LA CLAUSTRATION DES MÂLES DESTINÉS A
L’INSÉMINATION ARTIFICIELLE DES REINES D’ABEILLES
J. FRESNAYE
Station
expérimentale d’A!icultuve,
Centre de Recherches
agronomiques
du Sud-Est, ilio>iifai’ei (T!aucluse)SOMMAIRE
La claustration des mâles d’abeilles est
indispensable
lors de travaux de sélection ou degénétique
faisant
appel
à l’insémination artificielle des reines. L’auteur propose deux types de cages, l’une de trèspetit
volume, fixée devant la ruche, utilisable dans les rucherséloignés ;
l’autre danslaquelle
on peut entrer pour effectuer les visites de la ruche. Dans les deux cas, les abeilles conservent une
activité normale et rapportent miel,
pollen
et eau à la ruche. Les mâles volent dans les cages etatteignent une
parfaite
maturité. Ils retrouvent la rucheplus
facilement que les abeilles ouvrières,ce
qui
est sans doute en rapport avec le développement bien connu de leurs facultés visuelles et olfac- tives.INTRODUCTION
On sait
depuis longtemps
que les mâlesd’Apis melli’fica
ou faux-Bourdonschangent
facilement de ruche et GOETZE( 1955 )
a démontré que cette « dérive npouvait
atteindre 50 p. 100 de lapopulation
mâle d’une colonie.Cependant,
pour larigueur
des programmes de sélection et des recherches concernant lagénétique
del’abeille,
il estindispensable
d’être informé sans erreurpossible
de la filiation des mâles aussi bien que de celles des reinesauxquelles
ilss’accouplent.
S’il est facilede s’assurer de
l’origine
des reinesqui peuvent
êtremarquées
et claustrées dès leurnaissance,
par contre, l’identification des mâles estplus
délicate. Le seul moyenpratique
de s’assurer de leurorigine
reste la claustration.La méthode de claustration des mâles la
plus répandue
est décrite par LmDr,n!·( 1954
)
et utilisée pour l’insémination artificielle des reines. Les mâles sont enfermés dès leur naissance dans depetites
cages à l’intérieur de la ruchejusqu’à
leurmajo-
rité. Ils sont ensuite
placés
dans une « boîte de vol njuste
avant leur utilisationpour l’insémination artificielle. Ils vivent très bien dans ces cages, car les abeilles
pénètrent
à l’intérieur pour les nourrir. Ils nepeuvent cependant
pas voler et leur maturationpeut
en être affectée. D’autrepart,
lesmanipulations
sontcomplexes,
surtout
lorsqu’il
faut claustrerplusieurs
milliers de mâles de diversesorigines.
Nousavons donc cherché à améliorer la
technique
de claustration des mâles et nouspré-
sentons ici le résultat de nos essais.
MATÉRIEL
Nous avons construit
plusieurs
types de cages afin d’étudier le comportement des mâles dans différents volumes. Toutes ces cages étaient munies d’undispositif
permettant aux abeilles de sortir à l’extérieur. Les coloniespouvaient
ainsi subvenir à leurs besoins en miel,pollen
et eau sans notreintervention.
i) Ruche
placée
à l’intérieur d’unepetite
cageLa cage est constituée par des cadres de bois,
grillagés,
faciles à assembler(fig. i).
Ses dimen-sions extérieures sont de 1,80m de haut, 1,10 m de
large
et 0,85 m deprofondeur.
Ces mesures représentent le volume minimum nécessaire pourqu’un
opérateurpuisse
y travailler à l’aise. Undispositif placé
à l’entrée de la ruche(fig.
i et 2-A)
de 0,35m delong
sur 0,37m de large et o,03m de haut, faitcommuniquer
directement la ruche avec l’extérieur de la cage. La coloniegarde
sonactivité normale ; les abeilles vont et viennent, mais les mâles sont retenus par une
grille
type« grille
à reine» (fig.
2-A). Sur le côté de cette entrée de ruche, à l’intérieur de la cage, une ouverture est ménagée pour permettre aux mâles de voler. Uneplanche
de vol y est accolée ; elle leur assure un meilleur repérage visuel et olfactif(fig.
2-B).
