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DE L ’ EMPLOI SERVICE DE LA COHÉSION SOCIALEET UN DÉVELOPPEMENT PROMETTEURAU L’ ÉCONOMIE SOLIDAIRE ,

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L’ ÉCONOMIE SOLIDAIRE ,

UN DÉVELOPPEMENT PROMETTEUR AU SERVICE DE LA COHÉSION SOCIALE

ET DE L ’ EMPLOI

JEAN-MICHEL LÉCUYER*

« Le profit ne peut être la finalité uni- que de l’activité économique. Dominée par le capitalisme financier, dopée par les nouvelles technologies, les progrès fulgurants du commerce mondial, la surmultiplication des échanges financiers, l’économie tend à se libérer de toute contrainte sociale au nom de la compé- titivité. Elle produit des richesses impres- sionnantes mais très inéquitablement réparties. Elle crée des emplois mais gé- nère aussi précarité, insécurité et parfois exclusion des personnes. Elle ignore des besoins individuels et collectifs pressants s’ils ne lui semblent pas assez rentables.

Elle fait dépendre l’avenir des hommes, leur emploi, leur revenu, leur rôle dans

Lorsque le responsable éditorial du Rapport moral sur l’argent dans le monde 2009 m’a proposé d’écrire un article sur l’économie solidaire, je lui ai immé- diatement suggéré de faire appel à Jean-Michel Lécuyer, à mes yeux l’expert en investissements solidaires le plus qualifié et le plus expérimenté. De fait, sa finesse d’analyse et sa vision d’ensemble font de son article un document de référence.

Edmond Maire, président de la Société d’Investissement France Active.

* Directeur général de la Société d’Investissement France Active.

la cité, de décisions prises souvent sous la pression d’impératifs financiers (...).

Qu’est-ce que l’économie solidaire ? C’est un mouvement qui regroupe des milliers d’initiatives locales pour pro- duire, consommer, employer, épargner et décider autrement. Les entreprises soli- daires se battent sur le marché comme les autres et doivent donc être perfor- mantes. Mais en plus, elles emploient des personnes exclues ou qui risquent de l’être ; elles fournissent des services individuels à des personnes aux revenus modestes, elles assurent des services collec- tifs pour mieux vivre ensemble, elles mettent en œuvre des formes de gouver- nance démocratique... »1.

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Tels sont les premiers mots du manifeste de l’économie solidaire, lancé en 2006 et signé par plus de 5 000 personnes et organismes.Un texte aux accents prémonitoires, tant ces impératifs financiers court-termistes édictés par et au profit d’une infime minorité, ont depuis montré à quel point ils pouvaient s’avérer dévasta- teurs pour l’emploi et le revenu de millions de travailleurs à travers le monde.

L’économie solidaire constitue en France un mouvement fort de plu- sieurs dizaines de milliers d’entre- prises, de tous statuts (associations, coopératives, mutuelles, sociétés), qui ont pour objectif commun de recher- cher prioritairement, non pas le profit de leurs actionnaires, mais la mise en œuvre d’actions économiques por- teuses d’une forte utilité sociale.

Ce secteur est fortement innovant, particulièrement dans le champ de la lutte contre les exclusions et dans celui du développement durable. Il doit, pour se démultiplier, séduire un nombre croissant d’entrepreneurs et bénéficier de financements à même de permettre aux entreprises solidaires d’investir et de disposer de la structure financière nécessaire à leur dévelop- pement.

C’est le sens de l’action des financeurs solidaires, comme France Active, que de créer, au bénéfice des entreprises solidaires, des circuits de financement aussi performants que ceux qui exis- tent pour permettre le développe- ment des entreprises « classiques », alors même que les perspectives de plus- value financières sont plus limitées.

Des centaines de milliers d’épargnants se sont ainsi laissés convaincre de

donner une place, dans leurs objectifs de rendement, à la plus-value sociale !

QU’EST-CE QU’UNE ENTREPRISE SOLIDAIRE ?

Les entreprises solidaires se caracté- risent par une action économique (à la base de l’activité, se trouve la production d’un bien ou d’un service) motivée prioritairement par l’obten- tion d’une plus-value sociale : insertion de personnes en difficulté d’accès à l’emploi (chômeurs de longue durée, personnes handicapées), solidarité en direction des personnes âgées, actions culturelles ou sportives visant aussi les milieux défavorisés, protection de l’environnement. Elles mixent sou- vent les recettes provenant de la vente de leur production avec des ressources provenant de « tiers payant » (par exemple, Conseil Général pour les services aux personnes âgées) et des subventions de l’État ou de collecti- vités territoriales, apportées en contre- partie de la réalisation de prestations à caractère d’utilité sociale. Car comme les autres, les entreprises solidaires ont l’obligation d’atteindre l’équilibre éco- nomique pour assurer leur pérennité.

Cette notion d’entreprise solidaire se rapproche de celle, plus interna- tionale, d’entrepreneuriat social, promue par des organisations telles qu’Ashoka ou la Fondation Schwab, dont l’OCDE donne la définition suivante : « toute activité privée, d’inté- rêt général, organisée à partir d’une démarche entrepreunariale et n’ayant pas comme raison principale la maxi- misation des profits mais la satisfaction

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de certains objectifs sociaux ainsi que la capacité à mettre en place par la production de biens et de services des solutions innovantes aux problèmes d’exclusion et de chômage ».

