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Comment se déterminent les taux de change?

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- Alternatives Economiques -Hors-série poche n° 46- novembre 2010

L’économie en 30 questions– CHAPITRE V

La mondialisation

Comment se déterminent les taux de change ?

Jusqu’aux années 1970, les échanges de marchandises étaient le princi- pal déterminant de l’offre et de la demande des monnaies, et donc des taux de change. Avec la mondialisation financière, ces derniers résultent surtout des mouvements de capitaux. En théorie, ces mouvements de- vraient suivre les taux d’intérêt, mais d’autres facteurs interviennent.

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La parité des pouvoirs d’achat

En l’absence d’accord international explicite, un Etat peut choisir un régime de changes fixes ou flottants pour sa monnaie. Dans le premier cas, la valeur de la monnaie est liée à un étalon de référence. Près des deux tiers des monnaies sont ainsi liées au dollar, d’autres à l’euro (la zone franc) ou à un ensemble de monnaies. L’Etat peut également choisir de laisser sa monnaie flotter plus ou moins librement, au gré de l’offre et de la demande sur le marché des changes.

Un tiers des monnaies flottent aujourd’hui, dont les trois principales sont le dollar, l’euro et le yen.

Jusqu’à la rupture des accords de Bretton Woods, en 1973, les taux de change étaient fixes et définis par rapport à l’or. Refusant le régime de changes flottants qui leur a succédé, les pays européens lient par la suite leurs monnaies entre elles. Mais, même avec l’union monétaire, les pays de la zone euro restent confrontés à la variation de l’euro par rapport au dollar ou au yen. De quoi dépend cette variation ?

La première réponse est à trouver dans les échanges de biens et de services.

Le taux de change détermine les prix des produits nationaux en monnaie étrangère. On peut donc faire l’hypothèse que le taux de change correct entre deux monnaies assure la parité des pouvoirs d’achat (PPA) des monnaies, en égalisant le prix des biens vendus dans deux pays. Par exemple, si un même ordinateur vaut 1 000 dollars aux Etats-Unis et 1 200 euros en Europe, un taux de change de 1 dollar pour 1,20 euro assure l’égalité des prix des ordinateurs des deux côtés de l’Atlantique. Si le taux de change n’est que de 1 dollar pour 1 euro et que les échanges sont libres, il suffit d’acheter des ordinateurs aux Etats-Unis et de les revendre en Europe pour gagner de l’argent facilement ; jusqu’à ce que le taux de change se modifie et égalise les prix.

Il se peut que le taux de change s’écarte de cette valeur « correcte ». Une monnaie peut être provisoirement surévaluée ou sous-évaluée. Mais les prix intérieurs vont s’adapter progressivement, si bien que le taux de change devrait, à long terme, rester proche de sa valeur PPA. Si ce raisonnement est juste, l’explication des mouvements longs des taux de change réside dans l’évolution des prix dans un pays et à l’étranger.

Si les taux de change varient effectivement en fonction des prix relatifs, des taux de change flottants, librement déterminés sur le marché des changes, sont

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efficaces. En effet, si un pays connaît un déficit extérieur (il achète plus qu’il ne vend), il lui faut acheter des devises étrangères pour payer ses achats. Son taux de change diminue, ce qui rend ses produits moins chers, décourage les importations, stimule les exportations et ramène les échanges à l’équilibre.

Malheureusement, ce beau raisonnement n’est pas vérifié en pratique.

Ainsi, malgré le déficit extérieur persistant des Etats-Unis, le dollar se main- tient face à l’euro ou au yuan. Une explication possible est que les échanges ne sont qu’approximativement libres, alors que la concurrence est imparfaite.

Des écarts de prix peuvent donc subsister longtemps d’un pays à l’autre pour un même produit. La théorie des PPA n’est donc valable qu’approximative- ment et en très longue période, ce qui incite à chercher d’autres raisons des mouvements des taux de change.

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La parité des taux d’intérêt

Le point essentiel est le rôle très important désormais occupé par les opérations financières dans les besoins en devises. 1 500 milliards de dollars s’échangent chaque jour sur le marché des changes, soit l’équivalent de trois mois d’échanges de biens et de services. Certes, ce chiffre spectaculaire a une signification limitée : 1 dollar d’échanges de biens peut entraîner 3 ou

– Le marché des changes est un marché mondial, en temps continu ou presque, puisque les principales devises sont cotées sur les grandes places finan- cières asiatiques, européennes et américaines. Les acteurs sur ce marché sont les banques et les in- termédiaires spécialisés dans l’arbitrage entre de- vises. Chaque taux de change est bilatéral (une monnaie contre une autre), la cohérence des taux entre places et entre monnaies étant assurée par l’action des arbitragistes. Ceux-ci interviennent pour profiter, par exemple, d’un écart de cours entre Londres et Tokyo sur la parité yen/livre. Ce faisant, ils assurent l’unicité des prix.

– Le marché des changes sert à se procurer des devises. Les taux variant, les échanges internationaux sont soumis à un risque de change, c’est-à-dire à la possibilité de perdre de l’argent si le taux de change est moins favorable que celui sur la base duquel les contrats ont été conclus. Ce risque touche le commerce de façon limitée, car la plupart des échanges sont facturés en monnaie locale pour les grands pays développés. Le risque de change est plus important dans le cas d’implantations dans plusieurs pays. Les bilans consolidés (tenant compte des filiales) peuvent être affectés par la variation des taux de change.

– Le risque de change peut faire l’objet d’une couverture, dans la limite de quelques mois. Celle-

ci peut se faire en utilisant les marchés de devises à terme ou les options. Ainsi, un exportateur devant recevoir 100 millions de dollars dans 90 jours peut conclure un contrat par lequel il s’engage à vendre cette somme à cette date à un cours fixé dès aujourd’hui. De la sorte, il sait quelle somme expri- mée en euros il va toucher. Cette couverture, payante, évite le risque d’une dépréciation du dollar d’ici là.