Cet orifice est fermépendant quelques jours,
au débutde l’installation de la ruche dans la cage, pour que les abeilles s’habituent à utiliser l’entrée
principale qui
leur est destinée. Le toit est opaque, ainsi que le haut de troisparois
sur une hauteur de 0,30m(fig.
i - B). Lesquelques
abeillesqui pénètrent
dans la cagelorsque
l’ouverture pour les mâles est ouvertes’éloignent
de cette zoneplus
sombre pours’approcher
de laparoi
avantqui
estplus
claireet dont la
partie
haute est munie d’unegrille
à reines leur permettant de sortir de la cage(C).
Lapartie
basse de laparoi (D)
sesépare
au besoin du reste de la cage pour permettre l’installationplus
facile de la cage autour de la ruche. Une
paroi (K)
sert de porte pour pénétrer dans la cage afind’y
effectuer les
prélèvements
des mâles et les visites.2
) Ruche
placée
à l’intéyieur d’unegrande
cageLa grande cage a pour dimensions extérieures 2 in de hauteur, 2.10 m de
longueur
et 1 m delargeur.
Son volume est donc d’environ letriple
de celui du modèle décrit ci-dessus. Le dessus estsimplement grillagé
et non opaque. L’entrée de la ruche est du même type que celle utiliséeprécédem-
ment.
’
3
)
Petite cagefixée
devant la rudeCette cage est de faible dimension : 0,27m de hauteur, 0,37m de
largeur
et 0,24m deprofondeur (fig.
3). Elle est fixée devant la ruche à l’aide d’une lanière de caoutchouc. La sortie des abeilles est à lapartie
inférieure(fig.
4-A). Une ouverture dans leplafond
de cette sortie(B)
permet le passage des abeilles dans la cage proprement dite(C).
Comme dans les casprécédents,
les mâles sont retenus par unegrille
à reine. L’une desparois
latérales de la cage est constituée par une toile seulement fixée par le haut etqui
peut être soulevée pourprélever
les mâles, ouvrir la trappe ou mettre lagrille
à reine.
RÉSULTATS
Les trois
types
de cage ont étéexpérimentés
ensemble. Les facteurs externes sont doncidentiques
dans tous les cas. Les essais se sont dérouléspendant
i mois.i)
7!MC/!Cplacée
tc l’intérieur d’unepetite
cageDans cette cage la mortalité des abeilles est très peu
importante.
Lagrande majorité
des butineuses utilise la sortieprincipale qui
estadoptée
sans difficulté.I,e passage de la
grille
à reine dont les trous sontrectangulaires
est d’ailleursplus
facile pour les abeilles que celui des
grilles
àpollen
dont les trous sont ronds. Parmi les abeillesqui
volent dans la cage, etqui
sont d’ailleurs assez peunombreuses,
ilen est
qui
retrouvent le passage parlequel
elles sont sorties de laruche ;
d’autres volent vers le haut de la cage et sortent par lagrille
à reine antérieure(fig.
i -C).
Les mâles volent très bien dans la cage sans se heurter aux
parois ;
ils retrouventfacilement leur entrée de ruche. La mortalité est très
faible ;
on ne retrouve surle sol que 2 à 3mâles par
jour.
Ce nombreparticulièrement
bas nous incite d’ailleursà penser
qu’il s’agit uniquement
de morts naturelles et non d’unépuisement
dît àl’encagement.
Il semble que ces cagespourraient
êtreplus petites
sans inconvénient pour lesmâles,
mais nous avonsdéjà signalé
que leurs dimensions étaientimposées
par la nécessité de
pouvoir
travailler à l’intérieur. Pour l’inséminationartificielle,
on
prend
depréférence
les mâlesqui
volent dans la cage, cequi
évite d’ouvrir la ruche.2
)
Rucheplacée
à l’intérieur d’unegrande
cage1>ans cette cage le
comportement
des abeilles est conforme à ladescription
deC H A
UVLN
(r 9j3 ).
Les abeillesqui
se sontégarées
dans la cage retrouvent difficilement le trou de vol et elless’agglutinent
en grappes lelong
dugrillage
dans les coins de lacage et meurent
d’épuisement.
La mortalité des mâles est faible bien quelégèrement plus importante
que dans la cageprécédente.
Cetype
de cageprésente
donc peu d’intérêtpuisque
la mortalité des mâles et des ouvrières y estsupérieure
à cellesdes
petites
cages et que lemontage,
letransport
et lerangement
sontplus
difficilesdu fait de leur
plus grand
volume.3
)
Petite cagefi.rée
devant la rucheLes dimensions de cette cage sont très faibles et il ne se pose, de ce
fait,
aucunproblème
derepérage
pour les abeilles et les mâles. La mortalité des mâles y estcependant
un peuplus
élevée que dans les cagesprécédemment décrites,
alors quecelle des ouvrières est presque nulle. Il est
probable
quecelles-ci, après
avoir tenté vainement de sortir par legrillage,
descendent àl’étage
inférieur où elles ne rencon-trent
plus
de difficulté pour sortir. Lesmâles,
par contre, nedisposent
que d’un volumetrop
restreint et leur vol ne s’effectuepratiquement
que lelong
dugrillage.
