Abréviations
AMC : Archives du Ministere de la Culture ANF : Archives Nationales de Films
ANIC : (Arhivele Naţionale Istorice Centrale) Archives Nationales Historiques Centrales
CC : Comité Central (CC du PCR : Comité Central du Parti Communiste Roumain ; CC du PMR : Comité Central du Parti Ouvrier Roumain)
CCES : Conseil de la Culture et de l’Education Socialiste
C.N.S.A.S. : (Consiliul Naţional pentru Studierea Arhivelor Securităţii) Conseil National pour l’Etude des Archives de la Securitate
DPMN – Département pour les problèmes des minorités nationales DRI – Département pour des relations interethniques
FSN – Front du Salut National
MDL – Mouvement pour droits et libertés PCB – Parti Communiste Bulgare
PCR : Parti Communiste Roumain
PCUS : Parti Communiste de l’Union Soviétique
PMR : (Partidul Muncitoresc Român) Parti Ouvrier Roumain
PNG : Partidul Noua Generație (Le Parti de la Nouvelle Génération) PRM : Partidul România Mare (Le parti de la grande Roumanie) RPR : République Populaire de Roumanie
RSR : République Socialiste de Roumanie
UDMR – Union démocratique des Magyares de Roumanie
UE – Union européenne
UTM : (Uniunea Tineretului Muncitor) Union de la Jeunesse Ouvrière
UTC (Uniunea Tineretului Comunist) Union de la Jeunesse Communiste
Table des matières
Abréviations p. 5
Introduction p. 11
Problématique et hypothèses de travail p. 14
Prémisses théoriques p. 20
Etat de l’art p. 25
Concepts et notions p. 29
Le dopage identitaire, exemple pour la création d’un concept p. 36
Méthodologie p. 45
I. Identité minoritaire et culture sportive en Roumanie de l’entre-deux-guerres
I.1 La diversité ethnique et le développement du sport en Roumanie p. 55
I.1.A. La famille royale et le sport p. 60
I.1.B. La guerre d’entre guerres : football vs. Oina p. 63 I.2 Nationalisme et ethnicité dans le sport en Roumanie p. 65 I.2.A. La relation entre les roumains et les hongrois dans le sport p. 66
I.2.B. Les bons hongrois p. 71
I.3. Le sport et les débats des idées p. 73
I.4. La « roumanisation » et la solution « 8+3 » p. 74
I.5. Les stars sportives des juifs p. 78
I.6. Le sport dans les groupes des Allemands, Saxons et Souabes de Roumanie p. 84
I.7. Les petites minorités et leur influence sportive p. 86
I.8 Star minoritaire et pluri sportif p. 90
I.9. Chaque minorité a-t-elle son sport ou le sport a-t-il son groupe ethnique ? p. 92 I.10. Etude de cas : Baratky – l’amour pour le football roumain-magyar p. 94
II. Les minorités nationales et l’activité sportive en Roumanie (1945-1965)
II.1. Le contexte socio-politique du développement sportif en Roumanie p. 97 II.2. L’organisation du sport communiste et l’implication des minorités p. 103 II.3. Les dérapages de l’internationalisme et la réalité conflictuelle sportive p. 111 II.4. L’identité et l’altérité : le héros sportif roumain et minoritaire p.118 III. La star sportive issue des minorités pendant les premières deux décennies communistes en Roumanie
III.1. Le mécanisme de transformer un sportif issus des minorités en héros national p. 121 III.2. Le héros minoritaire et son origine sociale « malsaine » p. 127 III.2.A. Le héros minoritaire entre « favorisé » et « ostracisé » p.130 III.2.B. Distance sociale, stéréotypeés et attributs de la star minoritaire p.133 III.2.C. La centralisation et l’intégration des sportifs minoritaires p. 136 III.3. Le conflit identitaire pour les stars sportives minoritaires p. 138
III.4. Les antihéros p. 142
III.5. Etude de cas: Angelica Adelstein Rozeanu, un héros Roumain-Juif p. 144 IV. Les vedettes sportives issues des minorités pendant la dictature de Nicolae Ceaușescu
IV.1. Le contexte politique et le sport durant les premières années du pouvoir de Nicolae
Ceauşescu p. 150
IV.1.A. La nation socialiste et les minorités nationales p. 154 IV.1.B. Les sports n’attirent pas la nation socialiste P. 157 IV.2. La vedette sportive issue des minorités sous la pression du national-
communisme p.159
