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Mery, Joseph. Le sage et le fou

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Academic year: 2022

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Texte intégral

(1)

Mery, Joseph

Le sage et le fou

(2)

^

(3)

'Heî^

i/ii,^ 3/t'}4lii'

^'

(4)
(5)

LE SAGE ET LE FOU

COMÉDIE

RepiésenlOf, pourl,i iMomicTc fois, àl'.iiissurle Tlie;Ui'u-Fi;iii(.ais le 6iioiil 18o-2.

(6)

l'AKls

IMI'ItIMK

PAU

J.

CLAYE

lîT c", RUE SAl.NT-BENOir, 7.

(7)

LE SAGE ET LE FOU

COMÉDIE

EN

TROIS ACTES,

EN

VERS

MÉRY ET BERNARD LOPEZ

9 f 9

PARIS

MICllEI.

LÉVY FRÈRES, ÉDITEURS

RUE

VIVIENN E, 2 BIS 1852

(8)

]JBR4à;

. (^AR 8 'm \

(9)

A UN CRlTlnUE.

Mon

cher ami.

Vous m'avezaccuséd'une chose grave; aussijevous réponds, malgrémeshabitudes. Onsortdeseshabitudesunefoispar an.

Non, M. Bernard Lopezn'apasabusé de

mon

ingénuitéen

me

proposant de faireavec luinotre comédieleSageet le Fou. Je nesuis pastombé enaveugL'dansunguet-apousimmoral.

Lethéâtre n'estpaslachaire. Ilfautparleramourauthéâtre,

c'estindispensable; jene vois pas

môme

lanécessité d'yparler d'autrechose. Cet inépuisable sujeta des recoins scabreux : ce n'estpas

ma

faute.Cequisepassedansnotrecomédie trouveses originauxdanstoutes lesrues deParis.

Parlezauxportiers.

Mais probablement vousn'avezpasvouluattendrelalinde

ma

comédie. Ily adans unepiècede Molièreune scène quiparai- traitfort imraorabîsionl'isolaitdureste : c'estlascèue oùune femmedità un

homme

quil'oltsède:Allez voirsinous

sommes

seuls... [ïarlufe). VaiitTe soir, mi monsieuratressaillid'indi- gnationdanssastalle; son voisinluiademandé:Qu'avez-voiis

?

J'aiunversafl'reuxdansl'oreille,arépondul'indigné.

Quel vers?

Levoici:

Unamourconjugalestunlon|j;adultère.

Cette citationfaite,lemonsieurindignéest sorti,sansdeman- der sacontre-marque, etil a raconté ce vers infâme à tousles échosduPalais-Uoyal. Le lendemain notre comédie étaitmiseà l'index dansun autre feuilleton,toujours à propos de ce

même

vers.Iln'y aqu'un malheur pourlemonsieurindigné,c'estque ceversn'existepasdansnotrecomédie,ou que,dumoins,ilest horriblement tronqué. Les sourds devraient être exemptés du théâtre,

comme

delagarde nationaleetde laconscription.

Quelquesprovinciauxingénuscroientqu'unauteiu' seprésente imbeau matinà des comédiens, et leurdit:«Tenez,voilà

ma

pièce,jouez-la, »et que les comédienslajouent le lendemain.

(10)

Mais vous,

mou

cherami,voussavez bien toutce qu'ilfautsubir d'heuresterriblespourarriveraulustreetausuccès.Ilfaut tra- verseruucomité delectrire,un examen de censeurs rigoureux, imeautrelectureauxartistesetquaranterépétitionspendantles- quelleschaquehémisticheestdébattu entrelesouffleuret lepom-

pier.

Comment

voulez-vous qu'une choseévidemment immorale nesoitpas expurgée dans cetimmensetravail d'alambic avant la première représentation? Savez-vous bien,

mon

cher ami, qu'en

ma

qualitédejoueuriïéchecs,dedamesetdez«/tù-/,jouant àcejeu desquarante répétitionsavecl'attention laplusscrupu- leuse(demandez aux comédiens),jenelaisserais pas entre les mainsdemesadversairesunpioti,unepièce, imatout qui se- raient de nature à compromettre

ma

partie? \'oyez ensuite oîi peut vousconduireun zèlesans doutehonorable, mais exagéré pourlacause delamorale?Cen'estpas moique vousattaquez; ce n'estpasnonplusBernard Lopez: vousattaquezcetimmense jurycomposéde deuxmillejuges qui ontapplaudi notrecomé-

die, scèneparscène,etpresque versparvers.Quoi! nous avons

fait une œuvre immorale, et dans ce monde d'élite il ne s'est trouvé personne pour protester

comme

on proteste au théâtre!

Quelle idéedonnez-vousdupremierpublicdumondeàlaprovince lointainequivouslit! Siunepièceatteinteduviceque voussi- gnalez osaitaujourd'huise montrerauthéâtre,unsiffletàdeux millebouchesla feraitrentrerdansle néant;jamais onn'aurait entenduplusstridentorage: ilsembleraitquelethéâtre passeen

wagon

dansunsouterrain dechemindefer.

Et notez bien ceci encore:vous n'attaquez passeulementles

hommes

decegrandpublic,vouscensurez aussi,etpeugalam- ment,lesfemmes.

Un

de vos plusspirituelsconfrères,unécrivain quiseconnaît très-bienenthéâtre,M.JulesdePrémaray, rendant comptede notrecomédie, s'exprimeainsi-.Quelles toilettes! que dediamants! d'émeraudes!detopazes d'Ecosse! de saphirs! de rubis! d'ambre et d'éventails ruisselants d'or! Eh bien!

mon

cherami, savez-vousce que faisaient les charmantes et

nom-

breuses propriétaires de toutesces belleschoses? Elles ont déchiré leursgants àforce d'applaudir;c'est il.JulesdePrémarayqui leraconte,et vousl'avezvuprobablementvous-mêmeaussi.

Ma

comédieaccusée d'immoralité, crime prévuparlecode de Thalie, adonccomparu auxplus solennellesdes assises,etvoilàlever- dictrendu. Respect àlaloi.Celane

me

regardeplus.

