient suivis d’effets et cette idéologie a déjà dé- montré dans les faits de quelles conséquences elle était lourde, et cela depuis dix ans au moins : les maîtres-mots de M. Allègre sont les mêmes que ceux de M. Jospin en 89. Quant aux réformes qu’on nous présente comme nouvelles, urgentes et salutaires, elles sont déjà en par- tie appliquées aujourd’hui, engen- drant les dérives qu’on a vues.

Il est temps de changer, en effet, mais selon des idées qui seraient cette fois vraiment nouvelles et plus conformes à un idéal républicain et de gauche.

Marie Kennes, collège Jules-Ferry Narbonne

Pas avec le S.n.a.l.c.

Dans Le Monde du vendredi 19 fé- vrier, j’ai appris que le S.n.e.s. avait signé une déclaration unitaire avec le S.n.a.l.c. et le C.n.g.a. J’avais dé- jà, l’année dernière, fait part de mon désaccord pour toute action com- mune avec le S.n.a.l.c.

Je me vois dans l’obligation de la ré- itérer à nouveau et de vous informer que je ne me resyndiquerai pas au S.n.e.s. l’année prochaine.

En effet, il y a dans mon établisse- ment des gens du S.n.a.l.c. et il s’avère que je ne suis pas du tout sur leurs positions que j’ai toujours combattues : reproduction de l’élite, classes ghettos pour séparer les bons des mauvais, profs souvent racistes, attachement aux avan- tages personnels (les bonnes classes, les heures sup), aux inté- rêts propres au détriment de l’inté- rêt de tous (des collègues mais sur- tout des élèves). J’ai toujours combattu cette vision corporatiste et égoïste et j’ai toujours refusé, en tant que S1, de faire liste commune avec ces gens aux élections du conseil d’administration. Quel que soit le ministre en place, les profs de droite restent des profs de droite, les profs réactionnaires restent des profs réactionnaires dont je conti- nue à combattre les idées et les

comportements. Que Claude Allègre tienne des propos maladroits et par- fois calomniateurs contre les en- seignants, je l’ai publiquement dé- noncé moi-même dans la presse, dès la rentrée 97, mais qu’au nom des erreurs du ministre et de sa maladresse, on signe des accords contre nature me paraît extrême- ment grave car on laisse croire qu’idéologiquement les profs sont tous sur les mêmes positions, on sè- me la confusion en donnant l’im- pression que de droite ou de gauche, ils ont tous le même dis- cours sur l’école. Je revendique un discours et une pratique de gauche au sein de l’école qui consiste à valoriser et aider tous les enfants quel que soit leur milieu d’origine, à refuser les filières d’élite qui péren- nisent les classes sociales et ex- cluent toujours ceux qui n’ont pas eu la chance de naître dans milieu fa- vorisé.

Quant aux heures sup., je croyais qu’au S.n.e.s. nous étions d’accord pour les refuser afin que soient créés des postes pour permettre aux jeunes de pouvoir entrer dans l’Education nationale. J’apprends avec horreur qu’il n’en est rien. Le S.n.e.s. se bat pour le maintien des heures sup. à taux plein afin que les profs des classes préparatoires puis- sent continuer à doubler leur salai- re en fin de mois. Je n’ai rien à voir avec cette caste de gens qui en- seignent dans les prépas : je ne fais pas le même métier qu’eux.

Dans ma classe de Sixième, j’ac- cueille tous les enfants, ceux qui ont des difficultés, ceux qui sont agités, ceux qui ne savent pas lire.

Qu’y a-t-il de commun entre ces gens privilégiés qui ne rencontrent que des élèves triés et retriés au cours de leur parcours scolaire et moi, petite prof de base, qui me bat au quotidien pour essayer de donner une culture commune à des enfants différents, creuset indis- pensable pour le maintien de la dé- mocratie ? J’ai toujours été, d’autre part, pour le partage du travail et des richesses. C’est ce qui m’a fait choi- sir de travailler à temps partiel : de ce fait on ne m’a jamais imposé d’heures sup. Jamais de ma vie je ne me battrai pour le maintien des heures sup. et pour leur rémunéra- tion à taux plein et je trouve scan- daleux que Claude Allègre soit re- venu là-dessus.

Vous comprendrez que je n’ai plus

grand chose à faire avec vous. Je le

regrette car je me suis toujours syn-

(6)

diquée au S.n.e.s. depuis le début de ma carrière. Mais lorsque les di- vergences sont trop grandes, il faut savoir faire des choix. […]

QUELQUES RÉFLEXIONS PERSONNELLES

POUR FAIRE AVANCER LE DÉBAT SUR L’ÉCOLE DU XXI

E

SIÈCLE

• On ne fera rien dans l’école sans l’adhésion des enseignants : il est nécessaire de reconnaître leurs ef- forts, de valoriser leur mission. Il faut éviter de les culpabiliser et de les rendre responsables de tous nos malheurs.

On demande tout aux professeurs : transmettre un savoir, être un édu- cateur, une assistante sociale, un animateur culturel. On leur demande de résoudre le chômage dont ils se- raient en partie responsables (trop de jeunes sortent de l’école sans qualification). On oublie simplement que ce sont les chefs d’entreprises qui licencient et que l’école n’est pas responsable de la récession éco- nomique.