IV.2.A. Les dilemmes du sportif issu des minorités et la « citoyenneté sportive» p. 164 IV.2.B. La décoration « Le Mérite Sportif », un élément de dopage identitaire ? p. 168
IV.2.C. L’intégration des stars minoritaires p. 171
IV.2.D L’intégration par la voie du mariage p. 172
IV.3. Fuite et migration ethnique des sportifs du période Ceauşescu p. 173 IV.3.A. Les Jeux de Münich de 1972 et les questions générées par ce moment p. 178 IV.3.B. Le sentiment de discrimination présent entre les sportifs et les gens du groupe
minoritaire p. 180
IV.4. Des sports non attractifs pour le communisme, l’apanage de minoritaires p.182 IV. 5. Les stars sportives hongroises sous le régime de Nicolae Ceauşescu p.183
IV.5.A. La ville minoritaire hongroise p.186
IV.5.B. Zoltan Crişan, un héros Hongrois-Roumain de l’Olténie p.188
IV.5.C. Lajos Sătmăreanu et Ladislau Boloni P. 190
IV.6. Les stars sportives de l’ethnie Allemande P. 191
IV.7. Les Juifs : des héros ethniques et nationaux p. 192
IV.8. Le héros d’origine russe, un héros national p. 196
IV.9. Les Tsiganes dans le sport : les nomades héroïsés p. 201
IV.9.A Necula Răducanu et l’image du « bon Tsigane » p. 202 IV.10. La composition de diverses équipes nationales avec des minoritaires p. 203 IV.11. Des Serbes, des Croates et des Macédoniens dans le sport communiste de la période
Ceaușescu p. 209
IV.11.A. Le symbole des Serbes, Miodrag Belodedici p. 210 IV.12. Héros et antihéros pendant la période Nicolae Ceaușescu p. 212 IV.12.A. Les antihéros de la période Ceaușescu p. 213 IV.12.B. Nadia Comăneci, un héros transformé en Roumain ou un vrai Roumain?
p.215
IV.12.C. Le héros d’un moment : le sportif minoritaire comme un héros de bataille p.
216
IV.12.D. Etude de cas : Kati Szabo p. 222 V. Les minorités nationales et le sport après 1989
V.1. Le contexte socio-politiques et les vedettes minoritaires dans la Roumanie post
décembriste p. 229
V.2. Les nouveaux sportifs des minorités ethniques et nationales p. 233 V.3. Le dilemme identitaire des stars sportives issues des minorités p. 236 V.4. Les stars minoritaires en cherchent d’identité p. 238 V.5. Un nouveau problème pour la Roumanie : le racisme p. 242 V.5.A. L’association d’une ethnie avec un club sportif p. 242 V.5.B. Bănel Nicoliţă – le symbole du « tsigane travailleur » p. 246 V.6. La situation du hockey sur glace et les stars sportives magyares p. 248 V.7. Les nouvelles stars sportives des communautés ethniques p. 250 V.8. Les nouvelles vedettes minoritaires du sport en Roumanie p. 252 V.9. Le « Roumanisme » et le phénomène des naturalisations sportives p. 255
Conclusion p. 257
Bibliographie p. 263
Annexes p. 289
Introduction
La société roumaine a connu après la chute du communisme une série de défis. Le statut des minorités ethniques et nationales est un problème toujours d’actualité et pouvant susciter maintes controverses. La Roumanie possède une histoire riche et pleine d’évènements sur l’axe virtuel qui sépare populations majoritaires et minoritaires1. Les dissensions ou la collaboration entre les Roumains et les minorités ethniques et nationales, présentent un passé chargé et pouvant être analysés avec des documents variés au cours du dernier siècle.
Le sport est un domaine particulièrement sensible pour les Roumains, lesquels sont toujours prêts à démontrer leur attachement à la nation et leur fierté à travers leurs héros sportifs. On comprend donc que la connexion entre sport et minorités ethniques, puisse déclencher toute sorte d’hostilités. Un cas concret permettra d’illustrer l’actualité et l’importance de ma thèse.
Le 1er décembre 2011, jour de la fête nationale roumaine, le jeune Cosmin Marinescu, un joueur de hockey qui rêvait de devenir une vedette, a été frappé dans les douches par ses coéquipiers de l’équipe nationale de Roumanie des moins de 16 ans, au motif qu’il est roumain. L’évènement s’est déroulé à Miercurea Ciuc, et ceux qui l’ont battu étaient tous d’origine hongroise. Cet épisode fut à l’origine d’un immense scandale médiatique à caractère ethnique concernant le sport en Roumanie.