Je profite de cette lettrepour payer notretribut de remercî- ments aux comédiens, nos innocents complices; à Maillart, si élégant,sijeune,sivifdanslerôledeLéon;son succès aétéim

(11)

triomphe: àLeroux,qui acomposé son rôle difficile avec une habileté,unescience,uneréservemerveilleuses:àAnselme, nou- veauvenu auThéâtre-Français,etdéjà naturalisé surleterrain desexcellentes traditions. Aux femmes ensuite, toutes jolies et

charmantes, pirivilége du gynécée de laComédie-Française; à M"'^Favart,sitouchante parladiction,latenue etlecœur dans

lerôledeClotilde; étoilequiselève avec tantd'éclat,etmontera bien haut; àMue Théric, ravissante

comme

un dahlia rosé, et poétique

comme

imepenséeamoureusedeseizeans; à Mi'eBiron, qui nesecontentejamaisd'êtrebelle, et qui joue

comme

sielle

ne l'étaitpas; à M"» Saint-Hilaire, soubrette du meilleur ton, qui apporteauthéâtrel'espritdontelleéblouitlemonde.Laplus grandepartd'un succès appartient toujoursaux artistes,surtout quandles artistessontlescomédiens duThéâtre-Français.

Ilyaeudéjàdeux jugements enappel depuislepremier ver- dict;la cause continued'être gagnée pour nous,

mon

cher ami.

Décidémentla pièce esttrès-morale. Un auteur se trompe, un

critique setrompe,

même

quand ilest spirituel, savantetingé- nieux

comme

vous; mais trois assis sde public nese trompent jamais.

Votre accusé innocent etamidévoué

,

Méry.

UaoùH8.52.

(12)

PERSONNAGES

LÉONDECOURVILLE,jeunelionime àlamnije. MM.AIaillart

MAURICECOURTOIS, avocat. Leroux.

MONSIEUR THOMASSIN,riche propriétaiieaux

Ardennes. Anselme.

MADAME

DUBOURG, peintre deportraits. Mines Favart.

MADAME NOGENT

,jeune venve, tenantnne

maisonmenblée. Biron.

CLÉMENCE,fille<leTlinmassin. Théric.

ÉMERANTINE, contnnère. Saint-Hilaire.

La scène se passe à Paris, en 1852, chezmadame Nogent.

Lestroisactes danslemêmedécor.

(13)

LE SAGE ET LE FOU

'>»E>

-&^

,©-5<i

ACTE PREMIER

Unrichesalonbourgeois; troisportesaufomletporteslatérales au secondplan; àdroite, surlederantdelascène,un sofa; àgauche

,

une cheminée avec glace et pendule.

Les indications sont prises do lasalle.

SCENE PREMIERE

MADAME NOGENT, TIIOMASSIIS

,

CLÉMENCE

entrant par le fond.

TH

M

AS SIN.

Comment

donner

un

balà

mon

secondétage!

Voyonssi le premier

me

convient davantage.

MADAME

NOGE

NT

, précédantTUomassin etsa fille.

Un

bel appartement! c'estle

numéro

trois.

Il vient d'êtreoccupé par

un

majorhongrois; Etlorsqu'il estvacant,jele prendspour

moi-même.

Lemobilierest neuf, d'une richesseextrême.

Voyez

comme

c'estgrand,

comme

c'estspacieux!

Ah

! pourdonner

un

bal, vous serez

beaucoup mieux

Qu'en votre logementà

mon

secondétage!

4

(14)

2

LE SAGE ET LE FOU.

S'il faut que votrebourse ytrouve

un

avantage.

Louez donccelocalrien qu'unjour;en loyer Je

me

contenterai devousfaire payer Le prixd'une semaine.

TIIo

M

As sIN.

Oh! ma

charmante hôtesse, Jereconnais bien votredélicatesse.

MADAME NO CENT,

piquéeetminau.la.it.

Hôtesseest

un

vieuxmot.

TH MAs sIN.

]N'est-ce point

un

hôtel?

M

ADA

M

E NO GEKT.

Aucunement,

monsieur,je netiens riende tel.

De

laconfusionje seraisdésolée.

Jetiens, c'estmeilleurgenre,

une

maison meublée.

CLÉMENCE.

Mon

père asi longtemps vécu dansson canton.

Qu'il ignore lesmots

du moderne bon

ton.

MADAME NOGENT.

Je vousledisais donc. Pour donner

une

fête,

Chaque

pièceestchez

moi

distribuée et faite:

On

causeici sans bruit; pour danser nous allons

Du

côté

du

jardin danslesautres salons.

Etle fracas du bal ne peut pas vous distraire

Quand

ici vousparlez enfamille; aucontraire.

Ah! comme

je rêvais déjà depuislongtemps D'avoir dans

ma

maison deces bals éclatants Qui font stationner, dans leplusnoble style, Calèches etlandaus devant le péristyle.

THOMASSIN.

Étrangersà Paris, il nousfaut votre appui.

(15)

ACTE

I.

MADAME NO

G

EN

T.

Que

vousconnaissez

peu

lesgrands balsd'aujourd'hui!

Sachezdonc qu'on

emprunte

, en des salonsillustres

,

Guirlandes et festons, girandoles et lustres, Grandslaquaisimposants, petits

grooms

exigus,

Vermeil seigneurial des richesambigus.

Le système d'emprunt, étendantsesconquêtes, Fait, dansplusd'un salon,

emprunter

desbanquettes;

Et, tousnos jeunesgensse faisantvieux causeurs,

On

a

même

parfois

emprunté

des danseurs.

THOMASSIN.

Rien nesera trop beau pour marier

ma

fille.

J'aurai des conviés, amis dela famille.

Clémence

et moi pourtantdésirons recevoir Quiconque vous voudrez

amener demain

soir, Nousestimant heureux qu'à ce bal on assiste...

MADAME

N GEN T, tirantun papier.

Merci, monsieur.

Jeveux vousprésenter

ma

liste.

Lisant.

Monsieur deCourville...

CLÉMENCE.

Ah

!

MADAME NOGENT.

Quoi! VOUS le connaissez?

CLÉMENCE,

avec embarras.

Si nousleconnaissons!...

THOMASSIN.

Courville?... Mais assez.

C L É

M

ENCE.

Aux

Ardennes,j'étaisautrefois sa voisine.

(16)

4

LK SAGE ET LE FOU.

TH

M

As sIN.

Le château de sa

mère

estprès de

mon

usine.

MADAME NOGENT.

Ah! n'est-cepasque c'est

un

jeune

homme

charmant?

Mais nous enparlerons dans

un

autre

moment.

Voyez donc cette liste.

TH

M

AssIN.

A

VOUSjem'en rapporte...

Etc'estl'appartement(lueplutôt il m'importe De connaître...

MADAME NOGENT.

Venez, jeveux vous fairevoir Lapiècedontje fais quelquefois

mon

boudoir.

De mon

mari défunt lorsqu'unami s'informe, J'y

montre

son portrait ornéd'un uniforme.

EllesortavecThomassinpar lagauche.

SCÈNE

II.

