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Les enjeux de coopération des microfermes maraîchères biologiques. Quels impacts sur la viabilité d’un système émergent?

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Les enjeux de coopération des

microfermes maraîchères biologiques.

Quels impacts sur la viabilité d’un

système émergent ?

Etude de cas en Isère et en Lorraine

Lucie Humbaire

Option Agriculture Environnement Territoire (AET)

Année 2014-2015

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Les enjeux de coopération des

microfermes maraîchères biologiques.

Quels impacts sur la viabilité d’un

système émergent ?

Etude de cas en Isère et en Lorraine

Lucie Humbaire

Option Agriculture Environnement Territoire (AET)

Année 2014-2015

Tuteur de stage : Kevin Morel

Enseignant référant : Michel Gasperin

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« L’étudiant conserve la qualité d’auteur ou d’inventeur au regard des

disposi-tions du code de la propriété intellectuelle pour le contenu de son mémoire et

as-sume l’intégralité de sa responsabilité civile, administrative et/ou pénale en cas

de plagiat ou de toute autre faute administrative, civile ou pénale. Il ne saurait,

en cas, seul ou avec des tiers, appeler en garantie VetAgro Sup. »

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Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier Kevin Morel, mon maître de stage, de m’avoir confié une mission qui m’a permis de réaliser le stage « de mes rêves ». J’ai toujours trouvé compréhen-sion, rigueur et soutien lors de chacun des échanges qui ont rythmé ces six mois de stage au sein de l’UMR SADAPT Agricultures Urbaines : ils ont permis de nourrir ma réflexion jusqu’au bout. La dynamique qui continue à émerger autour des microfermes est propice à l’essor de cette forme d’agriculture.

Je souhaite également remercier Michel Gasperin, mon encadrant, pour sa disponibilité et ses conseils avisés tout au long de cette période et pour les échanges de courriels et les discussions toujours pleines de motivations et de nouveautés.

Un grand merci à tous les maraîchers, de Lorraine et d’Isère, qui ont rendu possible ce travail, pour leur hospitalité au sein de leurs fermes et qui ont pris souvent de leur temps (qu’ils n’avaient pas toujours) pour me transmettre un peu de leurs savoirs et de leurs vies. Je remercie également toutes les personnes et les organismes interrogés dans le cadre de cette recherche (Gautier, Nicolas, ADABIO, SITADEL…). Ces temps d’échanges auront été pour moi à la fois intéressants et enrichissants, et j’espère que mon travail leur sera utile en retour.

Je tiens aussi à remercier les collègues de l’équipe Agricultures Urbaines (François Léger, Si-mon, Anne-Cécile, Baptiste, Antoine…) pour la découverte de sujets passionnants, pour les discussions et pour les moments de détente propices à l’épanouissement intellectuel, et aussi pour les repas sur le toit qui ont rendu le stage plus « vert ». Simon, sans toi, ce stage n’aurait certainement pas eu la même mélodie ; merci, sincèrement, pour ta générosité, ton soutien, et ton dynamisme mais aussi pour nos pauses, pour le lien permanent entre microfermes, fermes urbaines et mutualisation, pour le 17,5 et pour la motivation que tu mets dans tous ces superbes projets.

Merci aussi à Suzanne et à mes parents pour leur soutien sans faille, pour les discussions et l’intérêt qu’ils ont su porter aux microfermes.

A tous les amis qui ont rendu ces quelques mois doux et agréables.

Et, pour mettre un point d’honneur à ces remerciements, je tiens bien évidemment à remercier Bastien pour son aide, pour m’avoir supporté surtout ces dernières semaines, pour notre « po-tager », nos discussions permanentes et pour continuer de cheminer à mes côtés.

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Résumé

En France, des initiatives de microfermes maraîchères biologiques émergent. Ces systèmes s’inspirent de sources alternatives par rapport aux modèles classiques de maraîchage biolo-gique. Les microfermes présentent différentes caractéristiques : très petites surfaces cultivées, commercialisation en circuits courts, très grande diversité de légumes produits, préservation des écosystèmes. Ces caractéristiques les placent au cœur de nombreux enjeux : une importante organisation du travail et du temps passé sur la ferme, une gestion de la complexité des diffé-rentes productions (rotation, association), ainsi que de nombreuses compétences de produc-teurs, commerçants et gestionnaire à mobiliser. Les maraîchers, pour faire face à ces enjeux tout en assurant la viabilité de leur ferme cherchent des solutions à travers des coopérations et le travail collectif.

Face à ce constat, notre travail a cherché à comprendre quels étaient les atouts et les contraintes de la coopération dans la viabilité des microfermes maraîchères. A partir d’une étude de cas de 19 microfermes de Lorraine et d’Isère, nous avons développé un cadre conceptuel pour aborder les deux grands types de coopération : mutualiser des moyens de production (travail, équipe-ments, assolement, connaissances, semences, et coopérer pour la commercialisation) et s’ap-puyer sur les ressources humaines et matérielles du territoire (qui favorisent de nombreux échanges, entraides et transmissions de savoirs). Le cadre conceptuel met en évidence que les coopérations sont influencées ou limitées par les aspirations et freins internes à la ferme (re-cherche d’autonomie, de sens, d’engagement ou de stimulation intellectuelle) mais aussi les opportunités et contraintes extérieures (maillage des fermes alentours, territoire...).

Mots clés : mutualisation, agriculture biologique, maraîchage, environnement local,

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Abstract

In France, organic market gardening micro farm initiatives are appearing. These systems are inspired by sources other than the classical models of organic market gardening. Micro farms have specific characteristics: very small cultivated surface areas, short marketing circuits, a very large diversity of vegetable products, the preservation of the ecosystem.Due to these char-acteristics, micro farms have to face various challenges: how to organise effectively the farm work and the time spent there, how to manage the complexity of the various productions (rota-tion, association), as well as how to mobilise the various skills related to the tasks of producer, trader and manager. Market gardeners, while ensuring the viability of their farms, look for so-lutions through cooperation and collective work in order to overcome these challenges.

In this context, our objective was to understand the assets and constraints entailed in coopera-tion and how it contributed to the viability of market gardening micro farms. From a case study of 19 micro farms in Lorraine and Isère, we developed a conceptual framework to tackle the two major types of cooperation: mutualizing means of production (labour, equipment, crop ro-tation system, seeds, expertise and cooperation for marketing) and using the human and material resources of the territory (which promotes exchanges, mutual aid and the transmission of knowledge or expertise). The conceptual framework highlights that cooperation is favoured or limited by the internal aspirations and obstacles of the farm (the quest for autonomy, for mean-ing, for commitment or for intellectual stimulation) but also by the external opportunities and constraints (networking between the surrounding farms, territory…).

Key words: Mutualisation, organic farming, market gardening, local environment, the trans-mission of knowledge or expertise, means of production, short food supply chain

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Table des matières

1 Introduction ... 2

1.1 CONTEXTE DE L’ETUDE... 2

1.1.1 L’émergence de fermes alternatives dans un contexte de remise en question du modèle dominant ... 2

1.1.2 Le développement d’installations hors cadre familial ... 2

1.1.3 Brève histoire de l’agriculture biologique ... 3

1.1.4 L’augmentation de la production biologique face à la demande croissante de consommateurs vigilants ... 4

1.2 LE CAS PARTICULIER DES MICROFERMES : DE NOUVELLES FORMES DE MARAICHAGE BIOLOGIQUE, SOURCES D’INNOVATIONS ... 5

1.2.1 Du maraîchage biologique « classique » au maraîchage biologique très diversifié sur petite surface ... 5

1.2.2 Les microfermes : des modèles s’inspirant des techniques d’anciens maraîchers parisiens ... 6

1.2.3 Des modèles alternatifs à fortes revendications sociales ... 7

1.2.4 La nécessité du dialogue pour des maraîchers engagés dans des pratiques alternatives ... 7

1.3 PROBLEMATIQUE ET QUESTION DE RECHERCHE ... 8

2 Terrains d’étude et méthodologie de recherche ... 9

2.1 UNE ETUDE DE CAS MULTIPLES DANS DEUX ZONES GEOGRAPHIQUES CONTRASTEES .... 9

2.1.1 Une démarche d’étude de cas intégrée à un projet de recherche sur la viabilité des microfermes ... 9

2.1.2 La Lorraine : de nombreuses installations récentes en maraîchage biologique dans une région céréalière ... 9

2.1.3 L’Isère : une dynamique de fermes maraichères biologiques dans un territoire contrasté parfois peu propice au maraîchage ... 10

