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Submitted on 1 Jan 1992
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Développement embryonnaire et clonage chez les mammifères
Jp Renard, Y Heyman
To cite this version:
Jp Renard, Y Heyman. Développement embryonnaire et clonage chez les mammifères. Annales de
zootechnie, INRA/EDP Sciences, 1992, 41 (3-4), pp.381-387. �hal-00888854�
Article original
Développement embryonnaire et clonage
chez les mammifères
JP Renard, Y Heyman
INRA,
biologie
dudéveloppement
78352 Jouy-en-Josas, France(Reçu
le 14 septembre 1991; accepté le 15 novembre 1991)Résumé — Le
clonage embryonnaire
par transfert d’un noyau dans le cytoplasme d’ovocytes énu- cléés offre un nouveau champ d’application à labiotechnologie
que constitue le transfert d’em-bryons. Dans l’industrie de l’élevage bovin par exemple, plusieurs séries d’une dizaine de veaux
identiques (clones) ont déjà vu le jour. Toutefois moins de 10% des embryons reconstitués sont ca-
pables de se développer à terme après transplantation dans une femelle receveuse. Des
progrès
sont indispensables si l’on veut que cette technologie puisse être source d’applications, par exemple
pour la diffusion de
génotypes
sélectionnés sur des caractères peu héritables, et la création de nou- veauxprogrès génétiques.
Cesprogrès
dépendent d’une meilleure compréhension de 2 événe-ments fondamentaux, liés entre eux, qui marquent le début du développement embryonnaire : l’effet
du cytoplasme de l’ovocyte sur l’organisation du noyau et la programmation de l’activité des gènes
qui
estdéjà engagée
dans le noyau donneur avant son transfert.embryon
/ clonage
1 ovocyte 1 mammifère 1gène
Summary — Embryo development and
cloning
in mammals.Embryonic cloning
by transfer of anucleus to the cytoplasm of enucleated oocytes has opened up new application
possibilities
in em- bryo transfer biotechnology. In the bovine industry, for example, several series of about 10 identical calves (clones) have been bom. However, < 10 °/ of reconstituted embryos are able to develop toterm after transplantation to a recipient female.
Progress
is necessary to be sure that this techniquecan be developed, for
example
for the diffusion of genotypes selected on traits of low heritabilities and to make further genetic progress. This progress depends on improved knowledge of 2 linked ba- sic mechanisms which mark the onset of embryonic development : the effect of oocytecytoplasm
onthe organization of the nucleus and the gene activity programme
already
underway in the donor nu-cleus before its transfer. In mammals the cloned embryo constitutes a new experimental model for analysing the role of factors present in the oocyte cytoplasm. These factors, stocked as messenger RNA and polypeptides during oogenesis, play a determining role in the control of genomic expres- sion during the first segmentation divisions and probably until the first differentiation at the blastocyst stage.
embryo lcloningloocytelmammallgene
INTRODUCTION
L’obtention en
grand
nombre d’individusgénétiquement identiques
est unepratique
couramment utilisée dans les
productions végétales. Jusqu’à
une daterécente,
elle n’était pasenvisageable
pour lesproduc-
tions
animales;
la situation est en train dechanger
enparticulier
en cequi
concerneles mammifères. Cette évolution est due à
une meilleure connaissance du début du
développement
del’embryon
et à la miseau
point
de nouvellestechnologies
de mi-cromanipulation.
Ces dernières années la scission de
l’embryon
au stadepréimplantatoire
deson
développement
a. commencé à être utilisée au niveau desélevages
pour pro- duire despaires
dejumeaux
notammentchez les bovins. Mais cette
approche
est li-mitée;
elle nepermet
que très rarement d’obtenir destriplés
et seulement occa-sionnellement des
quadruplés (Willadsen, 1989).
Une autreapproche
sedessine,
elle consiste à réaliser en série la
greffe
d’un noyau,
provenant
d’une cellule d’unembryon «donneur»,
dans lecytoplasme
d’un ovule «receveur» dont on a, au
préa- lable,
retiré le matériel nucléaire. Les chances dedéveloppement
à terme desembryons
ainsi reconstitués sont au-jourd’hui
encore faibles. Toutefois cettebiotechnologie
ouvre la voie à laproduc-
tion de véritables
clones,
c’est-à-dire d’un ensemble deplusieurs
individusgénéti- quement identiques
tous issus d’un mêmeembryon.
