• Aucun résultat trouvé

Des établissements scolaires autonomes ?

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2023

Partager "Des établissements scolaires autonomes ?"

Copied!
15
0
0

Texte intégral

(1)
(2)
(3)

Coordonné par Olivier Maulini et Lætitia Progin

Des établissements scolaires autonomes ?

Entre inventivité des acteurs

et éclatement du système

(4)

Relecture – Correction : Christine Grall, Marie-Chrytelle Martineau Composition : Myriam Dutheil

© 2016, ESF éditeur SAS Cognitia 35, rue Godot de Mauroy

75 009 Paris

www.esf-scienceshumaines.fr ISBN 978-2-7101-3151-9

ISSN 1158-4580

Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2e et 3e a, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non desti- nées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou ses ayants droit, ou ayants cause, est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

(5)

Pédagogies

Collection dirigée par Philippe Meirieu

L

a collection PÉDAGOGIES propose aux enseignants, formateurs, animateurs, éducateurs et parents des œuvres de référence associant étroitement la réfle- xion théorique et le souci de l’instrumentation pratique.

Hommes et femmes de recherche et de terrain, les auteurs de ces livres ont, en effet, la conviction que toute technique pédagogique ou didactique doit être référée à un projet d’éducation. Pour eux, l’efficacité dans les apprentissages et l’accession aux savoirs sont profondément liées à l’ensemble de la démarche éduca- tive, et toute éducation passe par l’appropriation d’objets culturels pour laquelle il convient d’inventer sans cesse de nouvelles médiations.

Les ouvrages de cette collection, outils d’intelligibilité de la « chose éducative », donnent aux acteurs de l’éducation les moyens de comprendre les situations auxquelles ils se trouvent confrontés et d’agir sur elles dans la claire conscience des enjeux. Ils contribuent ainsi à introduire davantage de cohérence dans un domaine où coexistent trop souvent la géné rosité dans les intentions et l’improvisation dans les pratiques. Ils associent enfin la force de l’argumentation et le plaisir de la lecture.

Car c’est sans doute par l’alliance, sans cesse à renouveler, de l’outil et du sens que l’entreprise éducative devient vraiment créatrice d’humanité.

*

* *

Voir la liste des titres disponibles dans la collection « Pédagogies » en fin d’ouvrage et sur le site www.esf-scienceshumaines.fr Pédagogies/Outils : des instruments de travail au quotidien pour les enseignants, formateurs, étudiants, chercheurs. L’état des connaissances facilement accessible.

Des grilles méthodologiques directement utilisables dans les pratiques.

(6)
(7)

5

Table des matières

Avant-propos . . . . 7 Introduction :

L’autonomie : conquête, fiction ou cadeau empoisonné ? . . . . 9

1

re

partie

Des politiques en quête de gouvernance : l’autonomie des écoles revisitée

1. De l’autonomie à la responsabilisation

des établissements : une histoire française ? . . . . 35 2. Entre liberté, régulation et autonomie :

les aléas de la gouvernance éducative

en Belgique francophone . . . . 45 3. Gouvernance et autonomie locale en contexte

de démocratie directe : le cas de la Suisse . . . . 54 4. L’autonomie des établissements publics :

au Québec, une question non résolue . . . . 65

2

e

partie

Autonomie et participation : qui décide dans l’établissement ?

5. Décider au local : l’expérience ambivalente

des chefs d’établissement français . . . . 84

(8)

6. Direction, régulation et délégation

dans les hautes écoles en Belgique francophone . . . . 92 7. Le pouvoir d’agir au sein des établissements scolaires

en Suisse romande . . . . 102 8. Entre pouvoir partagé et confisqué :

le cas du Québec . . . . 109

3

e

partie

Des acteurs ambivalents :

l’autonomie, conquête ou cadeau empoisonné ?

9. Hypocrisie républicaine ?

L’autonomie au royaume français

du corporatisme et de l’individualisme . . . . 128 10. L’autonomie vue d’en bas :

hésitations et tensions

en Communauté française de Belgique . . . . 138 11. Un jeu de dupes ?