En revanche, au cas où le dollar s’apprécierait, la couverture de change empêche l’exportateur de profiter de la plus-value.

Il peut donc être tenté d’acheter plutôt une option de vente (put), qui lui donne la possibilité de céder ses dollars dans trois mois au cours prévu aujourd’hui, mais sans y être obligé. En cas d’appréciation du dollar, il suffit de ne pas faire jouer l’option et de vendre les dollars au comptant. Compte tenu de cet avantage, une option est plus chère qu’une com- mission de vente à terme.

Les techniques de couverture de change ne sont pas efficaces pour des durées longues, par exemple dans le cas d’investissements directs, car les mar- chés à terme ne fonctionnent que pour des éché- ances assez courtes. On le voit bien, par défaut, avec l’explosion des placements à l’intérieur de la zone euro, depuis que la création de la monnaie unique a fait disparaître le risque de change.

Le marché des changes, mode d’emploi

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4 dollars d’échanges financiers. Mais les mouvements de capitaux sont aussi une réalité autonome : lorsqu’une compagnie d’assurances place de l’argent aux Etats-Unis ou quand Fiat rachète Chrysler, il faut se procurer des dollars, ce qui provoque une demande de cette monnaie. Si, dans le même temps, les Américains investissent moins en Europe, cela pousse le dollar à la hausse. La parité des pouvoirs d’achat a donc perdu une grande partie de sa valeur explicative, même si le calcul des taux de change en PPA demeure utile parce qu’il renseigne sur l’écart entre le taux de change courant et celui qui équilibrerait les prix.

Les mouvements de capitaux désormais libres sont d’abord des placements.

Ceux-ci répondent à deux critères : la rémunération et le risque. Placer son argent dans un pays étranger est intéressant si la rémunération proposée est supérieure à celle qui peut être obtenue dans son pays : la comparaison des taux d’intérêt domestiques et étrangers est essentielle et a longtemps été privilégiée par la théorie.

Il est possible de combiner l’explication par la parité des pouvoirs d’achat avec l’explication par la parité des taux d’intérêt en remarquant que la première est un guide pour le long terme, alors que la seconde joue à court terme. A la fin des années 1970, l’économiste Rudiger Dornbusch a essayé d’articuler les deux explications dans un modèle. Il trouve que le taux de change « surréagit » en cas d’inflation ou de tout autre choc. Cette idée rend compte des mouvements excessifs et désordonnés des taux de change, mais on peut se demander pourquoi les opérateurs, une fois qu’ils ont observé ce mécanisme et compris que la surréaction est provisoire, continuent de réagir de la même façon. Il n’y a en effet aucune raison pour que tout le monde se trompe tout le temps. La thèse de la surréaction n’est donc pas entièrement convaincante.

Evolution du taux de change entre l’euro et le dollar, le yen et la livre, base 100 en janvier 1990

Janv.

1990 Janv.

1995 Janv.

2000 Janv.

2005 11 mai

2010 50

60 70 80 90 100 110 120 130

Euro/dollar

Euro/yen Euro/livre

Source : BCE

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Les anticipations

L’idée que les mouvements de capitaux dépendent principalement des taux d’intérêt doit être aujourd’hui relativisée. En effet, une grande partie des exportations de capitaux consiste en achats d’actions, qu’il s’agisse d’in- vestissements directs à l’étranger (rachats d’entreprises) ou d’investissements de portefeuille (placements). Or ces opérations ne dépendent pas du niveau des taux d’intérêt, mais des perspectives de croissance et de profits.

De plus, en cas de placement à l’étranger, la rémunération obtenue, si elle n’est pas réinvestie sur place, doit être reconvertie en monnaie nationale. Le taux de change entre la monnaie de l’investisseur et celle du pays où il investit peut avoir augmenté entre le moment où il a acheté des devises et le moment où il les revend afin de rapatrier ses capitaux et ses éventuels profits. La com- paraison des taux d’intérêt doit donc tenir compte de l’évolution attendue du taux de change. Par exemple, une obligation d’Etat qui rapporte quelques points d’intérêt de plus peut se révéler être un bien mauvais placement si la monnaie qui lui sert de support voit son taux de change baisser de 20 % ou 30 % en quelques mois, voire en quelques jours, ce qui arrive parfois. Ce mécanisme explique pourquoi les pays dont la monnaie est fragile doivent, pour la défendre, proposer des taux d’intérêt très élevés.

Le problème est que les anticipations de change, qui jouent un rôle impor- tant dans les décisions des agents d’acheter ou de vendre une monnaie, sont très complexes. Les économistes libéraux, supposant que les anticipations des agents sont « rationnelles », affirment parfois que toutes les informations

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disponibles sont correctement prises en compte par les opérateurs et intégrées dans le taux de change. C’est l’hypothèse de marchés efficients. Dans ce cas, la variation des taux de change ne peut venir que d’informations nouvelles.

L’hypothèse d’efficience du marché des changes semble difficile à concilier avec les variations brutales observées en Europe au début des années 1990 ou en Asie quelques années plus tard. Lors de la crise récente, il n’y a pas vraiment eu de crise de changes, juste une baisse du dollar, suivie d’une remontée, tout en restant entre 1,2 et 1,4 dollar par euro. Parce qu’il est dominé par un nombre restreint de professionnels communiquant beaucoup entre eux, le marché des changes a de fortes chances de voir naître des comportements mimétiques de la part des opérateurs, chacun tentant d’anticiper le comportement des autres plutôt que l’évolution économique elle-même.

Ainsi, au gré des modes et des influences, les indicateurs sur lesquels se fondent les opérateurs changent : le déficit des transactions courantes des Etats-Unis est jugé décisif, avant de devenir accessoire (sans que le déficit ne se soit réduit pour autant).

Manifestement, les opérateurs continuent d’anticiper un dollar stable. Ce peut être avec l’idée que les perspectives de croissance de l’économie amé- ricaine demeurent plus favorables que celles de l’Europe. Cependant, le yen demeure fort malgré les perspectives peu enthousiasmantes de la croissance japonaise. Peut-être est-ce alors parce que la Banque centrale européenne n’a pas encore l’autorité et la crédibilité nécessaires.