2.2 PRESENTATION GENERALE DES FERMES ETUDIEES ... 12

2.2.1 Sélection des fermes ... 12

2.2.2 Caractéristiques des fermes ... 12

2.3 OUTILS MOBILISES POUR LE RECUEIL ET L’ANALYSE DES DONNEES QUALITATIVES .... 13

2.3.1 Entretiens exploratoires auprès d’experts permettant de cadrer le sujet ... 13

2.3.2 Conduite des entretiens semi-directifs et élaboration d’un canevas de question .. 13

2.3.3 Développement d’un cadre conceptuel par une analyse qualitative inductive ... 14

3 Résultats : une diversité de formes de coopération entre les microfermes et leur environnement ... 15

3.1 LA MUTUALISATION DES MOYENS DE PRODUCTION ENTRE AGRICULTEURS ... 15

3.1.1 Mutualisation d’achats et d’équipements ... 16

3.1.2 Mutualisation de la production de semences ... 16

3.1.3 S’associer pour travailler ... 17

3.1.4 Optimisation du travail grâce à la mutualisation d’un assolement ... 18

3.1.5 La coopération pour la commercialisation ... 18

3.1.6 La mutualisation des connaissances ... 20

3.2 S’APPUYER SUR LES RESSOURCES HUMAINES ET MATERIELLES DU TERRITOIRE ... 21

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3.2.2 Pallier l’insuffisance temporaire de main d’œuvre et les chantiers difficiles en

individuel en s’appuyant sur des associations ... 22

3.2.3 La transmission de savoirs et de connaissances favorisée par le territoire ... 23

3.3 UN CADRE CONCEPTUEL POUR PENSER LES FORMES DE COOPERATION AU REGARD DES ENJEUX DES FERMES ET DE LEUR ENVIRONNEMENT ... 26

3.3.1 Aspirations et freins internes à la ferme ... 26

3.3.2 Opportunités et contraintes externes ... 27

3.3.3 Impact sur la viabilité ... 27

4 Discussion : ... 28

4.1 L’IMPACT DE LA COOPERATION SUR LA VIABILITE DES MICROFERMES MARAICHERES 28 4.1.1 La dimension humaine au centre des coopérations ... 28

4.1.2 La co-construction collective de nouvelles solutions et de modèles économiques 29 4.2 LES LIMITES DE L’ETUDE ... 30

4.3 LA MUTUALISATION DES MICROFERMES MARAICHERES : QUELLE PLACE EN MILIEU URBAIN ET PERI-URBAIN ?... 31

5 Conclusion ... 33

Retour réflexif sur la place du métier d’ingénieur agronome dans la recherche scientifique ... 35

Liste des abréviations ………...36

Bibliographie ... 37

Annexe : Guide d’entretien ... 40

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Liste des figures, encadrés et tableaux

Figure 1 : Carte d'orientation technico-économique de Lorraine, source : Agreste – Recensement agricole 2010

Figure 2: Evolution du nombre d'ateliers de production végétale en Lorraine hors grandes cultures, source : Observation de la bio en Lorraine ,2014

Figure 3: Carte de répartition des productions végétales biologiques, source : Observation de la bio en Lorraine, 2014

Figure 4 : Carte d’orientations technico-économiques des communes de l’Isère et délimitation du sud Isère, source : Agreste – Recensement agricole, 2010

Figure 5 : Carte des répartitions des exploitations selon leur typologie, source : SITADEL, 2015

Figure 6 : Canevas d'entretien Figure 7 : Cadre conceptuel initial

Figure 9 : Exemple d'un outil auto-construit permettant de transplanter les plants Figure 10 : Cadre conceptuel présentant les différentes formes de coopération des microfermes avec leur environnement local

Encadré 1 : Définition des sources d'inspirations des microfermes

Encadré 2 : Mutualisation de la récolteuse et la ramasseuse de pommes de terre Encadré 3 : La création d’un groupement d’employeur, l’exemple du GENIAL Encadré 4: La création d'un GAEC pour faciliter le travail

Encadré 5 : Se regrouper en GIE pour commercialiser Encadré 6 : Historique du groupe MAPS

Encadré 7: Présentation de différentes expérimentations du MAPS Encadré 8 : Historique du Charretmaraich

Encadré 9 : Extrait de texte de loi régissant l’entraide agricole

Encadré 10 : Des ateliers de tissage de panier pour faciliter la transmission de savoirs Encadré 11 : Historique du groupe maraîcher de l'association SITADEL

Tableau 1 : Présentation des 19 fermes enquêtées en Lorraine et en Isère Tableau 2 : Mutualisation de différents types de commande

Tableau 3 : Différents exemples de mutualisation d’assolement

Tableau 4: Exemple d’échanges et de prêts que les maraîchers effectuent avec leur environnement local

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1 Introduction

1.1 Contexte de l’étude

1.1.1 L’émergence de fermes alternatives dans un contexte de remise en question du modèle dominant

Le modèle agro-industriel des années 60 a permis d’assurer la sécurité alimentaire en France mais a connu de nombreuses crises à partir du début des années 90 (Bon et al, 2010). L’agriculture actuelle est engagée dans un processus de changement profond qui modifie le paysage et les activités agricoles. La modernisation de l’agriculture a en effet eu des répercussions fortes sur l’usage des ressources, l’impact écologique (pollutions, paysages, dynamiques territoriales) et sur les économies rurales (marchés mondiaux, spécialisation des territoires, dérégulation du marché). Dans un contexte de crise économique, sociale et environnementale, la qualité des produits alimentaires a été remise en cause à la suite de plusieurs crises sanitaires récentes dans les années 1990 (ESB, dioxine etc.) (Giraud-Héraud et

al, 2014). Celles-ci ont profondément déstabilisé les agriculteurs (Dufour et Lanciano, 2012) et

ont questionné la durabilité des exploitations agricoles aussi bien que celle des filières agro-alimentaires. Ainsi se développe une multiplicité de formes d’agricultures innovantes et de conceptions novatrices des activités agricoles portées par les agriculteurs eux-mêmes (Dufour et Lanciano, 2012).

Ces démarches peuvent être qualifiées « d’alternatives » par rapport aux formes « dominantes » de production et de commercialisation. Les acteurs de ces initiatives partagent des aspirations sociales et écologiques qui divergent du paradigme dominant de l’agriculture conventionnelle (Beus et Dunlap, 1990).

Ces agriculteurs tendent à s’appuyer sur des stratégies de différenciation de leur production par la qualité de leur production (organoleptique, fraicheur), par des services associés (proximité, lien avec les consommateurs, préservation des paysages, etc.). Elles influent par le rapprochement avec des acteurs ne relevant pas directement de la sphère agricole (Allaire et Boyer, 1995). Les Associations pour le maintien de l’agriculture paysanne (AMAP) sont un exemple de stratégie de commercialisation ne nécessitant pas de passer par les acteurs du monde agricole. Le consommateur devient acteur de l’association qu’il crée avec les producteurs. Ces consommateurs renvoient à la notion de consom’acteurs. Leur démarche de consommation va au-delà de l’action d’acheter un produit. Ce terme traduit le fait que les consommateurs, en s’engageant, ont la capacité d’influencer l'offre des producteurs et donc de devenir de véritables « acteurs » du marché. Les agriculteurs « alternatifs » veulent pouvoir produire et développer un système alimentaire qui nourrit le territoire, d’une façon saine et équitable pour tous, tout en maintenant un tissu rural et en protégeant l’environnement (Morel et Léger, 2015).

