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LA HAINE DANS LE COUPLE : NI AVEC TOI, NI SANS TOI

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LA HAINE DANS LE COUPLE : NI AVEC TOI, NI SANS TOI

Carles Perez-Testor, Montse Davins, Inés Aramburu, Berta Aznar-Martínez, Manel Salamero

In Press | « Le Divan familial » 2013/2 N° 31 | pages 153 à 164 ISSN 1292-668X

ISBN 9782848352688 DOI 10.3917/difa.031.0153

Article disponible en ligne à l'adresse :

--- https://www.cairn.info/revue-le-divan-familial-2013-2-page-153.htm

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ni avec toi, ni sans toi

cArles Perez-testor, Montse DAVins, inés ArAMburu, bertA AznAr-MArtínezet MAnel sAlAMero*

(Grup de Recerca de Parella i Família, GRPF)

« Ni avec toi ni sans toi mes maux n’ont de remède : avec toi parce que tu me tues, sans toi parce que je meurs. » Dicton populaire espagnol.

N

ous introduirons cet article par ce dicton populaire espagnol dans lequel le désespoir du protagoniste, qui ne trouve pas d’issue à sa relation amoureuse, est décrit de façon concise et frappante. S’exprimant à la première personne, le sujet sent que, s’il reste avec son objet d’amour, la situation finira par le détruire et que, s’il choisit de s’en séparer, il ne pourra pas survivre.

Les couples qui viennent nous demander de l’aide nous exposent souvent des situations qui nous rappellent ce dicton. Ni avec toi, ni sans toi.

Impossible de partir, impossible de vivre ensemble. Comment interpréter cette espèce de paralysie relationnelle ?

(*) Les auteurs voudraient remercier l’Institut Universitari de Salut Mental Vidal i Barraquer qui a permis cette recherche par une bourse d’aide à la recherche de l’Universitat Ramon Llull.

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À l’occasion des congrès de l’Association internationale de psychanalyse du couple et de la famille, à Barcelone (2008) et à Buenos Aires (2010), nous avons indiqué que, dans notre Unité « Couple et Famille » de la Fondation Vidal i Barraquer, nous travaillons sur le modèle anglo-saxon des relations d’objet appliqué au couple à partir des idées développées par Henry V. Dicks au Tavistock Marital Studies Institute (aujourd’hui devenu le Tavistock Centre for Couple Relationships).

L’une des principales contributions d’Henry V. Dicks a été d’introduire le concept de collusion dans le domaine de la pathologie conjugale. Par collusion, on entend l’accord inconscient qui organise une relation complé- mentaire dans laquelle chaque sujet développe des parties de soi dont l’autre a besoin et renonce à des parties qu’il projette sur son conjoint (Dicks 1967 ; Willi 1978 ; Pérez Testor, 2006). Ce mécanisme est fondé sur l’observation directe de l’interaction dynamique entre les membres d’un couple.

La théorie de la collusion nous permet d’approcher au plus près les difficultés du couple et de comprendre la complexité des conflits concernant les liens et la spécificité de leurs expressions. La célèbre phrase de Léon Tolstoï : « Toutes les familles heureuses se ressemblent, mais chaque famille malheureuse l’est à sa façon » nous met en garde contre la difficulté de généraliser les situations pathologiques observées.

Nous visons à différencier certains groupes diagnostiques qui appa- raissent dans la pratique clinique, en prenant pour base la symptomatologie des conjoints ainsi que les mécanismes psychodynamiques qui s’expriment dans les traits psychopathologiques défensifs et dans la structure de la personnalité.

La haine dans le couple

Si, dans la rue, on demandait à quelqu’un d’associer librement à partir du concept « couple », la première chose qui lui viendrait à l’esprit serait sans doute le mot « amour ». Mais si l’on posait cette question à un thérapeute de couple, le mot « haine » ne viendrait sûrement pas très loin derrière celui d’amour. Dans notre pratique clinique, nous voyons tous les jours les visages de la haine se développer dans les relations conjugales. L’amour et la haine se mélangent et interagissent dans la vie du couple (Kernberg, 1995). Bien souvent le négatif et le positif se rejoignent. Comme l’écrivait H. V. Dicks : « Le contraire de l’amour n’est pas la haine, le contraire de l’amour, c’est l’indifférence » (Dicks, 1967).

