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ARTICLE ORIGINAL
Conséquences urologiques de la grossesse et de l’accouchement chez les patientes porteuses d’une vessie neurologique par anomalie congénitale médullaire
Pregnancy and delivery for women with congenital spinal cord defects and neurogenic bladder
Q. Manach
a,∗, M. Dommergues
b, P. Denys
c,
K. Loiseau
d, B. Idiard-Chamois
e, E. Chartier-Kastler
a, V. Phé
aaServiced’urologie,facultédemédecinePierre-et-Marie-Curie,Sorbonneuniversités, universitéParis6,hôpitaluniversitairePitié-Salpêtrière,Assistancepublique—Hôpitauxde Paris,47-83,boulevarddel’Hôpital,75651Pariscedex13,France
bServicedegynécologieobstétrique,facultédemédecinePierre-et-Marie-Curie,Sorbonne universités,universitéParis6,hôpitaluniversitairePitié-Salpêtrière,Assistance
publique—HôpitauxdeParis,47-83,boulevarddel’Hôpital,75651Pariscedex13,France
cServicedemédecinephysiqueetrééducation,universitédeSaint-Quentin-en-Yvelines, hôpitalRaymond-Poincaré,Assistancepublique—HôpitauxdeParis,104,boulevard Raymond-Poincaré,92380Garches,France
dServicedemédecinephysiqueetderéadaptation,facultédemédecine
Pierre-et-Marie-Curie,universitéParis6,hôpitaluniversitaireRothschild,Assistance publique—HôpitauxdeParis,5,rueSanterre,75012Paris,France
eServicedegynécologieobstétrique,hôpitalinstitutmutualisteMontsouris,42,boulevard Jourdan,75674Pariscedex14,France
Rec¸ule26d´ecembre2016 ;acceptéle25mai2017 DisponiblesurInternetle17juin2017
∗Auteurcorrespondant.
Adressese-mail:quentinmanach@hotmail.fr(Q.Manach),marc.dommergues@aphp.fr(M.Dommergues),
pierre.denys@rpc.aphp.fr(P.Denys),karine.loiseau@rth.aphp.fr(K.Loiseau),beatrice.idiard-chamois@imm.fr(B.Idiard-Chamois), emmanuel.chartier-kastler@psl.aphp.fr(E.Chartier-Kastler),veronique.phe@aphp.fr(V.Phé).
http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2017.05.007
1166-7087/©2017ElsevierMassonSAS.Tousdroitsr´eserv´es.
MOTSCLÉS Grossesse;
Anomaliecongénitale delamoelle; Myéloméningocèle; Vessieneurologique; Accouchement
Résumé
Introduction.—Peudedonnéesexistentconcernantleretentissementdelagrossesseetde l’accouchementsurl’équilibrevésico-sphinctérienchezlesfemmesayantunevessieneurolo- giqueparanomaliecongénitalemédullaire.
Objectif.—Décrirelesrésultatsdusuiviobstétricaleturologiquedespatientesayantunevessie neurologiquesecondaireàuneanomaliecongénitalemédullaire.
Méthode.—Une étude multicentrique rétrospective a inclus des patientes ayant une ano- maliecongénitale médullaire etayantaccouché entrejanvier 2005etdécembre 2014. Les caractéristiquesdelamaladieneurologiqueetneuro-urologique,lescomplicationspendantla grossesse,lesconséquencesobstétricalesetlesrésultatsnéonatauxainsiquelesmodifications dessymptômesurologiquesontétérapportés.
Résultats.—Seizefemmes, d’âgemédian29,4ans (IQR22—36), ayanteuautotal 20 gros- sesses et21naissances (15césariennes,5voiesbasses)ontétéincluses.Avantledébutde leurpremièregrossesse,12patientesréalisaientdesauto-sondages(75%).Desinfectionsuri- nairessymptomatiques, dont4pyélonéphrites aiguës,ontétérapportéeschez11 patientes enceintes.L’incontinenceurinaired’efforts’estaggravéepour4patientesavecunerésolution spontanée enpost-partum.Desauto-sondagesontété débutéspour3patientes etpoursui- visenpost-partum.Pour3grossesses, untraitementanticholinergiqueadûêtredébutéou augmenté pour uneincontinence urinairepar urgenturieaggravée, puismaintenu enpost- partum.Laduréemédianedegestationaétéde39,0SA(IQR37,8—39,5).Surles15césariennes réalisées,9étaientindiquéespourprévenirl’aggravationdessymptômesneuro-urologiques.