En France, le CODES (Collectif pour le développement de l’entrepre- neuriat social)2 défend une approche

« souple » de la notion d’« entreprise sociale », combinant, dans des pro- portions variables, trois dimensions : un projet économique inscrit dans le marché, une finalité sociale, une gouvernance participative. Une telle approche permet de créer un conti- nuum entre les structures d’économie sociale (coopératives et mutuelles, en particulier, privilégiant le diptyque projet économique + gouvernance participative) et celles d’économie solidaire (principalement mais pas seulement sous forme associative ou coopérative, privilégiant le diptyque projet économique + finalité sociale) et ainsi de proposer une approche globale du mouvement « économie sociale et solidaire » à la française, dont la spéci- ficité est de rapprocher au sein d’un même mouvement, deux notions (entrepreneuriat social, gouvernance participative) qui ne sont pas forcé- ment liées dans les pays de culture anglo-saxonne.

La loi Fabius de 2001 sur l’épargne salariale, qui a donné une base légale à l’épargne salariale solidaire, propose une définition légale de l’entreprise solidaire, finalement assez proche de l’« entreprise sociale » décrite ci- dessus : peuvent obtenir l’agrément

« Entreprise solidaire » - et donc béné- ficier de financements alimentés par l’épargne salariale solidaire :

- les entreprises d’insertion, entreprises

adaptées et les entreprises qui emploient des personnes en difficulté d’insertion professionnelle (à hauteur de 30 % au moins de leur effectif), quel que soit leur statut ;

- les associations, coopératives et mutuelles (les salaires des dirigeants devant dans ce cas faire l’objet d’une limitation).

UN SECTEUR ESSENTIEL POUR LA COHÉSION SOCIALE, EMPLOYANT PLUSIEURS CENTAINES

DE MILLIERS

DE PERSONNES EN FRANCE

L’économie sociale et solidaire (associations, coopératives, mutuelles, fondations) emploie 9,8 % des salariés en France, soit 2,1 millions de per- sonnes. Le secteur associatif repré- sente à lui seul 75 % de ces emplois (1 675 000 salariés dans 185 000 asso- ciations) et 3 à 4 % du PIB. La dyna- mique de création d’emplois dans ce secteur est importante : entre 2005 et 2006, il a créé 63 000 emplois supplémentaires, soit un taux de progression deux fois supérieur à celui du reste de l’économie.

Une récente étude menée par la Chambre régionale de l’économie sociale de Lorraine montrait que, sur le secteur associatif, 46 % des ressources étaient de nature « privée » (vente de biens et services, cotisations, tiers payant) et 54 % de nature publique (État, fonds européens, collectivités territoriales). Les associations prati- quent donc fortement l’« hybridation » des ressources.

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La part occupée par les entreprises solidaires au sein du secteur de l’écono- mie sociale et solidaire reste difficile à caractériser (une partie des asso- ciations n’a pas du tout d’activité économique), mais plusieurs secteurs économiques fortement porteurs d’utilité sociale, que nous décrivons ci-après, sont largement investis par ces entreprises. Au titre de leur action dans ces secteurs, les entreprises soli- daires apparaissent comme des piliers indispensables au maintien de la cohé- sion sociale en France :

- le secteur de l’insertion par l’activité économique3 comprend 5 300 entre- prises (entreprises d’insertion, de tra- vail temporaire d’insertion, associa- tions intermédiaires, ateliers et chan- tiers d’insertion, régies de quartier, GEIQ), qui emploient chaque année 88 000 personnes en difficulté d’insertion professionnelle. L’objectif de l’entreprise d’insertion sera, après un parcours d’un à deux ans, de leur permettre de rejoindre une entreprise

« classique ». La contrainte très forte engendrée sur la production par l’emploi de personnes non employables (au départ) par des entreprises ordi- naires rend nécessaire l’octroi par l’État d’une aide spécifique à ces entre- prises ;

- l’emploi des personnes handicapées4 : il existe 600 entreprises adaptées, em- ployant 20 000 personnes, dont 80 % sont handicapées. 1 400 établissements spécialisés d’aide par le travail (ESAT) permettent par ailleurs à 105 000 per- sonnes handicapées de travailler dans un cadre et à un rythme adapté à leur handicap. Rappelons que malgré l’existence de ces structures et le renforcement en 2005 des pénalités

infligées aux entreprises qui n’emploient pas au moins 6 % de salariés handica- pés, le taux de chômage des personnes handicapées est en France plus de trois fois supérieur à la moyenne ; - près de 5 000 associations de services à domicile5 emploient 235 000 sala- riés, principalement dans le domaine de l’aide aux personnes âgées ou handicapées et aux familles, mais aussi dans celui de la petite enfance, où le concept de crèche familiale connaît un succès grandissant. Certaines de ces associations peuvent s’appuyer sur des réseaux bénévoles, et couvrir ainsi la plus petite commune rurale, pour la détection des besoins et l’organisation de la prise en charge des bénéficiaires par des professionnels qualifiés. Elles apportent ainsi un service qu’aucune société commerciale ne serait en mesure de fournir, sur l’ensemble du territoire, à un prix accessible à un revenu modeste ;