Jean-Georges Lemaire décrit cela avec beaucoup de précision :

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« L’ambivalence qui définit tout lien affectif s’inscrit naturellement dans la relation amoureuse, même si elle est rejetée ou déniée dans ses premiers temps […]. Le compagnon est longtemps protégé contre le retour de cette ambivalence et l’aspect agressif, frustrant ou persécuteur est d’abord attribué à des éléments extérieurs : une scission dichotomique tend à adjuger cette disposition hostile à des tiers ou à des rivaux, dont le compagnon semble dépendre ou avoir dépendu : son milieu, sa famille, les mauvaises influences, les mauvaises conditions biologiques ou sociologiques (travail, fatigue, etc.) dont il a été ou est la victime obligée. Mais le compagnon peut aussi être touché et être accusé de constituer un facteur de souffrance pour le Sujet, ou même d’être la cause et l’origine de cette souffrance. C’est ainsi que se traduit l’échec des premiers mécanismes de défense et des scissions moyennant lesquelles le compagnon a été protégé, jusqu’au moment du réveil de la pulsion de l’agression » (Lemaire, 1979).

Il existe pour Lemaire des conditions déterminantes, sous forme de dispositions psychopathologiques (structures borderline, souffrances traumatiques, aspects carentiels, etc.), mais le besoin de préserver des liens privilégiés avec d’autres membres de la famille qui ne doivent pas être menacés par la relation conjugale apparaît aussi fréquemment dans la clinique. Le sujet se défend de toute haine inconsciente à leur égard et, grâce à une formation réactionnelle, il leur attribue toutes les qualités.

L’hostilité se retourne alors contre le conjoint et les affects de haine inconsciente se reportent sur lui.

Parfois cette haine, née de la projection de l’hostilité déniée envers une figure parentale et déplacée sur le compagnon, peut être secondairement élaborée dans « l’ici et maintenant » de la séance. Ainsi, des blessures d’enfance sont réparées permettant la réconciliation avec le partenaire.

L’envie dans sa forme radicale et mortifère peut également être déviée du premier objet d’amour et se manifester contre le conjoint choisi inconsciem- ment parce qu’il s’y prête. Des mouvements d’oscillation, particulièrement instables, font alors leur apparition. Les manifestations de haine, de fureur et de persécution sont suivies de sentiments de culpabilité, de tendresse et de comportements de séduction qui permettent au compagnon de se restaurer et de prouver qu’il n’a pas été entièrement détruit par la colère destructrice de l’autre.

Avoir sous sa domination quelqu’un vers lequel on peut diriger sa haine est une façon de se débarrasser de ce sentiment. Mais le besoin d’un partenaire haïssable est trop grand pour que l’on prenne le risque de le perdre. Il faut que celui-ci subsiste et se restaure pour être en situation de recevoir la prochaine décharge de violence. Un grand niveau d’identifica- tion mutuelle doit alors être maintenu. Les identifications projectives jouent

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un rôle fondamental et permettent l’évacuation des aspects de soi que l’on refuse sur le conjoint, au risque que ce scénario se reproduise en miroir.

L’intimité des membres du couple repose donc sur leur inconscient, sur le partage d’une haine commune, qui peut survivre à la séparation, comme on l’observe parfois après le divorce (Lemaire, 1979). Cette haine peut en arriver à des extrêmes impensables comme, par exemple, dans Médée, la tragédie d’Euripide : Médée punit Jason en tuant les enfants qu’elle a eus avec lui (Davins, 2012). La mort du conjoint ne suffit pas toujours à mettre fin à la haine qui habitait le couple, haine dont le sujet avait besoin pour survivre. Dans certains cas, la mort du compagnon ne permet plus de canaliser les tendances persécutrices : le suicide paraît alors être la seule réponse possible.

