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Récit des Exhumations de Thérèse. Soeur Thérèse a été inhumée au cimetière de Lisieux le 4 octobre Table des matières 72

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Récit des Exhumations de Thérèse

marc m Dan archive.org d’après les archives-carmel-lisieux.fr

Soeur Thérèse a été inhumée au cimetière de Lisieux le 4 octobre 1897

Table des matières 72

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A partir de 1910, on a instruit son Procès diocésain en vue de la Béatification, et selon le cours normal du procès, il a été terminé le 6 Septembre 1910 par

l'exhumation des restes déposés au cimetière: on a alors remis ces restes – i.e. Tous les ossements, car il ne restait rien d'autre sinon quelques débris de chair et vêtements – dans un nouveau cercueil pour en assurer une meilleure conservation.

En 1915 a eu lieu le Procès Apostolique, suivi d'une nouvelle exhumation qui eut lieu les 9 et 10 août 1917.

Du cercueil de chêne et de plomb mis en terre en 1910 à l'abri d'un simple caveau briqué, on procéda alors, dans le dépositoire du cimetière de Lisieux, à la réelle

reconnaissance des restes qui furent nettoyés de la terre déposée sur eux (entre 1897 et 1910) et soigneusement enveloppés de linge fin pour être à nouveau transférés dans un petit réceptacle de chêne sculpté (1m 20 X 0,40 X 0,30), lui-même déposé dans un nouveau cercueil de palissandre plombé, le tout remis en terre dans un caveau de brique, dans le même cimetière. Ce ne fut que lorsque la Béatification fut officiellement annoncée qu'eut lieu la solennelle et définitive translation des restes mortels de Soeur Thérèse, le 26 Mars 1923.

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Il n'y a donc plus rien au cimetière de Lisieux. Les restes mortels de Thérèse, solennellement reconnus selon un procès-verbal détaillé et officiel, étaient dès lors destinés à reposer dans la Chapelle du Carmel de Lisieux, où des transformations avaient eu lieu en prévision de la

Béatification, notamment la construction d'une petite chapelle sur un bas-côté nommée "CHAPELLE DE LA CHASSE", qui renfermait une châsse d'orfèvrerie

montrant une statue de sainte Thérèse endormie dans la mort, nommée le Corps Saint : dans une excavation de cette statue, on a placé tous les ossements des côtes de la Sainte.

Dans une excavation pratiquée sous la châsse dont l’accès est par l'arrière, se trouvent tout le reste des ossements renfermé dans une petite châsse de vermeil (offerte par les dévots du Brésil, d'où son nom de Châsse du Brésil).

Etant donné la dévotion populaire à sainte Thérèse et à ses reliques, certains ossements ont été donnés dès 1923 (au Saint Père, à l'Evêque de Bayeux), et on a prélevé une relique insigne dès que les travaux pour la construc- tion d'une Basilique ont dûs être entrepris: c'est ainsi qu'à la Basilique, (première pierre en 1929 et consécration en 1954), on conserve et on vénère dans un reliquaire

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approprié les ossements de l'avant-bras droit, considéré comme ayant été « l'instrument humain » de l'Histoire d'une Ame.

Autre composante de cette histoire: l'ostention des reliques qui se fait tous les ans aux fêtes de fin

septembre, au cours d'une procession allant du Carmel à la Basilique. La petite châsse dite "du Brésil" y est

transportée solennellement pour une veillée de prières à la Basilique, puis Messe et célébration pontificale le lendemain, soit le dernier dimanche de septembre. Au cours de l'après-midi, la petite châsse est portée de la Basilique à la Cathédrale de Lisieux, avant d'être

rapportée au Carmel. Peut-être le terme d'ostention est-il impropre, car il ne s'agit nullement d'exposer les reliques, mais seulement la châsse qui les renferme.

À l'occasion de la proclamation de sainte Thérèse comme

« Patronne de la France », une ostension de ce reliquaire a eu lieu en 1945 à Paris, et en 1947 en divers lieux de France.

Pour l'année 1997, centenaire de la mort de sainte

Thérèse, on a demandé à nouveau que le reliquaire puisse voyager: Paris, Lyon, Marseille, villes que Thérèse elle- même avait parcourues à l'occasion de son pèlerinage à

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Rome en 1887. Ces visites ont eu un impact et des suites tout à fait imprévues, les reliques ont été sollicitées dans de nombreux périples sillonnant la France, la Belgique…

Alors les demandes ont afflué de l'étranger et ce fut l'occasion de réfléchir à ce qu'il y avait lieu de faire, compte tenu du risque que comportaient de tels voyages pour l’intégrité même des reliques: une année entière au Brésil, 6 mois en Italie, 4 mois aux USA, 3 mois

Philippines à et Hong-kong, etc... Il ne s'agissait plus d'envoyer la totalité des reliques, mais une partie, qui fut transférée avec l'accord et sous la surveillance du Vatican dans un reliquaire de bois précieux, réplique exacte de la

"châsse du Brésil" aux mêmes dimensions, mais non en orfèvrerie.

Bien entendu, des reliques nous sont par ailleurs

constamment demandées: prêtres, églises, autels, fidèles veulent posséder une moindre parcelle d'ossement

(données de plus en plus rarement, car on ne peut pas entamer les grands ossements) cheveux, vêtements, etc ...

C'est à peu près continuel, venant du monde entier. Les reliques, au sens canonique, sont les restes du corps des saints. Les souvenirs, objets ou autres, ne sont pas à proprement parler des "reliques". On doit aussi mettre à part les "écrits" tous publiés, mais dont les originaux sont

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conservés scrupuleusement dans nos Archives et n'en sortent jamais. ACL 


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Première exhumation Le 6 septembre 1910 au Cimetière de Lisieux

Extrait de : Appendice sur l’exhumation pp. 103-109, in Quelques-unes des grâces et guérisons attribuées à

l’intercession de la Servante de Dieu Soeur Thérèse de l’Enfant-Jésus, Pluies de Roses, 1911.

Bien des fois durant sa dernière maladie, Soeur Thérèse de l'Enfant Jésus avait annoncé qu'on ne retrouverait d'elle, selon son désir, que des ossements.

« Vous avez trop aimé le bon Dieu, il fera pour vous des merveilles, nous retrouverons votre corps sans

corruption », lui disait une novice peu de temps avant sa mort. – Oh non ! répondit-elle, pas cette merveille-là

! ce serait sortir de ma petite voie d'humilité, il faut que les petites âmes ne puissent rien m'envier. »

L'exhumation des restes de la Servante de Dieu, faite dans le but d'assurer leur conservation et non de les exposer déjà à la vénération des fidèles, eut lieu le 6 septembre 1910.

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On avait essayé de tenir la chose secrète, mais elle fut cependant assez connue pour permettre à plusieurs centaines de personnes d'accourir au cimetière.

Mgr Lemonnier, évêque de Bayeux et Lisieux, Mgr de Teil vice-postulateur de la cause, MM. les chanoines Quirié et Dubosq, vicaires généraux, et beaucoup de prêtres parmi lesquels tous les membres du Tribunal chargé d'instruire le Procès de Béatification, étaient présents.

Le travail de l’exhumation offrait de grandes difficultés, le cercueil se trouvant placé à une profondeur de 3 m. 50, et dans un très mauvais état. Un expert en ces sortes de manoeuvres dirigeait celle-ci. Il fit glisser des planches sous le cercueil, pour faire un fond artificiel destiné à soutenir l'autre qui menaçait de s'effondrer; puis on enveloppa le tout de fortes toiles maintenues par de

solides courroies. Avec bien du temps et des anxiétés, on parvint ainsi à remonter le cercueil sans accident.

Lorsqu'il apparut à ses regards, le Pontife entonna d'une voix émue le chant de David louant le Seigneur qui «tire l'humble de la poussière pour le faire asseoir avec les princes de son peuple. » Et tandis que les prêtres

psalmodiaient le Laudate pueri Dominum, on aperçut au travers des planches disjointes, toute verte et fraîche

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comme au premier jour, la palme que le 4 octobre 1897, on avait placée sur la dépouille virginale de la Servante de Dieu. N'était-ce point le symbole de la palme

immortelle qu'elle avait remportée par le martyre du coeur ? ce martyre au sujet duquel elle avait écrit : « A tout prix je veux cueillir la palme d'Agnès; si ce n'est par le sang il faut que ce soit par l’Amour. »

On ouvrit alors le cercueil. Deux ouvriers, le père et le fils, se tenaient près de là; ils sentirent à ce moment un suave et fort parfum de violettes qu'aucune cause

naturelle ne pouvait expliquer et qui les émut

profondément. L'un de ces ouvriers est le menuisier qui a fait les cercueils.