1.1.2 Le développement d’installations hors cadre familial

De réelles mutations sociales et territoriales affectent le secteur agricole. De plus en plus d’installations se font hors cadre familial (HCF) et après des reconversions professionnelles (Lucas, 2013). Ainsi, en 10 ans, la part d’installations HCF au sein des installations aidées a doublé : elle était de 15% en 2003 et de 30% en 2013 (Ambiaud, 2011).

Qu’ils soient militants, passionnés, rêveurs, utopistes ou convertis, les HCF s’installent souvent sur des surfaces plus petites que les installations réalisées dans le cadre familial (en moyenne 26 hectares de Surface agricole utile (SAU) dont 5 ha en propriété)(Jeunes Agriculteurs, 2013).

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Cette différence peut s’expliquer par le coût élevé et la difficulté d’accès au foncier (Cardona et al, 2015). Ils assurent le plus souvent la transformation et la vente directe de leurs produits (Ambiaud, 2011). Dans une étude réalisée par les Jeunes Agriculteurs (2013) sur les besoins des agriculteurs installés HCF, il ressort que 66% d’entre eux possèdent un diplôme non agricole supérieur au bac. Ils sont 14 % installés en productions atypiques (plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM)) et 15 % à s’installer en maraîchage. En effet, les faibles surfaces et investissements initiaux nécessaires comparés à d’autres activités agricoles en font une production plus abordable pour des néopaysans qui ne disposent pas de foncier ou d’équipements familiaux.

Les installations HCF sont sources d’innovations et de propositions de modèles inexistants jusqu’alors. Ces agriculteurs ont tous pour objectif de réaliser un projet de vie et portent des valeurs fortes de « mieux vivre » ainsi qu’un discours novateur sur l’agriculture (Confédération Paysanne, 2011). Ils ont souvent un rapport au travail et une façon de se le représenter différentes des agriculteurs traditionnels (Cheyns, 2010). En effet, les agriculteurs qui s’installent hors du cadre familial le font souvent dans l’optique d’une reconversion professionnelle qui est souvent l’aboutissement d’une remise en cause (« ras le bol ») de la société et d’une réflexion longue sur leur qualité de vie et leur impact sur l’environnement. Du fait de leurs expériences antérieures, ils sont également porteurs d’une vision de l’agriculture non formatée par le milieu agricole classique et de compétences multiples développées dans leur ancienne activité (Jeunes Agriculteurs, 2013).

En choisissant de s’établir sur petite surface, il s’agit bien, pour les maraîchers, de privilégier et de défendre des projets individuels (dimensions sociale et environnementale) et collectifs en réaction au paradigme capitaliste et à la politique agricole privilégiant les agrandissements (Cardona et Lamine, 2011) .

Les HCF semblent aussi attacher des valeurs fortes à la dimension collective. Elles paraissent différentes que celles déjà en place dans le monde agricole et s’établissent sur le mode de l’extraprofessionnel, d’esprit associatif, voire des formes communautaires (habitats...)(Confédération Paysanne, 2011).

Le paysage de l’action collective se recompose donc sous l’effet de ces nouvelles installations. Dans un contexte de défis économiques et écologiques croissants, il faudra plus de concertation et de délibération pour que ces agriculteurs aux profils très différents trouvent des compromis en adéquation avec leur projet (Lucas, 2013).

Une grande part de ces nouveaux types d’installés se tourne vers une production biologique. Ce choix est la plupart du temps lié au vécu de chacun, aux trajectoires empruntées et à leurs expériences individuelles.

1.1.3 Brève histoire de l’agriculture biologique

La Loi d’orientation agricole de 1980 reconnaît l’agriculture biologique (AB) ainsi que son cahier des charges six ans après.

L’agriculture biologique : système de production qui maintient et améliore la santé des sols, des écosystèmes

et des personnes. Elle s'appuie sur des processus écologiques, la biodiversité et des cycles adaptés aux conditions locales, plutôt que sur l'utilisation d’intrants ayant des effets adverses. L’agriculture biologique allie

tradition, innovation et science au bénéfice de l’environnement commun et promeut des relations justes et une bonne qualité de vie pour tous ceux qui y sont impliqués (IFOAM, 2008).

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Cette reconnaissance officielle a lieu sous la pression de praticiens qui expérimentaient des approches biologiques en agriculture depuis les années 50 en France à l’exemple du GABO (groupe des agriculteurs biologiques de l’ouest) (FNAB, 2014). Dans les années 80, la production en AB ne concerne qu’un nombre très faible d’agriculteurs et une part minime de la production française.

Ce mouvement social était alors perçu comme « marginal ». Cependant, les crises sanitaires comme celle de la vache folle, les critiques envers l’agriculture intensive et l’utilisation d’intrants n’ont cessé de croître, offrant un nouveau regard sur la production AB qui apparaît comme une alternative à ces modes de production (Cardona et Lamine, 2011). Aujourd’hui, produire en AB participe à « un mouvement social qui remet en cause les dégâts de l’agriculture intensive » (Dam et al, 2009) et constitue un changement dans le paysage agricole français. La création d’un label au niveau européen ainsi que la communication autour de l’agriculture biologique a permis une prise de conscience du monde non agricole. Pour de nombreux acteurs de la société civile, l’agriculture biologique reste pour le moment la seule alternative à l’agriculture conventionnelle (Cardona et Lamine, 2011). L’assouplissement des cahiers des charges via leurs applications européennes en 2007 a incité des maraîchers à se tourner vers d’autres formes d’agricultures. Ces formes sont encore plus « écologisantes » et plus strictes que le simple cahier des charges de l’agriculture biologique. D’autres se sont orientés vers une logique de marque (Nature et Progrès, Déméter) car ils ne se retrouvent plus dans le mouvement de départ (Escoffier et Omnès, 2007). Les consommateurs, plus soucieux de leur santé et de l’environnement, portent alors un intérêt croissant à l’agriculture biologique et son mouvement. 1.1.4 L’augmentation de la production biologique face à la demande croissante de

consommateurs vigilants

Malgré le contexte de crise économique et une baisse du pouvoir d’achat, l’agriculture biologique ne cesse de se développer depuis quelques années. Ainsi, le marché des produits issus de l'agriculture biologique a quadruplé en dix ans pour atteindre quatre milliards d'euros en 2011, soit environ 2,7 % de la consommation alimentaire nationale (Agence bio, 2014). Selon les chiffres de l’Agence bio, on compte 26 466 exploitations agricoles engagées en agriculture biologique en 2010, soit 74% de plus qu’il y a dix ans. Cela représente 5,6% des fermes françaises. La culture de fruits et légumes frais représentent 40% de ces exploitations. Le nombre d’exploitations en production légumière biologique est de 6 180, soit une augmentation de 3% entre 2012 et 2013 (Agence bio, 2014).

La demande en produits issus de l’agriculture biologique augmente. Le nombre de consommateurs de produits alimentaires écologiques sont de plus en plus nombreux. (Agence bio, 2014). Ils sont poussés par des préoccupations à la fois personnelles : santé, bien-être et qualité mais d’autre part par des dimensions éthiques (défense du travail de la terre), sociales (rapprochement avec les producteurs agricoles) et environnementales (protection de la planète) en étant à la fois altruistes par exemple (Achabou and Dekhili, 2011). A ce titre, les villes et leurs citoyens s’engagent sur la question alimentaire à travers le développement d’initiatives aussi bien citoyennes, privées que publiques, et traduisent une prise de conscience du caractère central et de la transversalité de l’alimentation (Hervé-Gruyer et Léger, 2011). Les consommateurs encouragent le développement d’une agriculture de proximité au travers des circuits courts et de l’agriculture urbaine sous ses différentes formes. Face à cette demande grandissante, de nouvelles formes de maraîchages alternatifs se développent, toujours plus proches du consommateur, ingénieuses dans ses débouchés de commercialisation et innovantes dans ses techniques de production.