En fait, la raison de ce comportement a peu d’importance, car il s’agit toujours d’une rationalisation a posteriori. Les variables qui agissent à court terme sur les taux de change ne sont pas toujours les mêmes : il suffit qu’un petit groupe d’opérateurs influents focalise l’attention sur une variable pour créer un effet de contagion. Celle-ci entraîne une apparence de stabilité et de rationalité (le discours « pédagogique » des commentateurs de l’actualité financière paraît toujours rationnel, même s’il se contredit d’une semaine à l’autre), jusqu’au moment où la convention sur laquelle s’accordent les opé- rateurs (par exemple, que le déficit extérieur américain n’a pas d’importance, car il est aisément financé) est remise en cause, en général brutalement.

Cette instabilité est la conséquence obligée de la détermination principa- lement financière des taux de change. Malheureusement, cette volatilité a des effets importants sur la croissance et l’emploi. A. P.

Pour en savoir plus

• Les taux de change, par Dominique Plihon, coll. Repères, éd. La Découverte, 2010.

• Economie des taux de change, par Patrick Artus, éd. Economica, 1997.

• Economie internationale, par Paul Krugman et Maurice Obstfeld, éd. Pearson Education, 2009.

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UGRÉ DES MODES ET INFLUENCES

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LES INDICATEURS SUR LESQUELS SE FONDENT LES OPÉRATEURS CHANGENT

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A QUOI SERT LA BALANCE DES PAIEMENTS ?

La balance des paiements est le document comptable qui retrace, sur une période donnée, l'ensemble des transac- tions entre un pays et le reste du monde. Derrière l'avalanche des chiffres qui le composent, ce compte révèle bien des choses quant au fonctionnement et aux équilibres de l'économie mondiale.

1. Qu'est-ce qu'un déficit des paiements ?

Si une balance des paiements est par définition équilibrée (voir encadré), il est intéressant de se pencher sur les soldes intermédiaires, déficitaires ou excédentaires qui la composent, centrés sur les échanges de biens ou de capitaux.

On peut ainsi s'attacher au solde des transactions courantes, c'est-à-dire les échanges de biens et de services, les transferts de revenus (les bénéfices réalisés à l'étranger par des entreprises françaises et rapatriés en France, notam- ment), les échanges de royalties, etc. (voir encadré). Le solde de cet ensemble joue un rôle important par son impact sur l'emploi. En effet, exporter des biens et des services, c'est aussi exporter du travail, si bien qu'un pays excéden- taire (donc qui exporte plus qu'il n'importe) a de meilleures chances de s'approcher du plein-emploi qu'un pays défi- citaire.

La divergence des soldes des transactions courantes entre 1981 et 2011

Le solde des paiements courants est parfois interprété comme un indicateur de compétitivité du pays. Cette vision des choses est fausse. Pour s'en convaincre, il suffit de noter que le pays le plus puissant et le plus efficace du monde, les Etats-Unis, est aussi l'un des plus déficitaires. En effet, le solde courant dépend des ventes de biens et de services à l'étranger… mais aussi des achats de biens et de services étrangers par les résidents. Un déficit se produit donc si la consommation est forte, quelle que soit l'efficacité de la production locale. Plus précisément, il y a déficit, et la néces- sité de trouver à l'étranger de quoi le financer, lorsque l'investissement domestique dépasse l'épargne domestique.

Un déficit du compte courant ne pose donc pas de problème s'il est compensé par des entrées de capitaux stables pour le financer, comme les investissements directs étrangers. Si ce n'est pas le cas, restent trois solutions plus pro- blématiques. Des emprunts en devises à l'étranger ont l'inconvénient d'endetter le pays. Plus cette dette est élevée et plus ces emprunts seront coûteux et difficiles à obtenir. C'est le schéma des crises d'endettement des pays d'Amé- rique latine au cours des années 1980. Des entrées de capitaux à court terme - investissements de portefeuille ou placements en produits dérivés - ont l'inconvénient de l'instabilité. N'importe quelle crainte sur le niveau du taux de change, des taux d'intérêt ou autre, peut faire fuir ces capitaux. Ce mécanisme est à l'origine de la crise asiatique de 1997.

Si les mouvements de capitaux ne suffisent pas à compenser le déficit courant, celui-ci ne peut alors être financé que par un paiement en devises de la banque centrale. Le risque est l'épuisement des avoirs de réserve, auquel cas le pays est en cessation de paiements. La crise argentine de décembre 2001 est un exemple de cette situation extrême.

C'est surtout l'accumulation de déficits au fil du temps qui pose problème. La position extérieure nette mesure l'écart entre le stock des actifs détenus à l'étranger et celui des engagements des résidents. A un déficit des paiements qui dure correspond donc un endettement croissant à l'égard de l'extérieur, une position parfaitement supportable, mais jusqu'à un certain point seulement.

2. La dynamique des soldes

Les déséquilibres des paiements peuvent se résorber automatiquement par le jeu des prix, en particulier du taux de change et du taux d'intérêt. Ce rééquilibrage se produit d'abord entre les différents postes de la balance des paiements. Le déficit courant, signifiant que l'investissement dépasse l'épargne domestique, entraîne généralement

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une hausse du taux d'intérêt. Celle-ci est de nature à attirer les capitaux étrangers, désireux de bénéficier de cette rémunération plus élevée. Le compte financier devient alors excédentaire, compensant le déficit du compte courant.

Les différents comptes

Conformément aux principes habituels de la comptabilité en partie double, dans une balance des paiements, chaque opération d'un acteur économique français avec l'étranger donne lieu à deux écritures, d'un montant égal mais de signe opposé. Par exemple, si la France achète pour 500 millions d'euros d'iPads, la balance des paiements enre- gistre par convention - 500 d'importations et + 500 de créances sur l'étranger. Au total, les plus et les moins s'annu- lent toujours, mais c'est juste une règle comptable.