Les vêtements apparurent en ordre; ils semblaient aussi conservés, mais ce n'était qu'une apparence. Les voiles et la guimpe n'existaient plus, la grosse bure des carmélites avait perdu toute consistance et se déchirait sans effort.

Enfin, comme l'humble enfant l'avait souhaité, on ne retrouvait d'elle que des ossements !

Un des médecins présents voulut en offrir une parcelle à Mgr Lemonnier, mais Sa Grandeur s'y opposa et défendit qu'on en emportât la moindre partie. Il accepta seulement

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la petite croix de buis qui avait été placée dans les mains de la Servante de Dieu.

L'ancien cercueil fut alors déposé dans une bière de plomb disposée dans un cercueil de chêne. Puis on recouvrit le corps de vêtements neufs qui avaient été préparés, et la tête d'un voile que l'on entoura de roses, les dernières cueillies à ces mêmes rosiers du Carmel dont tant de fois l'angélique Thérèse avait jeté les fleurs au pied du Calvaire.

A ce moment, sur l'ordre de Mgr Lemonnier, pour con- tenter la foule qui stationnait dans le cimetière,

silencieuse et recueillie, on écarta les toiles qui

dérobaient aux regards le petit enclos des Carmélites et le cercueil fut placé sur des tréteaux devant la porte grillée.

Pendant trois quarts d'heure, on ne cessa de défiler, de prier, de faire toucher des objets de piété. Monseigneur l'évêque de Bayeux avait été le premier à faire toucher aux ossements des morceaux de soie violette apportés par lui à cette intention. On vit des ouvriers approcher leur alliance de mariage; tous ceux qui avaient travaillé à

l'exhumation semblaient pénétrés de respect. On estima à plus de cinq cents personnes celles qui vénérèrent les restes, après trois heures d'attente.

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Une impression extraordinaire de surnaturel, une émotion dont ils n'étaient pas maîtres envahissait les assistants. L'âme de Soeur Thérèse planait sans doute auprès de sa dépouille mortelle, heureuse d'offrir à son Créateur l'anéantissement de son être physique... On sentait qu'il se passait quelque chose de grand, de

solennel. Malgré les réalités lugubres et humiliantes du tombeau, les âmes, au lieu d'être déconcertées, troublées, refroidies dans leur foi et leur amour, sentaient croître au contraire la ferveur et la tendresse de leur vénération.

Quand le défilé eut pris fin, un procès-verbal, écrit sur parchemin timbré aux armes de Mgr Lemonnier, fut ren- fermé dans un tube de métal et déposé dans le cercueil de plomb. Puis on ferma celui-ci, sur la couverture duquel est soudée une plaque avec l'inscription :

Soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte Face.

Marie-Françoise-Thérèse Martin.

1873-1897

Le même texte se lit sur une plaque de cuivre fixée sur le cercueil de chêne. Deux empreintes de chacun des

cachets de Mgr Lemonnier et de Mgr de Teil furent

apposées sur la soudure aux quatre angles du cercueil de

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plomb. Il ne restait plus qu'à fixer le couvercle en bois de chêne.

A quelques pas de la première tombe, on en avait creusé une nouvelle, de deux mètres de profondeur, où l'on avait préparé un caveau en briques, aux dimensions du

cercueil. Mgr Lemonnier l'avait bénite en arrivant, et c'est là que fut descendue la précieuse dépouille.

Le soir, les planches enlevées au cercueil, quelques frag- ments des vêtements et la palme, que la dévotion

indiscrète des ouvriers avait mise en lambeaux, furent rapportés au Carmel et la soeur chargée de les ramasser sentit par deux fois un parfum de roses. Des parcelles des vêtements et du cercueil exhalèrent ailleurs un parfum d’encens.

Une autre planche, détachée de la tête du cercueil et qui n'avait pu être retrouvée le jour même, fut également, huit jours après, rapportée au monastère. La soeur tourière qui l'avait découverte, doutant un peu de son authenticité, supplia Soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus de la manifester par un signe sensible. Elle fut exaucée, car plusieurs soeurs, qui n'avaient point été averties, furent embaumées d'un merveilleux parfum d'encens qui

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s'exhalait de cette planche et que l'une d'elles sentit à une assez grande distance.

Mais le coeur si tendre de Sœur Thérèse voulait encore consoler ceux qui l'aiment en leur donnant une image saisissante de la plénitude de vie dont elle jouit dans le Ciel. Une des âmes qu'elle a favorisées en cette

circonstance de ses célestes communications, et qui est fort estimée de prêtres pieux et éclairés, a attesté sous la foi du serment la vérité du récit qu'on va lire.

Cette personne souhaitait vivement assister à

l'exhumation et avait projeté de s'informer de l'époque où elle aurait lieu, mais elle la croyait fort éloignée encore.

Le fait suivant s'est passé dans la nuit même qui suivit l'exhumation, du 6 au 7 septembre 1910.

Dans sa vision, elle aperçut d'abord une grande foule qu'elle prit à la fois pour un cortège triomphal et un enterrement très solennel. « Puis, dit-elle, je vis une

jeune vierge resplendissante de lumière. Son vêtement de neige et d'or étincelait de toute part. Je ne distinguais pas ses traits, tant ils étaient imprégnés de lumière. A demi couchée, elle se souleva, paraissant sortir d'un suaire lumineux. Avec une candeur et un sourire d'enfant, elle m'entoura de ses bras et me donna un baiser. A ce céleste

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contact il me sembla que j'étais dans un océan de pureté et que je buvais à la source des joies éternelles. Je n'ai point de mots pour exprimer l'intensité de vie qui

émanait de tout son être. Tout en elle disait sans parole, par un rayonnement inexprimable de tendresse,

comment, en Dieu, foyer de l'amour infini, les bienheureux aiment au Ciel..»

Ignorant ce qui se passait à Lisieux, l'heureuse

privilégiée se demandait quelle était cette jeune vierge et pourquoi elle lui était apparue couchée et sortant d'un suaire. Trois jours après, lisant dans La Croix le récit de l'exhumation, elle eut aussitôt la certitude que c'était Soeur Thérèse qui était venue l'avertir de l'événement, et elle partit immédiatement pour l'en remercier sur sa

tombe.

Mais ce n'était pas assez pour la Servante de Dieu d'avoir donné aux siens cette preuve d'affection, de leur avoir dit comme l'ange à Madeleine : « Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celle qui est pleine de vie ? » elle voulut encore leur faire des promesses pour l'avenir.

Le 5 septembre, veille de l'exhumation, elle était apparue à la révérende Mère Prieure d'un Carmel étranger, et lui annonçant que le lendemain on ne retrouverait d'elle que

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des ossements, « à peine des ossements », elle lui avait fait pressentir les merveilles qu'elle doit opérer dans la suite. La révérende Mère les résume ainsi : « Ces

ossements bénis feront des miracles éclatants et seront des armes puissantes contre le démon. »

Quelques semaines plus tard, le résultat de l'exhumation parvenait à la connaissance d'un professeur de

l'Université de X., homme d'une grande valeur intellectuelle, d'une éminente piété et, de plus, très

favorisé par la Servante de Dieu de grâces de tout genre, depuis plus de dix ans qu'il la connaît. Il s'attrista d'abord de ce que l'angélique vierge avait été soumise à la loi commune, et comme il se laissait aller à ces pensées mélancoliques, il entendit une voix intérieure lui

répondre : « C'était la robe de mes jours de travail que j'ai déposée; j'attends la robe du dimanche éternel : peu m'importe ce qui arrivera à l'autre. »

« Et alors, dit-il, j'eus une lumière qui me consola, je compris que cette dissolution répandra des atomes de son corps en tous lieux, de façon que non seulement son âme, mais encore quelque chose de son corps pourra être présent et faire du bien sur la terre. »

Il me semble, en effet, que tout ce qui a réellement appar- tenu au corps d'un saint est une relique, et s'il en est ainsi,

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non seulement ses os, mais encore les molécules

invisibles de matière peuvent porter en elles la grâce des reliques. »

N'est-ce pas la réponse à ce désir si poétiquement exprimé :

« Seigneur, sur tes autels, plus d'une fraîche rose aime à briller,

Elle se donne à toi... mais je rêve autre chose ; c'est m'effeuiller... »


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Deuxième exhumation Les 9 et 10 août 1917 Reconnaissance des restes de la Servante de Dieu Thérèse de l'Enfant-Jésus

in Souvenir de la deuxième exhumation et de la clôture du Procès Apostolique de Sr Thérèse de l’Enfant-Jésus, dans le Diocèse de Bayeux, non paginé.

La première exhumation, du 6 septembre 1910, avait été faite sous la seule inspiration de Sa Grandeur

Monseigneur Lemonnier, évêque de Bayeux et Lisieux ; elle avait consisté uniquement à remettre telle quelle la précieuse dépouille dans un nouveau cercueil, en vue d'une meilleure conservation. Mais avant de clôturer le Procès Apostolique de la Cause de Soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus l'on devait, pour répondre aux règles de l'Eglise, procéder à une reconnaissance anatomique des ossements par des docteurs assermentés.