- l’éducation sportive et culturelle pour les jeunes et les moins jeunes est portée par 30 000 associations d’éduca- tion populaire et plus de 200 000 asso- ciations culturelles. Quelle famille ne bénéficie pas des services d’une asso- ciation, prenant en charge pour un coût très raisonnable la pratique spor- tive, musicale, ou l’organisation de classes de découverte pour ses enfants ? Là aussi, le maillage de l’ensemble du territoire national est rendu possible par un « mix » d’intervention de béné- voles et de professionnels qualifiés, et de ressources privées et publiques. Pour cette raison, il est impossible que les mêmes services éducatifs soient rendus par des dizaines de milliers de sociétés commerciales, desservant chaque commune française ;

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- l’hébergement des personnes âgées dépendantes à faible revenu est princi- palement porté, au côté des établisse- ments publics, par le secteur associatif, qui gère 1 600 maisons de retraite (EPAHD) dont les coûts de fonc- tionnement, parmi les plus faibles du marché, permettent notamment de recevoir les personnes âgées à très faible revenu, et un nombre important de bénéficiaires de l’aide sociale. Ces associations emploient 63 000 salariés et hébergent plus de 100 000 person- nes âgées dépendantes ;

- les associations de tourisme social gèrent 1 200 équipements touristiques, génèrent 12 000 emplois (équivalent temps plein) et proposent chaque année 40 millions de nuitées à des tarifs inférieurs de 30 % en moyenne à ceux des opérateurs de tourisme du secteur lucratif, à offre de service équivalente6. Leur vocation est de permettre le départ en vacances du plus grand nombre, y compris des per- sonnes bénéficiant pour cela d’une aide sociale. À l’heure où 8 millions de Français ne partent pas en vacances pour des raisons souvent financières, la disparition de ces établissements, dont beaucoup doivent aujourd’hui subir de coûteuses rénovations sous peine de disparaître, est-elle souhaitable ? L’État, qui avait pourtant appuyé l’émergence de ce secteur après la Seconde Guerre mondiale, l’abandonne aujourd’hui largement à son sort. Qu’à cela ne tienne, il s’adapte, se regroupe, et les plus solides survivront... ;

- l’accompagnement et le financement de la création d’entreprise sont portés en France par des réseaux associatifs : Boutiques de Gestion, ADIE, France Initiative, France Active, accompagnent

et financent près de 30 000 créations d’entreprises chaque année, mobilisant pour cela financements publics et privés (entreprises et banques).

Des acteurs économiques solidaires continuent d’émerger dans d’autres champs d’activité très divers :

- le commerce équitable constitue un mouvement très dynamique, dont l’objectif premier est de partager équitablement la valeur ajoutée avec le producteur et de permettre à celui-ci de travailler dans des conditions décentes ;

- la préservation de l’environnement : démantèlement des produits électro- niques en fin de vie (réseau ENVIE), tri et recyclage des textiles (Emmaüs et Le Relais), gestion ou préservation d’espaces naturels intégrant un souci de valorisation touristique et culturelle, production agricole biologique alliée à l’insertion de personnes en difficulté (jardins de Cocagne) ;

- l’accès à un logement décent à loyer compatible avec leurs ressources pour des personnes en situation précaire ou à très faible revenu (Habitat et Humanisme, FAPIL, Pact Arim, Habitat et Développement...) ; - de nouveaux services solidaires émergent aussi dans le transport indi- vidualisé de personnes âgées (Vilcena), dans l’accès des malentendants aux services administratifs (Websourd )...

Malgré plusieurs exemples remar- quables (des entreprises d’insertion sont à la pointe dans le domaine de la numérisation de documents ou dans la gestion informatisée de la chaîne d’approvisionnement pour l’industrie, une entreprise adaptée est titulaire de contrats de recherche avec la DGA...), on peut regretter que les acteurs de

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l’économie solidaire investissent assez peu les domaines technologiques fortement innovants (économie numé- rique, biotechnologies...), alors même qu’une réelle communauté de valeurs peut être trouvée avec certains acteurs de ces secteurs, par exemple dans le domaine du logiciel libre. Doit-on y voir l’impact sur les jeunes générations d’entrepreneurs du « mythe » anglo- saxon de la start-up, qui doit conduire ses dirigeants à la fortune, notion difficilement compatible avec celle d’entreprise solidaire ?

LES ENTREPRISES SOLIDAIRES DOIVENT POUVOIR

FINANCER

LEUR DÉVELOPPEMENT !

L’absence d’objectif lucratif (ou le caractère secondaire de celui-ci) et le caractère « mixte » des entreprises solidaires en termes d’objets (social et économique) et de ressources (pure- ment économiques, « tiers payant », État et collectivité) expliquent les difficultés rencontrées par ces entre- prises pour financer leur dévelop- pement :

- le modèle « classique » du capital investissement est inopérant pour les financements de haut de bilan, du fait de l’absence ou de la faiblesse des perspectives de plus-value ;

- les banques sont elles-mêmes parfois réticentes à prêter à ces structures, du fait d’une difficulté à analyser le risque encouru face à des modèles éco- nomiques novateurs, aux ressources hybrides.

Ces difficultés de financement se manifestent par :

- la faiblesse des fonds propres de nombreuses entreprises solidaires, qui génère des problèmes récurrents de trésorerie, par insuffisance du fonds de roulement, alors même qu’une part importante de leurs ressources d’exploitation est versée avec des délais de paiement très longs (subventions de l’État et des collectivités, et surtout subventions européennes, souvent versées avec plus d’un an de délai !) ; - des difficultés à financer leurs inves- tissements, et à se développer à moyen terme.