Le compte des transactions courantes correspond aux échanges de biens et de services au sens large, les revenus des facteurs de production pouvant être assimilés à des services. On y ajoute les transferts courants, qui sont des opérations unilatérales (versements aux organisations internationales, aide publique au développement).

Le compte de capital, en dépit de son nom, ne retrace pas les flux de capitaux, mais les aides publiques à l'investis- sement et la balance des brevets et licences. En l'ajoutant au compte des transactions courantes, on obtient le compte courant, dont le solde est égal au besoin ou à la capacité de financement de la nation.

Le compte financier comprend toutes les opérations financières et la variation des avoirs de réserve, qui recense les variations des réserves d'or et de devises de la banque centrale et du système bancaire. Ce poste essentiel équilibre le reste des échanges, appelé balance de base.

Les erreurs et omissions traduisent les incertitudes de mesure des échanges. Il peut s'agir de décalages dans le temps. Par exemple un achat est comptabilisé en 2012, mais son règlement n'intervient qu'en 2013, ce qui entraîne un déséquilibre. Il s'agit aussi de lacunes dans l'enregistrement des échanges, lacunes qui s'accroissent avec le dévelop- pement du commerce électronique, et d'incertitudes concernant les taux de change entre monnaies au moment de l'échange. Les paradis fiscaux troublent également le jeu, enregistrant des entrées de capitaux qui ne sont a priori sortis de nulle part…

Il existe, enfin, Le compte de patrimoine, dont le solde constitue la position extérieure nette : c'est la différence entre la valeur des actifs étrangers détenus par les résidents français et la valeur des actifs français détenus par les non-résidents. Elle est exprimée en valeur de marché. Par conséquent, elle varie en fonction des flux d'achat et de vente, mais aussi de l'appréciation ou de la dépréciation des actifs. Longtemps positive, la position extérieure nette de la France est négative depuis 2008.

La balance des paiements de la France en 2011 en milliards d'euros

Le cas des Etats-Unis est particulier : leur déficit courant est compensé sans trop de difficultés par des entrées nettes de capitaux (davantage d'entrées que de sorties), qui tiennent à l'attractivité de leurs marchés financiers, faciles d'accès et liquides (on peut acheter et vendre facilement des produits financiers). Une situation qui se manifeste même en ce moment, où les taux d'intérêt sont très bas outre-Atlantique.

Le rééquilibrage peut aussi intervenir lorsque la balance globale (voir encadré) est en excédent ou en déficit. Prenons le cas d'un excédent. Celui-ci entraîne des entrées de devises dans les coffres de la banque centrale, qui peut les con- vertir en monnaie nationale, si bien que le taux de change monte. De ce fait, les exportations de ce pays deviennent plus coûteuses et diminuent, ramenant les échanges vers l'équilibre. D'autre part, ces entrées de devises accroissent la quantité de monnaie en circulation, ce qui entraîne la hausse des prix et réduit, là aussi, les exportations.

Cependant, un pays en déficit pendant plusieurs années accumule des dettes extérieures, dont il faut payer le service chaque année. Cela pèse sur le solde du compte courant (paiement d'intérêts) et sur le solde du compte financier

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(remboursement du capital). Sa balance globale se dégrade donc du fait des déficits passés. Inversement, un pays excédentaire place ses excédents, ce qui lui rapporte des revenus qui accroissent ses excédents.

La position extérieure nette est également influencée par le taux de change. Par exemple la dévaluation subie par un pays déficitaire augmente la valeur des dettes extérieures, exprimée en monnaie nationale. Les sommes à rembourser chaque année s'accroissent, dégradant encore le solde courant. La diminution du taux de change est donc à double tranchant, puisqu'elle améliore la compétitivité mais accroît la valeur des dettes. Ces conséquences contraires expli- quent la divergence des opinions quant aux effets possibles d'une sortie de la zone euro de pays lourdement défici- taires comme la Grèce, qui se traduirait par une forte baisse du taux de change.

Les Etats-Unis, là encore, sont une exception, car leur dette est libellée dans leur propre monnaie, alors que leurs avoirs sont souvent exprimés en devises étrangères. Par conséquent, la baisse du dollar améliore la position exté- rieure nette des Etats-Unis et leur balance courante.

3. Libéralisation financière et montée des déséquilibres

Les déséquilibres des balances courantes se sont nettement accrus ces dernières décennies, du fait de la globalisation financière qui facilite le financement des déficits, et à cause de l'ouverture croissante des économies.

Elle ne doit pas nécessairement être interprétée comme un phénomène négatif, la possibilité de s'écarter nettement de l'équilibre des échanges avec l'étranger signifiant que la contrainte extérieure pèse moins sur la croissance et que les transferts internationaux d'épargne s'intensifient, ce qui peut améliorer l'allocation des ressources. Cependant, les déséquilibres ne sont pas du sens attendu. Logiquement, les pays émergents, qui présentent des opportunités de croissance plus fortes, devraient s'endetter et faire financer leur croissance par les pays riches. Mais on observe le contraire : le Sud finance le Nord. Ce "paradoxe de Lucas" s'est même renforcé ces dernières années.

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Certes, les pays émergents reçoivent d'importants investissements directs étrangers (IDE) : 358 milliards de dollars nets en 2011, concentrés sur les pays les plus dynamiques. Mais leur compte financier est déficitaire, ce qui indique des sorties de capitaux. Au total, la balance globale des pays en développement est excédentaire de 300 milliards de dollars au début des années 2000 et de 1 000 milliards de dollars par an actuellement. Les pays riches sont débiteurs des pays pauvres et émergents !

De fait, l'Europe occidentale et surtout l'Amérique du Nord connaissent un déficit courant important. Déficit améri- cain et excédent chinois sont en effet liés : pour éviter que leur excédent courant fasse monter le taux de change du yuan et baisser la compétitivité des produits chinois, la Banque centrale de Chine achète des dollars pour placer une partie des réserves chinoises aux Etats-Unis. De ce fait, les taux d'intérêt restent bas aux Etats-Unis… ce qui pousse les ménages et l'Etat américains à dépenser davantage plutôt que d'épargner.