CLÉMENCE,

seuleetrêveuse.

Léon,je

m'en

souviens!

Nous étions tous

deux

seuls,

A

la grille

du

parc, dansl'alléeaux tilleuls,

Cette dernièrefois qu'ensemble nous parlâmes, llêvant

un

seulquatrain pour nosépithalaines!...

Oh!

c'étaitde

ma

part desaveuxinnocents.

Enfantillage pur!... Car,j'avais quatorzeans...

Et pourtant,malgrémoi,

quand

j'y pense... j'entremble!...

Quel hasard de

nouveau

nousfait trouver ensemble!

Fallait-il qu'avec

moi

Léon serencontrât Lesoir de ce bal oùje signe

mon

contrat?...

(17)

ACTE

I.

Etquevais-je éprouver toutà coup à sa vue?...

lîemettons-nous... Depuisla dernièreentrevue, Quatre sièclesbien longs, quatreans sesont passés!

Ah!

tousnos souvenirs doivent être effacés!...

Et qui m'assureencor que Léon reconnaisse Cellequedistingua sapremière jeunesse?

Iln'estplusrevenulà-bas au

doux

pays;

Et c'estsans trahison, du moins, queje trahis.

SCÈNE

III.

THOMASSI^, CLÉMENCE.

THOMASSIN,

à la portek gauche.

Soit! provisoirement,au premierjem'installe.

AClémence, enl'appelantàlui.

Regarde! Il fait,je crois, très-clairdanscette salle Pour finirtonportrait... Qu'enpenses-tu?

CLÉ M

EN G E, s'appi-ochant.

Voj'ons!...

Bien!...

TH JIAs sIN.

J'aidit de descendreet pinceauxetcrayons...

Nousvoilà seuls,

ma

fille; écoute-moi, Clémence...

Une

nouvellevieaprès

demain commence

Pour nous.

Ton

mariageest arrêté; tu dois Faire

un

très-))onaccueil à MauriceCourtois;

C'estton futurépoux,

un

excellentjeune

homme

Quisefait respecter partout,

quand

il se

nomme;

C'est

un

des avocats qui font leplusdebruit

Au

Palais, Son état est fort

bon

; il conduit

(18)

G Lt:

SA GE ET LU FOU.

A

tout;

un

avocat, lorsqu'il afait son stage, Devienttoutcequ'il veut... et

même

davantage.

Quisait?Puis,quantaux

mœurs,

le

monde

esttrès-content Des

mœurs

decejeune

homme,

etvoilà l'important! Les mœurs!...

CLÉMENCE.

c'esttrès-bien;mais,jeledissansreproche

Pour

votreprotégé, lorsquel'instantapproche

De

signer le contrat, il retarde toujours.

Etpour tantde délaischerche mille détours.

T

H M

AssIN.

Je n'ai pasremarqué.

C'est assezquejesente

Que mon

choix paternel tetrouve obéissante;

Etjene

comprends

pas,

moi

quisuissijoyeux,

Que

la

même

gaîténe soitpasdans tesyeux.

CLÉMENCE,

souriant.

Je suiscequ'unefille à

mon

âgedoit être:

Que

dirait-onde

moi

sijefaisais paraître

Trop

dejoie?

Avec

soin jegarde

mes

secrets:

Dans

un

hôtelgarni les

murs

sont indiscrets.

THOMASSIN.

Laprudencetevient,

ma

fille, de

bonne

heure.

CLÉMENCE.

Je cache encor douxjours

ma

joieintérieure, Mais

comme

il faut avoir

un

visage riant

Vous

verrezsije suisgaieen

me

mariant.

THOMASSIN.

Noussignons le contrat

demain

dans

une

fête!

c L É:\iEN cE.

C'estcharmant!etdéjà

ma

robeesttouteprête.

J'ai des fleursdeBatton pour

mes

cheveux! Je vais

(19)

ACTK

I.

Coniiiiander uii chapeau chez Maurice Beauvais.

TH

M

As sIN.

Mais oùdiable as-tu pristous ces

noms

de toilette?

CLÉMENCE.

Mon

éducation neserait pascomplète

Sije lesignorais!

THOMASSIN.

les a-t-elleappris?

C'estla premièrefois qu'ellevient à Paris.

CLÉMENCE.

MaisParis vientchez

moi

touslesjoursdel'année; Je lislesfeuilletons; vous m'avez

abonnée

Au

journal de la

Mode,

etcela vous fait voir

Que

nousn'avons besoin de rien pour toutsavoir.

THOMASSIN.

Elleen saitplus quemoi.

CLÉMENCE.

Beau

miracle! vousêtes Enfoncé touslesjoursdans deux ou troisgazettes;

Mais sanslirejamais lesfeuilletons...

Eh

bien!

Dans

lesPremiers-Paris on n'apprend jamaisrien.

THOMASSIN,

à part.

Voilà cequ'on appelle

une

fille ingénue!

Avec unsoupii-.

Ah!

CLÉMENCE, rcganlant lapendule.

Madame Dubourg

n'estpas encor

venue

!

Ellem'a

demandé

deux séances;je crois

Que, pour peindre

un

portrait,on en

met

plusdetrois.

Mon

père, vousserezcontent du

mien

,

ma

pose Est charmante:je tiensàla

main une

rose;

(20)

8 Lli SArili liT

LE FOU.

.I(^suis iionclialaninient assise, etj(>souris De bonheur, en songeant quej'iialjite l'aris.

Oh

!

madame Dubourg

est une grandeartiste!

THOM

ASSIA.

Maisellea,jelesais,des motifs d'être triste.

J'ai

connu

son mari; c'était

un

libertin

,

'l'i'oisfois f)lusâgé qu'elle... et, parun beau matin,

Ayant

et lapoitrineet la liourse malades, Le

Dubourg

a cinglé, je crois, verslesBarbades.

C hKME NCE.

sansdoute ilestmort?

THOMASSIN.

Ah

! qui peutle savoir?...

MadameDubourgentretrès-agiti-e

.

SCÈNE

IV.

CLÉMENCE, THOMASSIN, MADAME DUlîOUUC.

THOMASSIN.

C'estelle.

MADAME DUBOURG,

hors cVhaleme.

Permettez, monsieur.... jeveuxm'asseoir.

CLÉMENCE.

Ah!

mon

Dieu! qu'avez-vous

?

MADAME DUBOURG.

Jesuistoutetroublée...

Dansce mauditParis,

une femme

isolée Est à plaindre!... Devantle café Cardinal

Un

jeune homme...

un

lion qui lisait unjournal S'estjeté

brusquement

devantmoi...

(21)

ACTE

1.