Les enseignants de Suisse romande

et le sentiment d’autonomie subie . . . . 144 12. La gestion axée sur les résultats au Québec :

ambivalences et lutte pour l’autonomie

des acteurs organisés . . . . 152 Conclusion :

L’autonomie des établissements scolaires :

astuce sans lendemain ou passage obligé ? . . . . 161

Bibliographie . . . . 175 Notices biographiques . . . . 189 Des établissements scolaires autonomes ?

6

(9)

7

Avant-propos

D

epuis sa création en 2000, le Laboratoire Innovation-Formation-Éducation de l’Université de Genève (LIFE, www.unige.ch/fapse/life) s’efforce d’analyser les processus d’innovation dans l’école et, plus largement, dans les métiers de l’éducation. Il a ouvert d’emblée une série de chantiers théoriques qui ont été par la suite inégalement « défrichés » et qui ont abouti soit à des publications indivi- duelles de ses membres, soit à des ouvrages collectifs.

L’École entre autorité et zizanie, paru en 2003, visait à rendre leur sens à des mots (pédagogie, didactique, constructivisme, évaluation formative, etc.) souvent utilisés pour promouvoir ou au contraire dénoncer des changements en éduca- tion. L’organisation du travail scolaire. Enjeu caché des réformes ? a été publié en 2007 et étudiait la manière dont le travail des élèves et des enseignants est conditionné par ce qui l’organise en arrière-fond, qui est souvent pris pour acquis, mais que la lutte contre l’échec scolaire et le besoin de prendre en compte les différences entre élèves peut aussi mettre en crise et/ou faire évoluer. En 2014, nous sommes passés de la question de l’organisation du travail à celle de son contrôle, que ce contrôle s’opère entre les murs ou depuis l’extérieur des écoles : à l’occasion de l’éméritat de Philippe Perrenoud, professeur fondateur du labora- toire, le livre Enseigner, un métier sous contrôle ? Entre autonomie professionnelle et normalisation du travail a fait le point sur les pratiques et les politiques char- gées d’orienter le travail des enseignants, par le biais des traditionnels dispo- sitifs d’inspection, de conventions d’objectifs et d’évaluations externes plus ou moins standardisées, de directions d’établissement prenant ou non appui sur ces données, voire de collectifs de praticiens réflexifs en partie autonomes et censés assurer leur propre supervision.

Cette autonomie partielle – réelle ou supposée, revendiquée ou redou- tée – s’est imposée comme le point de fuite de notre réflexion. De quelle auto- nomie parle-t-on ? Qui la définit ? Qu’en fait-on ? À qui profite-t-elle ou pas ? En somme : comment les pouvoirs de décider et d’agir se distribuent-ils dans le champ du savoir et de l’éducation ? Des écoles autonomes ? Rhétoriques de la gouvernance et ambivalences des acteurs est devenu la thématique centrale du deuxième colloque international organisé en 2013 à l’occasion du départ à la retraite de Monica Gather Thurler, professeure cofondatrice de LIFE avec Philippe Perrenoud. En écho à ses travaux sur l’innovation et le leadership

(10)

8

pédagogique, la gouvernance et les réformes scolaires, le travail des enseignants et des directions d’établissement, nous avons voulu faire le point sur une ques- tion complexe, chargée idéologiquement, mais dont l’observation montre qu’elle appelle des réponses nuancées et soigneusement documentées. L’ouvrage qui suit se compose d’une série de chapitres signés par les enseignants-chercheurs qui étaient membres de LIFE au moment du colloque ou par des collègues invités, interlocuteurs de longue date de Monica Gather Thurler et travaillant en Suisse, en France, en Belgique et au Québec. Les notices biographiques de chacun d’eux figurent en annexe et permettent de situer leur propos dans la structure générale de l’ouvrage et dans la diversité des contextes nationaux.

