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L’action-dans-le-monde. Émotion musicale, mouvement musical et neurones miroirs

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Anciennement Cahiers de musiques traditionnelles 23 | 2010

Émotions

L’action-dans-le-monde. Émotion musicale, mouvement musical et neurones miroirs

Judith Becker

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/ethnomusicologie/961 ISSN : 2235-7688

Éditeur

ADEM - Ateliers d’ethnomusicologie Édition imprimée

Date de publication : 31 décembre 2010 Pagination : 29-52

ISSN : 1662-372X

Référence électronique

Judith Becker, « L’action-dans-le-monde. Émotion musicale, mouvement musical et neurones miroirs », Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne], 23 | 2010, mis en ligne le 10 décembre 2012, consulté le 19 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/ethnomusicologie/961

Article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle.

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Introduction1

Et si notre perception et notre émotion musicale étaient toutes deux liées à notre interaction corporelle avec le monde ? Et si nos émotions musicales étaient construites sur une expérience préconsciente du corps, suscitant des réponses corporelles primitives, issues de l’évolution adaptative ? Ou encore si notre cogni- tion, nos pensées conscientes liées à nos émotions musicales – l’évaluation de ce que nous entendons, les associations mémorielles, l’assignation du langage à l’écoute musicale – découlaient, d’une certaine manière, de notre implication corporelle ?

Dans cet article, je présenterai quelques théories, anciennes et nouvelles, sur ce qui se passe lorsque nous sommes profondément émus par une musique que nous aimons. J’essaierai de soutenir l’opinion que l’émotion musicale peut être largement déterminée par des processus corticaux préconscients, par des réponses corporelles, sous-corticales ou des parties inférieures du cerveau2, les- quelles précèdent leur présentation au cortex frontal de notre cerveau, qui est la partie la plus récemment développée du cerveau humain, celle qui pense, évalue, planifie, élabore des stratégies, calcule et nous fournit les moyens de naviguer au mieux dans le monde. L’émotion musicale est peut-être beaucoup plus ancienne

L’action-dans-le-monde

Émotion musicale, mouvement musical et neurones miroirs

Judith Becker

« Nous écoutons la musique avec nos muscles ».

Friederich Nietzsche (cit. in Sacks 2007 : xi)

1 Traduit de l’anglais par Laurent Aubert.

2 Le terme « cortical » se réfère au cortex du cerveau, la couche externe, repliée et plissée, du cerveau ; les régions « sous-cortical » du cerveau – y compris le

système limbique – sont celles qui se trouvent en dessous ou à l’intérieur du système cortical ; quant aux parties inférieures du cerveau, elles correspon- dent au tronc cérébral et au cervelet.

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et corporelle que l’admettent une grande partie des théories musicologiques sur la question.

Souvent cité, le livre Emotion and Meaning in Music de Leonard Meyer (1956) soutient que l’émotion musicale est basée sur des attentes musicales structurelles et syntactiques qui peuvent être différées, détournées ou satisfaites ; l’émotion musicale est essentiellement générée par l’activité cérébrale consciente du lobe frontal. Dans son ouvrage Music Alone : Reflexions on a purely musical expérience (1990), Peter Kivy nie pour sa part toute implication corporelle, sous- corticale, ou des parties inférieures du cerveau (voir aussi Scruton 1997).

[…] le manque d’explications en termes de psychologie populaire du prétendu éveil de l’émotion ordinaire apparaît comme une preuve convaincante, sinon, peut- être, absolument déterminante, qu’aucun éveil de ce type ne se manifeste. (Kivy 1990 : 152)

Je me baserai sur les travaux de scientifiques travaillant hors du champ musical, ainsi que de neuroscientifiques étudiant la musique, les émotions et le cerveau, dont plusieurs développent des théories sophistiquées suggérant la primauté de ce qu’on peut appeler l’« action-dans-le-monde » (Rizzolatti et al. 2001 ; Gallese 2001, 2002 ; Molnar-Szakacs and Overy 2006) en tant que base de nos perceptions, y compris l’audition musicale et les imbrications de l’action et de l’émotion.

Les neuroscientifiques ont accès à des technologies sophistiquées telles que les IRMf (Imagerie par résonance magnétique fonctionnelle), qui peuvent montrer en temps réel l’activité neuronale du cerveau en train d’écouter de la musique, y compris dans les parties du cerveau qui génèrent ou qui sont stimulées par des réactions émotionnelles. Il est notoire que les scientifiques hésitent à faire des observations générales sur les résultats de leurs études empiriques. La crainte d’affirmer quelque chose qui puisse ensuite être démenti est élevée chez eux. Bien que les chercheurs cités plus loin dans cet article aient le soin de formuler leurs hypothèses au conditionnel, je me sens libre, par mon approche sous l’angle des sciences humaines, d’explorer leurs idées avec moins de précautions et de mises en garde, mais en tenant compte de leurs suggestions.

Écrit par une anthropologue, étrangère au domaine, cet article propose une exploration des « et si… » suggérés par une lecture assidue de quelques publi- cations récentes en neurosciences concernant l’étude des émotions musicales.

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L’action-dans-le-monde

L’implication corporelle dans les expériences émotionnelles est un fait depuis longtemps avéré. Un des fondateurs de la psychologie, William James (1842- 1910), affirmait déjà que les émotions commencent dans le corps :

Notre manière naturelle de penser sur […] les émotions est que la perception mentale de certains faits excite l’affection mentale appelée l’émotion, et que ce dernier état d’esprit donne naissance à l’expression corporelle. Ma théorie, au contraire, est que les changements corporels suivent directement la perception du fait excitant, et que notre sentiment de ces changements lorsqu’ils surgissent est l’émotion. (James 1950 [1890] : 449) [les italiques et les gras sont dans l’original].