Ce qui fait la différence entre un couple sain (où l’amour l’emporte sur la haine), et un couple pathologique (où la haine prime), c’est que le premier va adopter des défenses adéquates pour surmonter les conflits, tandis que le second va avoir recours à la violence, qui est la façon la plus rapide et efficace d’en terminer – provisoirement – avec un problème. L’élément le plus important concerne sans doute la capacité du couple à traiter de manière appropriée les vécus douloureux. Nous voulons parler ici de la fonction de contenance (Salvador, 2005). Les couples se trouvent donc face à une forme de paradoxe : ils doivent pouvoir inventer, jour après jour, une manière viable d’intégrer l’agressivité dans leur vie en commun.

Parler de haine dans le couple, c’est aborder une émotion complexe qui entraîne plusieurs réactions comportementales. La plus fréquente est sans doute la violence. D’emblée, il est difficile de définir ce qui est violent. En effet, la définition change selon le contexte social et, par conséquent, selon l’époque. Ce qui est jugé violent dans une société peut passer inaperçu dans une autre, voire être admis par le droit. Et ce qui a été légitimé à un moment donné peut ne pas l’être à un autre moment. Nous rappellerons un ouvrage qui a eu beaucoup de succès en Espagne, « Mi marido me pega lo normal », de Miguel Lorente, titre très explicite que l’auteur a tiré d’une entrevue avec une femme violentée. Alors qu’on lui demandait si son mari la maltraitait, la femme s’exclama : « Pas du tout, mon mari ne me bat pas plus que la normale ! » (Lorente, 2003).

De fait, la question des mauvais traitements infligés aux femmes est un phénomène qui fait l’objet de recherches scientifiques récentes, ce qui peut donner l’impression qu’il s’agit d’un problème actuel. Toutefois, les données dont on dispose prouvent que ce sujet a des précédents historiques et légaux.

En Espagne la tolérance envers les violences faites aux femmes a suscité

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un grand débat social. Le consensus actuel est celui de la « tolérance zéro » face à ce type de comportement. Mais, malheureusement, comme nous le savons tous, cela n’empêche pas l’apparition de situations graves susceptibles d’entraîner la mort.

Les dynamiques et les conflits de la vie de couple sont souvent inex- tricables, enracinés dans des mouvements relationnels complexes. Tout incident, même unique, doit être pris au sérieux et écouté. Toutefois, ce qui caractérise une relation de violence proprement dite, c’est la réitération des attaques et la circularité des processus. Comme nous l’avons dit, il existe dans toute relation une certaine complémentarité, laquelle peut être pathologique ou problématique si les rôles de chacun des membres du couple deviennent rigides. Si la collusion qui s’est installée est implacable et si les comportements matures et régressifs sont presque toujours assumés par le même conjoint, il existe un risque de conflits puisque les formations psychiques transférées sur l’autre partenaire reviennent, décuplées, sur le Moi.

Vignette clinique

Nous présenterons le cas d’Ana et de Miguel dont les conflits rappellent beaucoup ceux de Marta et Javier qui ont été discutés dans un précédent travail (Perez-Testor et al., 2012).

Ces patients viennent en consultation pour parler de leurs « difficultés de communication ». Miguel est à l’initiative de cette démarche et Ana a accepté de venir, même si, lors de la première entrevue, elle affirme être très fatiguée et ne plus supporter les conflits qui surgissent constamment à la maison. Elle exprime une grande fatigue, montre du désespoir et elle menace de divorcer. Miguel ne parvient pas à comprendre la menace de sa femme. Il juge que c’est une réaction immature et infantile : « Comment peut-on songer à divorcer quand on a des enfants ? » Il estime que le mariage « c’est pour la vie entière » et il attend de nous que « nous aidions sa femme à comprendre la réalité de la vie adulte ».