En outre,cette méthode a l’inconvénient de nous
obliger
à enfermer la ruche dans uneplus grande
cage ou dans unecabine-parasol (F R ESNAYE r 9 fi 4 )
lors des visites de laruche,
afin
d’empêcher
les mâles des’échapper
et de se mêler à ceux des autres ruches.Cette
petite
cage nous estcependant nécessaire ;
nous en donneronsl’explication
en décrivant à
présent
la méthode de travail.Les colonies choisies pour fournir des mâles
pendant
une saison ne sont pas utilisées ensemble et nepeuvent
être toutes installées sur les lieux voisins duposte
d’insémination artificielle. Elles ne sont
apportées
sur ces lieuxqu’au
fur et à mesuredes besoins et du
développement
du programme de travail. Ces ruches doivent donc rester en attente dans des ruchersplus éloignés. Or,
en cours desaison,
les mâles naissent et dérivent. Si l’on veut éviter la destructionobligatoire
de tous les mâlesprésents
dans laruche,
seulegarantie
de l’absence de tout mâleétranger,
il fautempêcher
ceux-cid’y pénétrer.
Pourcela,
onpeut
utiliser unegrille spéciale
àmâles,
ou une
grille
àreine,
mais il s’ensuivra uneimportante
mortalité des mâles derrière lagrille
et il faudra la nettoyerfréquemment.
Nousutilisons,
depréférence,
notrecage n° 3, facile à
transporter
et à installer en tous lieux et que nous pouvonsplacer
avant
l’apparition
despremiers
mâles.Puis,
deux semaines avant lapériode
d’insémi-nation
artificielle,
des ruches sontapportées près
des lieux de l’insémination artifi- cielle et installées dans les cages n° i danslesquelles
les mâlespeuvent
voler et par- venir àparfaite
maturité. Ilspourront
alors êtreprélevés
sanss’échapper
et sans semélanger
à ceux d’autres ruches.CONCLUSION
La claustration des mâles d’abeilles destinés à l’insémination artificielle des reines au cours de travaux de sélection ou de
génétique
est uneopération indispen-
sable. Nous avons étudié différents
types
de cagesqui permettent
cette claustration tout en laissant aux abeilles butineuses une activité normale. Nos essais nous ont conduits à utiliser deuxtypes
de cages, l’une de trèspetit
volume utilisable dans des rucherséloignés,
l’autre danslaquelle
onpeut
facilement faire lesprélèvements
etles visites et
qui
est utilisable sur les lieux mêmes de l’insémination artificielle. Les mâlespeuvent
y voler et atteindre uneparfaite
maturité sexuelle.Nos observations nous ont montré que les mâles sont
beaucoup
moins désorientés dans ces cages que les ouvrières etqu’ils
retrouvent la rucheplus
facilement que celles-ci. Il est curieux de noter quemalgré
cette facilité derepérage
des mâlesqui
est, sans aucundoute,
enrapport
avec leplus grand développement
de leurs organes de vision etd’olfaction,
ils sont, dans la nature, les individus lesplus sujets
au pas-sage d’une ruche à l’autre. Il n’est pas
impossible
que cette tendance naturelle à la« dérive » soit en
rapport
avec cequ’on pourrait appeler
uneprévention
de la con-sanguinité.
Reçu
pourpubli!5ation
en novembre 1963SUMMARY
THE CONFINEMENT OI!’ MALE BEES TO BE USED FOR THE ARTIFICIAL INSEMINATION OF QUEENS
Confinement of male
A!is mellifica
wasindispensable
for selection andgenetical
work. Twotypes of cages were
proposed :
a very small one fixed in front of the hive for far distantapiaries
andone which could be entered when
visiting
the hive. The beespursued
their normal activities of trans-porting
nectar,pollen
and water to the hive, while the males couldfly
in the cages to reach a heal-thy
fullmaturity.
The males could locate the hive moreeasily
than could the workers,showing
thatthey
possessed morehighly developed
olfactory and visual senses.RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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