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J’ai écouté les experts rapporter la toxicité de l’halofantrine

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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66 Tribune libre

Or lorsque Thôt, père des arts, présenta l’écriture au divin roi de Thèbes comme un moyen de multiplier la mémoire et d’aider à la diffusion de l’instruction, Amon lui répondit : “Oh Thôt, incompa - rable sage, inventeur de l’écriture, tu mesures mal son pouvoir. Elle remplacera la mémoire vive par une mémoire morte, car nul n’aura plus besoin de retenir. Elle donnera à l’homme l’expérience du dehors par le texte étranger, et non du dedans par sa réflexion propre. Celui qui regorgera de connaissances puisées dans l’écrit sans avoir jamais appris à former son jugement par l’échange avec un maître ne sera que la caricature d’un homme instruit.”

Platon

J’ai écouté un épidémiologiste.

Le délai entre le début des symptômes et le diagnostic serait de trois jours… L’accès palustre simple représenterait 93 % des formes cliniques… Devrais-je en conclure que ni la clinique ni le diagnostic ne posent jamais de problème en France ? Ceci ne croise pas mon expérience du dedans. L’épidémiolo- gie, c’est l’expérience du dehors. C’est une fiche remplie sans engagement ni risque de la part du praticien.

Toute fièvre palustre sans signe de gravité sera considérée comme un accès palustre simple, qu’elle survienne chez un sujet non ou semi-immun, avec ou sans prophylaxie… Et ainsi, oubliera-t-on la patraquerie, l’accès de fièvre dans un contexte de grippe résolutive sous macrolides, la fatigue du “jet-lag” q u i d u re un mois, voire les contre - p e rf o rmances qui précédent la fièvre soutenue. Elle seule sera considérée et ainsi, le dia- gnostic tardif. Le nombre de morts annoncés par l’épidé- miologiste restera-t-il stable, année après année ?

C’est l’expérience du dedans qui doit prévaloir dans l’action et, quand elle manque, la confrontation avec ceux qui ont cette expérience, “les maîtres de l’Antiquité”.

Oubliez un instant vos items, levez le nez de vos écrans infor- matiques, parlez, échangez en direct avec ceux qui savent ! Le raisonnement médical ne peut être réduit au recueil de don- nées passées à la moulinette du statisticien… Un relevé d’épi- démiologie n’est pas un traité de clinique.

J’ai écouté un clinicien.

R é g u l i è rement confronté au diagnostic de paludisme, il a depuis longtemps intégré les “signes biologiques aspécifiques”

dans sa démarche diagnostique. On ne sait jamais, si la lecture

du frottis venait à tard e r, inexpérience, embouteillage, oubli ? . . . C’est une aide facile donc précieuse.

Hélas, au moment de rapporter cette expérience du dedans,

“complexé de la statistique”, il noiera cet outil dans les chiff re s . Celle-là est exigeante, ceux-ci doivent être élevés. Alors il mélangera toutes ces données quelle que soit la forme clinique.

La statistique veut du chiff re et encore du chiff re, elle tue la nuance, la perspective, le raisonnement physiopathologique. Et p o u rtant, débarrassées des pourcentages, les choses sont s i m p l e s: l’accès de primo-invasion, brutal, sévère du sujet non- immun sans prophylaxie associe, à hémoglobine normale, une lymphopénie et une thrombopénie précoces. La CRP est éle- vée à VS normale, le cholestérol est bas, les triglycérides aug- mentés, le fer sérique est bas, la ferritine élevée.

Si on laisse évoluer ce tableau clinique, apparaîtront des signes d’hémolyse au profil évocateur: c’est une hémolyse arégénérative à fer sérique norm a l; c’est l’haptoglobine qui vous permettra de l ’ a ff i rmer et la chute “modérée” de l’hémoglobine…

Si le patient sous prophylaxie présente une forme clinique paucisymptomatique avec asthénie, train sub-fébrile, et splé- nomégalie, ce ne seront alors ni la lymphopénie ni la throm- bopénie qui vous orienteront mais la discrète anémie arégénérative à haptoglobine effondrée, un cholestérol au plus bas et une ferritine élevée.

J’ai écouté les experts rapporter la toxicité de l’halofantrine

Que penser de prescripteurs, probablement pressés par la multirésistance, qui ont triplé la dose d’un amino-alcool pour traiter des réfugiés, souvent dénutris, voire pré-traités par un autre amino-alcool ?

Sur 400 observations, un seul décès sera à déplorer!... S’est- on interro g é ? Combien de décès si l’on avait triplé la dose de quinine ? De méfloquine ? Et de chloroquine !!

P o u rtant, ce même traitement sera prescrit chez 61 autre s patients, avec deux arrêts cardiaques récupérés dont l’un chez une femme qui présentait des syncopes itératives depuis l’en- fance !

Faut-il avoir sous-estimé les effets d’une molécule appart e n a n t à une classe thérapeutique dont la cardiotoxicité est établie

L e paludisme à Plasmodium falciparum d ’ i m p o r t a t i o n .

“Balade en pays de consensus (1) ”.

T RIBUNE LIBRE

J. Bernar d

Chef de service de médecine interne, CHA LARREY, 24 Chemin de “Pourvouville”,31998 Toulouse Armées.

Manuscrit n°2141.Reçu le 14 décembre 1999. Accepté le 23 février 2000.