Ils sont mariés depuis quinze ans et ont un fils de 10 ans. D’après Ana, Miguel est jaloux, aussi bien de ses amis hommes que de ses amies femmes. Lui se plaint du manque d’affection de son épouse et de son peu d’enthousiasme dans leurs relations sexuelles. Il ne supporte pas qu’elle sorte avec qui que ce soit. Il vérifie le courrier électronique d’Ana pour savoir ce qu’elle fait et inspecte aussi son téléphone portable pour savoir

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qui elle appelle. Il connaît les mots de passe de son ordinateur pour pouvoir entrer dans sa boîte de messages quand il le veut. Elle le laisse faire :

« Je n’ai rien à cacher », dit-elle.

Cela fait quelques mois que Miguel a accentué son contrôle, au grand désespoir de sa femme. « C’est vrai, au début ça me flattait. Il voulait savoir tout ce que je faisais, il écoutait attentivement tout ce que je lui racontais.

Il me donnait l’impression d’être importante pour lui. Mais maintenant, il ne me laisse pas respirer. »

Après une violente querelle Ana s’est installée avec son fils chez sa mère pendant quelques jours. « Je me souviens de son regard haineux quand il m’a poussée et de son désespoir quand je suis partie. » Elle a songé à porter plainte, mais elle ne veut pas lui nuire. « C’est normal, c’est le père de mon enfant. Je ne veux pas que mon fils sache ce que c’est que d’avoir son père en prison. Dans le fond, c’est quelqu’un de bien. Il se soucie de nous. Nous avons besoin de lui. »

La mère d’Ana lui a conseillé de ne pas revenir vivre avec Miguel car elle le trouve dangereux. Elle lui a proposé de rester vivre avec elle. Cette femme sait ce que c’est que vivre seule avec un enfant. Son mari (le père d’Ana) l’a abandonnée quand sa fille avait 12 ans.

Ana est retournée vivre au domicile conjugal sur l’insistance de Miguel.

Elle se demande si elle est revenue parce qu’il lui faisait de la peine ou parce qu’elle avait besoin de lui. « Je ne comprends pas ce qui m’arrive…

Je n’en peux plus… Il m’est insupportable de vivre avec lui, mais mon fils a besoin de lui… Nous ne pouvons pas vivre sans lui. »

Symptomatologie des membres du couple

Miguel est le membre du couple qui contrôle et veut dominer pour que l’autre soit sous son emprise et sa dépendance. Il veut commander dans sa vie sociale et professionnelle et il n’y arrive généralement pas en raison de la rigidité avec laquelle il agit. Cependant, dans certains domaines, ce défaut peut être un atout qui lui permet de se réassurer.

Dans la famille et dans le couple, il exige l’adhésion inconditionnelle de l’autre à ses attentes. Il parvient peut-être à obtenir une adhésion extérieure, mais regrette l’insubordination interne. Il attend de son épouse qu’elle se livre sans conditions, mais ne se sent pas contraint à la moindre réciprocité. Ana est obligée d’expliquer constamment ses moindres faits et gestes, sans rien passer sous silence. Miguel a toujours raison et il est pratiquement impossible de le sortir de son entêtement.

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Les traits de personnalité symptomatiques qui le caractérisent sont les suivants : la rigueur, la ponctualité, une grande capacité de travail, la propreté, la correction et l’ordre dans la disposition des choses, l’épargne, etc. Ou bien tout le contraire : le manque de ponctualité, la paresse et la lenteur, etc.

Ana joue le rôle de la personne contrôlée ou passive et n’offre pas de résistance. Elle est régressive et agressive dans sa passivité. De fait, elle domine l’autre en se laissant apparemment dominer. Elle se laisse faire sans rien dire, mais sans conviction. Elle élude l’exigence de possession que Miguel voudrait avoir sur elle et elle le fait à la dérobée. Par exemple, elle garde de l’argent en cachette, elle ne fait pas bien le ménage, car elle sait que Miguel est obsédé par la propreté.

Psychopathologie du lien du couple et évolution du conflit Ana représente la partie qui souhaite s’émanciper, et Miguel la partie conservatrice, dominatrice. Tous les deux ont le même fonctionnement obsessionnel qui signe leur collusion. Toutefois celui qui tend à l’autonomie a peur d’une vraie séparation et déplace ses craintes sur l’autre, sur le conser- vateur. Lorsqu’il constate que ce dernier ne le quitte pas, il se tranquillise.