• Attention aux discours simplistes et démagogiques qui démobilisent les enseignants et les découragent

« Il y a les bons profs qui réussissent et les mauvais qui échouent »… « Ça ne coûte pas plus cher d’apprendre à lire aux enfants que de ne rien leur apprendre »…

La vision manichéenne des bons et des mauvais paraît un peu dépas- sée : qui juge des bons et des mauvais ?

Les professeurs sont des individus qui doivent faire face chaque jour à des situations particulières : qu’y a-t-il de comparable entre les profs d’un collège en Z.e.p. à Mantes-la-Jo- lie qui affrontent quotidiennement la violence, l’indiscipline et les profs de Terminale C du lycée Louis-Le- Grand ? Les quels sont les bons profs ? Ceux qui ont 90 % de réus- site au bac avec des élèves triés ? On ne peut comparer que des si- tuations comparables. Or, actuelle- ment, certains établissements pri- vilégiés sont à des années lumière de la réalité.

L’école amplifie les problèmes so- ciaux, affectifs, économiques qui

secouent notre société. Face à ces problèmes, les enseignants sont démunis car ils doivent accomplir des tâches auxquelles ils n’étaient pas préparés. […]

• Le collège est le maillon faible du système scolaire et ce pour plu- sieurs raisons :

– il accueille tous les élèves à l’issue de l’école primaire, quel que soit le niveau acquis : on entre en Sixième au bénéfice de l’âge même si on ne maîtrise pas les mécanismes de base ;

– il doit essayer de résoudre les problèmes qui ne l’ont pas été à l’école primaire (apprentissage de la lecture et de l’écriture) ;

– il doit aider les élèves à faire un choix d’orientation.

Mais le choix est très limité car les possibilités d’aller vers un ensei- gnement technologique sont ré- duites : pas de place en lycée professionnel ni en Quatrième technologique, peu de C.a.p., sup- pression des Quatrièmes C.p.p.n. ; – il doit assurer la réussite de tous, pari insensé avec les moyens qui sont les siens.

• Il faut avoir présent à l’esprit que les enfants arrivent tous les jours à l’école avec leur cartable et leurs problèmes : chômage des parents, difficultés financières, affectives, ca- rences culturelles. Or, pour réussir à l’école, il faut beaucoup d’énergie.

L’énergie que les enfants mettent à essayer de résoudre leurs pro- blèmes, ils ne la mettent pas dans le travail scolaire. Le profil des élèves qui réussissent est à peu près toujours le même : milieu culturel plutôt privilégié, environne- ment affectif stable, absence de problèmes financiers.

• Les difficultés du collège se trou- vent accrues par la hantise du chô- mage :

– les jeunes qui vont vers des qua- lifications courtes ne trouvent pas d’emploi : avec les désillusions, bon- jour la délinquance !

– d’autres, par contre, veulent rester le plus longtemps possible dans la structure scolaire, non par mobili- sation ou par goût de l’école, mais

pour essayer d’échapper au chô- mage ;

– cette peur du chômage et de la précarisation fait peser une sorte de découragement : « ça ne sert à rien, de toute façon on sera chô- meur ».

Si rien n’est fait hors de l’école, il est vain d’attendre des miracles : peut- être faut-il valoriser les métiers les moins qualifiés, réhabiliter les mé- tiers de proximité (concierge d’im- meuble par exemple). Les emplois- jeunes qui visent la création de nouveaux métiers sont une bouffée d’oxygène. Mais que deviendront tous ces jeunes dans cinq ans ?

• Il serait démagogique de faire croi- re que l’on peut améliorer l’école, fa- voriser la réussite de tous avec des moyens constents. Un certain nombre de mesures s’imposent et elles ont un coût. Il est peut-être temps qu’il y ait un vrai débat dans ce pays sur l’école, sur son devenir, sur ce qu’elle coûte, sur les moyens qu’elle nécessite. C’est un choix de société qui ne peut cadrer avec le li- béralisme économique, avec les cri- tères de Maastricht, avec la réduc- tion de la dette publique. Quelle école veut-on pour nos enfants et quels moyens sommes-nous prêts à y mettre ? Voilà les questions sur lesquelles nous devions réfléchir.

[…]

S1 du lycée d’Abbeville

Motion

Les membres du S1 du lycée d’Ab- beville, toutes tendances confon- dues, ont résolu de voter et d’ap- peler à voter contre le rapport d’activité présenté par la direction du S.n.e.s. Il ne s’agit nullement de nier la réalité du travail qui a pu être accompli par elle depuis le dernier congrès. Mais deux éléments ren- dent impossible pour nous tout vo- te favorable. Le premier est l’annu- lation de la grève du 10 septembre.

Nous avions déjà, à cette époque, fait savoir notre désaccord avec cet- te reculade. Force est de constater que la suite des événements nous a donné raison. S’en est suivi une

forte crise de confiance vis-à-vis du S.n.e.s. chez les collègues, ces der- niers lui reprochant d’être tombé, avec plus ou moins de complaisan- ce, dans le piège tendu par Allègre.

La lecture des U.s. publiées après ce malheureux événement n’a pu que confirmer ce sentiment : on nous y expliquait en effet à longueur de co- lonnes que le ministère ne tenait aucun de ses engagements, ou les tenait a minima, aveu à peine dé- guisé que la direction du S.n.e.s.

avait été dupée.