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1.2 Le cas particulier des microfermes : de nouvelles formes de maraîchage

biologique, sources d’innovations

1.2.1 Du maraîchage biologique « classique » au maraîchage biologique très diversifié sur petite surface

La rentabilité du maraîcher biologique dit « classique » est souvent faible. Ce problème est lié à différents facteurs. Les choix stratégiques et techniques à l’installation peuvent impacter la viabilité future de la ferme. Les maraîchers ont tendance à sur-dimensionner leur superficie pour plusieurs raisons : ils espèrent produire un volume de légumes conséquent pour générer un chiffre d’affaires suffisant mais également pour rentabiliser des investissements lourds qu’ils font lors de leurs installations (tracteurs, herse rotative...) alors que la main d’œuvre disponible sur l’exploitation n’est pas suffisante. Cette main-d’œuvre salariale coûte chère, et le maraîcher n’a pas la capacité au début de dégager suffisamment de chiffre d’affaires pour y avoir recours. La zone et le territoire dans lesquels s’intègre la ferme font aussi partie des incertitudes ; cela peut engendrer des problèmes liés au climat, au sol ainsi qu’aux débouchés commerciaux. Il arrive que les maraîchers ne puissent dégager une plus-value suffisante due aux débouchés de vente en circuits longs (Hervé-Gruyer et Léger, 2011).

Classiquement, les exploitations maraîchères peuvent être distinguées en deux grands types du point de vue de la diversité de leur production et de leur mode de commercialisation. D’une part, des exploitations de petite taille font le choix d’espèces diversifiées (plus de 10) avec un tonnage limité et écoulent leur production majoritairement en circuits courts. Ces exploitations font souvent appel à de la main d’œuvre familiale. D’autre part, des exploitations spécialisées sur de grandes surfaces qui commercialisent principalement en circuits longs. Ces exploitations ont tendance à faire appel à de la main d’œuvre extérieure (Bressoud et al, 2009).

Les maraîchers biologiques qui s’installent HCF optent de plus en plus pour des fermes très diversifiées sur petite surface. La diversification des productions a été identifiée comme une stratégie pertinente d’un point de vue agronomique et économique (Declercq et Clerc, 2011). Une production diversifiée permet la mise en place de rotations sans interruption qui peuvent diminuer l’impact des pathogènes sur les cultures et un recours plus faible aux matériels engendrant des économies. De même, cultiver des espèces variées apporte une certaine sécurité Cependant, cette diversification forte peut engendrer une augmentation de temps de travail et une charge mentale supplémentaire (Aubry et al, 2011). En particulier, la question de l’organisation spatiale et de la planification des cultures semblent centrales pour ces fermes (Aubry et al, 2011). Les nouveaux installés sur petites surfaces font le choix d’un faible taux de mécanisation ce qui engendre des travaux manuels supplémentaires souvent gourmands en main d’œuvre et supplémentaire en œuvre de travail quand le système n’est pas encore stable.

Définition de l’agriculture urbaine : « Activité localisée à l’intérieur (agriculture

intra-urbaine) ou sur les bords (agriculture périintra-urbaine) d’une ville, cité ou métropole. Elle produit ou élève, transporte ou distribue une diversité de produits (aliments ou non-aliments), et fait un large appel aux ressources humaines et matérielles (parfois les réutilise), produits et services trouvés dans et autour de la ville. A son tour elle offre des ressources humaines et matérielles, des produits et services, principalement à l’espace urbain ». (Mougeot, 2000)

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Les sources d’inspiration des microfermes

Permaculture : mode de pensée qui s’est développé à partir des années 80 en Australie. « La

permaculture est un système de conception basé sur une éthique et des principes qu'on peut utiliser pour concevoir, mettre en place, gérer et améliorer toutes sortes d'initiatives individuelles, familiales, et collectives en vue d'un avenir durable. » (David Holmgren)

Maraîchage biointensif : ensemble de techniques maraîchères qui visent à produire une grande

quantité de légumes sur une petite surface, même en hiver (Morel, 2015).

Agriculture naturelle : philosophie développée par le japonais Fukuoka et qui prône la limitation

maximale des interventions humaines sur les cultures en laissant le plus de place possible à la vie naturelle de l’écosystème (Morel, 2015)

Agriculture de conservation : ensemble de techniques culturales qui visent à préserver et à améliorer

la qualité du sol en le retravaillant peu ou pas, en le couvrant et en lui restituant/apportant de la matière organique régulièrement (Morel, 2015).

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De plus en plus de maraîchers biologiques très diversifiés choisissent délibérément de s’installer sur des surfaces inférieures à ce qui est généralement recommandé et mettent en œuvre des pratiques inspirées par des sources peu classiques en France. Ces « microfermes » sont de plus en plus médiatisées et ont été définies par Morel et Léger (2015) par les caractéristiques suivantes :

 Le maraîchage constitue l’activité principale génératrice de revenu ;

 Surface cultivée inférieure à 1,5 ha par actif qui est la surface généralement recommandée pour une installation en maraîchage biologique diversifié;

 Pas d’utilisation d’engrais et de produits phytosanitaires de synthèse (avec ou sans certification agriculture biologique) ;

 Une très grande diversité cultivée : plus de 30 espèces de légumes et herbes aromatiques cultivées, sans compter les arbustes et arbres fruitiers ;

 Une commercialisation en circuits courts : vente directe du producteur au consommateur, ou vente indirecte avec un intermédiaire unique ;

 Des sources d’inspiration alternatives par rapport au milieu de l’agriculture biologique classique (permaculture (Holmgren, 2014), maraîchage biointensif (Fortier, 2012), agriculture naturelle (Fukuoka, 2005), agriculture de conservation appliquée au maraîchage (Bodiou, 2009)) ; ( définitions dans l’Encadré 1)

 Des aspirations écologiques et sociales fortes

1.2.2 Les microfermes : des modèles s’inspirant des techniques d’anciens maraîchers parisiens

Les caractéristiques des microfermes paraissent suivre une démarche de production alternative et innovante. Cependant, le maraîchage sur petite surface a une histoire ancienne et remarquable techniquement. Les microfermes s’inspirent pour certaines des techniques des anciens maraîchers parisiens de la seconde moitié du XIXe siècle par le biais des manuels détaillés que les producteurs utilisaient afin de transmettre leur savoir-faire aux générations suivantes (Courtois, 1858). Les maraîchers parisiens arrivaient à nourrir la population de la capitale avec une production légumière d’une qualité et d’une diversité exceptionnelles. La centaine de producteurs pouvaient produire pendant toute l’année des légumes grâce aux couches chaudes, à la diversification, au paillage et autres techniques ingénieuses. Leur production maraîchère qui couvrait 6 % de la surface de la capitale, soit 600 hectares, était divisée en parcelles de 4000 m2 (Courtois, 1858).Même si le coût de la main d’œuvre a considérablement augmenté depuis ce temps, cette approche, dont le principe central était d’apporter un soin extrême à chaque mètre carré cultivé, inspire actuellement de plus en plus de maraîchers. En France, les pratiques et la philosophie des maraîchers parisiens ont été repopularisés par des maraîchers nord-américains qui ont beaucoup étudié ce type de maraîchage ancien comme Coleman (2013) dans « Des légumes en hiver, produire en abondance, même sous la neige » et Fortier (2012) dans « Le jardinier-maraîcher : Manuel d'agriculture biologique sur petite surface ».

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Ces deux auteurs s’efforcent de montrer qu’il est possible de produire beaucoup sur des petites surfaces dans des climats pas toujours favorables aux maraîchages mais qui recréent des liens entre producteurs et consommateurs.

1.2.3 Des modèles alternatifs à fortes revendications sociales

Les maraîchers des microfermes placent généralement la recherche d’autonomie et de qualité de vie au cœur de leur projet. Ils sont également attachés à ce que leur projet ait un impact positif sur le territoire en recréant des liens au sein de la communauté locale et en dynamisant son économie.