A cet effet, Monseigneur l'Evêque de Bayeux,

accompagné de Monseigneur de Teil, Vice-postulateur, et des Membres du Tribunal ecclésiastique en habit de

choeur, se rendit au cimetière de la ville, dans l'après- midi du 9 août 1917. Il s'agissait d'abord de retirer du petit caveau, construit en 1910, le cercueil de chêne et de

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plomb qui y avait été déposé à cette époque, et de le transporter dans la chapelle du cimetière, mise avec bienveillance par la Municipalité à la disposition des prêtres et des docteurs.

Cette translation ne s'est pas faite au Monastère du Carmel pour éviter une trop grande affluence sur le parcours, affluence qui eût pu paraître une glorification anticipée de la Servante de Dieu. Dans le même but, on avait le plus possible tenu secrète la cérémonie; sinon la ville entière, a-t-on dit le lendemain, aurait été sur pied.

Néanmoins, la nouvelle parvint à se faire jour, témoin cette parole des blessés d'une ambulance établie chez des religieuses « Comment, ma soeur, vous ne nous disiez pas ce qui va se passer là-haut? Eh bien ! sachez que toutes les béquilles y seront ! »

C'est ainsi que 3,000 personnes environ stationnèrent près de deux jours entiers au cimetière, où le petit enclos des Carmélites s'étage modestement sur la colline. « C'est incroyable ! s'écriait naïvement un ouvrier lexovien, est- ce que Lisieux va devenir la capitale du monde ? »

Cependant un barrage avait été dressé pour maintenir la foule à une distance respectueuse. Le Directeur de la Maison Henri de Borniol, dont l'habile initiative avait

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assuré l'heureuse réussite de l'exhumation de 1910,

devait diriger, cette fois encore, la manoeuvre délicate de ses meilleurs ouvriers.

Dès que parut à fleur de sol, le grand cercueil de chêne noirci et détérioré, Monseigneur l'Evêque, cédant à la même inspiration d'il y a sept ans, commença le psaume Laudate pueri Dominum, qui fut continué par les

assistants. Ensuite, au milieu d'un silence

impressionnant, le Pontife, au nom de la Sainte Eglise, prononça l'excommunication contre toute personne qui oserait dérober le moindre fragment du corps, des

vêtements, ou du cercueil de la Servante de Dieu, Thérèse de l'Enfant-Jésus.

Puis un cortège se forma dans l'ordre le plus parfait pour accompagner le char funèbre de première classe jusqu'au dépositoire du cimetière. C'est à ce moment précis, qu'au témoignage de quelques privilégiés, là comme au

Monastère du Carmel, se répandirent tout à coup de mystérieux parfums. Sur le drap blanc qui recouvrait le cercueil, les Carmélites avaient fait étendre le grand

scapulaire de bure, rappelant la chère et austère livrée de l'humble vierge Thérèse.

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Le service de surveillance établi arrêtait les élans enthousiastes qui auraient pu éclater, lorsqu'un brave soldat, s'élançant vers le char, fit toucher son casque au cercueil et le baisa pieusement.

Il était près de six heures du soir, quand la chapelle du cimetière, abritant la dépouille vénérée, fut fermée des sceaux de Monseigneur l'Evêque et du Commissaire de police pour en défendre rigoureusement l'accès, et bientôt une veille de quatre hommes de bonne volonté, en plus de la faction civile, s'organisa dans la tente dressée en prolongement de la chapelle ; parmi ceux-ci, deux

permissionnaires, arrivant du front, tinrent à honneur de s'offrir pour cette nuit touchante de garde volontaire.

Le lendemain 10 août, dès 3 heures ¼ du matin, Sa Grandeur Mgr Lemonnier, Mgr de Teil, les autres ecclésiastiques préposés et les docteurs, arrivèrent au cimetière. Une cinquième voiture y amena, à leur suite, deux religieuses du Carmel, autorisées par Monseigneur à sortir de la clôture, pour disposer elles-mêmes les

ossements précieux, une fois reconnus. La plus jeune soeur de la Servante de Dieu eut ainsi l'occasion de lui rendre ce dernier témoignage de sa tendresse, devenue une vénération.

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L'enveloppe de plomb étant ouverte, on constata que les vêtements étendus il y a sept ans, sur les restes mortels de Soeur Thérèse, n'avaient guère plus de consistance que les anciens, tombés en charpie, ce qui fit paraître plus remarquable la parfaite conservation d'un large ruban de soie blanche, portant encore brillantes ces inscriptions, d'or: « Je veux passer mon ciel a faire du bien sur la terre. Après ma mort, je ferai tomber une pluie de roses. » Cette banderole garnissait un bouquet de

fleurs déposé sur la tombe de Soeur Thérèse de l'Enfant- Jésus, à la fin d'août 1910, et les Carmélites s'en étaient servies pour nouer les quelques roses cueillies dans leur jardin, et placées, le 6 septembre suivant, dans le

cercueil. N'y a-t-il pas lieu de voir dans ce fait comme une survivance de l'esprit de Soeur Thérèse? Sa dépouille virginale ne devait pas, dans les desseins de la sagesse divine, être exemptée de la corruption, mais cette double prophétie, qui résume sa vocation céleste, se gardait intacte, comme un gage d'espérance pour ceux qui implorent son secours.

Qu'il était touchant de voir les deux prélats, et les autres prêtres de la Commission, élite du Clergé diocésain,

penchés sur ce pauvre cercueil, et y prendre avec un soin jaloux pour les présenter aux médecins, les moindres parcelles de ces ossements desséchés. Après les avoir

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presque totalement retrouvés, des mains fraternelles s'employèrent, avec quel religieux empressement ! à les débarrasser de leur partie terreuse, comme on le fait pour un diamant de prix, et les enveloppèrent successivement dans des linges de fin lin ouvragé, liés par des rubans de soie. Ils furent ensuite déposés dans un coffret de chêne sculpté et capitonné de satin blanc.

Avant l'apposition des scellés de l'Evêque de Bayeux et de la Municipalité, le Pontife voulut montrer aux

assistants le couvercle de ce joli cercueil, où se voyait, au milieu de la croix enlacée d'une couronne d'épines en relief, l'effigie de la Sainte-Face, et les divers instruments de la Passion, ainsi que l'écusson du Carmel. Le sous- officier permissionnaire, qui avait passé la nuit près de la chapelle, s'empara de ce couvercle, et, visiblement ému, le fit circuler dans les rangs pressés des spectateurs. Bien des larmes coulèrent eu baisant l'image du Sauveur, et aussi le scapulaire de bure dont il a été question. Le sacristain du Carmel, à lui seul, évalue à plus de 12,000 le nombre des objets que cette foule croyante le supplia de faire toucher, pour elle, aux ossements de l'angélique Servante de Dieu.

Le coffret, long de 1m 20, large de 40 centimètres et haut de 30, fut placé dans un cercueil de plomb tapissé de

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drap blanc, et renfermé lui-même dans un sarcophage de palissandre, orné de quatre poignées finement ciselées et argentées, et de quatorze vis tire-fonds, du même métal.

Ce travail de grande valeur, était offert au Carmel et à Soeur Thérèse, par la Maison Henri de Borniol. Sur la partie supérieure, scellée aux armoiries épiscopales, ou pouvait lire cette inscription gravée artistement

HIC

OSSA ANCILLAE DEI THERESIAE A PUERO JESU

DEPOSITA SUNT DIE DECIMA AUGUSTI

MCMXVII

[En 2008, nous avons réintroduit dans ce coffret vide conservé aux archives le tube de plomb – ouvert - qui contenait une attestation des ossements de TH, signé par tous les participants de l’exhumation, incluant Sr

Geneviève et Sr Madeleine de Jésus.]

Bien que le char funèbre ait été retenu, les employés, en livrée de cérémonie, réclamèrent l'honneur de reporter le cercueil sur leurs épaules jusqu'au lieu de la sépulture.

Les gerbes de fleurs surgissaient de tous côtés à la suite

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du cortège, qui s'avançait majestueux, sous le soleil couchant de cette belle journée d’été.

Le même ordre et la piété sympathique constatés la

veille, gardaient à cette manifestation un caractère privé et plein d'un calme recueilli. Pour ne point lui ôter cet aspect, exigé d'ailleurs par les règles de l'Eglise,

Monseigneur Lemonnier s'abstint de traduire à haute voix ses sentiments qui étaient ceux de tous, et les porteurs déposèrent leur précieux fardeau en silence, dans le loculus de briques, à l'ombre de la croix blanche, recouverte d'inscriptions et de suppliques.