Aucunedégradationdelacontinenceurinairen’aétédécriteparmiles5patientesayanteuun accouchementparvoievaginale.
Conclusion.—Lagrossessedesfemmesayantunevessieneurologiquesecondaireàuneano- maliecongénitalemédullaire estpossibleavecdes résultatsobstétricaux satisfaisants,sous réservedelagestiond’unrisqueaccrud’infectionsurinaires,d’accouchementparcésarienne etparfoisdedégradationdelacontinenceurinaire.
Niveaudepreuve.— 5.
©2017ElsevierMassonSAS.Tousdroitsr´eserv´es.
KEYWORDS Pregnancy;
Congenitalspinal cordlesions;
Myelomeningocele;
Neurogenicbladder;
Delivery
Summary
Introduction.—Dataarescarceregardingpregnancyanddeliveryamongwomenwithaneuro- genicbladderduetocongenitalspinalcorddefects.
Objective.—Toreporttheobstetricalandurologicaloutcomesofwomenwithcongenitalspinal corddefectsandvesico-sphinctericdisorders.
Methods.—A retrospective multicentricstudy includedall consecutive womenwith a neu- rogenicbladderduetocongenital spinaldefects,who deliveredbetween January 2005and December 2014.The followingdata werecollected:demographics,neuro-urological disease characteristics, urologicalandobstetrical history, complicationsduringpregnancy,neonatal outcomes,andchangesinurologicalsymptoms.
Results.—Overall, sixteen women, medianage 29,4years old (IQR22—36), hadatotal of 20pregnanciesand21births(15caesareans,5vaginaldeliveries).Priortothebeginningoftheir firstpregnancy,12patientswereunderintermittentself-catheterization.Symptomaticurinary tractinfections duringpregnancy occurredin11 pregnancies, including4pyelonephritis.In 4women,stressurinaryincontinencehadworsenedbutrecoveredpost-partum.In3women, denovocleanintermittentcatheterizationbecamenecessaryandhadtobecontinuedpost- partum.During3pregnancies,anticholinergictreatmenthadbeenstartedorincreasedbecause ofurge urinaryincontinence worsened.These changes weremaintained after delivery.The mediangestationalage atbirthwas39.0weeks(IQR 37.8—39.5).There were15 caesarean sections,ofwhich9wereindicatedtopreventapotentialaggravationofvesico-sphincteric disorders.Amongthe5pregnancieswithvaginaldelivery,therewasnopost-partumalteration ofthesphincterfunction.
Conclusion.—Successfulpregnancyoutcomeispossibleinwomenwithcongenitalspinalcord defectsandvesico-sphinctericdisordersbutitrequiresmanaginganincreasedriskofurinary tractinfections,caesareansection,andoccasionallyworsenedurinaryincontinence.
Levelofevidence.—5.
©2017ElsevierMassonSAS.Allrightsreserved.
Introduction
Les progrès réalisés dans la prise en charge neurochirur- gicale et urologique des enfants nés avec une anomalie congénitalemédullairedurantles50dernièresannéesont permis uneamélioration deleur espérance devie [1].Le retentissementdesanomaliescongénitalesdelamoellesur l’équilibrevésico-sphinctérienest polymorphe,dépendant du type d’anomalie, de sa localisation, de son étendue et d’une éventuelle autre malformation associée du sys- tème nerveux central. Ces troubles urinaires nécessitent unepriseenchargespécialiséeetmultidisciplinaire,afinde prévenir au mieux l’apparition des complications rénales.