Le développement des sciences cognitives dans les années 1960 a mis à l’écart la théorie considérant le corps comme générateur d’émotions, en envisageant plutôt le cerveau en tant que maître planificateur de toute action, de toute émo- tion, de tout comportement. L’ordinateur, considéré comme analogue au cerveau, en est devenu le principal modèle. Les spécialistes des sciences cognitives et des neurosciences sont de plus en plus en désaccord avec l’idée de séparer le mental du corps telle qu’on la rencontre dans l’ancien modèle strictement cognitiviste d’activité du cerveau, qui voudrait que celui-ci fonctionne comme un ordinateur donnant des ordres au corps.

On pourrait voir l’ancienne perspective strictement cognitiviste des années 1960 comme une remise en cause de la tradition phénoménologique européenne en sciences humaines, laquelle mettait l’accent sur l’interaction corporelle avec le monde comme substrat de la perception, de la cognition et de l’émotion humaines (Husserl, Heidegger). Le tournant neuroscientifique vers l’émotion corporalisée autorise un dialogue entre sciences « dures » et sciences humaines qui était plus difficile tant que l’ancien modèle cognitiviste strict conservait son emprise. Les scientifiques qui adhèrent à la théorie de la cognition et de l’émotion corporelles se reconnaissent volontiers dans la phénoménologie de leurs prédécesseurs du XIXe et du début du XXe siècle, ce qui explique pourquoi les phénoménologues européens et américains d’il y a un siècles sont fréquemment cités dans des articles scientifiques contemporains.

Si nous imaginons une forte émotion et essayons ensuite d’abstraire de la conscience toutes les sensations de ses symptômes corporels, nous trouvons qu’il ne reste rien, aucune « substance mentale » (mind-stuff) dont l’émotion puisse être constituée, et que tout ce qui subsiste est un état froid et neutre de percep- tion intellectuelle. (James 1950 [1890], cit. in Damasio 1994 : 129)

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Ce que nous avons est un circuit, pas un arc ni un segment brisé de cercle.

Ce circuit est appelé organique plutôt que réflexe, parce que la réponse motrice détermine le stimulus, tout autant que le stimulus sensoriel détermine le mouve- ment. (Dewey 1896 : 363, cit. in Cisek 1999 : 132)

Le sens du geste n’est pas donné, mais compris, autrement dit récupéré par un acte de la part du spectateur. Toute la difficulté est de concevoir cet acte clai- rement, sans le confondre avec une opération cognitive. La communication ou la compréhension des gestes vient par la réciprocité de mes intentions et des gestes des autres, de mes gestes et de mes intentions discernables dans la conduite d’autres personnes. C’est comme si l’intention de l’autre habitait mon corps et la mienne le sien. (Merleau-Ponty 1962, cit. in Gallese 2001 : 44) Selon Husserl, ce qui rend le comportement d’autres agents intelligible est le fait que leur corps est expérimenté, non pas comme un objet (Körper) matériel, mais comme quelque chose de vivant (Leib), quelque chose d’analogue à l’expérience de notre propre corps agissant. L’empathie est profondément ancrée dans l’expé- rience de notre corps vivant, et c’est cette expérience qui nous permet de recon- naître directement les autres, non pas comme des corps dotés d’un esprit, mais comme des personnes, au même titre que nous-mêmes. (Gallese 2001 : 43) Au sein de la discipline ethnomusicologique, l’intérêt pour la physiologie de la musique en jeu (music making) et de l’émotion musicale ne s’est développée que tardivement. Les ethnomusicologues n’étant pas à proprement parler des scientifiques, peu d’entre eux sont versés dans les développements récents de la psychologie de la musique ou des neurosciences. Les travaux académiques se référant au « corps » au sein de la discipline sont plus enclins à parler du corps social, du corps sexué ou du discours culturel sur le corps, dans la lignée des tra- vaux d’auteurs comme Michel Foucault, Roland Barthes ou Judith Butler.

Il y a néanmoins des exceptions notoires, parmi lesquelles le pionnier au sein de l’ethnomusicologie est John Blacking, qui a revendiqué l’importance du corps physiologique et ses implications culturelles à une époque où il existait peu d’outils pour explorer de telles idées.

Mon intérêt pour l’anthropologie du corps repose sur la conviction que les senti- ments […] qui s’expriment en tant que mouvements des corps dans l’espace et le temps. et souvent sans connotations verbales, sont a la base de la vie mentale.

(Blacking 1977 : 21, italiques miennes)

John Baily, un étudiant de Blacking, a analysé comment l’interaction entre la structure du corps humain et celle de l’instrument de musique peut influencer la structure syntactique des phrases musicales (Baily 1977 : 275).

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En 1979, Margarita Mazo a effectué une expérience ECG (électrocardio- gramme) dans un village isolé de la province de Vologda, en Russie, sur l’effet physiologique de l’écoute de lamentations russes (inédit).

Michael Bakan et Benjamin Koen, en collaboration avec des médecins et des sociologues, ont travaillé sur la musique, l’émotion et l’autisme chez les enfants (Koen, Bakan et al. 2008). Quant à ma propre étude sur la RED (réponse électrodermale), mentionnée plus bas, elle révèle l’implication du système nerveux autonome dans les réactions à l’écoute musicale (Becker 2009)3.

Le cerveau, le corps et l’environnement

Alors que la plupart des ethnomusicologues ont mis l’accent sur les contextes culturels de l’émotion musicale et que les neuroscientifiques se concentrent essentiellement sur le cerveau, quelques chercheurs de ces deux disciplines, ainsi que des philosophes, ont préconisé une approche phénoménologique plus globale.

Chiel et Beer (1997) font partie des neuroscientifiques qui ont réintro- duit le corps et son environnement au sein de leurs modèles de fonctionnement cognitif. La série de quatre figures qui suit, intitulée « Compréhension changeante des interactions entre le système nerveux, le corps et l’environnement », illustre une manière progressivement plus inclusive de penser sur la cognition, le corps et le monde (Chiel & Beer 1997 : 554).