Le second porte sur la manière dont a été gérée par la direction la der- nière mouture de la réforme des ly- cées. Le fait que les militants ne soient consultés qu’après coup, se- lon une procédure extrêmement nor- mative, alors que toute la presse s’était fait l’écho durant les va- cances de Noël, de la « réconciliation soigneusement préparée » (Le Mon- de) entre Monique Vuaillat et Clau- de Allègre, constitue un véritable déni de démocratie syndicale. Les militants se sont à nouveau trou- vés en position d’avoir à gérer sur le terrain le mécontentement des col- lègues, dont beaucoup n’hésitaient pas à parler de « trahison ».

Il est clair que, dans cette affaire, la

direction du S.n.e.s. a largement

sous-estimé le discrédit du ministre

dans la profession. Les enseignants,

et plus largement les personnels

de l’éducation, la recherche et la

culture, en font désormais une af-

faire personnelle : on ne négocie

pas avec un ministre qui, depuis

deux ans, nous insulte, nous ca-

lomnie, dresse l’opinion publique

contre nous, fragilise la position de

ceux d’entre nous qui sont confron-

tés aux élèves les plus difficiles,

jusqu’à porter une lourde respon-

sabilité morale dans toutes les ré-

centes affaires de violences phy-

siques contre des enseignants. On

ne négocie pas davantage avec un

ministre qui porte de telles attaques

contre notre statut, réduit nos va-

cances, baisse (pour la première

fois depuis Laval) nos salaires, et,

d’une façon générale, s’en prend

aux fondements mêmes du service

(7)

public d’éducation. Pas plus qu’on ne négocie, lorsqu’on est respon- sable du S.n.e.s., avec un ministre qui calomnie spécifiquement le S.n.e.s. (syndicat « archaïque », com- posé de gens « pressés de rentrer chez eux », etc.), voire la personne même de Monique Vuaillat. Le préa- lable absolu à toute discussion était donc la démission d’Allègre. C’est le vœu le plus cher d’une écrasante majorité de collègues. Un tel mot d’ordre aurait reçu, jusque dans la grève, un écho considérable dans la profession, et aurait pu constituer une plate-forme sérieuse pour faire l’unité avec les autres organisations syndicales.

Cette occasion n’ayant pas été sai- sie, le rapprochement S.n.e.s.- Allègre devenait nécessairement, à l’approche des élections euro- péennes très suspect. L’argument des « avancées » supposément contenues dans la dernière version du projet de réforme, en la circons- tance, ne résiste guère, dans la me- sure où nombreux sont ceux qui échaudés, s’attendent à un nou- veau piège. De plus, la tonalité ex- trêmement positive de l’accueil ré- servé par l’U.s. 482 au projet semblait signifier qu’au-delà des dé- clarations d’intentions, les dossiers en souffrance (heures sup., mouve- ment, remplacements, etc.) passe- raient tôt ou tard par pertes et pro- fits. Cela, les collègues ne peuvent l’accepter. Ils attendent au contrai- re que le S.n.e.s. impulse enfin la dy- namique nécessaire pour parvenir à la victoire sur tous ces fronts. C’est donc sur la base de l’ensemble de ces éléments que nous estimons nécessaire de voter contre le rapport d’activité, afin de ne pas laisser le S.n.e.s. s’enliser dans un statut de syndicat « institutionnel », plus pré- occupé de sa propre reconnaissan- ce par le ministère que de la dé- fense véritable des personnels.

Jean de Rohan-Chabot, Massy

Assez de démagogie

(Extraits)

[…] Ayant exercé les responsabilités de S1, j’ai eu, à plusieurs reprises, l’occasion d’exprimer mes diver- gences d’analyses. […]

Mais force m’est faite de constater que les plus graves erreurs que je pointais du doigt n’ont pas été re- dressées, au contraire. C’est la rai- son pour laquelle je me suis mis

en congé de l’organisation.

Cependant, le S.n.e.s. reste l’orga- nisation la plus représentative de la profession, même si les erreurs commises et le recul brutal de la syn- dicalisation indiquent que rien n’est acquis à moyen terme.

Aussi tiens-je une nouvelle fois à vous faire part de mes critiques dans un esprit constructif mais sans concession.

[…]

Le constat

Le n

o

485 de l’U.s. produit les ré- sultats du sondage réalisé au sein de la profession. Le constat d’en- semble paraît être le suivant, beau- coup moins lénifiant que ce que l’or- ganisation en retire :

– les enseignants sont profondé- ment divisés, y compris les syndi- qués, quant aux conceptions de leur métier, quant à la stratégie syndi- cale, quant aux rapports avec la so- ciété, etc. ;

– d’une manière générale, le constat de la dégradation continue de la si- tuation dressée par P.r.s.i. (ten- dance à laquelle je n’ai jamais ap- partenu, pas plus qu’à une autre d’ailleurs), est indiscutable.

[…] La syndicalisation est en recul au niveau national, comme au ni- veau local.

[…]

Les causes

Il serait vain en quelques lignes, de prétendre toutes les énumérer. Aus- si faut-il se limiter aux causes es- sentielles, en mettant l’accent sur ce qui relève de la responsabilité propre de l’organisation.