Actuellement,lespatientesatteignantl’âgeadulteposent denouvellesproblématiquesconcernantlapriseencharge deleurdésirdegrossesse[2].
Peude données existentconcernant le retentissement delagrossesseetdesaccouchementssurl’équilibrevésico- sphinctérienchezlesfemmesayantunevessieneurologique paranomaliecongénitalemédullaire[3—7].Lesraresséries decas,s’intéressantausuividesgrossesseschezdesfemmes ayant une anomalie congénitale de la moelle, décrivent plusieurs facteurs de risques de complications liés à leur pathologie:cyphoscoliose ettroublerespiratoire,anoma- lie osseusedu petit bassin,antécédents neurochirugicaux etpriseencompted’unedérivationventriculo-péritonéale, antécédents dechirurgie abdominale à visée digestive et urologique, dysfonction variable de l’arbre urinaire avec unecolonisationbactérienne[4,7,8].Cesgrossessesàrisque nécessitentuneconsultation dans uncentre deréférence avanttoutdésirdegrossesseafindedépisteretd’anticiper defutures complications durant le déroulementde celle- ci[7]. Notreobjectifétaitdedécrire, ausein deréseaux d’équipes multidisciplinaires organisées, les résultats du suiviobstétricaleturologiquedespatientesayantunevessie neurologiquesecondaireàuneanomaliecongénitalemédul- laire.
Méthode
Une étude multicentrique rétrospective a inclus des patientes ayantune vessieneurologique secondaire àune anomaliecongénitale médullaireet ayant accouché entre janvier2005etdécembre2014.Toutescespatientesavaient consultéavantleurgrossessedansunservicedemédecine physiqueet deréadaptation spécialisé enneuro-urologie.
Lesdonnéessuivantesontétérecueillies:typed’anomalie congénitaledela moelleettypedelésion,niveaulésion- nel,antécédentsneurochirurgicaux, déficitsneurologiques connusetlerésultatdeladernièreimageriemédullaire.
Lesdonnéesconcernantl’évaluationdustatuturologique etneuro-urologique avant, pendant et aprèsla grossesse regroupaient : les traitements médicaux et chirurgicaux urologiques, le mode de drainage vésical (auto-sondage, mictionspontanée),l’évaluationdelacontinenceurinaire oufécale, la présence d’infection urinaire du haut etdu bas appareil urinaire, la prescription d’un antibiocycle, lafonction rénale etles donnéesdubilan urodynamique.
Lediagnosticd’infection urinairedubas appareilreposait sur l’association de signes cliniques évocateurs (urines troubles,fuitesurinairesoumictionsimpérieuses,brûlures
et douleurs à la miction, pollakiurie) et d’un examen cytobactériologiquepositifavecleucocyturie(≥104/mL)et bactériurie(≥103ou104UFC/mLselonlegermeidentifié) significatives.
Les données concernant la grossesse et la période du post-partum immédiat incluaient l’âge, la gestité et la paritédelamère,ledéroulementetlescomplicationsde la grossesse et du post-partum. Les données concernant l’accouchementincluaientletermedelagrossesse,lemode d’accouchement, le typed’anesthésie utilisé, le poids de naissancedel’enfant,lescored’Apgar,laduréed’unéven- tuel séjour en réanimation néonatale, la présence d’une anomaliecongénitale etlemode d’allaitementàlasortie delamaternité.
LetestexactdeFisheraétéutilisépourlacomparaison deladistributiondesdifférentesvariablesqualitatives.Un p<0,05indiquaitunrésultatstatistiquementsignificatif.
Résultats
Caractéristiques générales
Seize femmes, d’âgemédian 29,4ans (IQR22—36),ayant euautotal20grossesseset21naissancesontétéincluses.
LeTableau1présentelesantécédentsneurologiques,obsté- tricauxetlestatutneuro-urologiqueavantlagrossesse.Dix femmesavaientunsuivineuro-urologiquerégulier(dernière consultation inférieureà 2ans)avant leur premièregros- sesse(63 %).Unbilanurodynamique récent(6 moisavant ledébutdelagrossesse)étaitdisponiblepour11grossesses (55%).Cinqfemmes(25%)étaientsoustraitementanticho- linergiqueavantleurdébutdegrossesse.