Ces restes bénis attendent maintenant le jugement de la Sainte Eglise, et, d'ici-là, ne continueront-ils pas d'opérer dans le mystère leur action bienfaisante? L'Evangile du 10 août nous le rappelait avec douceur dans cette parole si consolante de Jésus : « Si le grain de blé étant tombé à terre vient à mourir, il porte beaucoup de fruits. »

Quelques incidents, glanés ça et là au cours de ces journées, contribuèrent encore à les rendre plus

émouvantes. Tel ce fait des parfums déjà signalés, qu'un aumônier militaire, entre autres, perçut le vendredi,

autour du dépositoire. Citons maintenant ce mot recueilli sur la bouche de plusieurs et résumant le sentiment

général : « Sans doute, ces longues heures d'attente

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devant une chapelle fermée sont pénibles, mais

qu'importe, si nous ajoutons par cette fatigue à la gloire de la petite sainte! » Et encore ce cri échappé à une pauvre mère qu'un fossoyeur voulait empêcher

d'atteindre une planche détachée du cercueil : « On voit bien, vous, que vous n'avez pas un fils au front! »

Pourquoi ne pas mentionner aussi cette exclamation d'un employé de la gare de Lisieux, en apercevant le coffre de palissandre : « Rien ne sera jamais trop beau pour la

Soeur Thérèse! »

Lorsque tout se trouva terminé au cimetière, Mgr

Lemonnier, accompagné du Tribunal ecclésiastique, se rendit au Monastère des Carmélites, où, devant la

Communauté réunie, il fut donné lecture du rapport des événements des 9 et 10 août. Puis on apposa les scellés sur les réserves de la chevelure ou autres fragments du corps de la Servante de Dieu, et même des anciens cercueils confiés à la garde discrète des religieuses.

Désormais, il ne sera donc plus permis de distribuer de ces souvenirs intimes, tant qu'une décision du Saint- Siège ne leur aura pas attribué le caractère propre de reliques, leur donnant droit au culte des fidèles.

Soucieuse, en effet, d'assurer la conservation, autant que possible intégrale, de ce qui reste du corps de ses saints,

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l'Eglise, comme une Mère pleine de prudence, s'en reconnaît, par cette mesure, seule propriétaire, et en interdit la distribution prématurée.

Cette défense sera peut-être matière à de vrais sacrifices pour plusieurs dévots de Soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus, mais qu'ils se rappellent qu'un simple élan de foi attire sa protection, et que d'espérer beaucoup de sa bonté

compatissante est toujours le meilleur moyen de la prendre par le coeur ».

PERMIS D'IMPRIMER : Bayeux, 15 août 1917.

THOMAS, évêque de Bayeux et Lisieux


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1923 Transfert des restes mortels de Thérèse au Carmel

du Cimetière de Lisieux au monastère du Carmel ACL Janvier 1922 Mgr Lemonnier demande au Maire de Lisieux la permission d'exhumer les restes de Thérèse pour qu'ils soient transportés au Carmel pour y être vénérés.

Non-culte

Avant la Béatification, la vénération des restes d'une personne morte en odeur de sainteté est interdite. Le Procès de non-culte montre que Thérèse n'a pas été vénérée à Lisieux depuis sa mort.

Refus du Maire

Il répond (sans date - mention dans une lettre

postérieure) que la municipalité préfère le statu-quo du cimetière, plus favorable à la Cité.

Mars 1923 le Maire de Lisieux n'a toujours pas répondu à Mgr Lemonnier, qui lui ré-écrit le lundi 5 mars 1923. Il souhaite faire de l'argent avec l'exhumation de Thérèse et

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il a demandé aux carmélites la somme de 6 millions de francs.

Pierre Derrien, le sacristain du carmel, parcours la ville en déclarant que les carmélites ne peuvent pas payer une telle somme, et qu'on pense que le corps de Thérèse sera exhumé pour être vénéré à Alençon, sa ville natale.

Le 6 mars Une réunion de tous les commerçants de Lisieux est organisée pour protester contre le départ

éventuel de Thérèse pour Alençon le mardi 6 mars 1923.

Jeudi le 8 Mars 1923 le Maire répond enfin favorablement aux carmélites.

Un récit contemporain :

Compte rendu publié par M. l'Abbé Bernard, curé de Port-en-Bessin, dans la Semaine Religieuse de Bayeux et Lisieux.

Le 26 mars 1923

A travers la Cité

LISIEUX n'avait encore jamais connu d'animation

semblable à celle qui régnait en ses murs, au matin du 26 mars, lundi saint 1923.

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Depuis la veille, les trains déversent sans relâche, sur le quai de la gare, des voyageurs provenant des directions les plus variées : pèlerins de Paris, de Lorraine, de

Suisse, de Bretagne, d'Anjou, de Belgique et même du Nouveau-Monde, ils se répandent en invasion pacifique à travers la cité pavoisée.

Là, de toutes parts, les décorations s'achèvent. Elle est vraiment pittoresque la petite ville normande avec ses toits à pignons, qu'encadrent des guirlandes de roses, ses drapeaux et ses étendards ondulant sous la brise, et ses banderoles porteuses d'inscriptions qui, çà et là, se balancent en travers des avenues.

Les regards sont joyeux. On se sent enveloppé d'une atmosphère de foi et de piété, et, devant les façades

gracieusement fleuries, l'on croirait assister à l'éveil d'un surnaturel printemps.

Mais, pour qui ces apprêts de fête ? Quel souverain doit- on bientôt acclamer ici, à quel chef illustre tous ces

étrangers viennent-ils faire escorte ?

Demandez à la foule qui se hâte dans le chemin montant, vers le cimetière qui dort, là-bas, à flanc de coteau...

Ah ! le pôle de cette inexplicable attraction, l'aimant mystérieux vers lequel convergent aujourd'hui tous les coeurs et tous les regards, c'est l'humble tombe qui, là- haut, se blottit sous sa blanche parure, dans un modeste

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enclos. Une simple croix la domine, portant ce nom :

«Thérèse de l'Enfant-Jésus» et plus bas, la promesse :

« Je veux passer mon Ciel à faire du bien sur la terre. » C'est tout. Mais la vierge - une enfant - qui repose à l'abri de ces dalles, a conquis sur le monde un prestigieux

empire. Petite fleur, jadis éclose à l'ombre de l'autel, puis bientôt flétrie par la mort, elle a, de son parfum

mystique, embaumé l'univers. L'Église s'est émue. Elle a étudié le secret de sa vie, sans pouvoir dénombrer ses miracles, et, ce soir, elle doit venir réclamer à la terre son trésor pour l'enchâsser à jamais sur ses autels.

Voilà pourquoi, durant ces derniers jours, l'affluence se faisait plus continuelle auprès de ce tombeau, pourquoi, hier, les pèlerins se pressaient à l'entour avec une ferveur redoublée, anxieux d'emporter quelque débris de fleurs, de terre, ou quelque autre souvenir, de ces lieux que tant de bienfaits ont consacrés.

De tout rang, de tout âge, ouvriers, femmes du monde, simples ménagères, ils s'étaient succédé là, sur la terre nue, absorbés dans de suppliantes invocations. Puis, avant de s'éloigner, beaucoup avaient baisé ce sol, qui, pour quelques instants encore, conservait « leur chère petite Soeur Thérèse».

Le soir, quand vint l'heure de fermer les portes, il ne restait plus, sur l'emplacement, la moindre

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ornementation. Les centaines de couronnes et d'ex-voto divers avaient disparu : tout était devenu la proie de la dévotion populaire. Mais aujourd'hui, depuis la première heure, le cimetière est fermé au public. Des gendarmes en gardent l'entrée, ils ne livrent passage qu'à des

porteurs de cartes.

La chapelle du Carmel est également consignée ; alors la foule pieuse, encouragée par un riant soleil, s'épand à travers la ville de Soeur Thérèse ; elle se porte vers les Buissonnets, le «nid gracieux de son enfance », vers les églises qu'elle a fréquentées autrefois, vers l'Abbaye des Bénédictines qui la vit faire sa première Communion.

Mais elle s'attarde surtout devant la grille du Carmel pour contempler, dans la cour d'entrée, à gauche de la façade, la statue de marbre blanc-si expressive dans sa simplicité monastique - qui représente la sainte Carmélite couvrant son crucifix de roses (Cette statue est l'œuvre d'un

religieux de la Grande-Trappe de Mortagne, le R. P.

Marie-Bernard):les fleurs s'y étagent autour du socle de pierre, comme pour un assaut d'amour et de confiance.

Enfin, des groupes nombreux se pressent sur le chemin du cimetière ; les talus qui le bordent sont bientôt

envahis, l'on s'installe dans les champs d'alentour avec sièges et provisions, décidé à attendre pendant de

longues heures, et souvent en priant, le passage du cortège.