THOMASSKN.

Quelle audace!

MADAME DUBOURG,

On

insulte toujours une

femme

qui passe!

C'est la

mode

aujourd'hui... moi, j'ai hâtéle pas;

Ilétaitsur

ma

trace, etne

me

quittait pas;

Mais ce n'est rien... voyez

comme

j'étais

émue!

J'aivu...

mon

braceletd'or...

tomber

danslarue, Et

ma main

qui tremblait n'a

pu

leretenir!

J'en suisaudésespoir... c'était

un

souvenir!

CLÉMENCE.

De

votremari?

MADAME DUBOURG.

Non...oui... j'ai perdulatète!...

Il

me

l'avait

donné

laveillede

ma

fête.

Onehlcnildubruit. Suspciisiuii.

SCENE

V.

Les Précédents, COURVILLE.

L É X.

ParaissantaufonJ avecungarron.

Augarçon d'hôtel

Ne

disrienà madame... icijeveuxentrer.

Il s'avaiico(^trostestupôf.dten aperceraiitClémence.

C'est elle!quel

bonheur me

la faitrencontrer!...

Oui, c'estelle!...

clémence,

à part.

Léon!... Oui, Léon deCourville!.

Ellesortavecprccipitatiin.

1.

(22)

10

LK SAGE ET LE FOU.

SCÈNE

VI.

Les Mêmes,

moins

CLÉMENCE.

LÉON,

àmailame Dubourg en rendantlebracelet.

Un

braceletperdu dans cettegrande ville

Ne

seretrouve pas, c'estle sortdes bijoux;

Une

foisle hasard se faitgalantpourvous.

MADAME DU BOURG.

C'est bien, monsieur;je n'ai quedesgrâces à rendre.

THOMASSIN,

montrantla porte àgaucho.

Ma

fille en cettepit'ce avoulu vousattendre.

MadameDubourgsalue et sortdumêmecôtéque Clémence.

SCÈNE VIL

TIIOMASSIN, LÉON DE COUIVVILLE.

TH

M

AssIN.

Mais jelereconnais!... Monsieur Léon!... C'estlui!...

LEON. Useretourne versThomassinet lereconmit;ilsseserrentla mai

Ah! monsieurThomassin!... jesavaisqu'aujourd'hui Quelque chose d'heureux m'arriveraitsans doute

,

Carjen'ai rencontré, cematin, sur

ma

route,

Que

des

femmes

avec

un

visage

charmant

;

Ce présagepublic

me trompe

rarement.

Vous

à Paris!

TH

M

As sIN.

Alais oui.

LÉON.

Vraiment,(|uelle aventure

(23)

ACTE

I.

Vousa doncfait quitter votremanufacture, Et puis, par

un

hasard, pour moi fort obligeant, Vous

amène

à Paris, chez

madame

Nogent?

Tn

M

As sIN, arec mystire.

J'y vienspour uneaffaire...

une

affairemajeure, Etnous en causerons...

LÉO

i\.

Causons-en.

THOMASSIN.

Toutà l'heure.

Nous avonsbienle

temps

de causerentre nous

De

ceschoses... Voyons,

mon

cher, que faites-vous?

L É ^

\

Ce qu'on faitàParis;jenefais rien;j'existe:

Moi seul,je reste gai,dans cesiècle sitriste; Je cultive lesjours,j'effeuilleles instants :

Jesuisjeune, depuis.,, queje n'ai plus vingt ans.

Parde charmantssecrets, que

ma pudeur

doit taire.

Je chassede chez

moi

l'ennui célibataire;

Je m'instruisau métierdu mariage; mais

,

Pourm'instruirelongtemps,je n'épouse jamais.

Des richessesdu

cœur ma bouche

estsiprodigue

Que

je manqueraisd'airdans

une

seule intrigue.

Pourrespireràl'aise, il

me

faut des

amours

Qu'un plaisirinconstant rajeunit touslesjours.

Enfin,sivousvoulez lire au fond de

mon àme.

Jesuisnétrop jalouxpour n'aimer qu'une

femme;

J'enaime doncplusieurs àlafois; c'estainsi

Que

j'épargne à

mon

frontlesrides

du

souci.

Lecalme intérieur

du

couvent cénobite .N'abandonnejamaisla maison quej'habite;

(24)

12

LE SAGE ET LE FOU.

Les scènes de i'ureurqueles

femmes

nousfont ,\o lézardentjamais

mon

tranquille plafond;

Jamaislajalousie, à

mon

seuil, ne déchaîne

Un amour

isolé,ce frère de la haine:

DansParis,

mon amour

éparpille un sérail;

Les sultansl'onten gros, jele cueilleen détail.

Sousla sérénité de l'azurqui m'abrite

,

J'ai tissul'édredonsoyeux

du

sybarite;

Et si

mes

voluptéstrouvent

une

douleur C'estle pli d'unegaze, ou le pli d'unefleur.

ÏHOMASSIN,

coBsteinr.

(}uelles

mœurs!

LÉON.

Excusez lesvicesdu bel âge, Lafauteestà Paris, qui n'estpas

un

village

,

Mais

un

département, etdontleshorizons

Ont

cinq cent mille

amours

etvingt mille maisons.

^\»ulez-vousluaintenant quetoutchange deface Cihezmonsieur Thomassin? Voulez-vous queje fasse

Ma

révolution en troisjours?

THOMASSIN.

Jeveux bien; l'^tdites-moi, pourvous, cequ'il faut faire?

LÉON.

Hien.

Donnez-moi votrefdle, etje pars;j'abandonne Paris, cequ'ilpromet, cequ'il vend, cequ'il donne;

Jevaism'ensevelir

comme

dans

un

couvent.

Chezvous;etj'étudie, etje

me

faissavant;

Pourtousles villageoisje bâtis

une

école;

Je deviens président d'un comiceagricole;

(25)

ACTE

I. 13 Je deviensphilanthropeenragé;jemaigris;

Je teins

mon

frac en vert et

mes

cheveux engris; J'élève les moutons, lesbœufs,lesorphelines, Leschèvres du Thil)et, lesraces chevalines;

C'estl'œuvredeClémence; accordez-moisa

main

,

Jesuisjeuneaujourd'hui,j'auraicent ansdemain.

THOMASSIN,

ému.

Eh

bien,je suis

charmé

detoutceque vousdites;

Vos paroles, jecrois,nesontpas hypocrites;

Etqu'il

me

seraitdoux,h parler franchement, n'être votre soutienpourcebeau

changement

;

Alais...

LÉON.