Complications pendant la grossesse
Le Tableau 2 présente la fréquence des infections uri- naires(IU),lesdifférentescomplicationsneuro-urologiques et les modifications thérapeutiques effectuées durant la grossesse.
Cinqfemmes onteudesIU àrépétition avantle début de leur grossesse. Onze patientes enceintes ont eu des infectionsurinairessymptomatiques,dont4pyélonéphrites aiguës(55%).Lapriseenchargedespyélonéphritesaiguësa nécessitéunehospitalisationetuntraitementantibiotique intraveineux dans 3 cas. Une pyélonéphrite aiguë a été associée à un accouchement prématuré à 34 semaines d’aménorrhée(SA).Unantibiocycleaétéréalisépour13des grossesses(65%).Laprescriptiond’unantibiocyclen’était pasassociéeàunediminutionsignificativedelafréquence desinfectionsurinaires(46,1%versus71,4%,p=0,37).Des auto-sondagespropresintermittents(ASPI)ontétédébutés pour 3 patientes et poursuivis en post-partum. Les indi- cations de la mise en route des ASPI étaient la présence d’infectionurinaireàrépétitiondans2casetuntroublede lavidangevésicaledans1cas.Ladifficultéd’accèsaupéri- née durantlagrossessea entraînéunarrêtdes ASPIchez une autre patiente à 14 SA. L’utilisation des ASPI n’était pas associée à une diminution significativede l’incidence des infections urinaires (43,7 % versus 100 %, p=0,094).
L’absencedesuivineuro-urologiquerégulieravantledébut de la grossesse n’était pas associée à une augmentation
Tableau1 Caractéristiques des patientes avant les grossesses(n=16).
16patientesinclusesautotal: 11spinalipomes;
5myéloméningocèles
Nombrede femmes(%) Âgemédian(IQR),ans 30,5(26—34) Motricité
Marche(avecousansaide) 14(88)
Fauteuilsroulants 2(12,5)
Déficitneurologiquesensitif 11(69) Antécédentd’intervention
neurochirurgicale
13(81) Dérivationventriculo-péritonéale 1(6) Statutneuro-urologique
Modedemiction
Spontané 4(25)
Auto-sondagespropres intermittents
12(75) Continence
Continencetotale 9(56)
Incontinencelégèreàmodérée 7(44)
Portdeprotection 6(38)
Antécédentsdechirurgie urologique
Entérocystoplastie d’agrandissement
3(19) Injectionintradétrusorienne
detoxinebotuliqueA
2(13) Neuromodulationsacrée 1(6) Paramètresurodynamiques
Capacitécystomanométrique maximalemoyenne(mL)
436(305—600) Résidupost-mictionelmoyen
(mL)
180(20—400) Pressiondeclôtureurétrale
maximalemoyenne(cmH2O)
51,2(12—135) Activitédétrusorienne
Hyperactivité 2(13)
Hypoactivité 2(13)
Troubledelacompliance vésicale
1(6)
Incontinencefécale 3(19)
Antécédentsobstétriques Gestité
G0 8(50)
G1 4(27)
G2 4(27)
Parité
P0 11(69)
P1 4(27)
P2 1(6)
Antécédentdefaussecouche 2(13) Antécédentdecésarienne 1(6)
Tableau2 Complications neuro-urologiques durant la grossesseetpriseencharge(n=20).
Nombrede grossesses(%) Infectionsurinaires
FréquencedesIU
AumoinsuneIU 11(55)
IUrécurrentes 8(40)
Pyélonéphrite 4(20)
Bactériurieasymptomatique 2(10) IncidencedesIUdurantla
grossesse
Selonlemodedemiction
ASPI(n=16) 7(44)
Mictionspontanée(n=4) 4(100) Selonlaprescriptiond’un
antibiocycle
Antibiocycle(n=13) 6(46) Absenced’antibiocycle
(n=7)
5(71) Aggravationdel’incontinence
Urinaire 4(20)
Fécale 0(0)
Aggravationdudéficit neurologique
Moteur 1(5)
Sensitif 3(15)
Modificationdutraitement urologique
IntroductionASPI 3(15)
ArrêtASPI 1(5)
Modificationdutraitement anticholinergique
3(15)
significativedel’incidencedes infectionsurinaires(71,4% versus46,1%,p=0,66).