(2)

Bull Soc Pathol Exot, 2000,93, 1, 66-67 67 depuis longtemps? La remarquable tolérance générale de ce

produit ne nous a-t-elle pas conduits à faire n’importe quoi ? Ces accidents vont aiguiser l’attention de médecins jusque-là trop confiants. À la posologie recommandée, enfin, les clini- ciens “surpris” rapporteront respectivement deux “Romano Wa rd”, une “dysplasie arythmogène du ventricule dro i t”, une

“ m y o c a rdite rhumatismale” sévère avec rétrécissement aort i q u e et rétrécissement mitral serrés, décompensés…

Ce produit entraînera la mort d’un enfant de deux ans souf- frant de diarrhées et de vomissements depuis 18 jours, pré- sentant une anémie à 5 g d’hémoglobine et ayant déjà reçu de l’amiodiaquine pendant 6 jours…

Enfin, cette molécule sera considérée comme définitivement dangereuse quand une jeune femme de 26 ans, en voyage au Kenya, prendra six comprimés d’halofantrine deux fois à 12 jours d’intervalle, sans qu’un diagnostic précis de paludisme soit fait. À la deuxième prise, elle chutera avec perte de conscience. Une tachycardie ventriculaire sera enre g i s t r é e . Elle sera réanimée sans séquelle cardiologique. Elle mourra subitement neuf mois après. Aucune investigation cardiolo- gique dans cet intervalle n’a été faite ou rapportée. L’ h a l o- fantrine restera le seul accusé…

Les pédiatres observent chez l’enfant un allongement du QTC sans manifestation clinique… Les militaires français ont uti- lisé cette molécule chez des sujets jeunes, souffrant de palu- disme à Plasmodium falciparum dans plus de 3000 cas sans problème.

Sur la base d’études cliniques et pharmacocinétiques, ils ont montré que le QT s’élargissait pro p o rtionnellement au pic plasmatique d’halofantrine. Ils ont testé la séquence six com- primés - deux comprimés au lieu de six comprimés deux fois avec succès. Antérieurement aux études sur la cardiotoxicité, ils avaient démontré chez 480 volontaires sains son efficacité sur l’éradication du paludisme à Plasmodium falciparum d ’ i m- portation avec six comprimés, le premier et le septième jour du retour de la zone d’endémie. À la lumière des études phar- macocinétiques, a-t-on le droit de discuter cette indication, la posologie de l’Halfan®, ou doit-on enterrer cette idée ? Ils sont restés “muets”…

Les laboratoires SKF distribuent depuis 10 ans plus d’1,5 m i l- lion de boîtes par an. Combien de perniciosité, combien de décès a-t-on évité? Ne sommes-nous pas passés, dans l’utili- sation de ce médicament, de l’insouciance coupable à une méfiance également coupable ?

Rien n’est poison, tout est poison, c’est la dose (PARACELSE).

P. S . : L’équipe souhaitant supprimer l’Halfan®‚ en pre m i è re ligne de traitement n’est-elle pas celle qui l’a utilisé à triple dose ? !...

J’ai écouté un pharmacologue.

Il nous a parlé de la méfloquine. Pour le clinicien qui a l’ex- périence de cette molécule (expérience du dedans), les effets n e u ropsychiques sont une évidence. Encore faut-il avoir sur-

veillé ces patients sur une longue période. Quand on sait que la moyenne des hospitalisations est de trois jours, la méfloquine n’a alors que des effets bénéfiques : normalisation de la fièvre , en particulier. Cette molécule a une demi-vie de 21 jours, les e ffets secondaires mineurs apparaîtront à domicile. Ils sero n t vite oubliés. Et croit-on que les effets majeurs seront tous rapportés à ce traitement ?

La tolérance de la méfloquine à posologie prophylactique a été testée chez 23 pilotes de la SWISS AIR. Ces hommes aux lourdes responsabilités sont sévèrement sélectionnés. Résul- tats: les auteurs insistent sur la stabilité de leur performance.

Ils signalent une diminution du temps du sommeil et une alté- ration de sa qualité. Quel intérêt de présenter un tel travail au protocole lourd et sur si peu de sujets ?

Il ne faudrait pas que cette publication autorise les médecins à pre s c r i re cette molécule chez ceux qui ont des métiers à risque pour eux et pour la collectivité…

J’ai écouté “l’expert de l’exsanguino-transfusion”.

Il a été doublé… Le Lillois qui l’a pratiqué (expérience du dedans) est convaincu de son efficacité, et semblait navré que le double-aveugle n’ait pu être réalisé ! Le Parisien, traumatisé par le scandale du sang, ne veut plus en entendre parler ! P o u rtant les objectifs de cette technique sont scientifique- ment audibles.

Que les réanimateurs qui l’utilisent depuis 50 ans nous disent si cette technique fiable est dangereuse, si leur seule crainte est la transmission d’un virus, face à cette maladie rapidement mortelle, ou si les patients ainsi traités sont décédés de l’ex- sanguino-transfusion !

Si la réponse est non, ne pourrait-on pas alors tester cette méthode dans la paix ?

A-t-on réellement besoin du double-aveugle ?

De cette conférence de consensus, j’ai retenu qu’il faut encore interroger son patient sur ses antécédents, sur les traitements qu’il suit, qu’il faut l’examiner (!), qu’il faut faire un diagnostic et enfin lui prescrire un traitement adapté !

Si ce message a atteint la nombreuse et noble assemblée qui s’y trouvait, je pense que nous vaincrons la perniciosité…

Je suis un consensus à moi tout seul.

Téléphonez-moi : 00 33 (0)5 62 25 60 44.

Signé : PLATONFURAX

Référence bibliographique

1 . Douzième conférence de consensus en thérapeutique anti- infectieuse de la société de pathologie infectieuse de langue française - Prise en charge et prévention du paludisme d’impor- tation à Plasmodium. HIA Bégin, 94160 Saint-Mandé (14/4/1999).

Méd mal infect, 1999,29, suppl. 3, 253s-436s.

Références

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