Par ailleurs, le conservateur projette ses fantasmes d’émancipation sur le membre le plus libre du couple et peut se sentir jaloux de ce que fait l’autre.

Miguel satisfait son besoin de passivité et de soumission à travers Ana, qui est dépendante. Le conflit surgit lorsque ce qui avait été déplacé ou projeté par la personne passive sur la personne active fait retour. C’est alors que Miguel se sent passif, prend peur, et accentue encore davantage son attitude dominatrice sur sa femme. Ana, qui a supporté longtemps la pression exercée par son mari, se sent alors étouffée et essaie d’être plus autonome, plus indépendante (comme elle croit que l’est Miguel) ; elle ne se laisse dominer qu’en apparence. Lui perçoit l’échec de sa stratégie et commence à se sentir seul. Il aspire à être lui-même autonome et émancipé, mais craint la séparation en raison du besoin qu’il éprouve d’exercer le contrôle. Cela provoque des difficultés dans les relations sexuelles, qui sont alors dénuées de spontanéité et marquées par un contrôle réciproque.

De plus, il est possible que l’un des deux partenaires cherche à avoir des relations extraconjugales afin d’affirmer son besoin d’autonomie et d’indépendance. L’autre devient jaloux et à tendance à vouloir surveiller le conjoint, si bien que celui qui cause la jalousie se sent désormais contrôlé, a encore plus envie d’être infidèle, indépendant ; par sa conduite, il stimule

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encore plus le contrôle de son compagnon qu’il désire par ailleurs dans son ambivalence obsessionnelle.

Type de collusion

Dans cette relation on retrouve une dépendance et un besoin d’emprise vécu de façon parasitaire. L’aspect masochiste se manifeste lorsqu’on se laisse torturer, mais pas seulement, puisqu’on transforme le tortionnaire en torturé grâce, par exemple, à une docilité apparente, un manque de volonté propre, qui sont exaspérants pour le partenaire : on est comme un pantin qui n’offre pas de résistance et que l’autre ne peut se vanter de dominer.

On affronte le conflit avec une attitude de victime, avec sur le visage une expression qui parvient à faire sortir l’autre de ses gonds. Celui qui exerce la fonction sadique, qui tourmente, peut se sentir coupable face à celui qui se soumet sans résistance. Celui qui représente l’aspect masochiste dans le couple prend plaisir à se voir dominé et à dominer l’autre en même temps.

En raison de cette relation, Ana et Miguel sont en collusion permanente et chacun cherche à avoir le dessus sur le partenaire. Ils peuvent donner au thérapeute l’impression que toutes ces disputes, qu’aucune véritable raison ne justifie, se termineront par une séparation. Mais il ne faut pas s’y tromper. Ils sont unis par le combat pour le contrôle et la domination.

Ils ne peuvent pas se permettre la faiblesse de céder la moindre chose.

Alberto Eiguer l’a exprimé en ces termes lors de l’AIPCF de Barcelone :

« Être libre, c’est prendre ses décisions de façon indépendante et en assumer les conséquences : les succès ou les échecs, l’approbation ou la critique, l’encensement ou la honte et l’opprobre. Les individus se perpétuent donc dans la dépendance en vertu de deux comportements opposés :

1. N’étant plus sûres de savoir créer un engagement sentimental durable et suffisant, certaines personnes essaient de contrôler l’autre et de le soumettre. Elles ne sont pas sûres d’elles-mêmes et craignent que, si l’autre devient trop indépendant, il finisse par ne plus la reconnaître en tant qu’individu, qu’il ne la respecte plus narcissiquement, en somme, qu’il ne l’aime plus ;

2. D’autres personnes adoptent l’attitude opposée, la soumission, et acceptent sans réagir les vexations, même si tout cela leur fait mal et que leurs capacités personnelles de créativité s’en ressentent. Le sujet peut être d’accord, être le complice inconscient, souvent, du fonctionnement d’un lien dont il ne distingue pas les mécanismes et dont il ne craint pas les conséquences pour son intégrité.