L’incontinence urinaire d’effort s’est aggravée pour 4patientesavecunretouràlanormaleenpost-partum.
Pour3 grossesses, un traitement anticholinergique par oxybutynineadûêtredébutéouaugmentépouruneincon- tinenceurinaireparurgenturieaggravée,puismaintenuen post-partum.
Quatre grossesses ont été marquées par l’apparition, ou l’aggravation, d’un déficit neurologique. Trois cas de déficits sensitifs associés à des paresthésies (deux situés aux membres inférieurs et un au membre supérieur) ont été d’évolution spontanément favorable. Une patiente a euundéficit neurologiquemoteurdesmembresinférieurs d’apparitionbrutaleà35SA.L’IRMréaliséeenurgencen’a pasretrouvédemodificationdelamoelleépinière,avecune stabilitédelasyringomyéliedéjàconnue.Cedéficitmoteur adisparuaprèslaréalisationd’unecésarienneenurgence.
Deux cas d’escarres sacrés ont été rapportés chez 2 patientes durant leur grossesse, d’évolution favorable aprèsl’accouchement.Unepatiente,quimarchaitavecaide avantsagrossesse,adûutiliserunfauteuilroulantàpartir de30SA,sansqu’undéficitmoteursoitmisenévidence.
Tableau3 Résultatsobstétricauxetnéonataux(n=20).
Nombrede grossesses(%) Âgemoyengestationnel,SA 38,6(34—40) Modalitéd’accouchement
Césarienne 15(75)
Voiebasse 5(25)
Modalitéd’anesthésie
Générale 14(70)
Anesthésiepéridurale 6(30)
Naissancevivante
n=21:10filles,11garc¸ons, 1grossessegémellaire
Accouchementàterme 17(85)
Prématurité(34—36semaines) 3(15) Poidsdenaissance<2500g 1(5) Enfantnéavecuneanomalie
médullairecongénitale
0(0)
Aucune hypertension gestationnelle ni syndrome pré- éclamptiquen’aétéreporté.Undiabètegestationnels’est déclaréà27SA.
Accouchement
La durée médiane de gestation a été de 39,0 SA (IQR 37,8—39,5) avec 15 accouchements par césarienne et 5parvoiebasse.Troispatientesontprésentéunemenace d’accouchement prématuré dans un contexte d’infection urinaire, entraînant 2accouchements prématurés à 34 et 35SA.
Le Tableau 3 présente les principaux paramètres obs- tétricaux et néonataux. Sur 15 césariennes, 9 étaient indiquéespourprévenirl’aggravationdessymptômesneuro- urologiques. L’anesthésie générale a été choisie pour 14accouchements,soitparimpossibilitétechnique(arthro- dèse,malformationrachidienneaupointdeponction),soit par crainte de complication. La seule complication chi- rurgicale rapportéeen peropératoire a été unedéchirure vaginalesimplelorsd’unaccouchementparvoiebasse.
Surles21naissances,3 sesontdérouléesavant 37SA, dont2ontnécessitéunséjourdecourteduréeennéonato- logie.L’absencedesuivineuro-urologiquerégulieravantle débutdelagrossessen’étaitpasassociéeàuneaugmenta- tionsignificativedutauxdeprématurité(33%versus9,1%, p=0,27).
Le poids médian de naissance était de 3200g (IQR 2770—3680).Aucuneanomaliemédullairen’aétédétectée chezlesnouveau-nés.Unedilatation ventriculaireisoléea étédépistée,sansautreanomalieassociée.
Un allaitement maternel a été débuté pour 18 des nouveau-nés.