Un manifeste de cette nouvelle approche des neurosciences est auda- cieusement énoncé dans l’introduction d’un recueil d’essais publié sous la direc- tion de Walter Freeman et Rafael Núñez, Reclaiming Cognition : the primacy of action, intention and emotion (1999) :

« Nous croyons que les sciences cognitives traversent actuellement une période réductionniste, dans laquelle elles ont été entravées par la métaphore de la machine.

Il est nécessaire de s’en libérer et de passer d’une vision atemporelle, désincarnée, statique, rationaliste et vide d’émotion comme de culture, à une compréhension fon- damentalement plus riche incluant la primauté de l’action, de l’intention, de l’émo- tion, de la culture, des contraintes du temps réel, des opportunités du monde réel et des particularités des corps vivants ». (Freeman & Núñez 1999 : ix)

3 Le système nerveux autonome (SNA) est la partie du système nerveux périphérique qui agit en tant que système de contrôle maintenant l’homéostasie dans le corps. Ces activités d’entretien s’effectuent essentiellement sans contrôle conscient ni sensa- tion. Le SNA a des effets profonds sur le rythme cardiaque, la digestion, le rythme respiratoire, la salivation, la sudation, le diamètre des pupilles, la miction (l’émission d’urine) et l’excitation sexuelle.

Le système nerveux sympathique est une branche du système nerveux autonome, de même que le système nerveux parasympathique. Le système nerveux sympathique est toujours actif à un niveau basal (appelé le tonus sympathique) et son acti- vité augmente durant les moments de stress. Ses actions durant les réponses de stress incluent la réponse « combat-ou-fuite » (fight-or-flight).

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Fig. 1. L’acception limitée, et pourtant largement admise, de comment la perception opère.

« Selon cette acception, on reçoit d’abord un input des sens.

Cette information perceptuelle est ensuite envoyée au cer- veau, et le cerveau ordonne alors au corps d’agir de manière appropriée. Le modèle de cette acception traditionnelle de la manière dont la perception opère est un modèle classique de traitement d’informations, un système ‹ input-output ›. Les perceptions sensorielles fournissent l’input, et les actions motrices sont l’output. Des études récentes ont remis ce modèle traditionnel en question ». (Chiel & Beer 1997 : 554) Système

nerveux

Outputs moteurs Inputs

sensoriels

Fig. 2. Une acception un peu moins limitée.

« De nombreux inputs sensoriels sont extensivement pré- figurés par le corps lui-même, et des outputs de neurones moteurs sont transformés par les muscles et les propriétés biomécaniques du corps ». (Chiel & Beer 1997 : 554) Système

nerveux

Outputs moteurs Inputs

sensoriels

Fig. 3. Une vue à la perception plus inclusive.

« La co-évolution et le co-développement du système ner- veux et du corps mènent à une correspondance extensive et une complémentarité entre eux, qui créent aussi bien des contraintes que des opportunités pour le contrôle neural.

La correspondance et la complémentarité entre le système nerveux, ses inputs sensoriels et ses outputs moteurs sont indiquées par les régions triangulaires mises en évidence. La fonction du système nerveux est affectée par le feedback, dont une partie est générée par ses propres outputs moteurs, et une autre par l’environnement. Ce feedback peut altérer fondamentalement le comportement du système nerveux lui- même ». (Chiel & Beer 1997 : 554)

Système nerveux

Outputs moteurs Environnement

Inputs sensoriels

Fig. 4. Le corps et sa relation à l’environnement

« Le système nerveux est intégré dans un corps, qui est à son tour intégré dans l’environnement. Le système nerveux, le corps et l’environnement sont des systèmes dynamiques riches, compliqués et hautement structurés, qui sont inter- connectés. C’est leur interaction qui met en œuvre le com- portement adaptatif ». (Chiel & Beer 1997 : 554)

Système nerveux Corps

Environnement

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Plasticité neuronale

De récentes études en neurosciences révèlent l’extrême plasticité du cerveau en réponse aux actions de l’individu dans le monde, sa capacité à changer la force des connections entre les neurones en ajoutant ou en enlevant des connections ou en ajoutant de nouvelles cellules, ainsi que sa capacité à regrouper des faisceaux neuronaux tout au long de la vie (Chiel & Beers 1997 : 554 ; Pantev et al. 2001).

Jusqu’au milieu du XXe siècle, on croyait que les aires corticales et inférieures du cer- veau demeuraient structurellement immuables après l’adolescence. De plus amples recherches ont démontré que le cerveau peut changer à l’âge adulte (Hebb 1949) lorsque la force des connections entre les cellules corticales se modifie (Wiesel &

Hubel 1963 ; Blakemore & Cooper 1970). Des recherches plus récentes montrent qu’en fait, le cerveau peut réorganiser des systèmes entiers d’interconnexions neu- rales, changeant ainsi l’organisation tant fonctionnelle que structurelle du cerveau, en plus de changer la force des connections neurales, ou simplement d’y ajouter ou d’en soustraire des connections neurales (Edelman 1992 ; Rauschecker 2003).

Le cerveau des musiciens révèle des changements structurels durables, qui résultent de l’entraînement à long terme de muscles spécifiques, et qui n’apparais- sent pas chez les non-musiciens (Schlaug 2003 ; Pantev et al. 2003 ; Pascual-Leone 2003 ; Gaser & Schlaug 2003). Le formatage mutuel de l’action-dans-le-monde et de la représentation dans le cerveau a été démontré dans de nombreuses études, dont l’une propose des représentation corticale à grande échelle des muscles flé- chisseurs du doigt et extenseurs de la main après seulement cinq jours de pratique du piano (Pascual-Leone et al. 1995), et une autre une représentation corticale agrandie des doigts de la main gauche de joueurs d’instruments à cordes (Elbert et al. 1995). « Représentation corticale » ne signifie pas qu’il y a une image du doigt dans le cerveau, mais indique plutôt une activité électrique dans le cortex moteur sensoriel du cerveau qui contrôle les mouvements des doigts. La figure 5 illustre la représentation corticale accrue des jours d’instruments à cordes en comparaison avec le groupe de contrôle lorsque les doigts des participants sont stimulés durant une session de IRM (Imagerie par Résonance Magnétique).