L'explication du paradoxe de Lucas réside dans l'incapacité des pays émergents tels que la Chine à enclencher une dynamique de consommation, en mettant en place les conditions d'un développement de la demande intérieure (cré- dit à la consommation, négociation centralisée des salaires, protection sociale). Le déficit courant des Etats-Unis, souvent stigmatisé, est donc aujourd'hui une condition de la croissance mondiale. Sa réduction depuis la crise de 2008 est d'ailleurs en partie à l'origine du ralentissement de la croissance chinoise.

Enfin, les déséquilibres internes à la zone euro sont liés à la situation particulière que crée une monnaie unique. Un pays de la zone peut voir sa compétitivité et sa balance des paiements se dégrader sans qu'une baisse du taux de change vienne rééquilibrer les échanges. Les déséquilibres tendent donc à se creuser, entraînant des sorties de capi- taux. Lorsque la qualité de la signature des pays déficitaires commence à être mise en doute, cette fuite de capitaux s'accélère. Les banques des pays de la périphérie ne parviennent plus à se refinancer et cessent de prêter, aggravant les difficultés économiques. Ces déséquilibres croissants sont évidemment source d'inquiétude. Dans la zone euro, comme au niveau mondial, il importe donc que les pays excédentaires, qui sont aussi à l'origine de ces déséquilibres, réorientent leur croissance en faveur de la consommation intérieure.

Arnaud Parienty – Alternatives Économiques – Décembre 2012

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L

E RÉGIME de change optimal pour un pays donné a toujours été un sujet de débat entre les experts en économie internationale, qu’ils appartiennent aux milieux universitaires ou politiques. Depuis l’effon- drement du système de Bretton Woods au début des années 70 et l’adoption du deuxième amendement aux statuts du FMI, les pays membres sont libres d’adopter le régime de change de leur choix.

N’étant plus obligés d’arrimer leur monnaie dans un système surveillé par le FMI, les pays doivent déterminer le régime de change (fixe, flottant ou intermédiaire) le mieux adapté à leurs besoins sur la base de critères solides. En 1999, 2003 et 2009, le FMI a préparé trois grandes études analytiques sur les régimes choisis par les pays (Mussa et al., 2000; Rogoff et al., 2004;

Ghosh, Ostry, and Tsangarides, à paraître) qui s’inspirent des ouvrages empiriques publiés sur le sujet tant par l’institution qu’à l’extérieur (Ghosh et al., 1997; Ghosh, Gulde, and Wolf, 2002; Levy-Yeyati and Sturzenegger, 2003; Reinhart and Rogoff, 2004). Ces études, qui font partie de la mission de surveillance du FMI, indiquent aux membres comment leur régime de change peut influer sur leurs résultats macroéconomiques (inflation, croissance et vulnérabilité aux crises) et contribuer à la stabilité du système monétaire international.

Un débat jamais tranché

En pratique, le régime de change optimal, surtout pour les économies de marché en développement ou émergentes, a beaucoup évolué ces vingt dernières années. Il était très courant au début des années 90 de fixer le taux de change par rapport à une monnaie forte (souvent le dollar ou le deutsche mark), surtout dans les pays qui passaient d’une économie dirigée à une économie de marché qu’ils s’efforçaient de stabiliser une fois les prix libérés. Cependant, une série de crises du compte de capital s’est déclenchée au cours des années 90 dans les pays

émergents où des inversions brutales des entrées de capitaux ont provoqué un effondrement de la monnaie et fait ressortir la fragilité des régimes fixes.

L’opinion courante lors de l’étude de 1999 était que les ancrages simples étaient trop vulnérables aux crises et que les pays devaient adopter soit un ancrage fixe (union monétaire ou caisse de com- pensation, par exemple), soit, à l’autre extrémité de l’éventail, un régime de flottement libre dans lequel le marché détermine la valeur de la monnaie sans intervention de l’État.

Ce qu’il est convenu d’appeler la solution bipolaire, qui était surtout destinée aux pays émergents ou en développement, était aussi très souvent choisie par les pays avancés qui, pour beaucoup, s’orientaient vers un ancrage fixe sous la forme d’une union monétaire, comme la zone euro, alors que d’autres pratiquaient le flottement libre. En fait, les pays de la zone euro appliquent les deux solutions, l’euro flottant par rapport aux tierces monnaies.

La solution bipolaire s’est révélée de courte durée dans les pays émergents. L’effondrement en 2002 de la caisse d’émission argentine (qui liait l’émission des pesos au dollar) a jeté le doute sur le régime d’ancrage fixe.

La peur du flottement

Pour l’étude de 2003, le FMI a utilisé un classement de fait des régimes de change fondé sur le comportement effectif du taux de change, et non sur les engagements formels, ou de droit, pris par la banque centrale. On a alors constaté que les régimes de parité fixe n’étaient guère avantageux pour les pays émergents sur le double plan de l’inflation et de la croissance.

La probabilité d’une crise monétaire ou financière paraissant plus grande dans les pays dotés d’un tel régime, l’étude a conclu que les économies émergentes, ou développées à mesure que leur intégration financière est de plus en plus poussée, devaient laisser leur taux de change flotter librement.

38 Finances & Développement Décembre 2009

Le choix

du régime de change

Nouveau regard sur une vieille question : faut-il choisir un régime fixe ou flottant ou une solution intermédiaire?

Atish R. Ghosh et Jonathan D. Ostry

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En pratique toutefois, peu de banques centrales souhaitaient (ou souhaitent encore) avoir une attitude aussi passive, car elles ne sont pas indifférentes à la valeur de leur monnaie. Lorsque cette valeur diminue, les autorités redoutent l’inflation importée et les effets d’une dépréciation du taux de change sur le bilan des emprunteurs en devises qui constatent subitement une hausse du coût du service de la dette. Par ailleurs, lorsque la valeur de la monnaie augmente, la compétitivité des exportations recule.