La pluralité des expériences n’exclut pas un langage commun : c’est sa condi- tion. Nous nous sommes efforcés de produire un texte cohérent, enchaînant les chapitres au fil d’un raisonnement ramifié, mais lisible, faisant dialoguer les points de vue en évitant les redites. Nous tenons à remercier l’Université de Genève et le Fonds national suisse de la recherche scientifique qui ont soutenu financièrement l’organisation de nos colloques.

Olivier Maulini et Lætitia Progin Coordinateurs de l’ouvrage Des établissements scolaires autonomes ?

(11)

9

Introduction

L’autonomie : conquête, fiction ou cadeau empoisonné ?

Olivier Maulini et Lætitia Progin

1

« Quel est le meilleur gouvernement ? Celui qui nous enseigne à nous gouverner nous-mêmes. »

Goethe, 1826

« Comment s’est si avant enracinée cette opiniâtre volonté de servir, qu’il semble maintenant que l’amour même de la liberté ne soit pas si naturel. » La Boétie, 1549

L’

autonomie des écoles est un sujet malcommode. Autonomes, d’abord, les établissements le sont-ils vraiment ? Ensuite, doivent-ils l’être, ou menace- t-on la République une et indivisible en évoquant seulement cette hypothèse ? Enfin, qu’appelle-t-on « autonomie », précisément ? Voilà trois questions vives, qui peuvent s’invalider réciproquement et auxquelles cet ouvrage tentera de répondre en détail, précisément parce que le sujet de l’autonomie n’a pas de raison de rester tabou tant qu’il renvoie potentiellement à des pratiques bien réelles, pouvant conditionner le travail des enseignants et les apprentissages des élèves.

Disons-le donc tout de suite : la plupart des établissements scolaires sont formellement autonomes, puisqu’ils conçoivent et conduisent des projets, prennent et assument des décisions, produisent des actes administratifs, des règles et des sanctions (Torrès, 2013). D’autre part, cette autonomie n’est jamais totale, mais toujours « limitée, partielle, relative, encadrée » (Gather Thurler, 2000, p. 50-51 ; Perrenoud, 2001a). Mais puisque cette autonomie-là est un fait, que sait-on de ses effets et de ce qu’en pensent les acteurs ? Aide-t-elle chaque école à remplir sa mission, ou la laisse-t-elle au contraire seule avec ses problèmes, ses pratiques, ses ambitions ? Est-elle utile, néfaste ou seulement théorique et sans impact avéré ? Plus d’autonomie mènerait-il à l’éclatement de l’instruction

1. Université de Genève.

(12)

10

Des établissements scolaires autonomes ?

10

publique en autant de services à la personne dépareillés, ou la renforcerait-il en différenciant les prestations pour générer au final plus de cohérence, d’efficacité et d’égalité ? La recherche en éducation peut compléter l’expérience des acteurs pour étudier les enjeux à la lumière des faits et combiner peut-être la bonne dose de liberté avec la bonne dose de contrainte plutôt qu’opposer, bloc contre bloc, d’un côté, une bureaucratie forcément aliénante, de l’autre, une dérégulation en soi rampante.

Commençons donc par poser le problème, puis voyons comment les systèmes scolaires tentent de le résoudre et/ou de s’en accommoder. Nous le ferons ici en quatre temps :

1. En rappelant d’abord que l’autonomie est une valeur éculée en éducation, désormais d’autant plus ambiguë qu’elle aurait triomphé dans les inten- tions mais échapperait fatalement au contrôle dans l’action.

2. En montrant ensuite comment l’autonomie spécifique des établissements peut et veut en faire malgré cela l’unité de base du système scolaire, à mi-chemin entre la classe isolée et l’administration centralisée.

3. En avançant l’hypothèse que cette autonomie locale est consensuelle tant qu’elle reste rhétorique, mais qu’elle cache des acteurs, sinon sceptiques, au moins ambivalents quant à l’intérêt de gagner en responsabilités.

4. En comparant finalement les situations dans différents pays dont les modalités de gouvernance éducative font traditionnellement confiance aux initiatives locales et/ou à une rationalité venue d’en haut en priorité.