Le secteur de l’économie solidaire a donc un besoin important de finan- cements structurants, en particulier en fonds propres ou quasi-fonds propres, à même de faciliter son déve- loppement. Ce secteur mérite d’être appuyé par des opérateurs financiers intervenant dans un cadre d’intérêt général. En effet :

- il est solvable (en capacité de rembour- ser à moyen terme les apports finan- ciers effectués), mais ne vise pas, du fait de son objet social, à dégager des plus- values financières importantes ; - il génère une forte plus-value en termes de cohésion sociale et constitue, dans des secteurs tels que l’insertion des personnes en difficulté et des per- sonnes handicapées, la culture et le sport, l’accompagnement des person- nes âgées, l’ossature même des dispo- sitifs de cohésion sociale en France ; - il apporte une contribution nette largement positive à la richesse de la nation (les ISBL - institutions sans but lucratif - dégagent une valeur ajoutée égale à 3 % du PIB français, selon l’INSEE).

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Or, force est de constater que cet ensemble ne bénéficie d’aucun des dispositifs d’investissement annoncés ces dernières années par l’État pour soutenir le développement de l’écono- mie. Ni OSEO (qui regroupe depuis deux ans les activités de financement des PME auparavant portées par la BDPME, et les activités de soutien à l’innovation auparavant portées par l’ANVAR), ni France Investissement (lancé en 2006 par Jacques Chirac, doté de 2 milliards d’euros), ni le Fonds Stratégique d’Investissement (récemment lancé par Nicolas Sarkozy, doté de 20 milliards d’euros), ni quasi- ment aucune des sociétés de capital- investissement existant en France7, n’ont jamais ou presque investi dans une entreprise solidaire, faute d’une perspective de « Taux de Retour sur Investissement » satisfaisante selon les critères définis par leurs action- naires.

LES FINANCEURS SOLIDAIRES RECHERCHENT DES FONDS À INVESTIR

France Active (dont la SIFA, Société d’investissement France Active, est une filiale) est une association sans but lucratif et, dans notre pays, le principal (et l’un des seuls) investisseur en fonds propres ou quasi-fonds propres dans les entreprises solidaires. Son action a bénéficié, depuis 20 ans, de l’appui constant de la Caisse des Dépôts et du soutien des 120 action- naires de la SIFA, parmi lesquels des banques et institutions financières,

des groupes de protection sociale, des entreprises d’économie sociale et des entreprises privées, des gestionnaires d’épargne salariale et solidaire, des organisations syndicales et des réseaux d’économie solidaires. En 2007, 600 entreprises solidaires employant 11 900 personnes ont ainsi été finan- cées. 27 millions d’euros ont été mobilisés. L’opportunité créée dans ce contexte en 2001 par le volet « soli- daire » de la loi Fabius sur l’épargne salariale a ouvert de remarquables perspectives.

LA CRÉATION DES FONDS D’ÉPARGNE

SALARIALE SOLIDAIRE

Bref panorama

de l’épargne salariale française L’épargne salariale concerne, en France, 52 % des salariés du secteur marchand. Elle représente un stock de 80 milliards d’euros (au 30 juin 2008), alimenté par un flux d’environ 7 milliards d’euros par an.

Elle est constituée de la partici- pation et de l’intéressement que per- çoivent les salariés, qui sont prélevés sur les résultats de leur entreprise. Les salariés peuvent choisir de verser ces sommes sur un Plan d’Épargne Entre- prise (PEE), sur lequel elles sont bloquées pour un temps déterminé (cinq ans jusqu’à présent pour les Plans d’Épargne Entreprise - mais cette obligation de blocage va pro- chainement disparaître - et jusqu’à la retraite pour les Plans d’Épargne Retraite Collective, ou PERCO).

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En contrepartie de ce blocage, les sommes versées sur les Plans d’Épargne Entreprise sont exonérées d’impôt et bénéficient parfois d’un abondement de l’entreprise.

Une part importante de l’épargne salariale française est détenue par les salariés des grandes entreprises et investie en actions de leur entreprise.

Cette option ouvre généralement au salarié, lorsqu’il l’a choisie, un sub- stantiel abondement de l’entreprise, qui y voit un vecteur de motivation de ses salariés et de renforcement de l’autocontrôle de son capital. Elle présente cependant l’inconvénient majeur de soumettre l’épargne des salariés aux fluctuations du cours de Bourse de leur entreprise, plutôt orienté à la baisse ces derniers temps.

L’épargne salariale solidaire En 2001, à l’occasion d’un « dépous- siérage » de la législation sur l’épargne salariale, il est apparu nécessaire au gouvernement français de démocra- tiser l’épargne salariale en incitant davantage les entreprises, et en parti- culier les petites, à proposer cette possibilité à leurs salariés, et en faisant en sorte que l’épargne salariale soit en partie dédiée à la constitu- tion d’un complément de retraite et orientée sur des placements plus diversifiés (et moins risqués) que les actions de l’entreprise elle-même.

Ainsi sont nés les Plans partena- riaux d’épargne salariale volontaire, auxquels la loi Fillion de 2003 sur l’épargne retraite a substitué les PERCO, Plans d’Épargne Retraite Collective. Le développement des

PERCO est aujourd’hui très satis- faisant, puisqu’ils sont proposés (au 30 septembre 2008) par 70 000 entre- prises, et 413 000 salariés y ont déjà souscrit, à hauteur de 1,8 milliards d’euros.