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Au Cimetière

Là-haut, sur la tombe: les fossoyeurs sont à l'oeuvre depuis l'aurore pour dégager le caveau, en vue de l'exhumation.

Pendant qu'ils creusent, au cours de la matinée, voici qu'on amène une petite voiture d'infirme. C'est une fillette de douze ans, atteinte du mal de Pott, que ses parents, au prix de mille fatigues, ont transportée exprès d'Angers, pour ce jour unique, afin d'implorer sa

guérison. Elle entre dans l'enclos, portée dans les bras de sa marraine. Un instant, les travailleurs ont interrompu leur besogne. Alors, avec la foi des coeurs simples qui obtient des miracles, cette femme s'approche de la fosse ; elle y couche son cher fardeau, que seulement trente

centimètres de terre séparent encore du cercueil. Et elle prie avec une ferveur touchante... Au bout de quelques minutes, le pauvre petit corps, tout replié sur lui-même, se détend, et l'enfant, qui depuis bien des mois, ne

pouvait plus marcher, recommence, tout près de la

bienfaisante Carmélite, ses premiers pas. Cependant, le labeur a repris.

«Vers 11 heures, les dalles apparaissent, mais ordre est donné de n'en retirer aucune avant l'arrivée du clergé et des magistrats. Toutefois, les ouvriers descellent les cinq

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Un fossoyeur se redresse, il demande « Quelqu'un de vous porte-t-il sur lui des parfums ? » Et, sur la réponse négative de l'entourage, il continue son travail. Bientôt, la suave odeur monte plus forte, les ouvriers, agents de police, gendarmes, la constatent ; les effluves

intermittents sont indéniables, c'est une odeur très caractérisée de roses fraîches. Survient le Dr Lesigne, maire de Lisieux, qui désire contrôler la marche du travail.

– « Monsieur le Maire, ne sentez-vous pas une odeur de roses ? »

A ce moment, s'exhale de la tombe un parfum plus pénétrant. Le magistrat ne saurait nier l'évidence, qu'attestent d'ailleurs tant de témoins.

– « C 'est vrai, répond-il, on a certainement placé des fleurs dans le caveau.» (Récit de M. Roger Yves dans la Croix de la Manche).

Oui, l'on avait bien placé une fleur dans le caveau, mais non point comme l'entendait le representant municipal ; c'était Thérèse, la rose embaumée, qui livrait à la terre quelques parfums du paradis.

Le mystérieux phénomène se continue pendant près de trois-quarts d'heure, puis, ce soir, pendant la procession, il se renouvellera en faveur de plusieurs privilégiés.

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Vers midi, le clergé commence à pénétrer dans le

cimetière : lui seul, pour l'instant, y est admis avec les autorités civiles et les délégués de la presse, ces derniers personnifiant les nuances les plus diverses de l'opinion, car c'est bien l'une des caractéristiques de la sainteté de Soeur Thérèse d'être sympathique à tous les partis.

A midi et demi, Mgr Lemonnier, Évêque de Bayeux et Lisieux, arrive, revêtu de l'étole pastorale de drap d'or et de la grande cappa violette, suivi du représentant du Saint-Siège, le Rév. Père Rodrigue de Saint François de Paule, Carme déchaussé, Postulateur de la Cause; du Rév. Père Constantin de l'ImmaculéeConception,

Provincial des Carmes de France, et du Rév. Père Fajella, Postulateur général des Causes de la Compagnie de

Jésus. Monseigneur prend place sur un fauteuil, au bord de la fosse, d'où il peut suivre les derniers travaux de déblaiement.

A ses côtés, se tiennent MM. les Vicaires généraux, Labutte, Doyen du Chapitre et Archidiacre de Bayeux ; Quirié, Archidiacre de Lisieux et Vice-Président du Tribunal constitué en 1910 pour le Procès informatif de la Cause; Théophile Duboscq, Supérieur du Grand

Séminaire et Promoteur de la Foi, chargé comme tel de veiller à l'exacte observation des règles canoniques ; Brière, Chancelier de l'Évêché. Ce dernier est assis à une

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petite table, pour la rédaction du procès-verbal des actes qui vont s'accomplir.

Debout, près de Monseigneur, on voit également le représentant de l'autorité civile, M. Louis Lebihan,

Commissaire de Police de la ville de Lisieux, assisté d'un agent. Un peu en arrière sont quelques favorisés : les

Soeurs tourières du Carmel, par exemple, M. le Chanoine Trèche, Directeur des Œuvres diocésaines, qui eut une part prépondérante dans l'organisation de la journée; M.

Anquetil Député de la Seine-Inférieure, etc...

Le Tribunal ecclésiastique entre en séance : les formalités exigées par les Constitution apostoliques vont être

remplies. L'Église a le scrupule de la vérité, et il n'est guère d'institution humaine qui puisse rivaliser avec Elle en fait de garanties. Après la lecture du procès-verbal de la dernière exhumation des 9 et 10 août 1917, on entend les dépositions des témoins.

M. Pierre Derrien, Sacristain du Carmel, qui veille en cette qualité à l'entretien des tombes de la Communauté, et M. Duhamel, Gardien du Cimetière, dans lequel il travaille depuis de longues années, reconnaissent par serment l'identité de la tombe de Soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus. Les fossoyeurs et le marbrier rendent le même témoignage ; ils s'engagent, en outre, à exécuter fidèlement les ordres qui vont leur être donnés. Tous

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inscrivent ensuite leur signature sur l'acte de ces déclarations, immédiatement établi.

On peut alors procéder à l'ouverture du caveau.

Mais auparavant, Monseigneur se lève et, d'une voix grave et solennelle, fulmine l'excommunication majeure, spécialement réservée au Souverain Pontife, contre

quiconque enlèverait ou ajouterait quoi que ce soit aux Restes de la Vénérable Servante de Dieu qui doivent être exhumés. Les cinq dalles de pierre sont ensuite

facilement retirées, elles laissent à découvert, sous une couche de poussier de charbon, les épaisses poutrelles de fer qui, bloquées en plein ciment, forment au-dessus du fragile dépôt une forteresse inexpugnable.

Pendant que l'on travaille à les dégager, les portes du cimetière ont été libérées, et les pèlerins, en grand nombre, font irruption sur toutes les parties du terrain que les barrages de fils de fer leur permettent d'occuper.

C'est une forêt de têtes qui émerge maintenant au-dessus de l'enclos. Chacun se presse pour ne rien perdre de

l'instant décisif qui verra l'apparition du cercueil.

Des cordes sont glissées au fond du caveau, six messieurs de la ville s'en emparent, puis, avec des

précautions et un respect infinis, ils amènent à fleur de terre le coffre de palissandre à poignées d'argent qui contient les ossements vénérés de la sainte Carmélite.

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L'heure est impressionnante. Le silence se fait plus

complet : saisi d'une intense émotion chacun se recueille et prie. Sur une plaque de cuivre se détache l'inscription :

HIC

OSSA ANCILLAE DEI TERESIAE A PUERO JESU

DEPOSITA SUNT DIE DECIMA AUCUSTI

MCMXVII

La précieuse bière, très alourdie par son revêtement

intérieur de plomb, n'est pas endommagée : à peine si les rubans qui l'entourent se sont détendus ; les cachets de cire, apposés il y a six ans, sont intacts.

Avec des linges très blancs, on s'applique à la défaire de la poussière qui la recouvre. Aussitôt, des mains se

tendent pour réclamer le tissu servant à l'opération et offrir, en échange, d'autres linges qui deviennent à leur tour d'inestimables souvenirs, que l'on se partage avec avidité.

Pendant ce temps, Monseigneur donne les instructions nécessaires à son clergé. Il l'invite à aller occuper

immédiatement, dans la grande allée, en avant du char, les places qui lui sont attribuées. Il lui prescrit ensuite de psalmodier en deux chœurs, au départ du cortège, les

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psaumes du Commun des Vierges. Le Transfert, d'après les lois ecclésiastiques, ne comporte aujourd'hui aucun chant, aucun cantique, ni sonnerie de cloches, car l'Église n'a pas encore officiellement autorisé le culte de la

prochaine Bienheureuse.

Pour finir, le cercueil, redevenu net et brillant, reçoit encore les empreintes légales du Commissaire de police;

puis de pieux laïques, qui ont revendiqué avec instances cet honneur, le soulèvent et l'emportent. Précédé de Monseigneur, des envoyés de Rome et des hauts

dignitaires du Diocèse, il quitte ainsi le modeste coin de terre qui lui a servi d'asile pendant vingt-cinq ans. Il descend les marches de briques de la petite entrée, et monte l'allée transversale jusqu'au rond-point où stationne le char qui doit le conduire au Carmel.