Sur cette base, nous présenterons la structure de l’ouvrage, dont les trois grandes parties étudieront tour à tour (1) l’évolution de la gouvernance de l’édu- cation dans les pays francophones, (2) les modalités de décision à l’intérieur des établissements et (3) le point de vue situé des acteurs face au partage du pouvoir dans l’école et à son propos.

L’autonomie en éducation : du lieu commun à ses ambiguïtés

Des élèves autonomes, des enseignants autonomes, des établissements auto- nomes… À tous les niveaux de l’institution scolaire, l’autonomie semble s’être imposée comme une valeur à la fois indiscutable quant à son principe et difficile à saisir dans les faits. Des pratiques et des compétences de self governement, d’au- tocontrôle, d’auto-évaluation ou d’autorégulation semblent désormais attendues de tous les acteurs, qui peuvent en partie se féliciter, en partie se plaindre, d’être ainsi responsabilisés. Autant Goethe aspire-t-il, en digne fils des Lumières, au gouvernement de soi par soi dans un contrat social égalisant les positions, autant La Boétie considère-t-il trois siècles auparavant que la servitude est parfois volon- taire et peut séduire le dominé autant que le dominant.

(13)

11 11

Introduction

Car s’émanciper a un coût : celui de dissocier « l’acte d’une intelligence qui n’obéit qu’à elle-même, lors même que la volonté obéit à une autre volonté » (Rancière, 1987, p. 26) ; celui d’augmenter, autrement dit, son pouvoir de penser sans forcément ni automatiquement gagner en liberté. A priori libérateur, le préfixe auto- serait-il devenu un lieu commun ambigu en éducation ? Une norme déroutante, mobilisant et interrogeant tout autant ses partisans ? Un mot magique faisant l’unanimité tant que personne ne prend le risque de passer à l’acte et de légiférer ? Une injonction paradoxale, bref une exigence d’autant plus insidieuse que la contester trahirait de facto chez le protestataire une fragilité, une dépen- dance, un désir de subordination en quelque sorte autoproclamé ?

Nous savons que l’autonomie est cette faculté inédite de se gouverner soi- même (auto-) en suivant ses propres lois (-nomos). Comme un peuple libre s’auto- détermine par le suffrage universel, le Sujet démocratique « réalise [lui-même] son autonomie » (Castoriadis, 1975, p. 158). Selon Kant, il est moral quand et parce qu’il ne dépend d’aucun atavisme, d’aucun intérêt ni conditionnement, d’aucune contrainte extérieure, consciente ou inconsciente (Le Coadic, 2006). Dans son analyse pourtant critique de la notion d’affranchissement en pédagogie, Hameline (1999, p. 48) prend fait et cause pour le concept d’autonomie autant que pour la valeur qu’il exprime : « Vouloir pour tous un surcroît d’autonomie est une “cause”

en faveur de laquelle il convient de militer. […] L’autonome semble, d’évidence, supérieur en humanité au non-autonome ; qui peut aller là contre aujourd’hui ? » Mais si cette supériorité semble acquise, elle pèse d’autant plus sur les élèves que l’école veut les libérer de force (Durler, 2015), par simple décret et en les privant de la capacité effective d’apprendre ce qu’il faut savoir pour s’autogérer progressive- ment dans un cadre établi collectivement, sans confondre libre-arbitre (circulation des idées) et anarchie (indépendance des volontés).

Du côté des élèves, on observe par exemple que « les jeunes scolarisés se trouvent dans l’injonction faite à nombre d’individus d’être personnes, acteurs ou sujets [autonomes] sans qu’ils aient nécessairement les supports objectifs qui le permettent » (Bautier et Rayou, 2009, p. 25). Du côté des enseignants, on rapporte que l’empowerment prôné par le paradigme de la professionnalisa- tion peut induire une « intensification du travail, renforcée par l’implication et l’engagement autonome des enseignants liés à leurs “éthos professionnels” » (Maroy, 2005, p. 15). Et en se tournant vers les établissements, on observe qu’« en contexte d’autonomie accrue, [les acteurs] ont du mal à supporter l’augmentation de la charge de travail qu’impose leur participation à la prise de décision » et que le passage du contrôle par les règles au contrôle par les résultats « ne semble pas toujours se solder par un gain net pour les enseignants » (Lessard et Carpentier, 2015, p. 116). À ces trois niveaux, non seulement l’autonomie a priori valorisée peut-elle avoir ses inconvénients, mais, pire encore, risque-t-elle de se renverser en « nouvelle forme d’oppression » par « autoréalisation imposée » (Boltanski