Une particularité du PERCO est de limiter considérablement les investis- sements de l’épargne des salariés en actions de leur propre entreprise (pas plus de 5 %). Il s’agit d’une épargne de long terme, investie de façon diver- sifiée pour des raisons de sécurité, et gérée dans un cadre collectif : repré- sentants des salariés et directions d’entreprise sont présents au Conseil de Surveillance des Fonds gérés dans le cadre du PERCO. Les salariés y sont majoritaires.

Une spécificité des PERCO a été créée par la loi Fabius sur l’épargne salariale (février 2001), donnant une existence légale à l’épargne salariale solidaire : ils ont l’obligation de pro- poser aux salariés, parmi d’autres placements, un fonds d’épargne sala- riale solidaire. Le salarié peut libre- ment choisir de placer sa participation ou son intéressement dans ce fonds ou dans un autre. L’objectif est d’orien- ter vers les entreprises solidaires une (faible) partie des flux financiers de l’épargne salariale, et de contribuer ainsi au développement de ces entre- prises.

L’obligation de proposer aux salariés un fonds solidaire a été généralisée à l’ensemble des Plans d’Épargne Entreprise par la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008. Cette novation devrait avoir un impact considérable sur les flux d’épargne salariale orientés vers les entreprises solidaires.

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Les fonds salariaux solidaires Les caractéristiques du dispositif français en faveur de l’épargne salariale solidaire sont, depuis la récente loi de modernisation de l’économie, les suivantes :

- tout Plan d’Épargne Entreprise doit proposer au salarié le choix de placer son épargne salariale dans un fonds solidaire ;

- un fonds solidaire est investi à hau- teur de 5 à 10 % dans des entreprises solidaires.

Les 5 à 10 % investis dans les entre- prises solidaires ayant généralement un rendement financier nul, le ren- dement global du fonds solidaire est certes amoindri, mais la diminution de rendement est largement amortie par les 90 à 95 % restants, qui sont placés et rapportent de façon « clas- sique ». Ainsi, un fonds d’épargne salariale classique qui rapporterait 4 % par an, rapportera encore 3,6 à 3,8 % par an dans sa version « soli- daire ».

Par ailleurs, le salarié bénéficie d’un important avantage fiscal : l’épargne salariale investie dans un Plan d’Épar- gne Entreprise, ainsi que les revenus de cette épargne sont exonérés d’impôt sur le revenu.

Un dispositif

aux effets très prometteurs

Conséquence de cette législation astucieuse : tous les gestionnaires d’épargne salariale se voient dans l’obli- gation de créer des fonds d’épargne salariale solidaire et de les proposer aux salariés.

Alors que ces fonds ont été créés

voici quatre à cinq ans seulement, les conséquences sont tout à fait spec- taculaires, comme en témoignent les chiffres publiés par le « baromètre des finances solidaires » 2008 de FINANSOL : l’épargne salariale soli- daire représente à fin 2007, 598 mil- lions d’euros, mettant ainsi à dispo- sition des entreprises solidaires un montant de 36 millions d’euros.

Certaines entreprises ont un compor- tement très volontariste dans ce domaine. Ainsi, Carrefour a décidé (dans le cadre d’un accord entre direction et salariés) de transformer un fonds d’épargne salariale classique en fonds solidaire. L’encours de ce fonds solidaire était à fin 2007 de 262 mil- lions d’euros, soit environ 10 % de l’épargne salariale de l’entreprise.

La contribution de l’épargne sala- riale solidaire au financement de l’économie solidaire est d’ores et déjà substantielle, comme l’indique l’évo- lution récente du capital de la Société d’Investissement France Active, auquel l’épargne salariale solidaire contribue aujourd’hui à hauteur de 16 millions d’euros (soit 30 % du capital de la société). Elle devrait constituer à l’ave- nir la principale ressource financière de la SIFA.

Un petit robinet solidaire a ainsi été implanté sur le gros tuyau dans lequel circule l’épargne salariale fran- çaise. Par ce simple fait, et par la volonté des salariés, l’économie soli- daire devrait désormais bénéficier d’un flux régulier et substantiel de financements structurants - à condi- tion que celui-ci ne soit pas totale- ment remis en cause par les mesures de déblocage de la participation (qui pourra être désormais immédiate-

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ment versée au salarié) contenues dans la loi sur l’épargne salariale votée fin 2008.

À nous, acteurs de la finance soli- daire, de convaincre les entreprises de promouvoir auprès de leurs salariés les fonds d’épargne soli- daire, y compris en les abondant.

Une belle démonstration de respon- sabilité sociale !

LES FONDS RÉGIONAUX D’INVESTISSEMENT

SOLIDAIRES : UN PARTENARIAT PUBLIC/PRIVÉ POUR

LE FINANCEMENT EN RÉGION DES ENTREPRISES

SOLIDAIRES

Depuis 2007, faisant le constat de la nécessité de rapprocher les décisions de financement de la réalité du « terrain » économique, France Active propose aux Conseils Régionaux de créer des Fonds Régionaux d’Investissement Solidaire (FRIS), financés par la SIFA et réservés aux interventions en faveur des entreprises solidaires implantées dans une région donnée. Le principe général de fonctionnement d’un tel fonds est le suivant :

- l’expertise des demandes d’investis- sement de ce fonds est réalisée en région par l’équipe technique du fonds territorial France Active ; les décisions d’investissement sont prises localement par le comité des engagements du fonds territorial. Les financements correspondants sont mis en place et gérés par la SIFA, qui mobilise pour

cela des ressources issues de l’épargne solidaire et de l’épargne salariale ; - ces interventions sont garanties, en complément des dispositifs de garantie nationaux existants par un fonds de garantie régional abondé par le Conseil Régional et par le Fonds de cohésion sociale (doté par l’État et géré par la Caisse des Dépôts). La SIFA peut investir, dans le cadre d’un fonds régional d’investissement solidaire, une enveloppe comprise entre 1 million d’euros et 4 millions d’euros. Le montant de l’enveloppe d’investissement correspond à cinq fois les dotations apportées par les partenaires publics dans le fonds de garantie.