Il semblerait alors que la nature ait voulu adresser à la virginale dépouille un éclatant et suprême adieu. Un soleil de feu embrase l'horizon, irradiant cette admirable vallée de l'Orbiquet qui encercle avec tant de charme le cimetière de Lisieux. Tout est lumière et douceur dans ce décor de printemps et, sur les ossements glorifiés de

l'angélique sainte, quelques rayons plus purs se jouent en auréole. Enfin, le char s'ébranle, la petite Reine s'éloigne pour toujours, accomplissant dans la splendeur son

dernier voyage.

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Le char qui doit la ramener à travers la ville et jusqu'au lieu de son repos, est entièrement drapé de blanc. C'est un corbillard, mais tout neuf, comme le tombeau de la résurrection. Par la blancheur de son dôme et de ses panaches, les riches broderies de ses tentures, le sourire des portraits de l'aimable Carmélite, qui apparaissent à la place habituelle des écussons, il offre l'aspect d'un char de triomphe. Il est tiré par quatre chevaux blancs,

caparaçonnés de même couleur et guidés par des

piqueurs en uniforme chamarré. Le cercueil est voilé d'un magnifique drap d'or, doublé de soie rouge, que le soleil se plaît à rendre étincelant.

Devancé par le clergé et immédiatement suivi de la famille, le char s'avance jusqu'à la porte du cimetière.

C'est là que le cortège s'organise dans sa forme définitive.

Le Cortège

En tête, derrière les gendarmes et les agents chargés d'assurer le libre accès de la voie, marchent le suisse de la paroisse Saint-Jacques avec le porte-croix et les

acolytes. Après eux, viennent les jeunes garçons des écoles chrétiennes de la ville, les membres des

patronages, avec clairons et drapeaux, et les sociétés de gymnastique de Lisieux. Puis, les élèves des divers pensionnats de filles.

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Rien de gracieux comme la blanche apparition des petits orphelins qui les suivent, en longues tuniques romaines avec un nimbe doré dans les cheveux, les garçons tenant des palmes et les petites filles des lys. « Ils

ressemblaient, dit un témoin, à ces enfants qui, sur les toiles des maîtres, accompagnent le dernier cheminement de sainte Cécile vers les Catacombes. »

Derrière eux, voici maintenant les Congréganistes de la Sainte Vierge avec leurs bannières, rubans bleus et voiles blancs ; la Jeunesse Catholique féminine, etc... Ensuite, les enfants de choeur, plus de cent vingt groupés sur deux rangs de chaque côté de la chaussée, les petits en

soutanes et camails rouges, les grands en longues aubes avec ceintures de drap d'or.

Et finalement, le clergé : près de trois cents prêtres du diocèse, en habit de chœur, des chanoines d'Évreux et de Séez, plusieurs curés de Paris, des membres de presque tous les diocèses de France, appartenant aux divers degrés de la hiérarchie ecclésiastique. Le continent américain, lui-même, y figure dans la personne de plusieurs de ses prêtres. A leur suite, s'échelonnent les religieux, de toutes robes, de toutes familles

Franciscains, Dominicains, Pères de l'Assomption, Prémontrés, Trappistes, jésuites, Carmes Déchaussés, etc...

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Au milieu de la voie, se distinguent les prélats en mantelletta violette : Mgr Crépin, Supérieur des Chapelains de Montmartre, Mgr Moïse Cagnac,

Chanoine de la Métropole de Bourges, entourant S. G.

Mgr Chauvin, Evêque d'Évreux, qu'accompagnaient aussi son Chancelier et le Chanoine Archiprêtre de sa Cathédrale.

En arrière, on reconnaît le Révérend Père Postulateur, le Provincial des Carmes de France et son Secrétaire. Enfin, présidant l'imposante procession, apparaît: entre ses deux archidiacres et immédiatement avant le char, Mgr

Lemonnier drapé dans l'ampleur majestueuse de sa grande cappa.

Le char, ah ! la céleste vision ! C'est bien lui, dans sa blancheur de neige, qui attire tous les regards et toutes les pensées, lui qui fait battre tous les coeurs de la plus religieuse émotion. A son passage, le silence s'établit, solennel et prenant. Les fronts s'inclinent, les paupières se mouillent, bien des genoux fléchissent et l'on prie avec une ferveur contenue qui n'en est que plus saisissante.

Dans cette foule compacte, venue des quatre points cardinaux et de tous les degrés de l'échelle sociale, un même souffle surnaturel enveloppe toutes les âmes. Bien des grâces sont obtenues, des impressions inoubliables ressenties. « Quand, sur la route du cimetière, raconte

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une femme du monde – une parisienne – je vis apparaître ma petite Thérèse, je me suis mise à genoux et je l'ai

suppliée de m'accorder la conversion de mon mari. La chère sainte m'a exaucée. J'ai eu la joie pour Pâques de le conduire à la sainte Table, lui qui ne s'était pas approché des Sacrements depuis plus de trente ans.» «La petite Soeur était là, au milieu de nous », attestent les uns. « On priait, on se sentait détaché de la terre », avouent les

autres. «C'était un avant-goût du Ciel... », conclut un ancien combattant.

Au milieu de douze religieuses qui, de chaque côté du char, lui servent d'assistantes, Thérèse s'avance, à la joie de tous. C'est un épisode de l'Apocalypse, une scène du cortège de l'Agneau vainqueur.

Encadrant la troupe virginale, cet autre fleuron de la couronne historique de l'Église, la Chevalerie, elle aussi est à l'honneur. A côté des religieuses, et les protégeant contre les remous possibles de la foule, défilent en leur tenue guerrière des officiers qui sont accourus jusque des frontières lorraines pour former une haie glorieuse à celle qui fut leur « douce Protectrice des champs de bataille ».

Derrière le char, vient la famille de la Bienheureuse, avec au premier rang Mme La Néele, sa cousine germaine. A la suite, se pressent les membres de toutes les

communautés religieuses de la ville, Petites Soeurs des Pauvres, Hospitalières, Soeurs de la Providence, de la

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Miséricorde, du Refuge, etc... Puis, martelant un pas de parade, fièrement sanglés dans leur uniforme kaki, voici des soldats américains. Drapeau en tête – qu'arbore le capitaine Huffer, vice-commandant de l'American Legion de Paris – fusil sur l'épaule, ils sont là au nom de leur grand pays pour témoigner à la « petite Fleur de Jésus » du dévouement qui s'attache à sa mémoire, là-bas, dans le Nouveau Monde. Et pourtant, quelques-uns d'entre eux sont de religion protestante...

On reconnaît encore une vingtaine de délégations de tout ordre et de toute provenance les cheminots catholiques, par exemple, avec leurs étendards aux mille couleurs, les élèves du Collège Saint-François de Sales d'Évreux, les membres du Souvenir Français, de l'Association

Catholique de la jeunesse française. Toutes ces mâles phalanges de jeunes gens et d'hommes récitent, comme on le fait dans les premiers rangs, le chapelet, que le

peuple reprend sur les bords du trottoir. Et, pour achever, suit une foule innombrable qui se presse en rangs épais.

Le cortège couvre une longueur de plus de deux kilo- mètres. Il progresse au son des Ave, dans un

recueillement profond, et c'est un spectacle unique.

Pour cette cérémonie, quasi improvisée (car jusqu'aux derniers jours de graves difficultés sont venues

l'entraver), organisée à la hâte, dans laquelle ne résonnent ni musique, ni chants, ni cloches, ni rien de ce qui excite

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l'enthousiasme populaire; pour cette cérémonie où l'on n'entend que le murmure des prières, cinquante mille personnes sont accourues. Elles sont là, confondues dans la même piété, entourant les restes de cette enfant que bientôt, au signal de l'Église, toutes les voix

proclameront Bienheureuse, mais que les coeurs seuls peuvent acclamer aujourd'hui. C'est le triomphe de la foi.

Renan avait affirmé dans ses Études d'Histoire

religieuse : « La sainteté est un genre de poésie fini

comme tant d'autres. Il y aura encore des saints canonisés à Rome, mais il n'y en aura plus de canonisés par le

peuple. » Pouvait-on rêver plus éclatant démenti que la manifestation de ce jour ?... Mais, comme pour donner plus de poids à la réfutation, car d'ordinaire, nul n'est prophète en son pays, ce peuple admirateur, c'est ici, avec les fidèles du monde entier, le peuple même de Lisieux, celui qui a vu Thérèse grandir et mourir.

Sur tout le parcours, une affluence considérable est massée ; les talus gazonnés qui bordent, en dehors de la ville, le chemin du cimetière, disparaissent sous des grappes de fidèles ; partout où un être humain a pu

s'accrocher, il l'a fait. Là, sur une pente à l'écart, se tient un pèlerin des environs. Par suite d'une opération, il a le bras droit complètement ankylosé, impossible à lui de s'en servir.