Et pour cela, il faut les replacer dans leur contexte global qui est celui d’attaques de plus en plus violentes et précises contre le service public, par les représentants des classes dominantes qu’ils soient de

« gauche » ou de « droite » ! Le pour- quoi de ces attaques, essentiel, ne nous retiendra guère ici, car non in- dispensable à la compréhension de l’action syndicale :

– Allègre n’était pas un inconnu pour le S.n.e.s. Mais l’organisation partait avec un préjugé favorable, puis- qu’elle tenait pour acquise, contre les faits qu’elle développait par ai- leurs dans l’U.s., la « revalorisation » de 1989. Or, celle-ci n’était qu’un rat- trapage incomplet de nos rémuné- rations, mises à mal par la sup- pression de l’échelle mobile des salaires décidée par Pierre Mauroy (un ministre de « gauche » n’est-ce pas ?).

Aussi la violence des attaques, et de

la démagogie de style lepéniste, de Claude Allègre en a-t-elle surpris plus d’un dans nos rangs.

D’autre part, le ministère a eu l’in- telligence d’attaquer au défaut de la cuirasse, à savoir sur les questions pédagogiques que l’organisation aborde en l’absence de toute ana- lyse sociologique. Ce qui la pousse en permanence à confondre deux choses :

– la démocratisation de l’enseigne- ment, entendue au sens de promo- tion et de réussite pour tous, et qui, à supposer qu’elle soit réalisable sur le « marché du travail » est ab- solument impossible à réaliser par l’école, surtout lorsqu’il y a trois millions de chômeurs. On ne peut alors aboutir qu’à la destruction de la valeur des diplômes par « effet d’encombrement ». Mais on permet, au passage, au pouvoir de dénoncer les « dysfonctionnements de l’Edu- cation nationale ».

– Une éducation démocratique en termes de contenus de programme, c’est-à-dire présentant des connais- sances objectives en recourant le moins possible à l’interprétation subjective. D’où l’importance de la structuration par disciplines stricte- ments séparées, et enseignées par des spécialistes de la matière, si l’on veut éviter le développement du « sens commun », c’est-à-dire de l’idéologie.

C’est aussi une instruction ouverte à tous, sans aucune barrière tenant aux ressources financières, ce qui peut effectivement supposer des moyens un peu plus importants dans les « quartiers difficiles ». Mais ici at- tention ! Car on a tôt fait, sous ce prétexte, d’en rabattre sur les exi- gences en termes de contenus d’une part, et d’autre part, de per- mettre les attaques contre les sta- tuts par la différenciation des postes. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit, sans permettre la moindre amélioration sur le terrain, au contrai- re. Le moyen le plus efficace reste toujours la sectorisation, décidée au niveau central, et favorisant la « mixité sociale ». Curieusement, il y a belle lurette que cette exigence n’est plus un thème central de l’or- ganisation, sur les questions péda- gogiques. Pourtant, certaines expé- riences menées par exemple dans le XX

e

arrondissement de la capitale ont été un succès de ce point de vue.

Surtout, il faut défendre la gratuité des manuels, des cantines sco- laires, des sorties, qu’il faut s’abs-

tenir de multiplier parce qu’elles pri- vent les enfants des milieux défa- vorisés de ce dont ils ont le plus be- soin, l’accès au savoir livresque, n’en déplaise au sots partisans de l’« ouverture de l’école sur la vie ».

Comme si le savoir n’était pas la meilleure arme pour l’existence ! Le but ici est-il de se faire plaisir, de fai- re plaisir, ou de travailler ? Assez de démagogie !

Le S.n.e.s. a enfourché le cheval de bataille de la réforme, et a prétendu s’ériger en organisme central de la re- définition des tâches et des services des enseignants, sous le fallacieux prétexte des « nécessaires évolu- tions du métier ». C’est-à-dire qu’on s’est appuyé sur la réforme pour justifier… la réforme ! Décidément, Allègre aurait été bien bête de ne pas s’appuyer sur de telles incohé- rences. L’organisation se révèle d’ailleurs absolument incapable de contester le principe même de la né- cessité de cette nouvelle réforme des lycées. Qui ne fait que précéder celle déjà annoncée des collèges, et celle des universités et des grandes écoles, etc. Et, dans trois ans, le tour du lycée reviendra !

Remèdes

Un virage à 180

o

est impossible pour un paquebot comme pour une organisation syndicale. C’est pour- tant ce qui serait nécessaire. Mais je ne caresse plus aucune illusion sur le court terme à ce propos. Peut- être même la gangrène psychopé- dagogique s’est-elle insinuée trop profondément à la tête de l’organi- sation pour opérer un renversement significatif. […]

O. Pottier,

prof. d’histoire-géographie, Troyes

Quelques remarques sur la situation actuelle

Il n’est pas dans mon intention de me livrer ici à un quelconque réqui- sitoire contre la direction du S.n.e.s.

Je mesure toute la difficulté qu’il y a à conduire la barque du syndicalis- me enseignant, avec des troupes pas toujours très mobilisées – et parfois bien individualistes – face à un ministre retors et avec une pres- se la plupart du temps hostile (les ar- ticles récents du Monde nous ont ainsi montré tout le mal que ce quo- tidien pouvait penser de nous).

Pourtant, je dois dire que je ne me

(8)

sens plus en phase avec notre stra- tégie depuis la rentrée 1998.