On se trouve donc ici dans un cas de partenariat public/privé dans lequel les fonds publics ont un fort effet de levier, puisque pour 1 euro de fonds publics mobilisé, la SIFA mobilise 5 euros de fonds privés (de l’épargne solidaire !) dans les entreprises soli- daires régionales.

14 régions ont d’ores et déjà créé avec France Active des Fonds Régio- naux d’Investissement Solidaire. La SIFA a injecté, à ce jour, 21,5 millions d’euros dans ces FRIS, qui devraient couvrir la quasi-totalité du territoire français d’ici à fin 2009. En 2008, pour leur seconde année de fonc- tionnement, les FRIS ont accordé des financements à 125 entreprises solidaires. En acceptant une légère atténuation du rendement de leur épargne, des dizaines de milliers de salariés et d’épargnants se mobilisent ainsi pour contribuer, chaque année, à la création ou consolidation de plusieurs milliers d’emplois pour des personnes en difficulté d’insertion.

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CHANGER D’ÉCHELLE

Le développement des entreprises solidaires est porteur de cohésion sociale ; et dans notre intérêt collectif, nous souhaitons l’avoir démontré.

Pour amplifier leur développement, ces entreprises ont trois besoins priori- taires : des entrepreneurs sociaux moti- vés et compétents, un soutien affirmé et durable de la puissance publique, et des capitaux.

S’agissant des entrepreneurs sociaux, des signes très encourageants sont observés avec l’émergence de forma- tions dédiées à l’entrepreneuriat social dans plusieurs universités et écoles de commerce, et de dispositifs d’appui à l’émergence de nouvelles entreprises sociales (programme

« Entreprendre Autrement » du Réseau Entreprendre, Réseau d’incubateurs d’entreprises sociales soutenu par l’AVISE, Fonds de confiance porté par France Active). Ces dispositifs favorisent l’émergence de dirigeants d’entreprises prêts à s’investir dans des projets d’envergure dont la finalité ne sera pas leur profit personnel, mais l’intérêt collectif. Un récent livre blanc, « Développer l’entrepreneuriat social - 100 entrepreneurs sociaux s’engagent », lancé par le CODES, illustre cette dynamique8.

Un pas, sans doute décisif, reste cependant à franchir : l’économie sociale et solidaire a largement vécu cachée ces dernières décennies, enfouie dans l’imaginaire collectif sous le modèle de l’entrepreneur individuel (à succès) et d’une économie finan- ciarisée dont l’indicateur presque uni- que de réussite était le taux de retour

(financier, bien sûr, et à court terme) sur investissement. Elle n’a cependant pas disparu, loin de là, et a même investi depuis vingt ans de nouveaux champs d’action, mettant en œuvre des solutions novatrices aux problèmes du chômage de longue durée, du

« mal logement » ou luttant contre les atteintes à l’environnement - tous sujets d’une brûlante actualité.

Nous devons faire en sorte que l’éco- nomie solidaire investisse davantage le champ économique et politique, qu’elle soit reconnue par les acteurs économiques et par l’État (les collec- tivités, plus proches de la réalité et des besoins des territoires, ont déjà fait une bonne partie du chemin), comme une composante utile et nécessaire du champ socio-économique, méritant un soutien exigeant mais durable de la puissance publique. Pourquoi ? Parce que les entreprises solidaires permet- tent à une part (croissante) des citoyens l’accès à des droits fondamentaux dont ils seraient privés sans leur action : un travail, un logement, des vacances, une vieillesse décente. Leur modèle écono- mique, hybride, fait souvent appel à une part de ressources publiques, ou apportées par des tiers payant dont les modalités d’intervention sont définies par l’État. Les entreprises solidaires doivent avoir une visibilité correcte sur ces ressources. Des chan- gements incessants de règles du jeu ne leur offrent pas la sérénité nécessaire à un développement maîtrisé.

Enfin, pour se développer et chan- ger d’échelle, l’économie solidaire a besoin de financements importants et performants. Il est aujourd’hui pos- sible, pour une entreprise solidaire, de trouver 100 000 euros pour investir ; il

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lui est difficile de trouver 1 million d’euros, et lever 5 millions d’euros relè- vera de la mission impossible. On a vu que l’épargne solidaire, et notamment salariale, est une piste intéressante, mais il ne faut certainement pas s’en tenir uniquement à celle-ci. L’histoire récente (chute très importante de la Bourse entraînant une baisse de l’en- cours des fonds salariaux solidaires, nouvelle réglementation remettant en cause le blocage de la participation) montre le danger à ne dépendre que d’une source de financement. D’autres pistes sont donc à explorer d’urgence par les acteurs de la finance solidaire : - l’assurance-vie, « placement préféré des Français », dont l’encours est plus de dix fois supérieur à celui de l’épar- gne salariale (1 147 milliards d’euros à fin novembre 2008), peut être « soli- daire », également ! Plusieurs assureurs- vie ont récemment manifesté leur intérêt pour la création de placements de ce type, auxquels une partie de leurs clients manifeste de l’intérêt ;