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Alors, il est venu trouver « la petite sainte » avec l'espoir d'être guéri. Voici le char. Vers elle il jette sa muette

prière, et la « petite Reine » l'exauce... quand il descend de la colline, il peut de nouveau remuer le membre

endolori, et, dès le lendemain, il est en état de reprendre son travail, abandonné pendant de longues semaines.

D'autres encore emporteront, ce soir, le secret de leur guérison. Tels, ce grand blessé de guerre, qui en était arrivé depuis quinze mois, après des opérations

successives, à ne plus pouvoir marcher, et qui recouvrait subitement, à Lisieux, l'usage de ses jambes; cette dame venue de Paris avec une grave affection d'estomac, ne lui permettant plus, sans souffrance, d'absorber aucune

nourriture, et qui s'en retourne rétablie, capable de s'alimenter normalement. Telle enfin cette jeune fille

aveugle dont les yeux se rouvriront à la lumière devant le Carmel, à l'heure même où les saintes Reliques v

reviendront.

Cependant, la procession s'allonge à travers la ville. Elle passe devant l'église Saint-Jacques, la paroisse de la future Bienheureuse, dont le perron disparaît sous une affluence de spectateurs. Par la Grande-Rue elle gagne la place Thiers : la voici dans l'axe de la belle cathédrale gothique, celle de Saint-Pierre, toute surprise du

spectacle inattendu qui se déroule devant ses parvis. Ces rues de Lisieux, où, morte, elle attire d'innombrables

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multitudes, la petite Thérèse Martin les a bien souvent dans son enfance parcourues à pied avec son père et ses soeurs. Beaucoup de ceux qui suivent aujourd'hui son char de triomphe ont pu la rencontrer alors, gracieuse fillette, ayant « du ciel dans le regard », mais se perdant, très douce et inaperçue, dans le nombre des promeneurs.

Et tous ceux qui la croisaient ainsi avec une paisible indifférence, étaient bien loin de supposer qu'un jour, à cette inconnue, ils élèveraient des autels.

Après une courte averse, qui ne jeta d'ailleurs aucun désarroi dans la fête, le ciel était redevenu serein. Les rues du Bouteiller, du Rempart, Gustave-David,

conduisent le cortège jusqu'à l'Abbaye des Bénédictines, sur la paroisse Saint-Désir. Voici la porte que Thérèse, il n'y a pas quarante ans, franchissait chaque matin en tenue d'écolière, la chapelle qui l'accueillit à l'aube du 8 mai 1884, dans sa blancheur céleste de première

communiante. Aujourd'hui, les vieux murs se sont ornés d'une parure de jeunesse pour la voir passer, toute

blanche encore, mais dans un décor d'apothéose. Là-bas, derrière la grille de leur grand parloir, les moniales béné- dictines sourient à la glorieuse enfant qui s'arrête un instant devant leur monastère, tandis que les plus anciennes invoquent tout bas, par avance, une Bien- heureuse à qui elles firent la classe.

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Enfin, par la Grande-Rue, la rue Pont-Mortain, la rue d'Alençon, la place Fournet, on atteint la rue de Livarot.

Toutes les fenêtres, fleuries et pavoisées, sont constellées de têtes. Par endroits, les couleurs nationales se mêlent très heureusement à celles du Saint-Siège. La rue Pont- Mortain, sur toute sa longueur, est d'un effet merveil- leux : avec ses guirlandes et banderoles aériennes, elle ressemble à un portique immense et très chatoyant.

Au Carmel

A 4 heures, la tête du cortège arrive en face du Carmel.

Le sombre et modeste corbillard qui en sortait, au matin du 4 octobre 1897, conduit par le Supérieur du

Monastère et suivi seulement de quelques parents et amis de celle qui se nommait Thérèse de l'Enfant-Jésus, avait alors large place pour évoluer à l'aise. Mais aujourd'hui, c'est une foule énorme que le service d'ordre doit

endiguer pour permettre au char funèbre, devenu

triomphal, de regagner la grille d'entrée. A cette grille, on se cramponne avec empressement, pour apercevoir

jusqu'au bout le glorieux convoi.

La chapelle, toute resplendissante de mille feux, ne s'ouvre qu'au clergé. Sur le perron, six messieurs de la société lexovienne sont en attente. D'un puissant effort, tandis que prières et invocations s'égrènent avec ferveur, ils enlèvent le lourd cercueil, et, précédés de Mgr

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Lemonnier, de Mgr Chauvin et des prélats, ils

l'introduisent dans le sanctuaire. « Move te Sancta Dei...

Entrez maintenant, Sainte de Dieu. Hâtez-vous vers la demeure qui vous est préparée. Le peuple fidèle suit vos pas avec allégresse.»Et vous, « Chrétiens, d'un coeur unanime, ces dépouilles chéries, acclamez-les de vos joyeux cantiques.»

L'orgue tout neuf, qui vibre pour la première fois, salue l'entrée de la petite sainte par une marche triomphale, suivie bientôt de l'hymne Jesu Corona Virginum, premier prélude, semble-t-il, de la toute prochaine Béatification.

Les Reliques recouvertes d'un drap d'or sont déposées sur un socle tendu de blanc, tout en haut de la nef, à l'entrée du choeur. C'était là que souvent, aux jours de son

enfance, Thérèse était venue s'agenouiller, jetant un regard d'envie vers l'austère grille des Carmélites...

Monseigneur donne, en terminant, sa solennelle bénédiction. Il annonce pour le lendemain la

Reconnaissance des Restes, strictement privée; puis le calme descend sur la petite chapelle, où la Bienheureuse de demain, entourée de fleurs, va passer sa nuit comme une veillée des armes auprès du Tabernacle.

Au dehors, la foule s'écoulait pensive... Tout à l'heure, à l'instant même où le corps de l'aimable Vierge avait touché le seuil de la chapelle, le ciel, rembruni par

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l'orage, s'était merveilleusement éclairci et chacun y voyait de doux présages pour l'avenir.

Puis, dès le soir, sept trains supplémentaires dispersaient en partie les pèlerins à travers la France, mais tous les coeurs demeuraient empreints du souvenir impérissable de cette journée. Devant le Carmel, plusieurs s'attardaient en prières et, bien tard dans la nuit, on voyait encore des ombres s'agenouiller sur le pavé, devant les portes

hermétiquement closes, pour y murmurer longuement de ferventes supplications.


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Correspondance Familiale Après-1897

Sr Françoise Thérèse (Léonie) Martin à sa sœur (Marie) Marie du Sacré Coeur

Fête du Sacré Coeur 1914 [juin] ACL Ma bien aimée petite sœur,

Ta fête est particulièrement belle cette année par la

glorification de notre aimable "petite grande sainte". Si tu savais à quel point je te suis reconnaissante de me mettre ainsi au courant de tout ce qui la concerne. Ton

dévouement me touche au delà de toute expression. Vois- tu je suis encore si émue par la nouvelle de l'Introduction de cette cause tant désirée que je sens bien qu'il me serait impossible de voir ici- bas la gloire de la Béatification.

Cela serait tellement au-dessus de mes forces que Jésus, je l'espère me prendra avec Lui pour la voir au Ciel. J'ai de la peine à croire que nous voyons toutes quatre notre petite sœur chérie sur les autels, et s'il y en a une à s'en aller, ça me revient de droit, à moi, qui ne suis bonne à rien.

Plus je vois notre Ange glorifiée, plus je sens le besoin de m'exiler. C'est une souffrance de me trouver en

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compagnie tellement je suis pressée d'être seule avec mon Jésus, afin de savourer mon bonheur auprès de Lui, là seulement, je jouis, je suis en paix.


Va-t-on s'occuper du Procès pendant les vacances? J'ai vu Francis et Jeanne quand ils sont venus pour la 1ère

Communion de la petite Maudelonde, ils ont parlé très aimablement de la Cause, je vois bien qu’ils sont

persuadés que ce Procès ira très vite.- J'ai vu avec peine que notre bon Francis est bien vieilli, bien fatigué, quand il s'en irait avant Jeanne, je n'en serais pas surprise, je l'appréhende pour elle, car la pauvre petite en mourrait de chagrin.


Enfin, sur la terre, ce n'est que douleurs et séparations heureusement, en un sens, car on y établirait sa demeure et on oublierait la Céleste Patrie. Mais il n'y a pas cela à craindre pour nous les Epouses de Jésus qui avons hâte d'aller jouir de notre Bien Aimé et de le voir face à face.

☙❦❧

Sœur Marie du Sacré Coeur à Sr Françoise Thérèse (Léonie)

Mercredi (Juin 1914) ACL Jésus +

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Petite sœur chérie,


Tu recevras vendredi matin 50 babas et 50 choux à la crème pour fêter avec nous l'Introduction de la Cause. Tu me diras si ces gâteaux sont bons, si les babas sont bien arrosés de rhum car nous pourrions bien être volées par le pâtissier.