La situation conflictuelle remontait en fait au match de hockey Roumanie-Hongrie, du 16 décembre, ayant eu lieu dans la même ville. Avant le duel sportif, au moment de l’hymne national « Deșteaptă-te române ! », toute l’équipe roumaine présente sur la glace a écouté en silence, tandis que, au moment de l’hymne hongrois, presque tous les joueurs de l’équipe nationale ont chanté avec plus d’ardeur que les invités de Budapest. En ce qui concerne la composition de l’équipe nationale, 24 des 26 joueurs sont des Hongrois de Roumanie.
Ce conflit soutient l’idée que le statut de minorités ethniques pose un problème délicat dans la Roumanie actuelle, que l’on parle des Hongrois, Juifs ou Tsiganes. Cet épisode représente un cas sensible pour les medias roumains, qui propagent l’idée que les performances de chaque équipe nationale sont avant tout un succès du peuple roumain, alors que l’accent est a contrario mis sur leurs origines non-roumaines ou les dissensions ethniques
1 On utilise le terme « minoritaire » comme synonyme pour « issu de minorités ethniques ou nationales ».
en cas de résultats non satisfaisants. Cette attitude peut être vue comme une conséquence de la politique communiste et de son courent nationaliste, ou encore comme un besoin d’alimenter le public avec des scandales.
La frustration et le sentiment d’identification qui existent en ce moment entre les minorités ethniques et les autres expriment un passé difficile. Les types d’intolérance sont autant sociales qu’ethniques ou religieuses, et divers facteurs sont à l’ origine de cette attitude : l’inégalité sociale2, la démographie et en particulier l’importance de la jeune génération, la crise économique, l’émigration3. C’est un cycle difficile à rompre dans la société roumaine, mais très peu analysé.
Les Hongrois, les Souabes, les Italiens, les Juifs ou les Tsiganes ont été les cibles de provocations pendant le communisme et celles-ci se transposent dans le temps, se reflétant dans les actions présentes. Les spécialistes des conflits ethno-politiques ont expliqué que l’histoire des relations entre groupes a un rôle dans la construction des stéréotypes ethniques et nationaux4. En 2006, le président de la Roumanie, Traian Băsescu, condamne devant le Parlement les crimes du communisme, dans un moment qui représente la fin de
« l’anticommunisme postcommuniste », selon l’expression de Daniel Barbu5. Parmi les accusations, on retrouve les abus contre les groupes des minorités ethniques et nationales.
De fait, une commission nommée par le Président a apporté les « preuves » historiques démontrant que le communisme a obligé des millions de gens à vivre dans un espace clos, répressif et humiliant. C’est cette affirmation qui commence le Rapport de la Commission pour l’Analyse de la Dictature Communiste en Roumanie. Au cours des 666 pages d’argumentation, le sport occupe pourtant une partie négligeable. Cependant, au vu de l’importance du sport dans le communisme et de son influence de nos jours, il semble nécessaire de se pencher sur ce sujet.
2 Dragoș Dragoman, « Equality, Trust and Tolerance: How Sense of Equality Affects Social Tolerance in Romania », dans Studia Politica. Romanian Political Science Review, vol.6, n°2, 2006, pp. 449-466.
3 Vasile Cernat, « Ethnic Conflict and Reconciliation in Post-Communist Romania », dans Olivera Simic, Peace Psychology in the Balkans: Dealing with a Violent Past while Building Peace, Peace Psychology Book Series, New York, Springer, 2012, pp. 17-34.
4 Daniel Bar-Tal, « Formation and change of ethnic and national stereotypes: An integrative model », dans International Journal of Intercultural Relations, vol. 21 , pp. 491–523.
5 Daniel Barbu, Republica absentă (La République absente), Bucarest, Nemira, 1999, pp. 93-116,
De la même manière, on trouve dans l’histoire du sport en Roumanie des moments de collaboration cordiale entre les sportifs minoritaires et les athlètes roumains. Des contextes et personnalités ont également contribué à un développement pacifique du sport sur le territoire de l’Etat roumain. La thèse en développe quelques exemples.