Tout d’abord, il y a le choc du report de la grève du 10 septembre. Cette grève, nous étions un certain nombre à l’avoir bien préparée, dès le mois de juin, au moment des pots de fin d’année notamment. Selon moi, beaucoup de gens attendaient cette grève (même s’il serait présomp- tueux de ma part d’affirmer qu’elle aurait été réussie). Je comprends les raisons qui ont poussé au re- port de cette grève (nécessité de montrer que nous voulions participer à la négociation, idée de ne pas ap- paraître à l’opinion comme des per- turbateurs) mais celle-ci était né- cessaire : les décisions de l’année 97-98 (suppression des M.a.f.p.e.n.

et anéantissement de la formation continue, instauration « au forceps » du mouvement déconcentré, provo- cation insultante de la consultation Meirieu, réduction du taux de rému- nération des H.s.a., sans parler des insultes et du poujadisme d’Allègre) méritaient bien une action forte. Pour demander quoi, me direz-vous ? Mais peut-être tout simplement pour dire que nous ne voulons pas de cette po- litique démagogique qui, sous cou- vert de mettre l’élève au centre du système éducatif, vise surtout à ap- pliquer les critères de convergence de Maastricht, à précariser la fonc- tion publique (C.e.s., emplois-jeunes, contractuels, recrutement de locu- teurs natifs maintenant) et à démo- lir le statut des enseignants, dans le but de « flexibiliser » le système.

Il a ensuite été difficile de mobili- ser les collègues sur les grèves F.s.u. du 18 septembre et sur celle du S.n.e.s., fin septembre. Il me pa- raît évident que le report de la grève du 10 nous a coûté – et nous coû- tera – des adhérents et des sympa- thisants.

Ensuite, notre positionnement au moment des manifestations ly- céennes a été un peu confus, no- tamment l’appel à soutenir les ly- céens lors de leur dernière journée d’action avant les vacances de la Toussaint, le mardi 20 octobre. Dans notre lycée, nous nous sommes mis en grève, pour la troisième fois de

l’année, avec un taux de plus de 40 % parce que nous considérions les revendications lycéennes comme dignes de notre soutien. Il nous a pa- ru évident, à l’époque, que la ten- tative de récupération du mouve- ment par Allègre et les officines lycéennes du P.s. ne prenaient pas.

Je sais bien que toutes les revendi- cations des lycéens n’étaient pas exactement les mêmes que les nôtres, que la démagogie de la consultation Meirieu de 1998 y avait semé des idées contestables. Mais les jeunes ont fait preuve, selon moi, de beaucoup de lucidité… peut- être davantage que nous-mêmes.

Avons-nous eu raison dans notre ly- cée de nous mettre en grève ? Pour moi, cela ne fait aucun doute mais j’ai conscience également qu’il n’en aurait pas été de même partout.

Enfin, il y a la discussion, depuis décembre, sur la réforme des ly- cées. Pour ma part, le principe d’une discussion avec le ministère, mê- me si c’est avec un ministre aussi désagréable qu’Allègre, ne me choque pas […] Ceci étant, la mé- diatisation des discussions entre le S.n.e.s. et le M.e.n. – et notam- ment l’article du Journal du Di- manche – n’ont rien arrangé : l’opi- nion ayant eu l’impression qu’un

« accord » avait été passé entre le S.n.e.s. et le M.e.n. Nous savons qu’il n’en est rien. Je pense, comme vous, que le syndicalisme ne peut se résumer à l’opposition systématique.

Il faut aussi être une force de pro- position et de négociation, de fa- çon à ce que les propositions abou- tissent. Mais, concernant la réforme des lycées, que sommes-nous en train de négocier ? Les lycées fonc- tionnaient-ils si mal qu’il faille en- treprendre une réforme de plus ? Il y a un an et demi, personne n’aurait imaginé que le maillon le plus faible du système éducatif était le second cycle de l’enseignement secondaire.

Certes, beaucoup d’entre nous ré- clamaient des modifications, no- tamment dans les programmes, mais il n’y avait rien de si urgent. La réforme des lycées, ce n’est pas nous qui l’avons demandée, c’est Al- lègre qui l’impose et qui nous attire

sur son terrain. Pour nous, les col- lèges, par exemple, sont un sujet beaucoup plus sensible, où il y a beaucoup à faire, où la dérégle- mentation est à son comble et où nous perdons des adhérents, surtout en milieu rural.

Quelle est la stratégie d’Allègre ? A mon avis, cette réforme des lycées, il s’y intéresse moins qu’il le dit. Il a agité en 1998 le chiffon rouge du colloque de Givors et des proposi- tions Meirieu : la démagogie et la provocation étaient si poussées que ce qu’il nous propose aujourd’hui paraîtrait presque miraculeux. Qu’on ne s’y trompe pas : ce que veut Al- lègre, c’est casser le statut des en- seignants. C’est d’ailleurs ce que souhaite l’administration du M.e.n.

à tous les niveaux depuis longtemps.

Il veut boucler la réforme des lycées pour y installer la nécessaire concer- tation, la meilleure prise en compte de l’individualité des élèves, la né- cessité de travailler autrement.