(14)

12

Des établissements scolaires autonomes ?

12

et Chiapello, 1999, p. 516) : une obligation de s’engager davantage dans le travail en échange de moins de protection, de plus d’exigences et d’un contrôle moins visible, mais d’autant plus pressant qu’il est moins effectué par une inspection de circonstances que constamment par soi-même, par les pairs, les usagers et des tableaux de bord automatisés.

Quoi qu’on pense de la valeur d’autonomie – surcroît d’humanité ou domina- tion nouvelle et dissimulée –, force est de constater que sa nature varie suivant qu’on l’applique aux personnes physiques ou aux personnes morales, aux indi- vidus ou à des collectifs supposés agir chacun comme une unité. Un élève ou un enseignant peut se demander s’il lui plaît ou non d’être jugé autonome dans un domaine donné. Mais un établissement ? Comment décide-t-il de ce qu’il pense, de ce qu’il veut, de ce qu’il aimerait être et de ce qu’il ressent en étant ce qu’il est ou ce qu’il est considéré ? Son autonomie à lui suppose qu’il dispose d’un for intérieur et/ou d’une identité (Draelants et Dumay, 2011) qu’on ne peut pas postu- ler, qui dépend du partage des expériences, de la confrontation des points de vue et du contrôle des conduites entre acteurs locaux. Cette personnalité morale, cette « cité politique » (Derouet et Dutercq, 1997) n’exige pas l’accord de tous les acteurs, mais la coordination fonctionnelle de leur action (Crozier et Friedberg, 1977). Elle peut certes s’incarner dans ce que dit la direction, mais seulement si celle-ci est considérée comme un porte-parole légitime par le personnel dont elle est censée figurer la cohérence et la fiabilité. Vue comme cela, l’autonomie des établissements dépend de l’autonomie individuelle que chacun de ses membres est prêt à lui abandonner : plus une école veut et sait se coordonner, moins elle devrait avoir besoin d’ordres externes, ce qui peut séduire les tenants du travail d’équipe et dissuader ceux qui le trouvent plus coûteux, moins reposant ou moins efficace qu’un gouvernement plus distant, certes moins au fait des affaires courantes, mais par là même moins pointilleux et menaçant (Barrère, 2002 ; Maulini, 2014a).

L’établissement, unité de proximité ?

Soyons donc clairs sur un point : être autonome collectivement peut impliquer l’être moins solitairement… On peut trouver paradoxal, et même contradictoire, que la décentralisation d’un commandement accule les commandés au rôle d’exé- cutant, mais ce serait ignorer que le capitaine Achab effrayait d’autant mieux ses matelots qu’il régnait sur un territoire flottant de 400 m2. Si les systèmes scolaires veulent déléguer des pouvoirs localement, ils peuvent aussi bien les confier à des directions de proximité renforcées qu’à la masse des enseignants qui n’avait pas nécessairement besoin de cette réforme pour prendre des initiatives et les assumer. La recherche montre que le leadership du chef d’établissement peut s’imposer aux enseignants pour le meilleur ou pour le pire, et que les « managers de la République » peuvent à la fois se plaindre du quant-à-soi de leurs troupes

(15)

13 13

Introduction

et de l’incurie de leur propre hiérarchie (Barrère, 2006 ; Gather Thurler, Kolly Ottiger, Losego et Maulini, 2015).