Notre constante interaction avec notre environnement suscite des change- ments physiques, cognitifs et émotionnels tout au long de notre vie. Tout organisme vivant, y compris l’être humain, est dans un processus constant d’ajustement à un contexte qui ne cesse de changer (Maturana & Varela 1987). Depuis le moment de sa conception, l’embryon humain se transforme en réponse aux changements chimiques, hormonaux et structurels que subit la mère. En chaque instant de notre vie, nous effectuons des ajustements infimes sur notre être, qui est en constante évolution. Rien de ce que nous faisons, pensons ou ressentons ne nous laisse tel que nous étions avant. Les émotions musicales sont aussi dans un flux constant, aussi bien lors de l’écoute d’un événement musical particulier qu’au cours d’une longue période d’expériences musicales.

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L’émotion musicale et le cerveau :

systèmes corticaux, systèmes sous-corticaux et systèmes nerveux autonomes

« Chez les humains, […] la recherche indique que l’écoute de la musique active les systèmes autonomes, cortical et sous-cortical de manière semblable aux autres stimuli émotionnels. » (Trainor & Schmidt 2003 : 310)

L’implication du lobe frontal du système cortical pendant l’écoute musicale inclut le fait de penser sur la musique, d’en reconnaître les structures, l’instrumenta- tion, les interprètes et l’ambiance musicale, mais aussi notre propre disposition ou encore les souvenirs que nous associons à notre écoute. Les réponses de la aire corticale frontale concernent les aspects conscients de nos expériences d’écoute, les choses auxquelles nous pensons ou dont nous parlons. D’autres aires corticales impliquées dans l’écoute musicale, mais qui ne sont pas acces- sibles à la conscience, sont le cortex préfrontal, le cortex auditif dans le lobe tem- poral, et certaines parties du cortex pariétal.

Les réponses sous-corticales se réfèrent aux aires inférieures du cerveau situées en dessous ou à l’intérieur des systèmes corticaux, y compris les aires plus directement liées aux réponses émotionnelles, comme le système limbique (Blood et al. 1999 ; Blood & Zatorre 2001).

Fig. 5. Représentation du pouce et de l’auriculaire dans le cortex moteur des individus de contrôle et du joueur d’instrument à cordes (Elbert et al. 1995 : 305).

« Les flèches représentent l’emplacement et l’orientation du vecteur ECD (Equivalent Current Dipoles, dipôles équivalents courants) pour chacun des deux chiffres évalués sur les musiciens et les individus de contrôle. La longueur des flèches représente la magnitude moyenne du moment du dipôle pour les deux signets dans chaque groupe. Les emplace- ments du pouce et de l’auriculaire sont décalés médialement pour les bons joueurs par rapport aux individus de contrôle. Le moment de dipôle est aussi plus long pour l’auriculaire du musicien, comme l’indique la plus grande magnitude de la flèche noire » (Elbert et al.

1995 : 305) [un « dipôle » est une paire de charges électriques ou de pôles magnétiques de magnitude égale et de signe opposé, situés à distance fixe l’un de l’autre].

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Ma propre recherche a démontré que les « auditeurs profonds » (deep listeners) expérimentent une forte activation des impulsions émotionnelles du système nerveux autonome lorsqu’ils écoutent une musique qu’ils aiment pro- fondément (Becker 2009). Dans mon livre Deep Listeners : Music, Emotion and Trancing (2004), j’ai émis l’hypothèse qu’il pouvait y avoir une affinité inexplorée, une relation de type physiologique, entre les extatiques religieux et les « auditeurs profonds » laïques. J’ai défini les « auditeurs profonds » comme étant des gens susceptibles de ressentir des frissons ou d’avoir la chair de poule, voire de pleurer, lorsqu’ils écoutent une musique qu’ils trouvent émouvante. J’ai supposé que les

« auditeurs profonds », comme les extatiques religieux, expérimentent de fortes réponses émotionnelles des parties inférieures du cerveau lorsqu’ils écoutent une musique qui les émeut profondément. Pour tester cette hypothèse, j’ai organisé une expérience empirique pour mesurer le GSR, la « réponse galvanique de la peau » (Galvanic Skin Response) des participants lorsqu’ils écoutent une musique qu’ils aiment (voir aussi VanderArk & Ely 1992, 1993).

La GSR, la réponse galvanique de la peau, est la mesure d’un petit courant électrique entre deux électrodes attachées au bout des doigts du participant. En réponse à la stimulation du ANS (Autonomic Nervous System, système nerveux autonome), l’activité des glandes sudoripares de la main cause en chaque instant

Fig. 6. Les régions corticales du cerveau, la couche externe du cerveau.

Fig. 7. Le système limbique.

« Les parties sous-corticales du cerveau dédiées au traitement de l’émotion affectent le reste du corps à travers deux méca- nismes de base : la libération de molécules chimiques dans le sang, qui agissent sur différentes parties du corps, et la dif- fusion de l’activation neurale vers divers centres et muscles du cerveau. À travers ces mécanismes, l’expérience d’une émotion est connectée avec une myriade de réponses physio- logiques, des contractions musculaires aux changements de rythme respiratoire ou cardiaque, ou encore aux changements du flux sanguin dans différentes parties du corps et à la suda- tion ». (Trainor & Schmidt 2003 : 312)

lobe frontal thalamus hippocampe amygdale

hypothalamus

bulbe olfactif

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des changements dans la conductance relative d’un petit courant électrique entre les deux électrodes. Le graphique ci-dessous (Fig. 8) reproduit l’enregistrement de ces changements4.