C’est la raison pour laquelle de plus en plus de collectivités sont intéressées par ce type d’agriculture locale et souhaitent les promouvoir afin de soutenir l’idée d’un territoire vivant et autosuffisant. L’intégration locale passe la plupart du temps par la commercialisation en circuits courts. Pour les agriculteurs, ce modèle de commercialisation est un processus de revalorisation du métier à travers une meilleure reconnaissance sociale et est envisagé comme une solution pour garder leur indépendance face aux géants de l’agroalimentaire (Bon et al, 2010). Les circuits courts connaissent un succès grandissant. Par exemple, un nombre croissant de consommateurs se réjouit de faire partie d’une AMAP. Ce type de commercialisation fait évoluer les pratiques des maraîchers. En effet, pour maintenir la confiance des consommateurs, les maraîchers doivent garantir une production variée et de qualité (Paturel, 2010). En réduisant fortement les intermédiaires marchands tout en développant les circuits courts, ils appellent à de nouvelles coordinations sociales, voire professionnelles entre les agriculteurs et les consommateurs (Bon et al, 2010).

1.2.4 La nécessité du dialogue pour des maraîchers engagés dans des pratiques alternatives Les microfermes biologiques ont la particularité d'expérimenter et de tester une grande variété de techniques anciennes et nouvelles. Celles-ci peuvent venir à la fois de ce que leur a transmis leur prédécesseur mais également de manuels ou de fiches techniques provenant d’instituts comme les groupements d’agriculteurs biologiques. La technique du faux semis pour lutter contre les adventices est un bon exemple d’anciennes techniques qui est de nouveau d’actualité en maraîchage biologique (Richardson, 2005). Le socio-anthropologue Darré (1996) considère que les agriculteurs ne sont pas de simples récepteurs de techniques proposées par des institutions, mais au contraire, des producteurs innovateurs de savoirs, à travers des échanges, des réunions et des apprentissages chez les uns et les autres. Leurs idées se confrontent, se renforcent et s’agencent pour créer leurs conceptions de l’agriculture et leur statut social. Si aujourd’hui des instituts techniques spécialisés en AB peuvent favoriser l’échange entre les maraîchers, ces structures sont nées relativement récemment. Ce n’est qu’à partir de 1998, grâce au Plan Riquois (premier plan pluriannuel de développement de l’agriculture biologique), que la Fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB) et l’Institut technique de l’agriculture biologique (ITAB) sont reconnus officiellement. Face à cet accompagnement technique tardif, les maraîchers n’ont pas attendu pour s’entraider, faire des visites de fermes et des expérimentations.

La génération et l’échange de savoirs locaux, c’est-à-dire le partage, la coopération et la mise en commun de savoirs sont souvent mis en avant par les maraîchers que nous considérons et constituent une façon de créer un changement social en dehors des pouvoirs institutionnels.

(30)
(31)

1.3 Problématique et question de recherche

Les différentes caractéristiques des microfermes les placent au cœur de nombreux enjeux : la complexité pour les maraîchers de mener une ferme très diversifié due à de nombreuses espèces, de nouveaux et parfois nombreux débouchés de commercialisation qui sont autant de prises de risque pour le maraicher et encore peu connu des consommateurs mais aussi une complexité due à la gestion du temps de travail lié aux nombreuses activité qu’entraîne la ferme ( production, gestion et commercialisation). L’enjeu réside également dans l’appropriation et l’apprentissage par des nouveaux installés le plus souvent HCF venant du milieu rural ou urbain, de techniques innovantes peu référencées, le maintien de coûts faibles pour rentabiliser une ferme de petite taille et l’acceptation par le tissu local d’un nouveau maraîcher ayant des idées novatrices.

Les producteurs doivent faire face à ces enjeux tout en s’assurant de la viabilité que Morel et Léger (2015) définissent comme « la possibilité que ces fermes permettent aux agriculteurs de vivre en accord avec leurs valeurs et leurs besoins et soient pérennes dans le temps ». Pour faire face à ces enjeux, les enquêtes réalisées par Morel et Léger (2015) ont montré que la plupart de ces microfermes cherchaient des solutions à travers la coopération et le travail collectif. La problématique de mon stage découle de ce constat et concerne la diversité des formes de coopération dans lesquelles les microfermes peuvent s’engager. Cette problématique générale a été déclinée en trois questions de recherche :

Quelles formes de coopération existent entre les microfermes maraîchères avec leur environnement ?

Quels éléments favorisent ou limitent ces coopérations ? Quels sont les atouts et les contraintes de la coopération ?

(32)

Figure 1 : Carte d'orientation technico-économique de Lorraine, source : Agreste –

Recensement agricole 2010

(33)

2 Terrains d’étude et méthodologie de recherche

2.1 Une étude de cas multiples dans deux zones géographiques contrastées

2.1.1 Une démarche d’étude de cas intégrée à un projet de recherche sur la viabilité des microfermes

Ma thématique de stage s’inscrit dans le programme « microfermes maraîchères » piloté par François Léger (enseignant-chercheur à l’Agroparistech) au sein de l’équipe Agricultures urbaines de l’Unité de recherche SADAPT. Cette recherche s’inscrit en appui à la thèse que mène Kevin Morel (mon encadrant de stage) sur la viabilité des microfermes maraîchères biologiques. J’ai mené cette étude en suivant la même démarche que Kevin Morel, c’est-à-dire une démarche inductive d’études de cas multiples (Eisenhardt, 1989). Les compétences nécessaires à une telle démarche étaient présentes dans l’équipe de recherche dont je fais partie. La méthode de cas permet de générer des théories et de tirer des conclusions d’un ensemble de cas. Cela permet aussi de fournir une description riche du contexte dans lequel les évènements se déroulent et d’essayer d’observer les liens entre les cas étudiés. L’étude de cas est utile lorsqu’un phénomène est susceptible de se produire dans une variété de situations (Gagnon, 2011).

Deux terrains d’étude ont été choisis pour mener à bien cette étude de cas : la Lorraine et l’Isère. La Lorraine a été choisie pour son dynamisme important autour des questions de coopération. La prise de contact avec les producteurs de Lorraine a été facilitée par les interactions préalables entreprises antérieurement avec Kevin Morel. L’Isère a été choisie car François Léger travaille en collaboration avec Rémy Bacher, (maraîcher biologique et membre moteur de SITADEL (Sud Isère Territoire Agricole et Développement Locale)) dans le Trièves pour construire un programme intitulé « Savoirs écologiques paysans chez les maraîchers diversifiés ». Une dynamique importante est présente dans cette zone autour du partage de connaissances et de la mutualisation grâce à l’ADABIO (association pour le développement de l'agriculture biologique) et à SITADEL.

2.1.2 La Lorraine : de nombreuses installations récentes en maraîchage biologique dans une région céréalière

La Lorraine, un lieu de maraîchage au milieu des grandes cultures dominantes

L'agriculture et la forêt représentent des secteurs importants dans la vie économique et de la qualité environnementale de la Lorraine. Elles occupent en effet 85 % du territoire (Figure 1). La Lorraine est une région divisée en treize régions agricoles, toutes ayant des caractéristiques pédoclimatiques assez différentes. L’agriculture est caractérisée par de la culture céréalière, des oléagineux et de l’élevage. Le cheptel lorrain représente 5 % du cheptel national. Deux tiers des exploitations sont concernées par une activité d’élevage (INSEE 2013). L’agriculture biologique en Lorraine se place au 16e rang des régions françaises avec 530 exploitations en 2014, soit 4,2 % des exploitations lorraines (Agence bio, 2014).

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Figure 2: Evolution du nombre d'ateliers de production végétale en Lorraine hors grandes

cultures, source : Observation de la bio en Lorraine, ,2014

Figure 3: Carte de répartition des productions végétales biologiques, source : Observation de la

bio en Lorraine, 2014

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Ce chiffre souligne, qu’historiquement, la Lorraine n’est pas une terre où l’agriculture biologique est pratiquée. Les quatre principales productions AB en Lorraine sont le lait (60 ateliers), la viande bovine (156 ateliers), le maraîchage (115 ateliers) et les grandes cultures (86 ateliers).