Dans sa version romantique, l’autonomie d’un collectif de travail s’ancre et se développe dans l’autonomie de chacun des travailleurs. Les responsabilités communes cascadent vers la responsabilité de chacun, ce qui entraîne un surcroît de sens et d’engagement, débouchant finalement sur plus d’efficacité, de recon- naissance et de satisfaction. Finalement, l’estime de soi fait la confiance qui fait la délégation de compétence qui fait le dynamisme suscitant plus d’estime des autres vis-à-vis de soi. Le cercle est vertueux et doit logiquement entraîner les élèves à mieux apprendre ainsi que leurs maîtres à le faire eux-mêmes pour sans cesse ainsi que progresser.

« L’autonomie de l’établissement scolaire : (1) donne plus de pouvoir aux acteurs : elle leur donne plus d’autonomie, de droit à la parole, d’implication dans les décisions, d’influence, de droits (empowerment). De ce fait, (2) les acteurs accroissent leur senti- ment de propriété (ownership) et leur participation à la vie de l’établissement, ce qui à son tour accroît (3) leur professionnalisme, leur sentiment de pouvoir être efficace, leur engagement et leur moral. De cette attitude professionnelle et engagée, naît (4) une amélioration de la « santé organisationnelle » de l’école qui se traduit à son tour par (5) un meilleur apprentissage des élèves et une satisfaction plus grande de la communauté » (Duru-Bellat et Meuret, 2001, p. 177).

Qu’observe-t-on en réalité ? Si l’État redistribue les cartes, ce n’est pas d’abord pour répondre aux vœux de ses employés, mais parce que son pouvoir a besoin d’être crédible dans l’esprit des citoyens qui sont à la fois ses commanditaires et ses administrés. Les politiques d’imputabilité (Ravitch, 2010 ; Felouzis et Hanhart, 2011) doivent assurer que les deniers publics sont bien dépensés. Mais comme les résultats chiffrés sont toujours discutables et qu’ils prennent du temps à s’afficher, on associe à ce monitorage des mesures managériales et/ou partici- patives qui doivent sceller, sur le champ, l’alliance entre la puissance publique et la population dont elle est l’émanation (Maulini, 2012).

À l’ère de la défiance démocratique, du « déclin des institutions » (Dubet, 2002), de la « lutte pour la reconnaissance » (Honneth, 2000) et de la « société des égaux » (Rosanvallon, 2011), il semble de moins en moins possible de lais- ser chaque contribuable seul face à une bureaucratie lui imposant des règles impersonnelles et lointaines, sans l’écouter ni prendre en compte ses besoins voire ses désirs singuliers. Le pouvoir ne fait désormais autorité que s’il est vécu comme crédible par les gouvernés, donc qu’il leur semble à la fois proche de leurs préoccupations, prêt à les entendre et capable d’intervenir de façon intelligente et ciblée plutôt qu’aveugle et indifférenciée.

Références

Documents relatifs

Tout l’enjeu pour l’action publique est donc de parvenir à articuler stratégiquement l’autonomie avec l’électrification et les nouveaux usages pour en tirer les

Comme nous pouvons le voir sur la Figure 1, dans la trajectoire simplifiée, le véhicule M est vu par A un peu plus tard que dans la trajectoire réaliste (entre deux et quatre pas

La tension de sortie ne prenant pour valeur que V ou -V, sa valeur efficace sera égale à V Pour le courant, on peut obtenir les formes d’ondes suivantes

ATELIERS AUTONOMESATELIERS AUTONOMES ATELIERS

ATELIERS AUTONOMESATELIERS AUTONOMES ATELIERS

Pour répondre à votre question, l’équilibre semble moins s’établir dans un pays en particulier qu’au cœur des certains établissements : avec des équipes

Les fondements de ce rapprochement sont clairs : il s’agit de deux politiques visant le fonctionne- ment global du système, introduisant de nouvelles formes de régulation,

Lire attentivement ce manuel avant toute manipulation d’une balise d’identification autonome pour aéronef : Beacon Standard / Beacon Pro / Beacon Light / Beacon Light Pro..