Il a été demandé à tous les participants d’apporter leur chanson ou leur morceau préféré d’une durée d’environ cinq minutes. Une œuvre de Sammartini, compositeur mineur du début de l’époque classique, fut choisie comme le premier de deux exemples de musique de contrôle. Le second exemple de contrôle fut choisi parmi les morceaux préférés de participants antérieurs. La logique de cette procédure était de suggérer que la réponse physiologique à la musique n’est pas inhérente à la musique elle-même, mais qu’elle réside plutôt dans la relation entre un auditeur particulier et la musique. Chaque participant, confortablement assis sur un divan face à une fenêtre donnant sur un paysage plaisant, reçut des écou- teurs. Après une période initiale de silence de deux à trois minutes, les extraits musicaux suivants furent diffusés, avec un silence d’une minute entre chaque extrait :

1. Contrôle 1 : 3e mouvement de la Symphonie en Fa majeur (J-C 38) de Gio- vanni Battista Sammartini ;

2. Sélection 1 du participant : le premier des morceaux préférés du participant ; 3. Contrôle 2 : musique préférée d’un autre participant ;

4. Sélection 2 du participant : le second des morceaux préférés du participant.

Dans cette étude, les réponses GSR à leur musique du groupe des « auditeurs profonds » et de celui des extatiques pentecôtistes ont été comparées à celles de trois autres groupes de contrôle. Les résultats confirment l’hypothèse que les auditeurs profonds laïques partagent de fortes réponses galvaniques de la peau avec les extatiques religieux, des réponses du système nerveux sympa- thique autonome à l’écoute de la musique. Les extatiques pentecôtistes et les

« auditeurs profonds » surpassent à cet égard les groupes de contrôle.

4 Le système nerveux autonome (ANS) est la partie du système nerveux périphérique qui agit comme un système de contrôle maintenant l’ho- méostasie dans le corps. Ces activités de main- tien sont essentiellement effectuées sans contrôle conscient ni sensation. L’ANS a des effets sur le rythme cardiaque, la digestion, le rythme respira- toire, la salivation, la perspiration, le diamètre des pupilles, l’urination et l’excitation sexuelle.

Le système nerveux sympathique est une branche du système nerveux autonome, tout comme le sys- tème nerveux parasympathique. Le système ner- veux sympathique est toujours actif à un niveau basal (appelé le tonus sympathique) et son acti- vité augmente durant les moments de stress. Ses actions durant les réponses de stress incluent la réponse « combat-ou-fuite » (fight-or-flight).

Le GSR des participants a été mesuré en utili- sant des électrodes Ag-AgCl2 fixées à l’index et au majeur. Des électrodes étaient connectées à un système BIOPAC MP100 et enregistrées sur un ordinateur Macintosh utilisant le programme de logiciel AcqKnowledge.

Le GSR a été enregistré en tant que signal AC, ne mesurant de ce fait que les changements de conductibilité. Cela signifie que, lorsque la conduc- tibilité était stable, le signal GSR était plat à zéro.

Quand le GSR des participants changeait, l’output graphique reflétait ces changements par des pics et des creux. Pour faciliter le calcul, les change- ments en GSR ont été mesurés en unités de 1 = 0,2 µmhos.

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Un test de GSR subséquent a été effectué sur des sujets pentecôtistes durant la partie musicale d’un de leurs services religieux ; la comparaison entre les pics de GSR enregistrés à l’église et ceux mesurés dans mon bureau a révélé le point auquel les poussées sous-corticales des parties inférieures du cerveau sont plus fortes quand la musique est écoutée dans son contexte ordinaire que dans l’ambiance de laboratoire de mon bureau.

Comme toute émotion, les émotions musicales sont fortement influen- cées par le contexte, l’environnement et l’expérience d’écoute. L’importance du contexte sur tout expérience musicale, principe fondamental de l’ethnomusico- logie, est aujourd’hui de plus en plus communément admise en psychologie de la musique (Juslin et al. 2010 ; Sloboda 2010), en sociologie de la musique (DeNora 2010) et en neurosciences (Freeman & Núñez 1999, Patel 2008 : 324-326).

Fig. 8. L’enregistrement GSR, calibré et filtré en passe-bas, d’une participante écoutant une pièce qu’elle a elle-même sélectionnée.

72 120

2

1

0

–1

180 240 300

Secondes

Volt

Fig. 9. Comparaison entre les pics GSR de quelques Pentecôtistes en situation de test et dans un service religieux, démontrant une plus grande excitation durant le service religieux.

Sujet 1 Sujet 2 Sujet 3 Sujet 4 Sujet 5 Sujet 6 0

1 2 3 5 6

En laboratoire À l’église 4

Volt

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Le mouvement musical

Le mouvement musical a été abordé depuis l’époque de la Grèce classique par de nombreux auteurs travaillant dans une grande variété de disciplines : la phi- losophie, l’esthétique, la musicologie, la psychologie, la théorie musicale ou, plus récemment, les neurosciences (Clarke 2001 : 213). On a souvent estimé que le terme de « mouvement musical » est une métaphore, autrement dit que nous appliquons notre sens du mouvement physique à des séquences tonales, à des phrases mélodiques, des crescendos, qui créent tous temporellement l’illusion du mouvement. Et si le sens du mouvement en musique n’était pas métaphorique, mais perçu et ressenti dans le corps par certains des mêmes systèmes par les- quels nous percevons tout type de mouvement ? Et si ce mouvement, le mouve- ment musical perçu, était fondé sur notre sens de la motricité (self-motion) ? Et si ce sens de la motricité était basé sur notre propre action-dans-le-monde ?