Post-partum
Aucune complication chirurgicale n’a été décrite durant l’hospitalisationenpost-partum.
Deux infections urinaires en post-partum ont été rap- portéesdurantl’hospitalisation,d’évolutionfavorablesous antibiothérapie.
Aucunedégradationdel’étatneurologiquen’aéténotée en post-partum, avec une résolution de tous les déficits moteursetsensitifsapparusdurantlagrossesse.
Aucunedégradationdelacontinenceurinaire,oufécale, n’a été décrite en post-partum, notamment parmi les 5patientesayanteuunaccouchementparvoievaginale.
Les modifications thérapeutiques initiées durant l’accouchement (traitement anticholinergique, ASPI) ont étépoursuiviesenpost-partum.
Aucunemodificationsignificativedubilanurodynamique disponibleenpré-etpost-partumpour7patientesn’aété rapportée.
Discussion
À notre connaissance, nous rapportons la série franc¸aise la plus importante de grossesses chez des femmes ayant unevessieneurologiquesecondaireàuneanomaliecongé- nitaledelamoelle.Toutescesgrossessesontétépriseen chargemultidisciplinaireauseindecentresexperts.Laréa- lisation de cette étude a permis de réintégrer certaines patientes dans un suivi neuro-urologique régulier afin de poursuivre le recueildedonnées demanière prospective.
Actuellement, il n’existe aucune recommandation spéci- fique pour la prise encharge de ces grossesses à risque.
Pourtant,lesavancéesrécentesdelachirurgiederépara- tioninuterodesmyéloméningocèlesfontpenserquecette populationàrisquevacroîtredanslesprochainesdécennies [9,10].
LeTableau4présentelesprincipauxrésultats obstétri- caux etnéonataux des précédentes séries rapportant des grossesseschezlesfemmesayantuneanomaliecongénitale de lamoelle [3—6].On peut noter l’évolutionde laprise enchargeneuro-urologiquedecespatientes,notammentà traversl’apparitiondel’ASPI,associéeàunediminutiondes tauxdecomplicationobstétricaleetdestauxdeprématu- rité.Lesrésultatsobstétricauxetnéonatauxdenotresérie sontfavorablesàlavuedecesdonnées[3—6](Tableau4).
Le taux de prématuritéétait de15 %, soit supérieurà la populationgénérale,maisinférieurauxtauxprécédemment décrits, entre 20 et 55 % [3,4]. De même, l’absence de complicationchirurgicaleenper-etpostopératoire,notam- ment encas de césarienne,est encontradiction avecles précédentessériesquidécriventdestauxdecomplications post-césariennepouvantatteindre83%[5].Cetauximpor- tant de complication était notamment expliqué par des antécédents chirurgicauximportants, notammentdans les casdedérivationurinaire.
Dans notre série, le taux de césariennes réalisé était de75%,réaliséepréférentiellementsousanesthésiegéné- rale (70 %). Le choix de la césarienne se justifiait le plus souvent pour des raisons maternelles, dans une optique de prévention d’une éventuelle aggravation des symptômesneuro-urologiquesprovoquéeparunaccouche- ment par voie basse. L’impact réel d’un accouchement par voie basse sur l’équilibre vésico-sphinctérien dans la population générale est largement débattu, avec un risque d’incontinence urinaire d’effort qui semble être
congénitalemédullaireetgrossesse:conséquencesurologiques623 Tableau4 Résultatsobstétricauxdesprincipalessériesdepatientesporteusesd’unspinabifida.