Ces clones constitueront un nou- vel outil pour la diffusion et la création deprogrès génétiques.
L’EFFICACITÉ
ACTUELLE DU CLONAGE EMBRYONNAIRELa
technique
du transfert nucléaire et sonadaptation
auxembryons
de différentesespèces
a faitl’objet
récemment deplu-
sieurs revues(Marx,
1988;Willadsen, 1989;
Prather etal, 1990; Heyman
etal, 1991 ). Elle
consiste d’abord à dissocier les blastomères d’unembryon
donneur alorsqu’il
est encore au début de sondévelop- pement
etpossède
8-60 cellules(ce qui
est aisément obtenu en les
plaçant
pen- dant 15-30 min dans un milieu sans cal-cium), puis
à les fusionner individuellementavec un
ovocyte préalablement
énucléé.La définition d’une
technique originale
d’énucléation et de fusion
d’embryons
desouris par Mc Grath et Solter
(1983)
agrandement
contribué à assurer le renou- veau d’unetechnologie, largement
utiliséechez les
amphibiens depuis
delongues
années
(Briggs
etKing, 1952),
maisqui
n’était
jusqu’alors applicable qu’avec
beau-coup d’incertitude chez la souris
(illmensee
et
Hope, 1981). Ainsi, aujourd’hui
unexpé-
rimentateur confirmé
peut,
enroutine,
re-constituer une
cinquantaine d’embryons
par
jour.
Peu d’entre eux toutefois sont
capables
de se
développer
à terme. Le tableau 1présente
lesprincipaux
résultatspubliés
àce
jour
chez lesespèces domestiques.
Ilmontre que les
embryons
reconstitués sontcapables
de se diviser et de commen-cer leur
développement.
Mais leur mortali-té
augmente rapidement
avec letemps
deculture ou
après
transfert dans une femellereceveuse. On estime
aujourd’hui
que le rendementglobal
desmanipulations,
c’est-à-dire le nombre de
jeunes
nés parrapport
au nombre
d’embryons initialement
recon-stitués est inférieur à 10%. Chez une es-
pèce
comme lelapin,
nous avons montré que le taux dedéveloppement
des em-bryons
&dquo;clones&dquo; diminuaitrapidement
toutau
long
de lagestation (Heyman
etal, 1990),
cecimalgré
unereprogrammation
effective et
apparemment
normale de l’acti- vité du noyau donneurjusqu’au
stade blas-tocyste.
Il en résultequ’à
cejour
la tailledes
clones,
c’est-à-dire le nombre d’ani-maux issus du même
embryon
reste faible.La dizaine constitue un record mais ces
clones existent et
témoignent
de la faisabi- lité de cettebiotechnologie.
DES
PROGRÈS PRÉVISIBLES
L’artifice mis en ceuvre
dans
le transfert nucléaire repose sur l’établissement de re-lations fonctionnelles entre le
cytoplasme
de
l’ovocyte
receveur et le noyau du blas- tomère donneur.Le
cytoplasme
del’ovocyte
estpleine-
ment
capable
deréorganiser
un noyauétranger
et de le rendrecompétent
pourparticiper
audéveloppement
normal. C’esten effet cette situation
qui prévaut
aucours de la fécondation. La chromatine du noyau du
spermatozoïde
est soumise àune décondensation
rapide qui
seproduit
en même
temps
que l’achèvement de la méiose del’ovocyte (Adenot
etal, 1990).
Cette modification
qui permet
leremplace-
ment
progressif
desprotamines
par les histones(Nonchev
etTsanev, 1990)
estsuivie
par unephase
de décondensationrapide qui correspond
à la formation d’une nouvelleenveloppe
nucléaire constituée àpartir
d’éléments stockés dansl’ovocyte.
Nous avons montré que l’on
pouvait
suivreces modifications de l’état de la chroma- tine du noyau in situ sur les oeufs vivants
en utilisant une
technologie nouvelle,
lamicroscopie
de fluorescence basse éner-gie (Debey
etal, 1989).