Après, il utilisera la commission Ban- cel pour casser notre statut : si nous acceptons la réforme des ly- cées sans savoir ce que mijote Al- lègre dans le domaine du statut, nous nous ferons « plumer ». Qui pourrait justifier alors que nous ac- ceptions le projet de réforme des ly- cées et que nous refusions le nou- veau statut des profs ? L’opinion, très hostile, nous enfoncerait un peu plus et les collègues ne nous suivraient pas. Pour moi, il ne faut rien accepter pour l’instant. Nous n’avons pas de cadeau à faire à Al- lègre, ni à un gouvernement – fût-il de majorité plurielle – qui ne nous manifeste pas beaucoup de consi- dération. Il ne faudrait tout de même pas oublier que si un ministre de droite avait dit et fait ce qu’Allègre a dit et fait, il y a longtemps que celui- ci aurait dû démissionner devant le désordre qu’il aurait provoqué. […]

Alain Duchamp, professeur de français

au lycée M.-Sembat de Vénissieux

T.p.e.

Dans l’U.s. en date du 24 décembre (donc juste avant de mettre mes

souliers devant le sapin), Monique Vuaillat a signalé que « c’est à moi de juger » selon le titre de son édi- torial.

Un mois plus tard, ayant trouvé dans les mêmes souliers la réforme du Père Noël Allègre, je m’étonne que le syndicat dont je suis membre (de- puis 1975) ait cru bon de remplir la hotte dudit Père Noël.

Je m’explique. Je remercie très vi- vement le S.n.e.s. d’avoir contribué à ladite réforme sous la forme des T.p.e. (Travail en Plus pour les En- seignants, oh ! pardon ! Travaux per- sonnels encadrés) […] Nous avions déjà Ph. Meirieu qui fait de la pé- dagogie en bureau, mais ce dernier n’a jamais été à ma connaissance membre du S4 du S.n.e.s... mais il est vrai que le S.n.e.s. est aussi un « syndicat de proposition ». Soit, pourquoi pas ? mais je ne m’atten- dais pas à ce genre de proposition : je constate aisément qu’il faut désormais se méfier même de son syndicat.

Pour être plus précis dans mes

« remerciements », j’ajouterai qu’entre leur caractère flou et plus qu’ambitieux, quand on connait sur le terrain les capacités de la plu- part de non élèves, ces fameux T.p.e., s’ils sont faits sérieusement, vont demander à nos collègues un surcroît de travail très largement su- périeur à ce qui est prévu alors que, comme le dit D. P., défendant le T.p.e. dans l’U.s. « le suivi du T.p.e.

compte comme 1 heure d’ensei- gnement » (merci pour la précision !) J’appuie aussi beaucoup la synthè- se faite dans la même U.s. de l’opi- nion des collègues à ce propos « pas d’hostilité de principe, souvent ex- pression d’un intérêt mais aussi…

méfiance ». Participant à des ré- unions de profs de français à l’ini- tative du S.n.e.s. sur Lyon, j’ai tou- jours entendu les collègues exprimer les plus vives réserves à ce sujet.

Enfin, on pourrait souhaiter que la di- rection syndicale si prompte à consulter la base pour le moindre mode d’action, manifeste le même souci de démocratie lorsqu’il s’agit

« d’innovations pédagogiques » qui

constituent une importante sur-

(9)

charge de travail. En espérant que la préparation du T.p.e. l’an prochain ne me fasse pas oublier de remplir ma fiche d’adhésion au S.n.e.s. […].

Francis Duponchelle, prof S.v.t.

lycée A.-Briand, Gap

Chef d’équipe ?

Puisque nous sommes en plein dé- bat sur la réforme des lycées, je voudrais apporter ma petite pièce à l’édifice, surtout après avoir eu la chance cet après-midi à Gap de pou- voir écouter notre secrétaire géné- rale, Monique Vuaillat. Elle nous a exposé les grands axes souhaitables d’une réforme générale qui com- mence dès la maternelle. Plusieurs fois, l’importance d’un travail en équipe, avec la collaboration de toutes les catégories de personnel de la communauté scolaire, a été, à juste titre, évoqué comme une né- cessité. Cependant, et c’est ici que je souhaite apporter une sugges- tion, le personnel de direction ne semble pas « compris » dans cette discussion.

Peut-on raisonnablement envisager une réforme sérieuse en gardant des chefs d’établissement « à la solde » des recteurs, qui ne pen- sent qu’à leurs ambitions ou à jouer au chef, distribuant les bons ou mauvais points aux enseignants qu’ils « dirigent » comme des élèves ? Même le S.n.p.d.e.s. est

« frileux » : il y a tellement d’avan- tages à rester dans le rang ! Aussi, je pense que s’il reste né- cessaire que des postes pointus de

« techniciens » soient occupés par des personnels non enseignants à l’origine (intendance, informatique par exemple) il me paraît indispen- sable que les établissements de demain aient à leur tête pour l’ex- térieur seulement (monde non en- seignant) un dirigeant. Ce dirigeant serait alors une sorte de chef d’équi- pe (par exemple nommé démocrati- quement parmi les enseignants et volontaire) sans être « déconnecté » de l’enseignement ni servir de

« chambre d’enregistrement » de la part de sa hiérarchie. Cela suppose bien sûr une plus grande autono- mie au sein de chaque établisse- ment, mais après tout n’est-elle pas quelque part souhaitable ? Qu’en pense le S.n.e.s. ? Peut-être a-t-il déjà pensé à ce problème ? Peut-être y-a-t-il des projets relatifs à cela ?

Nous publions le courrier argumenté que nous a adressé l’A.p.s.e.s. (Association des professeurs de S.e.s.) comme une invitation à la réflexion de tous

S.e.s.