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Ces deux positions peuvent coexister chez une même personne ou alter- ner suivant les moments. Dominer et être dominé configure un ensemble interpersonnel. Tout attachement à l’autre implique, certes, une forme de dépendance mais il peut se traduire par des excès, comme dans le lien pervers. La domination sert ici à dénier sa propre dépendance de l’autre et à affirmer que c’est l’autre qui dépend entièrement et exclusivement du premier » (Eiguer, 2008).

Un aspect important de la dynamique du couple fonctionnant en collusion obsessionnelle concerne la relation avec les parents. Dans bien des cas, les parents du membre passif voudraient continuer à dominer ce dernier et n’acceptent pas qu’il échappe à leur contrôle. Le membre actif, lui, affronte les parents du membre passif et lutte contre eux, alors que ceux-ci cherchent à lui retirer l’emprise qu’il exerce sur son conjoint.

Conclusion

Dans la plupart des couples, l’amour est le sentiment prédominant, même si, dans certaines situations, la haine peut apparaître de façon modérée ou virulente. Nombreux sont les conjoints qui parviennent à contrôler cette émotion et peuvent réparer les dommages qu’ils se sont infligés. En revanche, pour d’autres, comme Ana et Miguel, la haine peut se structurer autour de collusions fondées sur la problématique domination-soumission.

Chaque membre du lien conjugal a besoin de contrôler l’autre et est pris dans une toile d’araignée dont il ne peut s’échapper. Ils ne peuvent ni vivre ensemble ni se séparer.

En tant que cliniciens, nous savons très bien que nous n’obtiendrons aucun résultat positif en travaillant avec chacun des partenaires ou en nous concentrant sur la symptomatologie individuelle. Travailler la collusion, la dynamique projective-introjective, sera la seule façon d’aider des couples comme celui que nous avons présenté à surmonter une relation ambivalente qui ne les aide ni à s’épanouir, ni à progresser.

Bibliographie

Davins M. (2012), Violencia en el ámbito de pareja. II Jornadas de Orientación y Terapia Familiar en Contextos Clínicos y Comunitarios, Universidad de Deusto y Asociación Española para la Investigación y Desarrollo de la Terapia Familiar, Bilbao.

Dicks H.V. (1967), Tensiones matrimoniales, Buenos Aires, Hormé, 1973.

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Eiguer, A. (2008), La peur de la liberté et les violences familiales, Revue interna- tionale de psychanalyse du couple et de la famille, 1, 7-23.

Kernberg O. (1995). Relaciones amorosas. Normalidad y patología, Barcelona, Paidós.

Lemaire J.-G. (1979), Le couple : sa vie, sa mort, Paris, Éditions Payot.

Lorente M. (2003), Mi marido me pega lo normal, Barcelona, Éditions Crítica.

Pérez-Testor C. (comp.) (2006), Parejas en conflicto, Barcelona, Paidós.

Pérez-Testor C., Davins M., Aramburu I., Aznar B., Salamero M. (2012), Violence dans les relations de couples : à propos d’un cas. in Nicolo A.M., Eiguer A., La Violence dans la famille et dans la couple, Paris, In Press.

Tolstoy L. (1877), Ana Karenina, Madrid, Alba, 1999.

Willi J. (1978), La pareja humana : relación y conflicto, Madrid, Morata.

a

RÉSUMÉ

« La haine dans le couple : ni avec toi, ni sans toi. » « Ni avec toi, Ni avec toi ni sans toi mes maux n’ont de remède : avec toi parce que tu me tues, sans toi parce que je meurs. » En partant d’une vignette clinique on traite le sentiment de haine dans les relations de couple. La haine n’est pas le contraire de l’amour. L’amour et la haine coexistent dans la plupart des couples. Dans la collusion obsessionnelle, les membres du couple ne tolèrent pas de vivre ensemble mais ils ne peuvent pas être séparés, parce que cette collusion se base sur le contrôle mutuel, la provocation ambivalente et la dépendance inséparable. Dans beaucoup d’autres situations et d’autres types de collusion, les couples peuvent métaboliser la haine et réparer la souffrance causée, mais, pour le clinicien, le fait de détecter si la collusion qui prédomine est de type obsessionnel lui permet de comprendre pourquoi ces couples montrent autant de difficultés à introduire des changements dans leur relation, en perpétuant le fonctionnement destructif et en transmettant transgénérationnellement un type de relation pathologique.