Les citoyens de Roumanie évoquent des actes de bravoures en racontant les performances sportives de la période communiste, mais cette abondance d’informations et de sentiments de fierté ne se retrouve pas dans les livres d’histoires ou dans une littérature spécialisée. De même, le processus pouvant expliquer le fonctionnement de l’espace sportif est décrit en des termes vagues. Une ombre persiste sur le rôle du sport dans les régimes politiques roumains d’après la Seconde Guerre mondiale. Et ce, alors même que les implications du sport pour la vie sociale sont nombreuses.
Comme toutes les autres activités, le sport possédait une composante idéologique. Les intérêts politiques changent l’orientation d’un pays et imposent de nouvelles règles et d’autres mythologies6. Les mouvements communistes de jeunesse ont été organisés de manière similaire à des troupes militaires, et les performances sportives ont été mises au même niveau que les performances économiques. Le sport représentait un moyen de mobilisation particulièrement efficace et il a permis durant cette période au régime totalitaire de s’exprimer7. L’élément patriotique, en interaction avec le sport, pose question sur les relations entre les groupes ethnique dans un Etat communiste. La participation des groupes ethniques à la vie sportive rend possible des réflexions intéressantes dans le cadre d’une recherche, transposées ensuite dans une thèse de doctorat.
J’ai décidé de me tourner vers une telle approche suite à la constatation que des images très différentes circulent sur certains sportifs avec des origines ethniques non-roumaines.
Ayant participé à plusieurs discussions, il m’a semblé que des personnalités comme Kati Szabo, Laszlo Bölöni ou Hans Moser étaient considérées comme roumaines quand on évoquait leurs performances, mais qu’on minimisait d’autres aspects de leur identité (origine ethnique, influence dans leur groupe ethnique et dans la société, pressions du système politique roumain).
6 Lucian Boia, Istorie și mit în conștiința românească [Histoire et mythe dans la conscience roumaine], Bucarest, Editions Humanitas, 1998.
7 Alexandra Nacu, « Le corps sous contrôle : aperçus du sport soviétique », Dossier : "L'Est court toujours", dans Regard sur l’Est, le 1 janvier 2002, disponible en ligne: http://www.regard- est.com/home/breve_contenu.php?id=252, (page consultée le 15 janvier 2012).
Une telle approche peut prendre des directions diverses, donner lieu à des interprétations et des questions multiples et complexes. Ainsi, j’ai décidé de chercher des réponses, d’identifier des explications et de contribuer à une démarche qui peut être utile pour l’historiographie sportive roumaine et plus largement de l’Europe de l’Est. Par ailleurs, cette recherche m’a permis de me pencher sur les stéréotypes sur les sportifs issus des minorités ethniques et nationales. En même temps, ma thèse apporte une image globale du rôle de ces groupes issus de cultures diverses, et leurs adaptations et contribution aux performances sportives en Roumanie.
Problématique et hypothèses de travail
Les minorités ethniques et nationales en Roumanie ont été analysées dans des situations différentes, mais jamais auparavant dans le cadre du sport. Suivant l’impression que le régime communiste contrôle d’une manière autoritaire la société roumaine, on découvre que le groupe des stars sportives ressent plusieurs pressions. Mis à part la pression politique, la star sportive subit les pressions de la presse, du public, du groupe ethnique ou de la famille.
Ce thème a en outre été choisi parce que la Roumanie est un cas spécial. La diversité ethnique unique y est redoublée par la spécificité des régimes politiques du XXème siècle et leur rapport avec le sport. Pendant le communisme, on parlait de « nationalités cohabitantes », une expression très utilisée pour désigner les communautés qui ont été forcées de s’intégrer dans la société roumaine. Les performances sportives des athlètes de ces communautés ont été attribuées à la Roumanie, en dépit du fait que ceux-ci étaient Allemands, Hongrois ou Juifs.
Leurs médailles ont été attribuées à la performance du système communiste. On parle de sportifs avec la citoyenneté roumaine, mais avec une origine ethnique différente.
Après la Seconde Guerre mondiale, la politique du gouvernement a propagé l'idée que tous les succès nationaux et internationaux sont dus aux athlètes roumains, sans considérer qu'ils étaient issus de minorités ethniques, qu’ils aient eu une tradition sportive différente ou que leurs performances aient été influencées par un autre espace culturel, voire qu’ils aient porté d’autres noms. Les sportifs issus de minorités ethniques ou nationales ont participé activement à la vie sportive, ce qui forcera le système communiste à détourner les identités de certaines stars afin de légitimer sa production de sportifs de haut niveau.