Pointde inaif;,monsieur Thomassin,jevousprie;

Dèscesoir, auplus tard,jevends

ma

galerie, Trentetableauxde choix, dontlaventeesttoujours

Annoncée

, etqu'on vient voirchez moi tous lesjours.

Je nelesvends jamais;j'en

demande

des

sommes

Fabuleuses,autemps d'avariceoù nous

sommes;

Et tout Parisoisifvientperdreses

moments

A cemusée, ouvert dans

mes

appartements.

Pour dorer

mes

ennuis, voyez cequej'invente.

Cher monsieur Thomassin!

une

éternelle vente!

Afin quetoute

femme

ait le droit, belle ou non.

D'y venir sansjamais

compromettre

son nom.

Eh

bien, pour

commencer une

nouvelle vie.

Voilà ce(ju'aujourd'hui

même

je sacrifie;

Etje

me

fais, afin de

rompre

avec Paris, Commissaire-priseur, pourtout vendreàvil prix.

THOMASSIN.

Ne

vendez rien... je suisforcéde vousapprendre

(26)

U LK

SAGi-

ET

1. 1£

FOU.

Que

j'ai déjà choisi... a

LÉON.

Mes

tableaux?...

TH

M

AssIN.

Non,

un

gendre.

LÉON.

Que

dites-vous?

THOMASSIN,

souriantavec malignité

.

Je disquedepuis bienlongtemps

On

connaît et vos

mœurs

etvosgoûts inconstants.

Près de l'usinedontjesuis propriétaire, Votre

mère

possède, à titre héréditaire,

Un domaine

légué parvosnolîles aïeux.

Aussi,

comme

voisin, vousconnaissant bienmieux, Je dis que de nos Ijois arpentant leslisières

,

Vousavez quelquefois

compromis

desrosi'res!...

I,É N.

Passons sur cesdétails.

THOMASSIN.

Je dis que depuis lors, Eussiez-vous été fils deprinces ou delords,

Ayantdesdroitssurtout, à tout pouvant prétendre,

J'aijuré que jamais vous ne seriez

mon

gendre.

J'ajouteque, chez moi, c'est

un

pointrésolu.

L'époux de

mon

enfantpar

moi

doitêtreélu.

Et je

donne

à

ma

fille

un

trésorde

ménage

,

Un

avocatn'a.yantrien desgoûtsde son âge.

Jeune

homme du moment

et vieillard

du

passé, .Méthodique, frugal, studieux, compassé.

Etqu'enfinj'ai

connu

i)ar unejilaidoii-ie

Quim'avalu, monsieur, vingt arpents deprairie.

(27)

ACTE

I. 15

LÉON.

Ce gendre, quel qu'ilsoit,je voudrais Ijien le voir.

TH

M

As sIN.

C'est aisé,car bientôtje vais lerecevoir.

LÉO

N.

Tant mieux! nousviderons laquerelle enfamille.

Jel'attends; et s'ilvient parler à votre fille ,

Jel'arrête;ets'il veut

marcher

droit àson but, Jele tue; il

me

faut celapour

mon

débutI

THOMASSIN,

effrayé.

Revenez au

bon

sens!...

LÉO

N.

Et quel estcejeune

homme?

THOMASSIN,

allant àlap<.rto.

Que

vousimporte?..Ilvient!., je l'entends...

LÉON.

lise

nomme?

ïH -AIAs s1 1\.

Courtois...

LÉON.

Et son

prénom?

T

HOMA

SSlN.

Maurice... Le voici!

L KON, àl'art,consterm'.

Bon! c'est

un

coup de foudre en plein soleil... Merci, Destin!

SCÈNE

VIII.

Les

:\1è\ies,

MAUIUCE, COUUTOIS.

AIAURIC E, allant àThoma^sinet luiserrantlamain.

Mon

cher beau-père!

(28)

ir,

LE SAGE ET LE FOU.

THOMASSIN.

/\h! cetteexactitude iMe plait, monsieur Courtois.

MAURICE.

J'ai fermé

mon

étude Pour troisjours; à troisjours

mes

procèssont remis.

.l'ai toutcongédié, clients, clercs et

commis,

Code, dossiers, exploits, procédurecivile...

LEON,

s'avanc;ant.

Tous lesennuis, enfin....

MAURICE,

se retournant-

Ail! Léon deCourville!

(ils seserrentlamain.) TH

M

AS SIN.

Vous VOUS connaissezdonc

beaucoup?

MAURICE.

.le l'ai tiré D'un mauvaispas.

THOMASSIN,

joyeux.

Vraiment?

LÉON.

.le t'ai bien admiré Cejour-là... cher Maurice...

THOMASSIN.

Et pourrait-on connaître Le...?

r,K N.

Voici... Je prenais d'assaut unefenêtre

A

minuit, sans passer parla porte... .Te tais Le

nom,

le

numéro,

larue oùje montais...

Une

patrouillegrise, à ce

même

instant passe,

(29)

ACTE

I. 17 Et voit unêtre

humain

suspendu dans l'espace,

A

trente pieds

du

sol... L'héroïque sergent M'ordonne de descendre et d'être diligent.

J'obéis; ilfallaitjouer

un

rôleinfâme,

Pour sauver

mon

honneur,

compromettre une

femme.

Jene balançai point... enprisonjefus mis, Etde deux

noms,

le

mien

seulresta compromis.

TH

M

As sIN.

Je

comprends

; c'estalorsquevotre ami .Maurice Vous rendit au Palais...

LÉON.

Un

éclatantservice.

Carla fenêtreavait

un

mari;jaloux;né

En

Corse;

un

Othello, maisperfectionné.

Ilsoupçonnait

un

peu,

du moins

jele suppose, Avec sonœil vitré, le fin fond dela chose, Et, pourbiense venger d'un semblable malheur.

Me

faisaitvolontiers passerpour un voleur.

Sij'étaisrelâché

comme amant

,

surson

âme

Iljuraitqu'àl'instantil poignardait sa

femme.

Oh! plutôt quecela, quoiqu'il pût arriver, Je

me

seraisperdu, certes, pour lasauver!

Ilserrelamainde Maurice.

Jelui dis : Imagine! invente! enfin découvre

Un moyen

quel qu'ilsoit pourque

ma

prison s'ouvre!...

Fais au besoin, ami, ce que danspareilcas.

Pour sauverleurs clients, font lesgrands avocats;

Ta

parole, pour moi, peutsechanger en

manne.

Affirme hardiment queje suis

monomane.

Quand

par lesubstitutje vais être attaqué.

Invoque adroitement

mon

cerveau détraqué.

(30)

18

LE SAGE

I:T Ï.E lOli.