Une histoire récente de production de légumes biologiques dans la région Lorraine

L’histoire ne semblait pas propice au maraîchage en lorraine, puisqu’en 2008, on ne dénombrait que 50 exploitants et 850 hectares de cultures légumières dont la moitié en pommes de terre, ce qui est peu comparé au niveau national (Chambre régionale d’agriculture de Lorraine, 2011). Comme le montre la figure 2, une réelle évolution s’est produite dans la filière du maraîchage biologique lorrain depuis dix ans : le nombre de producteurs est passé de 8 en 2000 à 30 en 2007 et enfin à 115 aujourd’hui, soit une augmentation de 38 % en 8 ans. La surface en maraîchage biologique est de 187 hectares en 2014, ce qui représente une évolution de 35% par rapport à 2013 (Agence bio, 2015). Nicolas Herbeth, chargé de mission maraîchage au Centre des groupements des agrobiologistes (CGA) de Lorraine, souligne en 2012 qu’« il existe 123 maraîchers conventionnels ». Ces derniers disparaissent peu à peu.

Des formes très diverses de maraîchage et des initiatives locales

Ces installations ont été soutenues et favorisées grâce à l’accompagnement et aux formations mises en place au CGA. Cette augmentation conduit à un maillage plus dense de fermes biologiques sur un territoire, réduisant l’isolement des maraîchers. Des relations de proximité naissent entre collègues et ouvrent la voie à de nouvelles opportunités de coopération.

De plus, il apparaît sur la figure 3 que les fermes maraîchères sont assez bien réparties sur l’ensemble des quatre départements : les points d’approvisionnement et de vente pour les consommateurs ne sont par conséquent pas encore saturés. Chaque maraîcher trouve donc son débouché pour vendre sa production : AMAP, marché de producteur, drive fermier.

2.1.3 L’Isère : une dynamique de fermes maraichères biologiques dans un territoire contrasté parfois peu propice au maraîchage

Des productions végétales diverses qui reflètent les variations géographiques du territoire

En 2010, la SAU en Isère occupe 241 300 hectares (ha) auxquels s’ajoutent 35 200 ha d’alpage, soit 35 % du territoire. Le dernier recensement agricole comptait 6 300 exploitations agricoles. Sur la figure 4, la diversité des productions caractérisés par de la polyculture, de l’élevage de montagne (ovins, bovins lait) et des grandes cultures est une caractéristique forte du département. De plus, une concentration et un agrandissement des structures existantes s’exercent. Le nombre de petites exploitations suit la tendance nationale et continue de diminuer (35% en moins depuis 2000). Cette diversité est due à des variations géographiques et climatiques importantes du territoire : zone de montagne, piémont ou véritable plaine facile à cultiver. La SAU moyenne est passée de 29ha a 38ha en 2010 (Agreste, 2011).

La carte des orientations technico-économiques de l’Isère (figure 4) montre bien que les grandes cultures céréalières se situent principalement dans les plaines du Nord alors qu’en zone de montagne dans le Sud, l’élevage reste majoritaire.

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Figure 4 : Carte d’orientations technico-économiques des communes de l’Isère et délimitation

du sud Isère, source : Agreste – Recensement agricole 2010

Figure 5 : Carte des répartitions des exploitations selon leur typologie, source : SITADEL

.

Légende

(37)

Dans l’assolement, l’herbe est bien représentée avec la Surface toujours en herbes (STH) et des cultures fourragères pour l’alimentation du cheptel. Entre 2000 et 2010, 18% des exploitations maraîchères et horticoles disparaissent, par ailleurs la tendance est à l’augmentation des surfaces cultivables au sein de celle-ci. Aujourd’hui, l’Isère compte 213 exploitations maraîchères qui cultivent moins de de 1% de la SAU départementale. Un quart de ces maraîchers vendent au moins une de leur production en vente directe. Les circuits courts se développent dans les petites exploitations et peuvent représenter 50% du chiffre d’affaires (Agreste, 2011).

Une dynamique départementale de développement du maraîchage biologique soutenue par l’ADABIO en Isère

L’ADABIO en Savoie, Haute-Savoie, Isère et dans l’Ain, a été créée en 1984 « pour promouvoir une agriculture respectueuse des personnes et de leur environnement ». Elle a été au commencement un vrai pilier pour soutenir les agriculteurs et développer l’agriculture biologique dans les quatre départements. De plus, les productions de l’ADABIO sont historiquement tournées vers la vente directe (73% des agriculteurs). Les systèmes de production des maraîchers de l’association sont pour la plupart très diversifiés, avec une large gamme d’espèces et de variétés de légumes à chaque saison. Il est important de noter la difficulté des maraîchers d’assurer une production de légumes toute l’année (aléas climatiques et températures basses liées à l’altitude). La période de production est souvent courte ; une grande hétérogénéité est présente parmi les exploitations mais c’est à l’image de leurs projets de vie agricoles (Declercq and Clerc, 2011).

Le Sud Isère : un territoire de moyenne montagne dominé par la polyculture, ayant une dynamique de développement du maraîchage biologique

Les fermes qui ont été enquêtées se trouvent pour la plupart dans le Sud Isère : c’est un territoire de montagne au Sud de Grenoble qui regroupe 72 communes dont le canton du Trièves (délimitation figure 4) (Chambre d’agriculture de l’Isère, 2014). La très grande majorité des exploitations se consacrent à l’élevage : les ateliers de bovin lait et viande ont diminué entre 2000 et 2010 au profit d’ovins (de 19% à 30%) et de brebis nourrices (Agreste, 2011). Il est important de souligner que c’est un territoire sous influence de l’agglomération de Grenoble, rendu contraignant du par ses montagnes. Les maraîchers, pour vendre leur production, se servent de l’atout de la proximité d’une grande ville.

Les premières installations en maraîchage biologique dans le Sud Isère datent d’une trentaine d’années; ces producteurs étaient pionniers et ne disposaient d’aucune référence technico-économique ou d’aide quelconque. A l’heure actuelle, SITADEL, association de développement de l’agriculture locale en collaboration avec la chambre d’agriculture, a réalisé un diagnostic de la filière légumes dans cette zone. La carte des typologies des exploitations maraîchères en 2014 (figure 5) montre bien que sur les 22 maraîchers recensés sur le territoire, 7 ont une production de légumes spécialisés et 15 une gamme maraîchère diversifiée. Une grande majorité (15) se trouve dans le Trièves (délimitation figure 5).

Nous allons plus particulièrement nous attarder sur les exploitations en maraîchage diversifié, car ce sont ces producteurs que nous avons rencontrés. Un tiers des exploitations ont dix ans d’existence alors que 9 autres ont moins de 5 ans ; dans l’ensemble, on peut considérer ces installations comme récentes. Comparée aux chiffres d’une étude qu’a publiée l’ADABIO en 2011, la surface médiane est plus faible : 0,5ha par exploitation tandis qu’elle est de 1,29ha pour les 4 départements de l’association. (Declercq et Clerc, 2011).