- les fonds souverains à la française, comme le Fonds de Réserve des Retraites (30 milliards d’euros), qui investissent tout ou partie de leurs ressources directement dans les entre- prises, doivent être convaincus d’en investir une (petite) part dans l’écono- mie solidaire. Pour mémoire, les associations représentent 7 % de l’emploi salarié en France, créent de la richesse et offrent en plus de fortes externalités positives en termes de cohésion sociale... ;

- les entreprises solidaires doivent pouvoir compter sur le soutien de leurs puissantes aînées de l’économie

sociale, nées au XIXème et au début du XXème siècle : les grands réseaux ban- caires coopératifs, les mutuelles d’assu- rance ont fait la brillante démons- tration qu’un élan collectif pouvait conduire à un développement écono- mique remarquable au service d’un intérêt commun. Elles soutiennent déjà leurs « petites cousines » de l’éco- nomie solidaire, mais de façon très hétérogène. Leurs millions de socié- taires comprendraient assurément qu’elles réinvestissent une part de leurs résultats (5 à 10 % ?) au profit du développement durable et soli- daire des territoires sur lesquels ils vivent, en cohérence avec l’esprit mutualiste qui s’affirma lors de leur création.

La crise financière et économique actuelle va causer d’importants dégâts, qui n’épargneront pas les entreprises solidaires, mais elle pourrait avoir certaines vertus : outre qu’elle devrait conduire à une régulation plus stricte du secteur financier, elle donnera des arguments forts et, souhaitons-le, davantage d’échos dans les médias, aux tenants d’une action économique plus solidaire, soucieuse d’un déve- loppement durable des territoires et du bien-être collectif des populations.

Les entreprises solidaires démontrent, par leur existence même et par leur développement, qu’une autre hiérar- chie de valeurs peut exister dans l’ac- tion économique ; qu’une résistance est possible aux excès du capita- lisme financier qui, en ces temps difficiles, et au delà, inspirerait utile- ment l’ensemble de notre économie !

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ANNEXE

Quelques exemples de secteurs investis par les entreprises solidaires L’insertion par l’économique

Ce secteur bénéficie d’un cadre contractuel avec l’État, assez stable mais fréquemment modifié « à la marge », avec des conséquences non négligeables sur l’équilibre économique des structures.

Pour les entreprises d’insertion et assimilées :

- 70 à 85 % des ressources sont issues de la vente de biens et de servies ; - 15 à 30 % des ressources sont apportées par l’État (aide au poste) ou les collectivités territoriales (pour chaque embauche de rmiste, par exemple).

Ces aides permettent l’accompagnement social qui contribuera à une insertion professionnelle réussie, et compensent la plus faible productivité des travailleurs en insertion.

Pour les ateliers chantiers d’insertion (ACI), qui reçoivent des personnes nettement plus éloignées de l’emploi que les entreprises d’insertion :

- 10 à 30 % des ressources sont issues de la vente de biens et de services ; - 70 à 90 % des ressources sont apportées par l’État et les collectivités.

Le travail adapté

On y retrouve une structuration des ressources assez proche de celle rencontrée dans l’insertion par l’économique.

Pour les entreprises adaptées (employant des travailleurs handicapés peu éloignés du milieu ordinaire) :

- 75 à 80 % des ressources sont issues de la vente de biens et de services ; - 20 à 25 % des ressources sont apportées par l’État (aide au poste, subventions de développement). Ces aides compensent la plus faible productivité des travailleurs handicapés.

Pour les Établissements et Services d’Aide par le Travail (ESAT), qui reçoivent des travailleurs handicapés nettement plus éloignés du milieu ordinaire de travail :

- 10 à 35 % des ressources sont issues de la vente de biens et de services ; - 65 à 90 % des ressources sont apportées par l’État.

L’aide à domicile

Dans le secteur de l’aide à domicile, d’importants réseaux associatifs se sont développés depuis l’après-guerre (UNA, ADMR, ADESSA, A Domicile

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qui emploient 235 000 salariés) assurant une gestion désintéressée de ces services, qui sont, notamment en direction des personnes âgées, largement financés par la collectivité.

Pour compenser leur perte d’autonomie, il est possible pour les personnes âgées de bénéficier d’aides financières. L’aide à domicile aux personnes âgées est financée globalement (les modalités individuelles dépendant du degré d’autonomie et des ressources de chaque personne âgée) :

- à hauteur de 60 à 70 % par le Conseil Général (via l’APA : aide personnalisée à l’autonomie) ;

- à hauteur de 10 à 20 % par la Sécurité sociale ;

- à hauteur de 10 à 20 % par les particuliers et leurs mutuelles.

Les associations d’aide à domicile mobilisent aussi généralement une ressource « extra-comptable » sans laquelle les services apportés seraient parfois impossibles : le bénévolat. Ainsi le réseau ADMR (associations d’aide à domicile en milieu rural) repose sur un réseau dense de bénévoles en milieu rural, sans lesquels ce service serait difficilement rendu, ou à un coût très supérieur. Ces bénévoles contribuent aussi largement à la fonction de maintien du lien social de l’aide à domicile pour les personnes âgées.