Tu

te frappas le front, tu tegrattas roroille;

Ta

harangue pour moi n'eutjamaissa pareille!

Oui! tu te rappelas, ingénieuxCourtois,

Ou'un

homme

peutla nuits'exposersurles toits, Sanscraindre de

tomber

d'un

bond

au vestibule...

'J'u

me

fisno1)lement passerpour

somnambule

!

lùi cette qualitéjen'étais pas

amant

,

Etle Corse n'eut pas àremplir son serment;

Et tu prouvas qu'on dortbien en touteposture;

Et tu fus approuvé par la magistrature!.,.

TH

M

\ ssIN.

Quellefâcheuse affaire il avait surlesbras!

MAURICE,

àThomassin.

:\Iaisiln'est pas

du

boisdont on faitlesingrats.

L

ÉO

N, à part.

J'avais

un

bienfaiteurau

monde,

on lemarie

Avec Clémence

! Ilfautgarder

ma

galerie

,

Et vivreenphilosophe, en doranttous

mes

jours, Et

me

faire trois cent soixante-cinq

amours De

rente; c'estconclu.

THOMASSIN.

Vous

êtes,

mon

cher gendre,

Un

Cicéron

moderne,

etj'irai vousentendi'e

Au

Palais.

LÉON.

Au

l^alais! La tribunel'attend!

Maurice, avant six mois, serareprésentant!

Aujourd'hui, c'estparqu'unjeune

homme commence.

M

AURIGE.

Marions-nousd'abord...

(31)

ACTK

I. 19

THOMASSIN.

lîien! allons voirClémence...

Elle iDOse...

On

lui faitson portraitaupastel...

Tbomassinsortparla gauche,en invitantlesdeuxjeunes gensàlesuivre.

SCÈNE

IX.

MAUIUCE,

LÉO-\.

:mA URICE.

Viens saluer

ma femme.

LÉON.

Oh!

non... j'aidans Thôtel

Une

visite à rendreà des Anglais.

MAURICE.

Va

vite Etreviens-nousIjientôt... tu sais (luejet'invite

V

ma

noce.

LÉO

.\.

Merci.

M

A U RIGE.

Tu

te fais donc prier?

L É X.

En

y venant,j'aurais peur de

me

marier.

Je crains, danslesfléauxqui

menacent mon

âge

,

Lepluscontagieux de tous, le mariage, Et je

demande

àDieuque

ma

lune de miel Brille par son absenceà l'horizon du ciel.

M

A uRICE.

Jeunefou!

(32)

20

LE SAGE ET

Lli 1"UU.

LÉON.

C'estun

mot corrompu

par Tusage, Et quisouventdevient

synonyme

desage.

Mauricesort.

SCÈNE

X.

LÉON,

seul.

Jeune fou!

me

dit-il; lui, c'est

un

sage; il prend

Une femme;

il épouse

un

capital qui rend Vingt mille francs derente, enstyle de notaire;

C'est

un

sage! ladotle faitpropriétaire

Du

jourau lendemain; il spécule très-bien

,

Ettire hal)ilement

un

millionde rien!

C'est

un

sage! mais moi, sije m'éloignevite

De

lanoce et

du

bal oùce mari m'invite.

je puis apporterdes souvenirs d'amour Quiterniraientl'azur virginal de cejour,

On me

traitede fou!...

Ton

bienfaitqui

me

lie M'oblige

sagement

àgarder

ma

folie,

Maurice! etsijamaisje reprends

ma

raison,

Va! sans êtreinvité, j'entre dans ta maison.

Maurice revienttrès-agitc.

SCÈNE

XI.

LÉON, MAURICE.

JIA UF. ICE.

Toutestperdu, Léon!

(33)

ACTE

I. 21

LÉON.

Voyons... parle... raconte...

Que

s'est-il doncpassé?

MAU

RICE, a.cablé.

Laisse-moidans

ma

honte

,

Ne

m'interrogepas...

LÉON.

Jeveuxt'interroger;

S'il s'agitd'un péril,jeveux le partager.

MAURICE.

Merci!... tu ne

peux

rien... Jenesaisquerésoudre.

Quellefatalité,

mon

Dieu!.., quel coup defoudre!

LÉON.

Veux-tu

donc

t'expliquer enfinplusclairement?

MAURICE,

l.as.

Sais-tu ce quej'aivu dans cetappartement?

LÉON.

Non.

MAURICE.

Elle,

mon

ami!

LÉON.

Qui? mais qui donc elle?

Explique-toi.

MAURICE.

Clotilde!...

LÉON,

de plus enplus étonné.

Ail! Clotilde?... et laquelle?...

Ilenestplus devingtpar rue etpar faubourg.

QuelleClotilde,enfin?

M

AU RICE.

Ah!

madame Dubourg!

(34)

22

LE SAGE ET LE FOU.

LÉON.

Ah

!

madame

Diil)Ourg!

MAURICE.

Comprends-tu?

LÉON.

Ton

front blême, Courtois,

m'a

faitenfinrésoudre ce problème;

Mon

amitié naïve, éloignant toutsoupçon.

Donnaittrop devertusà tes

mœurs

de garçon.

Paris

compte un

quartierdont l'amourestle maire;

Le mariage y reste àl'état de chimère.

Tu

t'esmariélà?

MAURICE, d'un tonpudibond.

Pourplusd'uneraison

,

Nous

ne

demeurons

pas dansla

même

maison.

Ma

réputation parlesuccès accrue...

LEON,

l'interrompant.

Et vous ne logezdonc que dansla

même

rue?...

MAURICE,

arr-c pudiMir.

Nous

sommes

séparéspartrentenuméros.

LÉON,

riant.

Tartufe,dans-siongenre, enfante des héros!

MAURICE.

Ah! ne m'accable pas... Toutà l'heure son

âme A

paru s'échapper dans

un

regard de flamme;

Ellealaissé tonil)er

deux

motspluséloquents

Que

tous

mes

plaidoyers...

LÉON.

Quelssont cesmots?

MAURICE.

Cinq ans!

(35)

ACTE

I. 23 Oui, cette

femme —

ùtoi, Léon,jeleconfie,

Ma donné

son

amour

et cinqansdesa vie!

Cinq ans d'affection, cinq ans de dévouement, Cinq ansdejoursheureux, passés

comme un moment.

Elle fut

ma

raison dansl'ardentpremierâge;

Dans mes

abattementselle fut

mon

courage;

Ma muse

auprès de qui

mon

travails'achevait;

Puis quelquefois

ma sœur

veillant à

mon

chevet.