Auteur,Année Nombre degros- sesses
Nombre de patientes
Âge moyen
Modemictionnel (%)
Infections urinaires (%)
Complications obstétri- cales
Autrescomplications Accouchement prématuré (avant37SA) (%)
Accouchement parcésarienne (%)
Richmond etal.,1988 [3]
5 4 26 2mictions
spontanées(50) 1Bricker(25) 1uréterostomie cutanée(25)
4(100) 1(20) 4(100)
Rietbierg etal.,1993 [4]
20 18 23 2lithiasesurinaires 11(55) 8(40)
Arataetal., 2000[5]
23 17 25 4mictions
spontanées(23) 1ASPI(6) 12Bricker(71)
18(78) 5MAP 6HTA
1escarre
2mobilitésréduites 9sciatiques 14complicationsen post-partum:après césarienne(10): perforationintestinale, infectiondecicatrice (2),infectionurinaire (2),endométrite, infectionpulmonaire, sciatique,HTA, mastite;aprèsvoie basse(4):
endométrite,HTA, escarre,lâchagede sutured’épisiotomie
8(35) 12(52)
Sterlingetal., 2012[6]
37 32 17mictions
spontanées(46) 20ASPI(54)
25(68) 7MAP 2HTA
1lithiasebiliaire 9(24) 23(62)
Sérieactuelle 20 16 29 4mictions
spontanées(25) 12ASPI(75)
11(55) 3MAP 4aggravationsde déficitneurologique 2escarres
1mobilitéréduite
3(15) 15(75)
HTA:hypertensionartérielle;MAP:menaced’accouchementprématuré.
augmenté en cas d’accouchement par voie basse ver- sus un accouchement par césarienne (OR=1,85 [IC95 % : 1,56—2,19])[11,12].L’impactd’unaccouchementparvoie basse sur l’équilibre vésico-sphinctérien dans une popu- lation de femmes atteintes d’une anomalie congénitale de la moelle n’a jamais été étudié. Dans une population de 273 patientes atteintes de sclérose en plaques ayant une vessie neurologique, l’incidence d’incontinence uri- naire en post-partum n’était pas influencée par le mode d’accouchement(OR=0,72[IC95%:0,21—2,50])[13].Dans notre série, aucun accouchement par voie basse ne s’est compliquéd’aggravationdel’équilibrevésico-sphinctérien.
Àlavuedecesdonnées,laréalisationd’unecésariennechez unepatienteneurologiquedevraitpréférentiellementêtre motivéepardesraisonsobstétricales.Concernantlaréali- sationd’uneanesthésiegénérale,aucunerecommandation spécifiquepour l’analgésieobstétricalechezces patientes n’estdisponible.Lalésionneurologiqueestleplussouvent située entre L5 et S1, soit en dessous du niveau clas- sique d’injection des anesthésiques locaux. Cependant,il aétédécrit,chezdespatientesporteusesd’unspinabifida, des cas de diffusion anormale de l’anesthésiquelocal en raisond’une altérationdes structuresde l’espace péridu- ralpouvant être responsable d’une diffusion excessive en céphalique ou insuffisante en caudal [14,15]. De plus, la présenced’unemoelleattachéebassepeutmodifierlesrap- portsanatomiquesavecunepartieterminaledelamoelle épinièreclassiquementsituéeàunniveauvertébralplusbas que dans la population générale [16]. La présence d’une syringomyélieestraremaisengendredesprécautionsparti- culières.Ilestrecommandéd’évitertouteaugmentationde lapressionintracrânienne,quipourraitentraîneruneexten- siondusyrinx[17].Danscecontexte,l’accouchementestle plussouventréaliséparcésariennesousanesthésiegénérale [18]. Au final, la réalisation d’une anesthésie locorégio- naleest le plus souvent techniquement réalisable en cas d’anomaliecongénitaledelamoelle.Cependant,elledoit êtreanticipée,avecunbilanradiologiquerécentcompre- nantuneIRMmédullaire,etréaliséeauseind’uneéquipe expérimentée.
La forte prévalence d’IU (55 %), leurs répercussions (2accouchementsprématurés)etleschangementsdeprise en charge neuro-urologique durant la grossesse (mode mictionnel, traitement anticholinergiques, antibiocycle) justifientlanécessitéd’une surveillancespécifiquedurant leurgrossesse.Durantlagrossesse,laprésenced’unebac- tériurie asymptomatiquepeut secompliquer enl’absence de traitement antibiotique, dans 30 % des cas en pyélo- néphrite aiguë entraînant des complications maternelles et fœtales(fausse couche, menace d’accouchement pré- maturé, pré-éclampsie etfaiblepoids denaissance) [19].