L’A.p.s.e.s. s’étonne que la réflexion en termes de savoirs à enseigner au lycée ait disparu derrières des pré- occupations purement gestionnaires et des activités de lobbying. La ré- férence incantatoire à « l’allègement des programmes » tient lieu de pen- sée sur les contenus.

Nous constatons l’absence des sciences économiques et sociales dans le tronc commun de la classe de Seconde. Une question essen- tielle a disparu : qu’est ce qui par- ticipe de la formation de base d’un élève de Seconde ?

Notre divergence n’est pas au ni- veau de la ou des réponses pos- sibles (c’est l’objet d’un débat dé- mocratique). Non, notre divergence tient tout entière dans le fait que per- sonne ne pose la question.

Notre réponse est d’inclure les S.e.s.

dans le tronc commun, on pourra la juger corporatiste parce qu’elle est portée par une corporation, mais est-ce raison pour rejeter la question universelle que nous posons ? A savoir que l’enseignement de ce qu’est une entreprise, de l’organi- sation du travail et des relations so- ciales, de ce qu’est un salaire, un minimum social, la protection so- ciale, un chômeur, un non- salarié, de comment la famille se forme et se déforme, l’analyse de la consom- mation marchande qui constitue l’environnement de tous les jours d’un lycéen, sans oublier le rôle du syndicalisme, des pouvoirs publics…

doivent-il faire partie d’un ensei- gnement obligatoire en Seconde ? Les consultations montrent que ce- la correspond à une demande des élèves. On peut très bien répondre négativement, mais cette déclara- tion doit apparaître pour ce qu’elle est : un choix politique qui, comme tous les choix politiques, devrait être précédé par un débat démo- cratique. Or, nous avons le choix politique, mais sans le débat ! En réalité, comme les questions évoquées précédemment sont tout de même incontournables dans la société d’aujourd’hui, on nous sert une solution de remplacement (l’édu- cation civique), qui n’est pas ensei- gnée en Seconde par les profes- seurs de S.e.s., et qui sacrifie pour le moins à l’éparpillement que vous

dénoncez. On a donc l’éparpille- ment, mais sans les S.e.s. ! Constatant cette situation, 80 % des professeurs consultés par l’A.p.s.e.s. font une déclaration très réaliste, c’est-à-dire très politique : puisque personne ne veut discuter du contenu de la formation de base d’un élève de Seconde, nous, en- seignants de S.e.s. déclarons uni- latéralement, revendiquer la néces- saire présence des sciences sociales dans cette formation : à vous, c’est-à-dire à tous ceux qui refusent d’en discuter, de démontrer que cet enseignement ne doit pas être obligatoire en Seconde. La char- ge de la preuve est renversée : on entre alors dans un débat contra- dictoire, c’est-à-dire dans la démo- cratie.

Un exemple parfaitement clair de ce refus de reconnaître l’existence de cette troisième culture se trouve dans la charte du lycée pour le XXI

e

siècle : l’enseignement d’environ- nement est conçu comme une ap- proche pluridisciplinaire de disci- plines scientifiques et de la géographie.

L’actualité montre pourtant qu’une approche philosophique, politique, sociale et économique de ces ques- tions, est incontournable. On pré- tend bâtir le lycée du XXI

e

siècle, mais à l’écart de la réalité sociale.

Vous défendez l’idée d’une Seconde marquée par une « prédétermina- tion légère », et cette idée est tout à fait défendable.

Notre désaccord porte sur le fait que la grille ministérielle induit une prédétermination lourde vers la sé- rie S et donc une orientation néga- tive, par défaut, vers toutes les autres séries.

En effet, elle présente un tronc com- mun large incluant toutes les disci- plines qui constituent l’armature de la série S, de sorte que le choix des options est complètement indiffé- rent pour s’orienter en S, alors qu’il est capital pour toutes les autres séries.

En fait, le choix des options permet à un élève qui s’oriente en S d’es- sayer de se trouver dans la « bonne classe » de Seconde du lycée, alors que pour ses collègues, le choix des options a une tout autre finalité : il es- saie de ne pas être piégé par un choix malheureux ou par la politique d’offre de l’établissement (ce qui va arriver de plus en plus avec la dé- concentration et les politiques de bassin). Comme les premiers ont en général, par héritage culturel, plus

d’informations que les seconds sur le système éducatif, le plat de la sé- lection sociale est servi au complet.

Comment peut-on défendre un sys- tème qui consacre autant les inéga- lités, qui fait de la S la voie royale et génère inévitablement une image dé- valorisée des autres séries ? D’autre part, le statut optionnel est extrêmement précaire dans la conjoncture actuelle.

Les D.h.g. sont en réduction, la ges- tion des établissements sera de plus en plus déconcentrée, on va vers des politiques d’offre au niveau des bassins d’établissements. Nous sommes donc très inquiets sur l’ave- nir de l’option S.e.s. et de la série E.s.

La série E.s., comme la série L, est moins bien dotée en moyens que la voie royale.

Les dédoublements dans ces sé- ries représentent moins de la moitié de ceux de la série S. Par ailleurs, les horaires dans cette série sont plus élevés.

Notre question est donc simple : pourquoi faire jouer la discrimina- tion positive en faveur d’élèves dont toutes les enquêtes sociologiques montrent qu’ils sont les mieux dotés en capital culturel et social ? Com- ment peut-on justifier ces inégali- tés flagrantes ?