(38)

Localisation

Ferme A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S

Date d'installation 2005 2009 2010 2010 2011 2011 2011 2011 2012 2012 2014 2014 2014 2011 2005 1984 1984/1995 1979 1994

UTH 1 1 1 2 2 1 2 2 1 1 1 1 1 1 1,5 2 2 2,5 2

Nombre de productions

maraîchères 30E-120V 76V 40E-120V 40E-70V 50E-200V 30E-60V 40E-80V 40E-100V 45E-70V 40-50E 35E-65V 35E 45E-90V 35E 30E 30E 40E 35-40V 25E

SAU 2h 3h 3,16h 3h 2,3h 1,5h 2,2h 2,1h 1,4h 1,5h 2h 2,2h 0,6h 1h 1h 2h 1,3h

surface cultivé par ferme 1,5 h 0,5h 0,8h 1,2h 1,5h 0,1 1,1h 1,4h 0,76h 1,3h 0,64h 1,26h 0,4h 0,43h 0,75

Mode de commercialisation 1 AMAP + VDD Panier+ Marché 1 AMAP 2 AMAP + VD 1 AMAP + VD 1 AMAP + Drive+

VD Panier 2 AMAP 2 AMAP

1 AMAP +VD 2 AMAP +VD Panier + VD + Mail liste 2 AMAP + Drive 2 Marchés + 3 Rest+ 1 Mag VD 2

Marchés GIE+ Mag 3 Marchés

Marché + VD +panier Mécanisation moyenne moyenne faible faible moyenne moyenne faible moyenne faibe moyenne moyenne moyenne moyenne faible moyenne moyenne faible faible moyenne

Lorraine Isère

Tableau 1 : Présentation des 19 fermes enquêtées en Lorraine et en Isère

Abréviation UTH = Unité de travail humain SAU = surface agricole utile VD = Vente

direct Mag= Magasin

GIE = Groupement d'intérêt économique Rest = Restaurant AMAP : Association pour le maintien de l'agriculture paysanne Variable Nombre de productions maraîchères Mécanisation E = Espèces

Faible = outils manuel de désherbage +motoculteur V= Variétés Moyenne = Petit tracteur et autres machines Espace test

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Ces superficies représentent un total de 9,5ha dans le Sud Isère. C’est une surface très faible. De plus les producteurs passent environ 53 heures par semaine à la ferme : 72% du temps est consacré à la production et 19% à la commercialisation. Les techniques culturales sont similaires quel que soit l’âge ou la taille des fermes. La mécanisation est plutôt faible (petites outils manuels). 14 des 15 exploitations vendent une partie de leur production au marché. En moyenne, les exploitations ont 5 débouchés de commercialisation : c’est un chiffre important, entrainant jusqu’à 3 journées consacrées à la vente. Les exploitations les plus anciennes ont des débouchés stables alors que les plus récemment installées peinent à produire suffisamment pour répondre à la demande de la clientèle (Chambre d’agriculture de l’Isère, 2014).

2.2 Présentation générale des fermes étudiées

2.2.1 Sélection des fermes

Dix-neuf fermes situées en Lorraine et en Isère ont été choisies avec la volonté de présenter la plus grande diversité possible de maraîchers impliqués dans des formes de coopérations au sein des microfermes. Les fermes présentaient la majeure partie des caractéristiques des microfermes et des coopérations intéressantes permettant de mener une analyse transversale. Dans la logique propre aux études de cas, l’idée n’est pas de mener une étude statistique sur un échantillon représentatif d’une population mais d’étudier de manière approfondie un petit nombre de cas sélectionnés pour leur intérêt théorique (Chia et al, 1991) stratégie de mise en place de « cas-types » et non de références.

Concernant la stratégie générale d’échantillonnage. Les contacts nous ont été fournis par Gauthier Félix, l’animateur du groupe Maraîchage en autonomie sur petite surface (MAPS). Ce groupe semblaient présenter des enjeux forts des microfermes ainsi nous voulions voir si ces enjeux amenaient des coopérations. Des contacts supplémentaires de maraîchers sur petites surfaces nous ont été communiqués par l’animateur du CGA en Lorraine ; ces fermes semblaient être identifiées comme présentant des enjeux de coopérations intéressantes. Dans un premier temps, un mail a été envoyé pour leur formuler le but de la recherche et dans un deuxième temps les contacter plus facilement. La démarche a été identique en Isère. Rémi Bâcher, maraîcher moteur dans le groupe, m’a transmis les contacts des maraîchers les plus intéressants à aller rencontrer au vu de mon travail. Il est important de noter que mes entretiens se sont déroulés entre mai et juin, la plus mauvaise période pour les maraîchers car c’est la reprise de la production et un pic de travail est présent à ces dates. Certains ont accepté de me recevoir en considérant rapidement le bénéfice de ce travail. D’autres m’ont accueillie soit sur des heures du déjeuner et du dîner soit en continuant à effectuer certaines tâches pendant que nous échangions.

Les deux zones d’études ont été complémentaires. En Lorraine, les fermes sont jeunes et nombreuses, les coopérations liées à la production ne sont pas une priorité contrairement aux coopérations liés à la transmission de savoir. En Isère, il a été intéressant de rencontrer des fermes plus anciennes ayant un système stable. Ces maraîchers prennent alors plus de temps pour mettre en place des coopérations d’équipements, d’assolements facilitant leur travail quotidien.

2.2.2 Caractéristiques des fermes

La localisation, la date d’installation, le nombre de productions maraîchères, la surface cultivée, le mode de commercialisation et le niveau de mécanisation de ces fermes sont présentés dans le tableau 1.

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Figure 6 : Canevas d'entretien

Enjeux (atouts

et contraintes)

de la

coopération

Caractéristiques de la

ferme

Diverses formes de

coopération

(41)

Ces fermes sont dirigées par un ou deux associés, hommes ou femmes, âgés de 28 à 60 ans, la plupart ayant fait le choix de reconversions après des parcours professionnels divers (16/19). Les installations sont récentes en Lorraine, entre 1 et 10 ans, ce qui témoigne de l'émergence de ce modèle dans cette région. En Isère, les maraîchers rencontrés sont installés depuis 20 ans en moyenne, ce qui témoigne des différentes dynamiques liés aux coopérations dans les deux zones.

2.3 Outils mobilisés pour le recueil et l’analyse des données qualitatives

2.3.1 Entretiens exploratoires auprès d’experts permettant de cadrer le sujet

Une synthèse bibliographique a été réalisée en début de stage sur les fermes maraîchères très diversifiées en circuits courts. Cette synthèse a permis d’identifier quelles pouvaient être les enjeux de la coopération au sein de ces fermes maraîchères en France ainsi que la façon dont les dynamiques locales influencent positivement les projets de coopérations des maraîchers. Des entretiens téléphoniques exploratoires avec des experts ont été menés dans le même temps afin d’aider à la délimitation et à la compréhension du sujet.

Deux journées d’étude de terrain ont été réalisées pour avoir une première approche des microfermes et des formes de coopération qu’elles pouvaient abriter. Une journée de découverte à la microferme de la Bourdaisière, à côté de Tours, accompagnée de Kevin Morel, m’a permis de rencontrer Maxime de Rostolan qui est actuellement l'un des acteurs clefs du réseau de microfermes (projet fermes d'Avenir1). Une journée de formation sur les « formes de

travail collectif au sein des fermes maraîchères » au Luxembourg à Terra Lux2 m’a donné la possibilité de rencontrer Gautier (animateur du MAPS) et Nicolas (animateur CGA) ainsi que certains maraîchers. Ces deux journées d’observation ont donné lieu à plusieurs discussions avec Kevin Morel et ont permis de préciser mon sujet.

2.3.2 Conduite des entretiens semi-directifs et élaboration d’un canevas de question

L’étude de cas a été menée en mobilisant les outils de la démarche inductive décrits par Eisenhardt (1989) et Yin (2009). La démarche inductive permet de passer des observations des deux différents terrains d’études à des perspectives plus générales. Différentes étapes ont été suivies pour atteindre la généralisation : l’étude de cas, les questions que posent les résultats, et l’analyse des cas. Des concepts nouveaux sont ensuite élaborés et généralisés.