Dans les dernières décennies, un certain nombre de chercheurs, y compris des théoriciens de la musique, des musicologues, des philosophes et des neuros- cientifiques, ont contribué à compliquer notre approche du mouvement musical et, simultanément, à remettre en cause l’idée longtemps défendue qu’en musique, le mouvement est une notion purement métaphorique (voir par exemple Todd 1999 ; Todd et al. 1999 ; Todd & Cody 2000 ; Lakoff & Johnson 1999 ; Clarke 2001 ; Cox 2001 ; Johnsaon & Larson 2003 ; Barucha et al. 2006).

Dans un article important sur le mouvement musical, Eric Clarke (2001) a affirmé que, contrairement à une opinion généralement admise, la notion de mou- vement musical est perceptuelle, et non métaphorique. Quoiqu’il admette que le mouvement musical est virtuel plutôt que réel, Clarke fournit des exemples musi- caux irréfutables dans lesquels nous ressentons soit que quelque chose s’ap- proche de nous, soit que nous nous approchons de quelque chose, par exemple à l’écoute d’un crescendo progressif ; il présente aussi le cas de figures musi- cales qui paraissent être des personnes en mouvement, ou qui nous donnent l’impression que nous bougeons nous-mêmes. Clarke émet la proposition que notre sens du mouvement en musique est fondé sur la même base perceptuelle que le sens du mouvement que nous ressentons lorsque nous voyons quelqu’un d’autre bouger.

J’ai proposé dans cet article que le sens du mouvement et du geste en musique est en réalité un phénomène perceptuel, et que l’information perceptuelle déter- minant le mouvement est, de manière générale, la même que pour la percep- tion du mouvement dans les circonstances quotidiennes. Le mouvement que les auditeurs perçoivent peut en partie provenir des mouvements réels des inter- prètes et des instruments en jeu, […] mais une partie importante du mouve- ment en musique n’est ni réelle, ni métaphorique, mais fictionnelle – de la même manière que la scène représentée dans un tableau. Le sens du mouvement ou de

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la motricité amène l’auditeur à un engagement particulièrement dynamique avec les matériaux musicaux (il ou elle agit parmi eux), et constitue ainsi une partie vitale de la signification musicale. (Clarke 2001 : 228)

Clarke se réfère jusqu’à un certain point aux travaux antérieurs de Neil Todd, qui soupçonnait aussi que le mouvement musical n’était pas métaphorique, mais basé sur des sensations dans notre propre corps, en particulier dans le système de contrôle moteur et ses extensions dans le système musculo-squelettique.

L’essence de la théorie sensorio-motrice est que l’expérience du rythme est arbi- trée par deux représentations complémentaires : une représentation sensorielle des propriétés cinético-rythmiques d’une source externe d’une part, et une repré- sentation motrice du système musculo-squelettique [de l’auditeur] de l’autre. Pour n’importe quel individu en situation d’apprentissage, les systèmes sensoriels s’ac- cordent aux propriétés temporo-cinétiques de l’environnement physique, alors que, dans une situation comparable, le système de contrôle moteur s’accorde aux propriétés dynamiques du système musculo-squelettique. Si les propriétés tem- porelles/dynamiques de la source s’accordent avec le système musculo-squelet- tique, l’image motrice tendra alors à se synchroniser avec la source. (Todd et al.

1999 : 26, cit. in Clarke 2001 : 227)

Une manière possible d’accorder « les propriétés temporelles/dynamiques de la source avec le système musculo-squelettique » peut être à travers les neurones miroirs qui s’activent lorsque nous écoutons de la musique. Simultanément, nous pouvons reproduire mentalement les mouvements des musiciens. « Le mouve- ment que les auditeurs perçoivent peut en partie s’identifier aux mouvements réels des interprètes et des instruments en jeu » ou, plus subtilement, à la réac- tion des neurones miroirs au seul son, et pas seulement à la vision de musiciens chantant et jouant d’instruments.

Le système des neurones miroirs

La découverte du système des neurones miroirs est relativement récente. Les neurones miroirs ont pour la première fois été découverts dans le cerveau de singes (Di Pellegrino et al. 1992 ; Gallese et al. 1996 ; Rizzolatti et al. 1996). Étant donné que le cerveau des singes est semblable à celui des humains, les neu- rones miroirs ont été peu après identifiés dans le cerveau humain (Fadiga et al.

1995 ; Grafton et al. 1996 ; Rizzolatti et al. 1996). Initialement, la recherche était centrée sur l’activité des neurones miroirs humains lorsqu’un individu en observe un autre en train d’agir ou de se comporter d’une certaine manière. Les neurones

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qui étaient activés étaient ceux qui auraient été impliqués si l’individu agissait lui-même. Cela se vérifiait que l’observateur imite ou non l’action observée ; d’où le terme de neurones « miroirs ». Quand nous observons une action, nous « reflé- tons » cette action dans notre cerveau.

Un grand nombre d’études ont montré que l’observation d’actions effectuées par d’autres active chez les humains un réseau complexe formé par les aires occipi- tale, temporale et pariétale, ainsi que par deux aires corticales dont la fonction est fondamentalement ou principalement motrice. Ces deux dernières aires sont la partie rostrale du lobe pariétal inférieur et la partie inférieure du gyrus précentral, plus la partie postérieure du gyrus frontal inférieur. Ces aires forment le cœur du système des neurones miroirs humains. (Rizzolatti & Craighero 2004 : 169) On pense par conjectures que cette faculté serait la source de l’empathie ou de la compassion chez les humains. Nous pouvons littéralement ressentir en quoi consiste ce que quelqu’un d’autre est en train de faire. De dire « je ressens ta douleur » n’est ainsi pas nécessairement une métaphore.