Cette peur du flottement, comme on l’a appelée, est surtout répandue dans les pays émergents ou en développement pour qui une forte appréciation ou dépréciation du taux de change (soit, en termes plus généraux, l’instabilité de la monnaie) peut être particulièrement néfaste. Il convient aussi de souligner que, parmi les pays avancés, les membres de la zone euro évitent cette instabilité en défendant, en tant qu’union monétaire, un taux de change irrévocablement fixe par rapport aux pays avec lesquels ils ont les liens économiques, commerciaux par exemple, les plus étroits.

En somme, la solution bipolaire rejetait les régimes inter- médiaires (notamment les ancrages simples) et l’effondrement de la caisse d’émission argentine a éliminé l’ancrage fixe; en pratique, peu de pays sont prêts à adopter le flottement libre.

Quel régime faut-il alors choisir? À l’évidence, le moment est venu d’aborder cette question avec un œil nouveau.

Régimes de jure et de facto

L’étude sur les régimes de change qui vient d’être faite à partir d’une série de données sur les membres du FMI pour la période 1980–2006 est la plus complète jamais réalisée. Elle aborde les effets des régimes sur une panoplie de variables (politiques monétaire et budgétaire, inflation, croissance et instabilité de la production, commerce et flux de capitaux transfrontaliers, vulnérabilité aux crises et ajustement extérieur) plus vaste que par le passé et elle est aussi la première à utiliser les classements de jure et de facto des régimes de change.

En conséquence, le message sur les avantages relatifs des divers régimes de change est plus nuancé que dans les précé- dentes études.

Résultats en matière d’inflation

Il est largement démontré que les régimes de parité fixe vont de pair avec de meilleurs résultats en matière d’inflation dans les pays en développement ou émergents, sauf dans ceux où le taux fixé est sous-évalué et dont les autorités ne peuvent neutraliser la croissance excessive de la monnaie provoquée par des excédents courants persistants et une accumulation parallèle de réserves. Ces pays (une petite minorité selon les données du FMI) ne tirent aucun avantage de l’ancrage fixe sur le plan de l’inflation.

Ce bilan en matière d’inflation ne concorde pas, semble- t-il, avec les conclusions de l’étude de 2003 dans le cas des pays émergents pour la simple raison qu’en 2009, on a utilisé les classifications de droit et de fait des régimes de change, alors qu’en 2003, on ne s’appuyait que sur la classification de fait. Les avantages en termes d’inflation tiennent pour beaucoup à la crédibilité de l’engagement formel pris par la banque centrale de défendre la parité (et pas seulement à ses interventions de

fait sur le marché des changes ou au comportement du taux de change). En réalité, lorsqu’elle prend un tel engagement, la banque centrale tient presque toujours parole. Par contre, un régime de parité fixe dépourvu d’un engagement de droit est beaucoup plus courant, mais ne confère pas les mêmes avantages en ce qui concerne l’ancrage des anticipations inflationnistes et la lutte contre l’inflation. En utilisant les classifications de droit et de fait, l’étude de 2009 a pu, contrairement à celles qui l’ont précédée, faire de telles constatations difficiles à saisir.

Comportement de la croissance

La croissance est plus forte dans le cas des régimes de change inter- médiaires, c’est-à-dire ceux dans lesquels les taux de change sont relativement rigides, sans pour autant être fixés formellement par rapport à une seule monnaie. Cela tient essentiellement à ce que ces régimes représentent un compromis heureux entre l’ancrage fixe et le flottement libre. Avec les régimes rigides, l’inflation est plus faible, l’instabilité du taux de change nomi- nal et réel moins forte et l’ouverture commerciale plus large, autant de facteurs qui favorisent la croissance; par contre, le taux de change risque davantage d’être surévalué, ce qui freine la compétitivité et nuit à la croissance.

Les taux de change flottants risquent moins d’être surévalués que dans les régimes fixes, mais ils ne peuvent ni freiner l’inflation, ni réduire l’instabilité, ni favoriser l’intégration commerciale.

Entre ces extrêmes, les régimes intermédiaires constituent le meilleur compromis avec une croissance de la production par habitant supérieure (de près d’un demi point de pourcentage par an), une fois pris en compte les autres facteurs qui influent sur la croissance. Les régimes fixes favorisent plus la croissance que les régimes de flottement, mais seulement s’ils peuvent éviter une surévaluation du taux de change réel et une perte de compétitivité.

Relations commerciales

Nul n’ignore que les membres des unions monétaires entre- tiennent des liens commerciaux plus étroits. Selon l’étude de 2009 toutefois, les avantages en termes d’intégration commerciale sont analogues à ceux que procurent les ancrages simples (et même, dans une moindre mesure, les régimes intermédiaires).

L’étude constate aussi que, sauf en période de crise, les flux de capitaux correspondent en général davantage à la consomma- tion lissée dans le cas des régimes intermédiaires ou fixes que dans ceux de flottement. Si cette dernière constatation est plus vague, cela tient, entre autres, à ce que la moindre volatilité du taux de change réel dans les régimes davantage rigides favorise plus les formes «stables» de flux de capitaux, comme l’investis- sement direct étranger, que les flux de capitaux spéculatifs de portefeuille. En réalité, la motivation économique des taux de change fixes et, au bout du compte, de l’union monétaire en Europe a été de promouvoir le développement des échanges et l’investissement transfrontalier.

Quelques inconvénients

Rien n’est parfait, cela va de soi. L’étude a constaté que les régimes plus rigides (intermédiaires ou fixes) présentent trois inconvénients majeurs.

Finances & Développement Décembre 2009 39

(12)

Premièrement, ces régimes (surtout s’ils sont fixes) limitent fortement le recours à d’autres politiques macroéconomiques.