L’étude s’est effectuée à partir d’entretiens semi-directifs, en s’inspirant de la méthode décrite par Sibelet et Mutel (2013). La phase préliminaire de recherches a par ailleurs été l’occasion de rédiger un canevas d’entretien, qui a servi de point de départ pour la phase de « terrain » de l’étude. Le canevas initial a été réalisé grâce à une carte heuristique ou « mind-map » (Buzan, 1995) en utilisant le logiciel FreeMind (Figure 6). Les entretiens se sont basés non pas sur un guide d’entretien rigide mais sur un canevas évolutif comme le conseille De Sardan (2008). Les questions ont été regroupées en trois grands thèmes principaux : la présentation de l’exploitation maraîchère, les liens des maraîchers avec leur environnement local et les différentes formes de coopérations pratiqués. Ces questions sont suivies de thèmes secondaires liés à la nature des coopérations (lieu, échelle, personne) et aux difficultés à mettre en place celle-ci. Certains éléments de réponse sont inscrits, ils représentent ce que j’ai découvert lors de la phase de recherche bibliographique et les entretiens téléphoniques exploratoires, ainsi qu’une première réflexion personnelle.

1 http://www.fermesdavenir.org/ 2

(42)
(43)

Le canevas sert avant tout de repère visuel pour être certain de ne pas oublier d’informations lors des entretiens. A partir de cette structure, les questions sont élaborées sur le vif dans l’optique de s’adapter au mieux à la situation et pour créer une dynamique de discussion spontanée, et non pas d’interrogatoire, afin de récolter des données les plus fines possibles. En entrevue, la parole était un maximum laissée aux personnes interrogées, en relançant éventuellement si l’un des points ciblés par les questions n’était pas abordé. Quelques questions ouvertes ont été approfondies grâce à la technique de la relance. S’agissant d’entrevues semi-directives, les questions posées étaient ouvertes. La partie des questions sur la structure de la ferme était abordée en début d’entretien pour mettre en confiance le maraîcher.

2.3.3 Développement d’un cadre conceptuel par une analyse qualitative inductive

A partir de mes premières lectures, d’entretiens téléphoniques exploratoires et en concertation avec des chercheurs de l’équipe à laquelle j’appartenais, j’ai élaboré un premier cadre conceptuel (figure 7) qui m’a permis de structurer ces informations. Un cadre conceptuel est une représentation stylisée du réel qui permet de mettre en évidence et de questionner de manière systématique des relations entre les données (Elo et Kyngäs, 2008). Ce cadre a été élaboré d’après les méthodes d’analyse qualitative inductive décrites par Miles et Huberman (1984) et Elo et Kyngäs (2008). L’objectif d’une telle démarche est d’organiser le contenu brut des entretiens dans des matrices ou par des codages afin d’en faire émerger des catégories générales (conceptuelles) et de mettre en lumière les relations entre ces catégories. Le cadre de départ a été amené à évoluer au fur et à mesure du stage par itérations entre des phases d’enquêtes de terrain et des phases d’analyse/conceptualisation.

L’analyse des données fait appel à des outils conceptuels issus de l’agronomie et des sciences humaines, dans l’optique transdisciplinaire portée par l’unité de recherche qui m’accueille (UMR SAD-APT). A partir d’une analyse transversale et individuelle des données des 13 fermes de Lorraine, une première analyse consistait à stabiliser et compléter le cadre conceptuel de départ à partir des premiers éléments qui paraissaient ressortir du terrain d’étude. Une synthèse structurée en est ressortie, présentant les différents types de coopérations : circulation de savoirs et mutualisation en fonction de l’échelle et des différents acteurs. Le deuxième terrain d’étude en Isère a été effectué pour compléter, comparer et enrichir l’étude. Les éléments récoltés ont été très différents des premiers analysés en Lorraine. Un cadre conceptuel final a été réalisé en complétant la dernière version effectuée. Il a pris en compte les résultats des deux terrains d’étude réalisés, soit les 19 cas.

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3 Résultats : une diversité de formes de coopération entre les

microfermes et leur environnement

Avant leur installation et durant la vie de la ferme, les maraîchers doivent mûrir un certain nombre de choix qu’ils vont entreprendre pour lancer la création de l’activité, concernant la structure et l’organisation de leur ferme. Ce sont des décisions d’orientations stratégiques importantes sur le long terme (Aubry, 2007) comme le niveau de mécanisation, le niveau d’équipement, le choix de la forme juridique mais aussi la surface produite en plains champs et sous abris. Face à la complexité de l’organisation du travail, certains agriculteurs se tournent vers diverses formes de coopération entre pairs. Selon Brodu (2012), certains points sont importants pour le bon fonctionnement de groupe : au sein des collectifs, les membres doivent trouver un équilibre pour que les personnalités s’accordent et que les projets personnels clairement définis et exprimés par chacun ne gênent pas le bon déroulement du projet commun. Pour faire face aux manques de connaissances sur des techniques innovantes, aux besoins de main d’œuvre spécifique et pour pallier différentes insuffisances liées aux territoires (peu de terre disponible, climat peu favorable aux maraîchages, manque d’accompagnement), différentes formes de coopération entre les microfermes et leur environnement semblent se développer. Notre travail a fait émerger deux grandes formes de coopération : la mutualisation des moyens de productions entre agriculteurs et le recours à des ressources locales. Par mutualisation, nous entendons des actions qui consistent à regrouper des moyens (financiers, humains et organisationnels) et à partager des risques, afin d’optimiser l’accès à des ressources et de réduire les coûts. Les deux formes ont été distinguées car, outre la mise en place des mutualisations, les maraîchers se tournent vers leur environnement local pour échanger des ressources non marchandes (transmission de savoir et savoir-faire, échange de temps) qui ne nécessitent pas de regroupements mais qui ont un rôle tout aussi majeur. La mutualisation des moyens de production internes à la ferme (semences, équipement) et externes pour la commercialisation et les expériences de recherche se développent. Les maraîchers s’appuient de manière constante sur les moyens présents dans leurs territoires tout en restant en accord avec leurs valeurs et leur projet de microfermes.

3.1 La mutualisation des moyens de production entre agriculteurs

Les maraîchers sur petites surfaces et en circuits courts s’impliquent peu dans les réseaux agricoles conventionnels traditionnels (chambre d’agriculture..). Ils sont parfois considérés comme marginaux et ne sont pas bien accueillis dans les structures d’accueil de développement agricole (Chiffoleau et al, 2013), exception faite aux groupes interprofessionnels bios (ITAB, FNAB), notamment au travers des groupements de maraîchage biologiques existants. Le modèle dominant demande toujours plus de productivité aux agriculteurs. Certains moments d’échanges disparaissent pendant lesquels aucune valeur économique n’était créée. Cependant, les maraîchers des microfermes sont curieux de connaître les atouts et les contraintes des fermes voisines. Pour cela, ils créent leurs propres réseaux ou s’investissent dans des associations pour trouver un appui technique et des réponses à leurs interrogations. La coopération est depuis longtemps en agriculture une réponse face à l’apparition d’enjeux nouveaux. Les moyens de production d’une exploitation seront définis en deux catégories. Le capital fixe d’exploitation qui est la valeur des biens servants à plusieurs cycles de productions : outil, bâtiments, moyens de tractions, animaux. Ainsi que par le capital d’exploitation circulant, c’est la valeur des biens consommés pendant un cycle de production : semences, plants... (CIRAD et GRET, 2012).

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Ferme/groupe CGA (centre des agrobiologistes) Groupe maraîchage Sud-Trièves Maraîcher du Beaumont Groupe maraîcher Nord Isère Type de commande groupé Semences - Outils - Terreaux Voiles - Terreaux Plants Plants

Gain de temps -- -- 30h/saison --

Tableau 2 : Mutualisation de différents types de commande

Mutualisation de la planteuse et la ramasseuse de pommes de terre

Les outils les plus mutualisés au sein des microfermes sont la récolteuse et la ramasseuse de pommes de terre. Ces deux machines ne sont utilisées que lors de gros chantiers. Cette mutualisation se fait entre deux ou trois maraîchers, se situant à moins de dix kilomètres les uns des autres car les producteurs ne veulent pas perdre un temps trop important à aller chercher la machine. En fonction des groupes, ils n’ont pas la même gestion des machines : certains remettent la machine en état après utilisation et la laissent là où elle a été utilisée pour la dernière fois. D’autres, pour plus de commodité, laissent tout le matériel sur une exploitation.

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