Que

te dirai-je, ami?Si le

monde

consacre Lemariageseul, et

non

sonsimulacre,

Il semble, après cinq ans, qu'on ne redoute rien;

Une

intrigue paraît sainte

comme un

lieu;

Aprèscinq ans, l'amours'associe àl'estime Etse

donne un

vernisd'union légitime.

LÉON.

Moije n'en eusjamais decettelongueur-là;

Jetecroissurparole... etlafin?

AlAURICE.

M'yvoilà :...

J'aivoulum'établir...

Tu comprends

toutdesuite Qu'il fallutréformer

mes

vieux plans deconduite.

Rompre

avec

mon

passéfrivole ettoutbainiir

De mon cœur,

pourentrerpur dans

mon

avenir.

Comme

je n'avaispointde reprocheà lui faire.

J'aicessé

brusquement

de lavoir;je préfère Ce genre de ruptureà ces

emportements

Quiserventde prétexte au

commun

desamants.

Quinzejours sont passés; je croisqueje

commence Une

nouvellevie... etlà... prèsde

Clémence

Je rencontreClotilde...

(36)

24

LE SAGE ET LE FOU.

LÉON.

Ah!

mon

Dieu!

M

A uRIcE.

Tout

mon

sang Se glace,etje reculeenla reconnaissant!...

LK N.

Écoute,

mon

ami, ces sortesd'aventures

Offrent, pour

dénouement

, de

nombreuses

ruptures, Et selon qu'on nous aime,

ou

bienque nous aimons.

Il y fautdéployerplus ou moins de

poumons.

Que

te dirai-je, ami?

Pour

tedélivrerd'elle, Prouve-lui clairementqu'elle fut infidèle

,

C'esttoujours vraisemblable.

MAURICE,

très-vivement.

Oui, mais cen'estpasvrai

Pour

elle; et vainementjele luisoutiendrai.

LÉON.

Fat!

MAURICE.

INon, maisjelui dois etrends cette justice.

LÉON.

Oh

!tul'aimes toujours.

MAURICE.

Non,

Léon.

LÉON.

Si, Maurice.

MAURICE.

Non

, te dis-je!

Avecagitation.

Elle vient,je crois, de cecôté...

LÉON,

écoutant.

Oui,c'est le frôlement d'unsatinirrité!...

iM;ulauic Lmlii.iurg- cnti-cJiarla porteàgaucho.

(37)

ACTE

I. 2

SCÈNE

XII.

MADAME DUBOURG, MAURICE, LÉON.

MADAME DUBOURG,

à part.

Il n'estpasseul!

AllantàMaurice,etd'un tonimpérieux:

Monsieur, votre bras.

MAURICE,

irrésolu.

Mais,

madame!..

MADAME DDBOURG,

indiquantlaporte à gauche.

Voulez-vousque plus haut icijele réclame?...

Maurice, commeobéissantà une fascination,lui donnele tras et sortavecelleparlefond.

SCÈNE

XIII.

LÉON,

seul.

Par

une femme

ainsi se voirhumilié!

C'esttrop fort!... pauvreesclave à sachaîne lié, Il

marche

avec lespieds d'autrui! Voilà bien l'homme, Lefou, quide sagesse areçule diplôme!

Moi, qui n'admisjamais

un amour

exigeant, Jedescends ausalon de

madame

Nogent;

Carj'ai mis dansl'herbierde

mes

tendres annales Cette fleurprintanièreauxgrâces automnales!...

Maisde peurque trop fort

mon âme

l'adorât, Je

me

suissouvenud'un vers de feuDorât, Oui, saisi deregretpourles follestendresses.

Disait: Il estpassé letempsdes cinqmaîtres.ses!...

2

(38)

26

LE SAGE ET LE FOU.

Etje n'ai pasvoulu,

même

encore aujourd'hui, Pouvoir prendre pour

moi

cequ'ildisaitpourlui!...

Comptantsur ses doigts.

De

Rieux, grande

dame,

et Léda,fl nancirre (De

mon cœur

touteclasse est la créancière).

Un

bas-bleudiaphane, aulyrisme exigeant;

Trois.

— Quant

autiers-état, c'est

madame

Nogent;

Quatre!

— Donc,

en comptantlaviveÉmérantine, Total, cinq!

O

Dorât, dans tongoûtjem'obstine!

C'estbienpourquoije puis venir

demain

au bal.

En ami

de Maurice, et

non

pas en rival!...

D'un

amour

qui m'enchaîne

un

autre

me

délivre;

Les

femmes

sontpour

moi

lesfeuilletsd'unseul livre Jemets encinq tableauxla

même

passion;

Etsuisaussichangeant... qu'une conviction.

Il sort.

FIN DU PREMIER ACTE.

(39)

-•|s-«>-S>-g>Çi3(;6 r":r<S-<**-*-

ACTE DEUXIÈME

.Mi'meilécorqu'au iireuiicracte.LefondestiUumiué puurun bal.

SCENE PREMIERE.

MADAME ^O^.E^T, É.MÉRANTINE.

l\Iai.lame Nogent est debout devant la î^lace. Émérautiiie met la demi main à sa toilette.

MADAME NOGENT,

àÉmcrantine.

Ma

toilette de bal est-elle bien?

ÉMÉRANTINE.

Vous êtes

Du

goût leplus exquisdanstoutes vostoilettes,

Du

soinle plus

charmant

, le plusdélicat; mais Jevoustrouve cesoirplusbellequejamais.

MADAME NOGENT.

Grâceclvotretalent...

É

M

ÉRA N TINE.

Non

, grâce àvotretaille Si bienprise, madame...

Oh!

lorsqueje travaille Pour vous,je suis à Taise, etne redoute rien.

Etje sais qu'en public

mon

ouvrageirabien

,

Carsi quelquedéfautà

mes yeux

sedérobe

,

Un

coi'psparfaittoujours doit corrigerlarobe.

(40)

28

LE

S AGI-:

ET LE FOU.

MADAME LOGENT.

f-'latteuse!...

ÉJIÉ R A N TINE.

Quelcorsasse! uni

comme un

miroir...

Comme

ils serontheureux ceuxquipourront vousvoir Danser toutela nuit!... avecquelle tristesse

Jeregrettecesoirde n'être pascomtesse!

Voilàqu'il

me

fautfuir, là, tout justeau

moment Où

je voudrais resterpourvoir ce bal charmant.

MADAME NOGENT.

Ah!

j'entendsannoncer quelqu'un!

É

M

É R A NTINE.

Je

me

retire...

A part.

J'évitece quelqu'un...j'auraistrop àlui dire...

Ellesoi'tàgauche avec safemmede chambre.