On ne sait pas en-core comment le
cytoplasme
del’ovocyte participe
à laréorganisation
de la mem-brane
nucléaire,
mais on sait par contrequ’après
transfert de noyau,l’acquisition
d’une nouvelle structure membranaire est
une condition nécessaire à la formation d’un noyau
diploïde
fonctionnel(Szôllôsi
etal, 1988).
Leremodelage
du noyau condi- tionne donc sonaptitude
à se diviser et àpermettre
la réalisation à nouveau des pre- mièresétapes
dudéveloppement.
Le ta-bleau Il montre que ces évènements se
produisent
dès lespremières
hqui
suiventleur transfert dans le
cytoplasme
de l’ovo-cyte.
Le noyau donneur au moment de son
prélèvement
adéjà
subiplusieurs cycles
de
réplication
et estdéjà
leplus
souventcapable
d’une activitétranscriptionnelle.
Chez les mammifères en
effet,
la mise enroute du
génome embryonnaire
seproduit
au cours des
premières
divisions de l’ceuf.Chez la
souris,
elle s’effectue en 2phases
au cours du stade 2 cellules
(Bensaude
et al,1983;
Conoveret al, 1991 La première
est caractérisée par la
néosynthèse
d’ungroupe de
protéines qui correspond
auxprotéines
dites de chocthermique.
La se-conde se
produit quelques
haprès (8
h en-viron)
avec lasynthèse
deplusieurs
nou-velles
protéines.
Chez desespèces
comme la
lapine (données
nonpubliées)
ou la vache
(Barnes
etEyestone, 1990),
lamise en activité du
génome
semble êtreplus progressive
que chez la souris et faire intervenirplusieurs
autressynthèses
pro-téiques
encore peu caractérisées. C’estpeut-être
cette différencequi
fait que, mal-gré
de nombreusesexpériences,
le clo-nage par transfert de noyau chez la souris
se traduit par des taux de
développement
encore
plus
faibles que ceux obtenus chez lesespèces domestiques (Kono
etal, 1991 ).
Au cours du
développement normal,
lasynthèse
dequelques protéines
nouvellespeut
être décelée àpartir
de lapremière
division de
segmentation (stade 2)
chez lalapine,
ou la deuxième(stade 4)
chez lavache,
mais leprofil
desynthèse
n’est mo-difié de
façon marquée qu’à partir
du stade8-16 cellules. L’initiation de cette
première
phase
de l’activitétranscriptionnelle
dé-pend
étroitement dutemps
écouléaprès
l’activation de
l’ovocyte.
Elle met enjeu
une succession de
protéines
kinasesqui
contrôlent
probablement
l’accessibilité de facteurs detranscription
et l’activité de lapolymérase
2. La deuxièmephase
de l’ac-tivation
transcriptionnelle
dugénome
nepeut,
contrairement à lapremière,
se pro- duire que si lareplication
de l’ADN a bieneu lieu au cours du stade
précédent (Poueymirou
etSchultz, 1989).
Elle coïn-cide chez la souris avec des
exigences métaboliques
nouvelles del’embryon.
La
cinétique
de ces événements molé- culairesaprès
transfert de noyau n’est pasencore connue. Il en est de même en ce
qui
concernel’implication
desprotéines qui
sont
synthétisées pendant
lapériode pré- implantatoire
dudéveloppement.
Lesquel-
ques
synthèses qui
ont pu être caractéri- sées(principalement
chez lasouris) après fécondation,
révèlent laprésence
dephos- phoprotéines
dont l’activité est liée aucycle cellulaire,
de laminesqui participent
à la formation de la membrane
nucléaire,
de catherines
impliquées
dans les commu-nications entre cellules et
d’oncogènes qui participent
à larégulation
de l’activité desgènes
et des divisions desegmentation (Jackson, 1989).
Les noyaux de la masse cellulaire in- terne sont encore
capables
d’assurer undéveloppement
à terme(Smith
etWilmut, 1989)
alors que ce n’est pas le cas pour les noyaux dutrophoblaste.
Le noyau em-bryonnaire
conserve donc une certaineplasticité
fonctionnellependant
les pre- miersjours qui
suivent lafécondation.