MOTS CLÉS

Haine — Collusion — Conflits du couple.

SUMMARY

“Hatred in couple : neither you nor without you.” “Neither you nor without you there is remedy for my misfortune : with you because you kill me, without you because I die.”

The feeling of hatred in relationships is addressed from a clinical vignette. Hatred is not the opposite of love. Love and hatred coexist in most couples. In the obsessive collusion the members of the couple do not tolerate living together but they cannot be separated, because that collusion is based on mutual control, ambivalent provocation and insepa- rable dependence. In many other situations and other types of collusions, couples can

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metabolize hatred and repair the harm done. Detecting whether the prevailing collusion is obsessive helps the clinician to understand why the couple has so many difficulties to introduce changes in their relationship, perpetuating and transmitting transgenerationally a destructive and pathological type of relation.

KEY WORDS

Hatred — Collusion — Couple conflicts.

RESUMEN

« El odio en la pareja : ni contigo, ni sin ti.» « Ni contigo ni sin ti tienen mis males remedio, contigo porque me matas, sin ti porque me muero. » A partir de una viñeta clínica los autores abordan el sentimiento de odio en las relaciones de pareja. El odio no es lo contrario del amor. Amor y odio conviven en la mayoría de parejas. En la colusión obsesiva los miembros no toleran vivir juntos pero no pueden estar separados, porque esta colusión se basa en relaciones de control recíproco, de provo cación ambivalente y de dependencia inseparable. En muchas otras situaciones y en otros tipos de colusión, las parejas pueden metabolizar el odio y reparar el daño infligido, pero, para el clínico, poder detectar si predomina el tipo de colusión obsesiva, le puede permitir entender por qué estas parejas muestran tantas dificultades para introducir cambios en su relación, perpetuando el funcionamiento destructivo y transmitiendo transgeneracionalmente una manera de relacionarse patológica.

PALABRAS CLAVE

Odio — Colusión — Conflictos de pareja.

a

ProFesseur cArles Perez-testor

professeur de psychologie

Institut Universitari de Salut Mental Vidal i Barraquer Universitat Ramon Llull

Facultat de Psicologia i Ciències de l’Educació i de l’Esport Blanquerna Universitat Ramon Llull

Grup de Recerca de Parella i Família (GRPF) c / Sant Gervasi de Cassoles, 88-90

08022 Barcelona, Espagne carlespt@fvb.es

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Montse DAVins

Institut Universitari de Salut Mental Vidal i Barraquer Universitat Ramon Llull

Grup de Recerca de Parella i Família (GRPF) c / Sant Gervasi de Cassoles, 88-90

08022 Barcelona, Espagne inés ArAMburu

Institut Universitari de Salut Mental Vidal i Barraquer Universitat Ramon Llull

Grup de Recerca de Parella i Família (GRPF) c / Sant Gervasi de Cassoles, 88-90

08022 Barcelona, Espagne bertA AznAr-MArtínez

Institut Universitari de Salut Mental Vidal i Barraquer Universitat Ramon Llull

Facultat de Psicologia i Ciències de l’Educació i de l’Esport Blanquerna Universitat Ramon Llull

Grup de Recerca de Parella i Família (GRPF) c / Sant Gervasi de Cassoles, 88-90

08022 Barcelona, Espagne MAnel sAlAMero

Institut Universitari de Salut Mental Vidal i Barraquer Universitat Ramon Llull

Grup de Recerca de Parella i Família (GRPF) c / Sant Gervasi de Cassoles, 88-90

08022 Barcelona, Espagne

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