Nous comprenons les sentiments des autres à travers un mécanisme de représen- tation de l’action donnant forme à un contenu émotionnel, de telle sorte que nous fondons notre résonance empathique sur l’expérience de notre corps agissant et les émotions associées à des mouvements spécifiques. (Carr et al. 2002 : 5502) Lorsqu’on parle de neurones miroirs, on se réfère aux neurones se trouvant dans le cortex prémoteur et répondant à la vision ou à l’audition d’une action tout en comprenant son intention. Les neurones miroirs dans le cortex prémoteur consti- tuent la section la plus basse de l’aire 6 de Brodmann (voir Fig. 10)5. Le système des neurones miroirs implique néanmoins un plus grand réseau reliant l’aire 6 de Brodmann à l’aire 44 de Brodmann (gyrus frontal inférieur postérieur) et à l’aire 40 de Brodmann (lobe pariétal inférieur). Il apparaît que ce système repré- sente les actions et les intentions des autres, à travers des modalités (sonore et visuelle), en faisant appel au système moteur corporel de l’individu (Molnar, Sza- kacs & Overy 2006 : 236).

Il a été démontré que, dans le cortex prémoteur du cerveau, les neurones miroirs imitent les actions de ce qui est observé, même si le percepteur demeure immobile. Nous faisons agir dans notre mental ce que nous voyons quelqu’un

5 « Une région de Brodmann est une région du cortex basée sur sa cytoarchitecture, ou l’orga- nisation de ses cellules. Bien que les régions de Brodmann aient été commentées, débattues, raf- finées et intégralement renommées pendant près

d’un siècle, elles demeurent l’organisation cytoar- chitecturale la plus largement connue et la plus fréquemment citée du cortex humain » (Wikipedia : Brodmann area).

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d’autre faire. Lorsque nous voyons quelqu’un jouer de la guitare, d’une certaine manière nous jouons aussi de la guitare. La recherche a aussi démontré que les neurones miroirs devenaient activés en relation avec le son seul (Kohler et al.

2002).

Le système des neurones miroirs nous incite à réfléchir à la dimension physiologique de notre manière de ressentir une émotion profonde lorsque nous écoutons des sons désincarnés. Il clarifie aussi le fait que notre structure et notre fonction émotionnelles corps/esprit sont imbriquées dans l’environnement total dans lequel nous vivons.

Un répertoire personnel de neurones miroirs

Les neurones miroirs dans le cortex prémoteur répondent plus fortement aux actions observées ou entendues que nous avons l’habitude de le faire par nous- mêmes. Les actions que nous n’accomplissons pas ne suscitent pas une réponse aussi forte dans nos neurones miroirs.

Les actions appartenant au répertoire miroir de l’observateur sont reportées sur son système moteur. Les actions qui n’appartiennent pas à ce répertoire n’exci- tent pas le système moteur de l’observateur et sont reconnues essentiellement sur une base visuelle, sans implication motrice. Il est probable que ces deux manières différentes de reconnaître des actions aient des contreparties psycholo- giques différentes. Dans le premier cas, la résonance motrice traduit l’expérience visuelle en une « connaissance personnelle » interne, laquelle n’apparaît pas dans le second cas. (Rizzolatti & Craighero 2004 : 179)

Fig. 10. Aires de Brodmann (pour plus de détails voir http://brodmann.psyblogs.net/).

« Ainsi, selon le mécanisme de simulation mis en œuvre par le système des neurones miroirs, le réseau moteur engagé par quelqu’un qui écoute un chant accompagné de percussions est semblable ou équivalent à celui qui est engagé par le chanteur-percussionniste lui- même ». (Molnar-Szakacs & Overy 2006 : 236)

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Lorsqu’ils écoutent de la musique, les musiciens, en plus de l’activité attendue dans le cortex temporal, développent une activité plus intense que les non-musi- ciens dans le cortex moteur préfrontal, l’espace dévolu aux neurones miroirs dans le cerveau (Ohnishi et al. 2001 ; Haslinger et al. 2005). Une étude (Calvo-Merino et al. (2005) a mesuré l’activité dans le cortex prémoteur (aire 6 de Brodmann), le sulcus intrapariétal gauche (aire 39 de Brodmann), et le sulcus temporal supé- rieur postérieur gauche (aire 22 de Brodmann) d’un groupe de danseurs de ballet professionnels et d’un autre de danseurs de capoeira. Les danseurs expérimentés ont témoigné d’une activité beaucoup plus intense dans les aires du système des neurones miroirs (voir aussi Cross et al. 2006 ; Lahav et al. 2007).

Les recherches ont aussi démontré que les neurones miroirs pouvaient être activés en relation aux seuls sons (Kohler et al 2002). La stimulation des neurones moteurs, lorsqu’on voit ou entend des séquences temporelles, apparaît comme un comportement ancien, avantageux sur le plan évolutionnaire, qui pré- pare à planifier une réponse physique réactive. La perception d’ordres séquentiels nous permet de formuler des attentes spécifiques sur les événements en cours et d’y adapter des réponses motrices séquentielles appropriées.

Bien que cette idée ne repose sur aucune preuve directe, il est possible que ce système (les neurones miroirs) soit le médiateur du comportement imitatif parce qu’il lie directement la perception à l’action. […] cette recherche commence à éclairer la relation complexe entre les systèmes cognitifs-perceptuels, qui analy- sent et représentent le monde extérieur, et les anciens systèmes neuraux évo- lutifs en jeu lorsqu’on accède à la valeur d’un stimulus relatif à la survie et qu’on décide quelle action il convient de prendre . (Zatorre 2005 : 315)

Alors qu’aucune réponse par l’action n’est prévue ni préparée pour l’écoute musicale, notre corps continue à impliquer nos neurones miroirs moteurs en

Fig. 11. Estimations paramétriques de l’influence de l’expertise motrice sur l’observation des actions dans les voxels centraux de régions classiquement identifiées avec le système miroir humain : a) Gyrus précentral gauche / cortex prémoteur gauche (–24 –6 72) ; b) Sillon intrapariétal gauche (–33 –45 54) ; c) Sillon temporal supérieur postérieur (–39 –66 36). Le type de stimulus a des effets minimaux sur les sujets de contrôle. Les barres noires reflètent des estimations paramétriques pour le stimulus du ballet et les barres blanches pour celui de la capoeira.