Le dépistage et le traitement systématiques des bacté- riuries asymptomatiques durant la grossesse permettent deréduire ces risques [20]. Dans le cas d’une population neurologique,lapratiquedel’ASPIestassociéeàunebac- tériurie asymptomatique dans 80 %des cas [21].La prise encharge decette colonisation bactérienne constitue un challengethérapeutique.Danscecontexte,plusieursétudes ontdémontrélebénéficed’unantibiocycledurantlagros- sessedefemmes neurologiques [8,22,23].Le protocolele plus souventutilisé est la prescription d’une dose unique hebdomadaired’unantibiotiqueAenalternanceavecune
dose unique hebdomadaired’un antibiotique B[22]. Dans unepopulationde15femmesblesséesmédullaires,l’usage d’un antibiocycle durant la grossesse était associé à une diminution de la fréquence des infections urinaires (0 % versus 100 %,p=0,001) età uneréductiondu nombrede menaces d’accouchements prématurés (0 % versus 61 %, p=0,001)[23].Dansuneautresériede30femmesréalisant desASPIdurantleurgrossesse,laprescriptiond’unantibio- cycle étaitassociéeà unediminutiondelafréquence des infections urinaires(76,5%versus 23,1%,p=0,009),mais égalementàuneaugmentationdelafréquencedesbacté- riuriesasymptomatiques(46,2%versus5,8%,p=0,025)[8].
Dans notre série,la prescription d’un antibiocycle n’était pasassociéeàunediminutionsignificativedelafréquence des infections urinaires (46,1 % versus 71,4 %, p=0,37).
Concernant la pratique de l’ASPI, safaisabilité durant la grossesse a déjà été étudiée chez les patientes blessées médullaires.Celui-ciest généralementréalisablejusqu’au terme,aveccependantdesdifficultésd’accèsaupérinéeen findegrossesse[23,24].Laréalisationd’uncataloguemic- tionnelestnécessairepours’assurerdelabonneréalisation del’ASPI, notamment lorsde lagrossessedurantlaquelle l’apparition d’une pollakiurie physiologique (secondaire à l’augmentation du volumefœtalainsi qu’àune hyperdiu- rèse)peutnécessiteruneaugmentationdelafréquencedes ASPI[23].Dansnotresérie,l’utilisationdel’ASPIn’étaitpas associée à une diminution significativede l’incidence des infectionsurinaires(43,7%versus100%,p=0,094).
Lapriseenchargedecesgrossessesàrisquesrequiertune collaboration étroite entre différentes spécialités (méde- cinephysiqueetderéadaptation,urologique,obstétricale etneurochirurgicale),grandementfacilitéeparl’existence d’un réseaumultidisciplinaire.Dans cettepopulation spé- cifique, l’expression d’un désir de grossesse doit être l’occasion de réaliser un bilan clinique et paraclinique completafindedépisteretdetraiterleséventuelsfacteurs derisquedecomplication(troubledelavidange vésicale, infectionsurinairesàrépétitions,syringomyélie).Dansnotre série,l’absencedesuivineuro-urologiquerégulieravantle début dela grossessen’étaitpas associée àune augmen- tation significative de l’incidence des infections urinaires (71,4%versus 46,1%,p=0,66)oudutauxdeprématurité (33%versus9,1%,p=0,27).
Conclusion
Lesfemmes porteusesd’une anomaliecongénitale médul- laire peuvent avoir des grossesses avec des résul- tats obstétricaux satisfaisants. Cependant, ces grossesses sont associées à un risque accru d’infections urinaires, d’accouchement parcésarienneet parfoisde dégradation transitoire delacontinence urinaire. Une priseencharge multidisciplinaireestnécessairepouranticiper,dépisteret traiterleséventuellescomplications.
Déclaration de liens d’intérêts
Lesauteursdéclarentnepasavoirdeliensd’intérêts.
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