L’«impossible trinité» consistant à maintenir simultanément un taux de change fixe, un compte de capital ouvert et une politique monétaire indépendante est bien connue. Il est frappant de constater dans l’étude que cette contrainte semble continuer d’opérer, même dans les pays dont le compte de capital est moins ouvert et qui stérilisent massivement les flux de réserves dans le cadre d’un ancrage fixe. On constate en

outre que le recours à des mesures budgétaires anticycliques (baisses d’impôts et hausses des dépenses publiques pour contrer un ralentissement de l’activité, et inversement) est aussi très limité dans les régimes de parité fixe, sans doute parce que les flux de capitaux suivent la conjoncture dans la plupart des pays émergents ou en développement. Il est plus difficile pour les pays dotés d’un régime fixe d’appliquer une politique budgétaire de relance dans une phase de ralentisse- ment, car elle risque d’entraîner une perte de confiance et de déclencher de nouvelles sorties de capitaux, menaçant ainsi la viabilité de la parité. Les régimes fixes amènent la banque centrale à prendre des engagements permettant d’ancrer les anticipations grâce à la discipline qu’ils imposent aux déci- sions des autorités, mais ils limitent le potentiel de réaction aux chocs macroéconomiques.

Deuxièmement, selon les études de 1999 et de 2003, les régimes fixes (ou intermédiaires) s’accompagnent d’un risque plus grand de crise monétaire ou financière (crise bancaire ou de la dette ou arrêt brutal des entrées de capitaux), ce que confirme l’étude la plus récente, surtout dans le cas des pays émergents ou en développement dont le compte de capital est plus ouvert. Cette dernière étude constate en outre que des périodes d’envolée du crédit, même si elles se terminent par une crise, peuvent aussi survenir avec les régimes de flottement et note l’absence de lien entre le risque d’une crise de la croissance (ralentissement sensible pour quelque raison que ce soit) et le régime de change. Le risque de crise est donc d’autant plus grave que le régime de change est rigide, mais les pays dont le taux de change flotte ne sont pas complètement épargnés, comme le montre la crise mondiale actuelle dont l’épicentre se situe dans les pays dotés d’un tel régime.

Troisièmement, les régimes intermédiaires ou fixes em- pêchent un ajustement externe en temps voulu. Les déficits sont d’autant plus élevés et se produisent d’autant plus bru- talement que les régimes sont rigides et, le taux de change

réel ne s’ajustant pas, leurs répercussions sur la production et l’activité sont plus sensibles. Quant aux excédents, ils sont importants et pérennes dans les pays dotés de tels régimes et, s’ils sont globalement assez élevés, ils peuvent influer sur la stabilité du système monétaire international.

Conclusion

Contrairement à celles qui l’ont précédée, l’étude la plus ré- cente constate que les divers régimes de change s’accompagnent d’importants avantages et inconvénients. Les régimes plus rigides permettent d’ancrer les anticipations inflationnistes, soutiennent la croissance de la production et favorisent l’in- tégration économique, mais limitent le recours aux politiques macroéconomiques, accroissent la vulnérabilité aux crises et freinent l’ajustement extérieur. L’expérience récente des pays émergents d’Europe illustre ce qui précède. Dans nombre de pays dotés de régimes moins souples, la croissance a été forte dans les années qui ont précédé l’actuelle crise, mais de graves déséquilibres extérieurs ont été accumulés, ce qui a accru leur vulnérabilité à un ajustement brutal et pertur- bateur et limité la possibilité de recourir à des politiques macroéconomiques anticycliques.

Fondamentalement, l’étude de 2009 devrait :

• rééquilibrer le débat sur le choix du régime de change optimal,

• permettre au FMI de tenir davantage compte de la situa- tion des pays dans les conseils qu’il leur donne,

• fournir aux 186 pays membres une masse d’informations et de résultats empiriques qui les aidera à choisir en connais- sance de cause le meilleur régime de change.

Atish R. Ghosh et Jonathan D. Ostry sont, respectivement, Chef de la Division questions systémiques et Directeur adjoint du Département des études du FMI.

Bibliographie :

Ghosh, Atish R., Anne-Marie Gulde, Jonathan D. Ostry, and Holger Wolf, 1997, «Does the Nominal Exchange Rate Regime Matter?», NBER WorkingPaper 5874 (Cambridge, Massachusetts: National Bureau of Economic Research).

Ghosh, Atish R., Anne-Marie Gulde, and Holger Wolf, 2002, Exchange Rate Regimes : Choices and Consequences, (Cambridge, Massachusetts: MIT Press).

Ghosh, Atish R., Jonathan D. Ostry, and Charalambos Tsangarides, à paraître, Toward a Stable System of Exchange Rates, IMF Occasio- nal Paper (Washington: International Monetary Fund).

Levy-Yeyati, Eduardo, and Federico Sturzenegger, 2003, «To Float or to Fix: Evidence on the Impact of Exchange Rate Regimes», American Economic Review, Vol. 93, No. 4, p. 1173–93.

Mussa, Michael, Paul Masson, Alexander Swoboda, Esteban Jadresic, Paolo Mauro, and Andrew Berg, 2000, Exchange Rate Regimes in an Increasingly Integrated World Economy, IMF Occasional Paper 193, (Washington: International Monetary Fund).

Reinhart, Carmen, and Kenneth Rogoff, 2004, «The Modern History of Exchange Rate Arrangements: A Reinterpretation», The Quarterly Journal of Economics, Vol. 19, No. 1, p. 1–48.

Rogoff, Kenneth, Aasim Husain, Ashoka Mody, Robin Brooks, and Nienke Oomes, 2004, Evolution and Performance of Exchange Rate Regimes, IMF Occasional Paper 229 (Washington: International Monetary Fund).

«Le risque de crise est d’autant plus grave que le régime de change est rigide. Toutefois, les pays dont le taux de change flotte ne sont pas complètement épargnés.»

40 Finances & Développement Décembre 2009

(13)

1844‐2009
:
un
cycle
monétaire
est
clos


Le
Bank
Charter
Act
anglais
de
1844,
en
organisant
la
convertibilité
de
la
livre
en
or,
a
initié
les
méca‐

nismes
monétaires
contemporains.
Cette
loi
a
aussi
permis
à
la
monnaie
britannique
de
devenir
la
devise
 de
la
révolution
industrielle,
c'est‐à‐dire
d'être
reconnue
internationalement,
de
servir
de
référence
pour
 la
fixation
des
prix
mondiaux,
et
de
moyen
de
transaction
lors
des
échanges.