Chez le
lapin,
nos résultats montrent que si l’onprend
encompte
lacinétique
desévénements
qui réorganisent
le noyauaprès
sontransfert,
onpeut
considérable- mentaugmenter
le taux dedéveloppement
in vitro
(tableau 11).
Des voies semblent doncpouvoir
être ouvertes dans les en-chevêtrements
complexes
souslesquels
se manifestent
aujourd’hui
les relations entre le noyauembryonnaire
et le cyto-plasme
du début de la vie del’embryon.
QUELLES APPLICATIONS POUR
L’ÉLEVAGE ?
L’élevage français
connaitaujourd’hui
uneévolution
rapide marquée
notamment par l’établissement de nouvelles relations avecle secteur en
pleine expansion
des agro- industries. Celles-cidégagent
annuelle-ment un excédent de 30 milliards de francs et
l’élevage
doitdiversifier,
voire redéfinirses
productions
pour maintenir saplace
desecteur
exportateur.
La sélection est un outil de cetteadaptation
et les connais- sances nouvellesacquises
sur legénome
avec l’établissement
progressif
des cartesgénétiques
parespèce
seront un atoutpour
l’élevage.
Maisl’adaptation
doit êtrerapide :
un des freins à cette voie de pro-grès
est la faible efficacitéreproductrice
etl’intervalle de
génération
élevé de laplu-
part des
espèces.
Il peut être levégrâce
àl’embryon.
Les recherches sur labiologie
du
développement embryonnaire
ontrendu
possible,
ces dernièresannées,
desinterventions en routine sur
l’embryon
audébut du
développement
et donné à la conduite de lareproduction
uneplace
nou-velle dans la sélection des
espèces
ani-males. Notre pays, en ce
qui
concerne lesbovins,
est en tête des payseuropéens
pour l’utilisation de la
transplantation
em-bryonnaire,
leséchanges d’embryons congelés
et le sexageembryonnaire
com-mencent à être utilisés par
plusieurs
coo-pératives d’élevage.
Si latechnologie
duclonage
progresse, nul doute que c’est d’abord dansl’espèce
bovinequ’elle
com-mencera à être utilisée.
Des
clones,
de taille réduite àquelques individus, peuvent
contribuer à la création deprogrès génétique.
On a calculéqu’en production laitière,
un clone de 5 vaches indexées sur leur propreproduction
per- mettrait de connaître la valeurgénétique
d’un taureau avec la même
précision
quecelle obtenue à
partir
d’une indexation sur25 de ses filles
(Colleau, 1991 ). En
race àviande,
l’existence dequelques
clones per- mettrait de mieux évaluer lesaptitudes
ma-ternelles.
Avec des clones de taille
plus impor-
tante
(une
dizained’individus)
une straté-gie
deproduction
d’animaux très standardi- sée - sous label -pourrait
être mise enplace
avec desrépercussions rapides
surla diffusion du
progrès génétique.
Serontconcernés les animaux
exceptionnels,
avec la
perspective
de réduire le coût del’embryon transplanté (Lapin, 1991)
etcomme
conséquence,
une intensification de l’utilisation de latransplantation
em-bryonnaire
dans un programme de sélec- tion. Mais leclonage permettra aussi,
surun
plan collectif,
de mieux articuler diffu-sion et création de
progrès génétique,
no-tamment si on
peut
lui associer lacongéla-
tion pour utiliser les meilleurs clones etassurer alors à nouveau une diffusion.
Dans ces conditions une
augmentation
de40% de l’efficacité
génétique
d’un pro- grammepeut
êtreenvisagée (Colleau, 1990).
CONCLUSION
À plus long
terme, l’obtentionrégulière
declones de
plusieurs
dizaines d’individus rendraplus aiguë
la difficilequestion
du maintien d’unpolymorphisme génétique
pour les
espèces
d’intérêtzootechnique.
Mais cette
question
seposait déjà depuis
de
longues
années avant que leclonage
n’ait vu le
jour.
Certes lerecyclage
des em-bryons
clonés estpossible
etquelques
veaux issus
d’embryons
clonés de troi- sièmegénération
sontdéjà
nés(Bondioli
et
al, 1990).
Raison deplus
poursouligner
que c’est une
gestion
stricte des res- sourcesgénétiques qui
seulepermettra
depréserver
la diversitégénétique
des ani-maux de ferme.
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