La série E.s. serait déstabilisée par la réduction d’un enseignement de langues qui constitue une des trois spécialisations de cette série. Nous ne sommes pas par principe contre un « enseignement scientifique » en série E.s. Nous remarquons simple- ment qu’on ne pose pas la question d’un enseignement de sciences so- ciales dans les séries littéraire et scientifique, mais la question appa- remment n’a pas l’air d’être légitime.

Preuve supplémentaire de la négation de la troisième culture.

Cependant, dans un contexte de ré- duction de l’horaire, introduire un en- seignement nouveau, qui n’est de- mandé ni par les élèves, ni par les enseignants, ne peut se faire que contre les intérêts des élèves qui ont besoin d’approfondir les ensei- gnements de la voie qu’ils ont choi- sie. Certains élèves souhaiteraient pouvoir suivre une option facultative de biologie en correspondance avec des projets post-bac, mais est-il né- cessaire d’avoir un enseignement obligatoire ?

Enfin, la charte (première version) re-

vendique clairement une modification

des orientations, puisqu’elle décla-

re à propos de la série S : « les

besoins du pays en scientifiques

(10)

s’accroissent sans cesse et il faut attirer plus de lycéens vers cette filière ».

Vous conviendrez que cette phrase, qui sous-tend pourtant bien des évo- lutions dans cette réforme, est un pur sophisme, qui ne passerait pas la rampe d’un examen rigoureux en sciences sociales.

De nombreuses disciplines pour- raient tenir le même discours de fa- çon tout aussi justifiée : le « pays » a tout autant « besoin » de tra- vailleurs sociaux, de juristes, de comptables, de professionnels du sport, de métiers relationnels, voire de philosophes et de vendeurs, cu- rieusement associés par le ministre dans sa déclaration au Sénat (juillet 98) pour les opposer aux « vrais be- soins » de « scientifiques ».

Dans la Lettre de l’éducation du 19 octobre 1998, Jean-Pierre Borel, pré- sident de la conférence des doyens d’U.f.r. scientifiques, conteste les déclarations du ministre sur la désaf- fection des étudiants à l’égard des D.e.u.g. scientifiques. Selon lui, à la rentrée 98, les inscriptions des nou- veaux bacheliers dans ces D.e.u.g.

sont parfaitement stables par rap- port à l’année précédente.

Nous n’avons entendu personne ré- clamer une augmentation des ef- fectifs en série E.s. parce que les inscriptions diminuaient en fac de sciences éco. Il est vrai qu’il serait surprenant d’entendre notre ministre déclarer que « le pays manque d’éco- nomistes ».

En d’autres termes, nous prenons très au sérieux les déclarations en- tendues au ministère attribuant les

« problèmes » des séries S et L au

« succès » de la série E.s. Nous n’y entendons aucun discours positif sur cette série.

Cela signifie que la série E.s. conti- nue et continuera à être la cible d’attaques qui, pour être moins voyantes que celles de l’année pas- sée, n’en sont pas moins toujours en œuvre.

Or, le silence de l’U.s. de ces der- nières semaines sur la série E.s.

et les S.e.s. nous inquiète.

Richard Ghis, Jean-Pierre Laugier

Auxiliariat

Malgré la garantie de réemploi, le problème de l’auxiliariat demeure entier, pis il se développe en se di- versifiant.

Le réemploi est chèrement payé au regard des conditions d’affectation et de vie imposées aux M.a., sur- veillance, remplacements sur tou- te l’académie et/ou hors discipline sous peine de licenciement.

L’auxiliariat se renouvelle et se ca- tégorise. Depuis deux ans, c’est plus de 6 000 nouveaux non-titu- laires M.a. non- ayants droit au ré- emploi, contractuels, vacataires qui ont été recrutés.

Tous ces éléments devraient nous conforter dans nos demandes afin de :

• arrêter le recrutement de nou- veaux précaires ;

• garantir l’emploi pour tous les non-titulaires sur des postes d’en- seignement.

Les chances de devenir titulaire s’amenuisent. Le nombre des titu- larisations et les possibilités of- fertes baissent depuis deux ans. Il faut examiner avec attention la pla- te-forme votée au congrès de Nice à la lumière de ces éléments et en in- tégrant la disparition du concours spécifique et l’existence du réservé pour seulement une session (ses- sion 2000).

Il paraît difficile de demander la ré- ouverture du concours spécifique, devenu de plus en plus sélectif mais qui permettait à certains « exclus » de la loi Perben (M.a. au chômage au mauvais moment…) d’avoir une

« chance » de plus de devenir titu- laire.

Le concours réservé issu de cette loi n’a plus qu’une seule session après le congrès de Lille et il faudrait un sacré changement pour que les 25 000 ayants droit, recensés par le ministère, sur la durée du plan soient titularisés. Rappelons que pour les 3 sessions (97, 98, 99) on aura au mieux 3 825 titularisations (2 149 en 97 ; 2 846 en 98 ; 3 300 possibilités en 99).

Tous ces éléments doivent être pris en compte dans les débats que nous devons mener collectivement sur la titularisation des non-titu- laires.

Dans la plate-forme que nous de- vons élaborer il paraît nécessaire de conserver le concours interne statutaire qui permet, en plus de la titularisation, la promotion interne de certains titulaires et l’accès au pro- fessorat de titulaires d’autres ad- ministrations.

En finir

avec la précarité

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