SCÈNE IL

MADAME LOGENT, LÉON,

uuixuciuct à

u

maiu.

LÉON.

J'arrive le premier.

MADAME NOGENT.

C'estlouable, vraiment!

Je vous reconnaisbien à cet empressement.

LÉON.

Avanttout, permettezquejevouscomplimente!...

Quel luxe!queléclat! quel goûtdélicieux!

Un

ensemblesibeau faitle

charme

desyeux, Et toutadorateur

ému

qui vouscontemple

,

Croitque votre salonva sechanger entemple.

(41)

ACTE

II. 29

MADAME NOGENT.

Vous

me

ditescela... c'estfortbeau; niaispoui'tant

A

bien d'autres que moi vous enditesautant.

LÉO

N.

A

(;i,ui ,

madame

?

MA

DAME

A GEXT.

-Maisd'abord,monsieur,à toutes.

LÉO

X.

(lardez-vous delecroire.

MADAME NOGENT.

Oh!

je n'aiplusdedoutes, Et

du

moins, quantàtrois.

LÉON.

Qu'avez-vousdoncappris?

MADAME NOGENT.

Ces choses-là toujourss'apprennentà Paris; Etquoiqu'on aitécrit,jecroisquesurlaterre

Il n'estpas

une

ville avecmoins demystère.

N.

Vous m'intriguezbeaucoup; je seraiscurieux Desavoir...

MADAME NOGENT.

Quoi! trois

noms? Madame

de Rieux, PuisLéda, puis, enfin, Sigismond de Saint-Ange, l''emme-auteur,

un

bas-bleu qui, pourdonnerlechange, V'rendce

nom

masculin,

— pseudonyme charmant

Quiluivientd'uneterre, ou, dit-on,d'unamant.

Ma

jalousieest-elle assezbien éclairée?

LÉO

N.

Elle estsansfondement aucun, belleadorée.

(42)

30 Lli

SAGE KT LE FOU.

MADAME NOGENT.

Ah!reflVonté menteur! sijamaisjevouscrois!...

LÉON.

J'ai

rompu

ce matin avectouteslestrois!

MADAME

N (;E NT.

C'estbien plusfort,monsieur.

Léon,dois-jevouscroire?

LÉON.

Je pourrais, aubesoin, vousen donnerl'histoire

Avec

tousses détails.

MADAME NOGENT.

Fi donc! detelsaveux!

Puis-je lesvouloir?

LEON,

bas, ensouriant.

C'estle pluscher de ses\(eux.

MADAME NOGENT.

lecrainsàchaqueinstantque le

monde

n'arrive.

LÉON.

Prêtez enattendant

une

oreilleattentive.

MADAME NOGENT.

Ceseramalgrémoi. \Lais quoi! voussouriez!

Voyons,

commencez

donc!

LÉON.

Écoutez-moi... Voyez Avec queltact aisé, f|uellegrâceingénue Je quitte

une

beauté,

quand

je l'ai trop connue...

Madame

deIlieux,rêvant

un

autre

Éden

,

M'aprié de la suivreaux eaux de

Wiesbaden

: Or, cette excursionne

me

convenaitguères

,

Etnous avons

rompu

sans des plaintes vulgaires...

Pourcellequirépond au doux

nom

de Léda, C'est

une

Danaé de laplacelîréda,

(43)

ACTE

II. 31

Non

moinsinaccessibleen son

humeur

affable

Que

la

dame

inventée autrefoispar la Fable;

Et

comme

Jupiter, tout

moderne

:\Iondor Ouvriraitson boudoir avec

une

clé d'or.

Ellene mentait pasavec seslèvres d'ange Lorsqu'ellem'avouait

un

seulagentde change;

Maisj'aivoulusavoirtoutela vérité;

C'étaient trois-tiersd'agent quiformaient l'unité! L'addition pouvait lui paraîtrecorrecte;

Leschifl'resaujourd'hui sont tout cequ'on respecte!

Jen'ai plus

maintemant

qu'àvousnarrer àfond

Mon dénouement

aveclabelleSigismond

,

Femme

pleinedestyle etdedésinvolture,

Menant

de frontson

âme

et lalittérature;

Élégiaqueauteur, vivant de sonétat.

Avec

lapensionqu'elletient de l'État.

Rompre

avec

un

bas-bleun'est paschose

commode

;

J'aitrouvéSigismond en traindefaire uneode...

Contre un sexe trompeur... pasle vôtre... le mien...

Avant de l'écouter, je latrouvais très-bien.

Maiselle

me

l'a lue... et c'est lacatastrophe.

J'ai criticfué deuxvers à la find'unestrophe.

Sigismond, en courroux, sur-le-champ m'affirma Qu'ellem'ôtaitle droit de l'appelerIrma;

Je la vois irritée; aussitôtje m'écrie :

Quoi! la plusjeune

muse

est changée en furie!

Qu'en dira

Mnémosyne?

etqu'en ditApollon?

Et lasainte colline? et le sacré vallon?

J'oubliais,en faisant ainsi

du

selattique,

Que mon

bas-bleu brillaitd'indigo romantique;

Jugez!jeprendsgants,stick,deuxchapeaux,...etjepars.

(44)

32

LE SAGE ET LE FOU.

Lalaissantpoingsserrés, cheveuxet versé|)ars!

Oui, voilà

ma

journée avec sesaventures!

Trois insolubles

nœuds

coupés partroisruptures!

Voyez

comme,

ici-bas, l'amourest limité, Et

combien

peu d'instantsdure

une

éternité!

MADAME NOGENT.

Vousêtes, savez-vous,

un homme

abominable.

LÉOiX.

Je n'attendais pas moins qu'un

compliment

seml)lable.

M

AU AME

NOGENT.

i\on,je veux vous haïr.

LÉON.

1laïssons-nous toujours.

La hainefaittrès-ljicn au milieu des

amours!

Ilporte àseslèvres la niaiuîlemadame Nogeut.

Tliomassiii entreaunn'raomoment.

SCÈNE

III.

MADAME NOGENT, LÉON, TlIOMASSlxN.

^. THOJIASSIN,i

part.

Ah!

je n'espérais pas des surprises pareilles!...

Il faudrait à Paris

manquer

d'yeux et d'oreilles.

MADAME NOGENT,

à Léon.

Le monsieur du second!

Que

va-t-il donc penser?

LEON,

àmadameNogent.

Oh! rassurez-vous... rienqui vouspuisse offenser.

PlusbautàTliomassin.

Je rendais à

madame

un tribut légitime.

Faisantle gestede porterune maingalammentàseslèvres.

Comme

tradition,je suisl'ancien régime.

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