Par ailleurs, le secteur de l’aide à domicile recherche un développement sur d’autres champs d’intervention (garde d’enfant, ménage, repassage, jardinage), la solvabilisation des usagers étant sur ces champs un enjeu majeur du plan de développement des services à la personne de 2005, qui tablait pour cela sur :

- une réduction d’impôts sur le revenu de 50 % du coût du service (pour les utilisateurs qui paient des impôts), correspondant à la prise en charge par l’État de 50 % de ce coût ;

- la prise en charge par les employeurs, à travers l’émission de « Chèques Emploi Service Universels », d’une partie du coût du service.

Dans le cadre d’une concurrence (encouragée par le plan de développement des services à la personne) avec le secteur privé lucratif, les entreprises solidaires pourront mettre en avant leur caractère mutualiste (les membres des associations d’aide à domicile en sont les usagers - leurs besoins sont donc pris en compte au mieux !) et la mobilisation des ressources bénévoles, qui devraient constituer des avantages concurrentiels décisifs et assurer la pérennité, voire un nouveau développement, de ces réseaux d’économie solidaire.

Le secteur de l’aide à domicile pour les personnes âgées fournit sans doute le bon exemple d’une activité socialement utile, géré par des associations dont les usagers (mais aussi souvent les collectivités) sont membres, et bénéfi- ciant d’une véritable hybridité de ressources : usagers, État et collectivités, tiers payant.

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Les nouvelles initiatives solidaires

Ces entreprises couvrent souvent un champ de « nouveaux services » socialement utiles, dont quelques exemples ont été donnés plus haut.

Les partenaires de ces structures, publics (État et collectivités) et privés (fondations d’entreprise, tiers payant), s’ils sont prêts (et même souvent enthousiastes) à soutenir des structures économiquement et socialement innovantes dans leurs premières années d’existence, attendent généralement d’elles qu’elles pérennisent leur activité principalement par le développement de ressources marchandes.

Il leur est parfois difficile d’accepter que le « modèle économique » de ces structures nécessite de leur part une contribution à long terme aux ressources d’exploitation, la vente de biens et de services ne suffisant pas à viabiliser l’entreprise.

➜Ainsi de cette association spécialisée dans le transport individualisé de personnes âgées, qui, après avoir bénéficié des mesures emplois-jeunes et du soutien financier de multiples partenaires, reste, malgré des hausses de tarifs (trop faibles ?), malgré le développement de son activité et l’implication (trop timide ?) de partenaires tiers payants (CNAV et caisses de retraite), très fragile et dépendante de financements publics susceptibles de s’interrompre un jour ou l’autre.

➜Ainsi de cette SCIC spécialisée dans la formation « par la pratique » de jeunes aux métiers d’art, qui n’a pas été en mesure de remplacer, pour équilibrer son compte de résultat, les aides importantes de l’État accordées les premières années sous forme de contrats emplois-jeunes. Le chiffre d’affaires réalisé par la structure n’est absolument pas suffisant pour assurer sa viabilité, et elle a fini par disparaître.

Les dispositifs locaux d’accompagnement, qui couvrent aujourd’hui l’ensemble du territoire, donnent aux entreprises solidaires un appui en

« ingénierie » pour chercher les voies d’une pérennisation de leurs activités.

Il importe sans doute que, face à chacun de ces « nouveaux services » porteurs d’utilité sociale, la collectivité et les tiers payant sollicités se livrent à une évaluation rigoureuse :

- de la plus-value sociale apportée (qui est difficilement quantifiable !) ; - du mode de fonctionnement et des charges d’exploitation (est-il optimisé, sont-elles maîtrisées ?) ;

- du niveau des recettes marchandes (les actions de développement ont-elles été suffisantes ? Les prix pratiqués sont-ils corrects au regard de la solvabilité des clients et de leur intérêt pour le service rendu ?).

... et qu’à l’issue de cet examen, il soit décidé si le coût pour la collectivité de compléter les ressources d’une telle structure est raisonnable, au regard de la plus-value sociale apportée.

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Si la réponse est « oui », alors il est crucial que les financements apportés par la collectivité ou le tiers payant s’inscrivent dans un souci de donner une visibilité à moyen terme à la structure et à ses autres partenaires.

Car pour vivre et se développer, cette structure aura aussi besoin de financements à moyen terme (investissements, fonds de roulement), qui lui seront apportés (par les financeurs solidaires comme par les banques) si la prise de risques apparaît « raisonnable », et donc si une certaine visibilité à moyen terme existe !

NOTES

1. Le texte complet du manifeste et la liste des signataires peuvent être consultés sur www.sinvestir.org 2. Cf « L’entrepreneuriat social, un mouvement durable », Hugues Sibille, Rapport moral sur l’argent dans le monde 2007.

3. Cf. en annexe, une présentation plus détaillée du secteur de l’insertion par l’activité économique.

4. Cf. en annexe, une présentation plus détaillée des structures employant spécifiquement des personnes handicapées.

5. Cf. en annexe, une présentation plus détaillée des associations d’aide à domicile.

6. Étude UNAT, Mars 2006, le tourisme associatif : une réalité économique et sociale.

7. À l’exception des acteurs spécialisés : SIFA, IDES, Garrigue, Autonomie et solidarité, IES...dont le capital cumulé n’atteint pas les 100 millions d’euros.

8. Cf. le site : www.avise.org/100entrepreneurssociaux

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