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réponse à l’audition de séquences temporelles complexes. Notre corps les pré- pare « comme si » nous allions réagir, indépendamment du fait qu’aucune action n’en prendra la place.

Un signal séquentiel attentivement observé peut être un stimulus suffisant pour susciter des activations dans un réseau cérébral étroitement relié à celui qui par- ticipe à des comportements moteurs séquentiels. […] Le résultat qu’une informa- tion séquentielle peut transférer entre les domaines perceptuel et moteur peut impliquer que les représentations séquentielles résident à un niveau de traite- ment antérieur à la sélection de systèmes effecteurs pour exécuter le mouve- ment. […] Les représentations perceptuelles et les représentations motrices d’une information séquentielle sont étroitement interconnectées, pour ne pas dire au moins partiellement réalisées, à l’intérieur des mêmes cortex prémoteur et pariétal. (Schubotz & von Cramon 2002b : 928)

Les neurones miroirs ne sont pas exclusivement activés par un mouvement vu ou entendu. La capacité d’imaginer l’activité associée à un son stimule les neurones miroirs qui seraient impliqués si l’on effectuait l’action produisant le son. Même si nous ne faisons que penser à jouer un passage, nos neurones miroirs moteurs répondent, rendant la répétition mentale possible (Pascual-Leone 2003 : 401 ; Cross et al. 2009).

Neurones miroirs et émotion musicale

Dans un article récent publié dans la revue Social Cognitive and Affective Neu- roscience (2006), le neuroscientifique Istvan Molnar-Szakacs et la psychologue de la musique Katie Overy ont émis l’hypothèse que le système des neurones miroirs humains, dans sa capacité à imiter une action, pourrait être une source importante d’émotions musicales.

Alors que l’avantage évolutionnaire de la faculté musicale est encore en débat, le fait que la musique joue un rôle dans le développement cognitif, dans la régula- tion des émotions et l’interaction sociale est en revanche quasiment établi. Nous faisons la proposition que le système des neurones miroirs humains peut susciter certains de ces effets en liant la perception musicale, la cognition et l’émotion, et cela à travers un mécanisme expérimental plutôt que représentationnel. (Molnar- Szakacs & Overy 2006 : 242)

Leur affirmation est que, depuis les temps les plus anciens, la musique a tou- jours été liée à l’action, qu’elle soit le fait d’un musicien chantant ou jouant d’un

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instrument, ou d’un auditeur battant du pied, claquant des doigts, se balançant ou dansant. En outre, les réactions motrices des auditeurs ou des interprètes à l’écoute d’une musique ne sont pas dépourvues d’émotions. En plus du système des neurones miroirs, du système limbique et des aires inférieures du cerveau mentionnés plus haut, Molnar-Szakacs et Overy incluent dans leur hypothèse l’activité du cortex insulaire antérieur, une structure sous-corticale également impliquée dans l’émotion musicale.

La figure 12 représente schématiquement leur compréhension du lien émotionnel de la musique avec les neurones miroirs.

Conclusion

L’émotion musicale a parfois été considérée comme une émotion « esthétique » (Kant 1961 [1799] ; James 1950 [1890] :468 ; Kivy 1990), ce qui sous-entend qu’elle est distincte des autres types d’émotions. Certaines preuves physiolo- giques semblent appuyer cette hypothèse (Peretz & Gagnon 1999 ; Blood &

Zatorre 2001 ; Sacks 2007 : 289-290). D’autre part, l’implication du système des

Fig. 12. Modèle de l’implication possible du système des neurones miroirs humains dans la représentation de la signification et des réponses affectives à la musique. Un aspect de l’expérience de la musique implique la perception de séquences intentionnelles et hié- rarchiquement organisées d’actes moteurs, avec une information auditive temporellement synchrone. Les caractéristiques auditives du signal musical sont d’abord traitées dans le gyrus temporal supérieur (STG) et combinées avec des caractéristiques structurelles syn- chrones de l’information « mouvement » transmise par le signal musical dans le gyrus tem- poral inférieur postérieur (région 44 de Brodmann) et le cortex prémoteur adjacent. L’insula antérieure forme un conduit neural entre le système des neurones miroirs et le système limbique, permettant à cette information d’être évaluée en relation avec l’état autonome et émotionnel de la personne contribuant à une réponse affective complexe transmise par le système limbique. (Molnar-Szakacs & Overy 2006 : 237)

Traitement du signal

auditif STG

Analyse structurale Système des

neurones miroirs

Conscience émotionnelle

Insula antérieure

Réponse affective complexe Système limbique Co-représentation

d’éléments moteurs séquentiels, intentionnels et organisés hiérarchiquement, avec information auditive

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neurones miroirs et ses liens aux parties du cerveau génératrices d’émotion, de même que ses connections possibles avec les systèmes moteurs réactifs mou- vement/émotion, avantageux sur le plan évolutionnaire, semblent indiquer que l’émotion musicale repose sur de très anciennes racines. Il ne s’agit pas pour autant de nier l’importance du cortex frontal, la partie consciente du cerveau.

Le cortex frontal évalue nos réponses, invoque nos souvenirs et peut utiliser la musique pour manipuler consciemment notre humeur (DeNora 2000) ; tous ces facteurs sont des aspects indéniablement importants de l’appréciation musicale.

L’implication des neurones miroirs, de l’action-dans-le-monde, en relation avec les émotions musicales, et de l’activité préconsciente dans les aires corticales, limbiques et des parties inférieures du cerveau ne met en avant qu’un plus grand sens de l’ancienneté, de la profondeur et de la complexité des émotions musicales.

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