Ce jour là, petite sœur, nous ferons aussi de l'extra au réfectoire et partout. Nos cloîtres vont être décorés

magnifiquement Mgr viendra le matin dire la messe. Il y aura à 5 h. un salut solennel avec la Maitrise de St Pierre, c'est-à-dire que celui qui tient l'harmonium et ceux qui l'accompagnent pour la musique seront là. Enfin, ce sera très beau.

Mgr entrera à 2 h. avec les membres du Tribunal.


On ne pourrait pas faire de fête à la chapelle sans la circonstance de la fête du Sacré Coeur, mais à cause de notre petite sainte nous la fêterons cette année avec plus de pompe.

Il y aura chez le Supérieur (Curé de St Jacques) un grand dîner où tous les prêtres de la ville seront invités. N'en parle pas à Francis parce qu’il n'est pas invité. Mgr ne veut que des prêtres.

Mgr de Teil va revenir de Rome pour vendredi. Croirais- tu que le diable a fait des siennes pour que la séance du 9

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Juin n'ait pas lieu. Et si elle avait été remise, hélas! il nous aurait fallu attendre à l'an prochain car toutes les séances de la Congrégation des Rites sont marquées à l'avance et il n'y avait pour cette année que cette date de libre.

Voilà donc ce qui est arrivé. Ce jour là même nous écrit le R. P. Rodrigue, il y avait à Rome la grève des cochers.

Pas une voiture à louer... Le Cardinal Gotti a été forcé de monter dans l'auto d'un autre cardinal dont je ne me

rappelle plus le nom et encore le cocher n'osait avancer dans les rues, craignant les coups de bâton de ses

camarades. Tu sais que lorsqu'il y a grève c'est cela : aucun ne doit marcher. Le R. P. Rodrigue appelle cela un petit miracle, qu'ils aient pu se réunir pour la séance.

Il me faut te dire qu'il n'est pas permis à un Cardinal d'aller à pied dans Rome, il doit toujours être en voiture.

Quel esclavage mais c'est comme cela. Et c'est pourquoi ils ont bien manqué de ne pouvoir se rendre à la séance.

Je te dis bien vite adieu petite sœur chérie, car nous avons de la besogne de taillée jusqu'à vendredi. Si Mgr de Teil nous apprend du nouveau nous te l’écrirons.

Il nous a écrit qu'il avait offert au St Père un tout petit cadre chevalet dans lequel il y a des cheveux de Thérèse et du bois du cercueil, de sa robe, etc... Le St Père l'a

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aussitôt placé sur son bureau. Ce cadre avait été fait pour la fête de notre Mère et Mgr de Teil ayant demandé un souvenir Notre Mère n'avait plus que celui-là.

Heureusement que c'était le plus beau qui restait mais si nous avions pu prévoir qu'il était destiné au pape il aurait été encore mieux. Enfin, nous y penserons pour la

béatification.

A bientôt


Ta petite sœur


Sr Marie du Sacré Coeur r. c. ind.


Respects affectueux à ta bonne Mère.

☙❦❧

Sr Marie du Sacré Cœur à Mme La Néele Lundi 8 juin 1914 ACL

Jésus +

Ma chère petite Jeanne,


Mgr de Teil arrive jeudi soir à 10 h. si toutefois il peut quitter Rome car il y a la grève des chemins de fer. Notre Mère te demande de bien vouloir le recevoir ; le

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lendemain à midi il dînera chez M. le Curé de St Jacques avec Mgr. et sans doute chez vous le soir !

Pour nous, nous avons bien du mal cette semaine, car il faut décorer nos cloîtres pour vendredi et cela donne un surcroît de travail. Aussi, ma chère petite soeur, malgré notre désir de te voir, notre Mère te conseille d'attendre à la semaine prochaine, tu pourras venir dès lundi. Mais cette semaine elle ne pourrait pas aller au parloir, ni Sr Genev. Il n'y a que moi qui ne sais rien faire qui ai du temps ( pas à revendre, mais enfin assez pour ne pas avoir la tête cassée)

Ne nous fais pas envoyer d'asperges pour vendredi. Mme Greville va venir et va nous en donner. Et puis celles que Bouline nous a apportés la dernière fois étaient tellement abîmées qu'il a fallu en jeter la moitié. C'est absolument de l'argent perdu. Pas non plus de fromage, à la crème, j'aime mieux 1 petit gâteau double comme la dernière fois et une allumette. Nous sommes 30 avec les tourières, le dîner est à 10 h.

Tu vois que je ne me gêne pas avec toi. Je veux bien

aussi 5 boîtes de homard, du vrai homard pour ce jour-là, pas de langoustes. Enfin tu vas être malédifiée. Je

t'assure que ce n'est pas pour moi, c'est pour faire plaisir à notre petite Mère qui n'y tient pas non plus : bref c'est pour les autres. Et les autres y tiennent-elles ? ...Non ! Ici

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on fête pour le bon Dieu et si on se réjouit de l'honneur que le bon Dieu nous fait c'est encore pour lui, car

vraiment sur la terre il n'y a que la misère à gratter. Mais la gloire du Ciel compte pour quelque chose et c'est

pourquoi on ne veut pas se plaindre ni de la misère

passée ni de la misère à venir. Adieu ma petite Jeanne je vous embrasse tous les deux de tout mon coeur

Sr M. du S.C.


Nous avons envoyé un mot à Mme Tostain pour lui faire plaisir, mais personne ne nous avait prévenues de

l'avancement de son mari. Du reste ces questions-là ne nous regardent guère et sans toi nous n'aurions pas écrit.

☙❦❧

Sr Geneviève de la Ste Face (Céline) à sa sœur Françoise Thérèse (Léonie)

+ Jésus

28-29 Juin 1914 ACL Ma petite sœur chérie,

Cette fois je prends une grande feuille parce que j'ai beaucoup de choses à te dire et que je t'ai réservé un bon moment.

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Nous avons eu des fêtes magnifiques, fêtes intimes mais qui n'en étaient que plus douces. Comme les cérémonies religieuses sont interdites pour une Introduction de

Cause, nous avions choisi la fête du Sacré Coeur pour faire éclater notre allégresse. Cette solennité a donc été, cette année, célébrée princièrement chez nous.

Monseigneur a célébré la messe et donné la bénédiction du soir, il était accompagné de tout le clergé de Lisieux et des environs, une trentaine de prêtres, lesquels avaient assisté avec Sa Grandeur à un banquet donné chez M. le Curé de St Jacques. La table était couverte de roses

blanches, notre Mère avait fait les menus ornés d'un portrait de notre petite sainte. Jamais il n'y avait eu si belle réunion au dire de tous. Ensuite, ces Messieurs sont entrés dans la clôture pour faire leur pèlerinage aux lieux sanctifiés par notre ange. Ils sont partis enthousiasmés, ils en ont pour la vie de ce souvenir. Monseigneur

triomphait. A la réunion à la salle de communauté, sa Grandeur a adressé un mot aimable à tous les membres du Tribunal, à Monseigneur de Teil, Mgr Quirié, Dubosq et Deslandes présents.- Pour intéresser pieusement

l'auditoire les novices ont récité la pièce en vers

composée par Mère Sous-Prieure sur "la petite voie", enfin tout a été complet.

Notre Mère avait demandé à Monseigneur de ne pas nous désigner, Sr Marie du Sacré Coeur et moi, ainsi nous

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avons été tranquilles dans notre incognito. Cela se passait entre 3 et 5 heures. A la bénédiction, foule à la chapelle, l'orchestre de St Pierre s'est fait entendre comme à la messe du matin. Mgr a lui même prêché sur le Sacré Coeur. Ainsi les personnes présentes n'ont pas su le véritable motif de cette fête extraordinaire, elles l'ont attribuée sans doute à la présence de l'Evêque. Après la bénédiction, la maîtrise a exécuté le chant pour demander la béatification, puis Mgr a fait lui-même au pied de

l'autel, la prière pour la Béatification.

A l'intérieur du monastère, tout était transformé, il y avait des guirlandes de verdure, des suspensions de roses, des tentures, des cordons de verres à illumination qui

scintillaient au soleil comme des colliers de diamants.


Au réfectoire nous avons eu une fête extraordinaire, des nappes aux tables et couvert avec... fourchette! un verre pour boire au lieu d'un godet etc. etc. Dans nos

monastères du Carmel elles ont fêté aussi, plusieurs ont pavoisé leurs cloîtres, elles ont fait des processions portant en triomphe le grand portrait de Thérèse,

lanternes vénitiennes au réfectoire etc.. mais ce n'était pas si beau que chez nous. Pour moi, je me trouvais

transportée dans un autre monde, c'était comme une noce de gaieté, tout joug avait été enlevé de sur nos épaules Joug saint que nous avons été pourtant heureuses de reprendre! Il y avait aussi des sentences dorées partout,

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