Mais
le
cycle
amorcé
en
1844
a
trouvé
dans
la
crise
actuelle
comme
un
aboutissement.
En
effet,
le
monde
 a
épuisé
durant
ce
siècle
et
demi
toutes
les
combinaisons
offertes
par
ce
que
l'économiste
améri‐

cain
Robert
Mundell
a
nommé
"
le
triangle
des
incompatibilités
".
Selon
ce
triangle,
le
mode
d'organi‐

sation
de
tout
système
monétaire
international
dépend
de
l'équilibre
entre
trois
facteurs
susceptibles
de
 s'opposer
:
la
liberté
de
circulation
des
capitaux,
l'autonomie
de
la
politique
monétaire
et
l'existence
d'une
 grille
stable
de
parités.


Un
système
monétaire
peut
ainsi
associer
des
changes
fixes
à
la
liberté
de
circulation
des
capitaux.


Mais
chaque
pays
perd
alors
l'autonomie
de
sa
politique
monétaire,
et
doit
avoir
la
même
inflation
que
ses
 partenaires.
L'archétype
en
est
l'étalon‐or,
qui
caractérisa
la
domination
anglaise
de
l'économie.
A
 l'époque,
un
pays
en
inflation
est
vite
condamné
au
déficit
extérieur.
Il
est
alors
obligé
de
se
dessaisir
 d'une
partie
de
son
or,
ce
qui
contracte
sa
masse
monétaire
et
conduit
à
la
déflation.
La
Grande‐Bretagne
 promut
ces
règles,
s'imposa
et
imposa
aux
autres
d'accepter
la
déflation.
Ce
système
a
réellement
vécu
 jusqu'en
1913
et
a
officiellement
survécu
jusqu'en
1976,
quand
Londres,
n'ayant
plus
d'or
à
mettre
en
 regard
des
"
sterling
"
détenues
par
les
banques
centrales
étrangères,
alla
quémander
des
dollars
au
Fonds
 monétaire
international
(FMI)
pour
aider
à
leur
rachat.
Ce
drame
symbolique
acheva
d'éliminer
l'or.


Entre‐temps,
la
Société
des
nations
(l'ancêtre
de
l'ONU)
avait
demandé,
au
début
des
années
1920,
à
 l'économiste
suédois
Gustav
Cassel
un
rapport
sur
le
système
monétaire
international.
Ses
conclusions,
 adoptées
au
sommet
de
Gênes
de
1923,
suggéraient
de
garder
des
changes
fixes,
mais
ajustables
selon
 les
parités
des
pouvoirs
d'achat,
et
de
rendre
à
chaque
banque
centrale
la
liberté
de
sa
politique
 monétaire.
La
logique
du
triangle
des
incompatibilités
conduisit
à
un
deuxième
type
d'équilibre,
 dont
la
liberté
de
circulation
des
capitaux,
cette
fois,
fit
les
frais.
On
eut
beau
condamner
les
contrôles
 des
changes,
ils
étaient
devenus
incontournables,
au
point
de
devenir
une
entrave
à
la
croissance
mon‐

diale.


En
1976,
les
Etats‐Unis
ont
choisi
la
troisième
combinaison
du
triangle
de
Mundell,
celle
des
 changes
flottants
axés
sur
le
dollar.
Elle
apporte
la
liberté
de
circulation
des
capitaux
et
l'autonomie
de
 sa
politique
monétaire
à
chaque
Etat
‐
les
banques
centrales
ne
sont
plus
tenues
par
l'or
et
ses
règles,
par
 les
changes
fixes
et
par
les
menaces
de
dévaluation.
Seule
l'inflation
les
préoccupe
et
elle‐même
a
ten‐

dance
à
disparaître
car
tout
déséquilibre
offre/demande
se
résout
de
plus
en
plus
par
du
déficit
extérieur.


Mais
cette
pratique
du
déficit
est
déséquilibrée,
car
elle
est
indolore
pour
ceux
qui
émettent
les
dollars,
 mais
elle
assassine
les
autres.


Le
travers
ultime
de
ce
système
américain
est
la
dette
contractée
pour
financer
les
déficits
extérieurs,
tout
 comme
la
déflation
était
celui
du
système
anglais.
La
guerre
de
1914
a
tué
l'étalon‐or,
la
mondialisa‐

tion
de
1960
a
imposé
la
fin
des
contrôles
des
changes,
la
crise
de
2009
stigmatise
les
changes
flot‐

tants.
Un
cycle
se
clôt,
et
la
guerre
monétaire
a
commencé.
Prenant
leurs
désirs
pour
des
réalités,
les
 Américains
proclament
la
fin
de
l'euro.
Simultanément,
Berlin
prépare
ses
partenaires
à
admettre
que,
si
 Helmut
Kohl
disait
avoir
donné
la
Bundesbank
à
l'Europe,
c'est
en
fait
François
Mitterrand
qui
a
confié
 l'Europe
à
la
Bundesbank.
Et
comme
Chinois
et
Japonais
ne
resteront
pas
passifs,
un
cadre
monétaire
mul‐

tipolaire
va
tenter
de
se
mettre
en
place,
à
la
recherche
d'un
barycentre
du
triangle
de
Mundell
qui
reste
à
 inventer.


Jean‐Marc
Daniel
–
Le
Monde
–
10
novembre
2009


(14)

Un nouveau Bretton Woods?

James M. Boughton

Le britannique John M. Keynes (au centre) a été un des architectes de la Conférence monétaire et financière internationale des Nations Unies en 1944.

44 Finances & Développement Mars 2009

L’Histoire nous montre que la réforme du système monétaire international requiert une volonté politique et une large participation

L

ORSQUE le Président Sarkozy et le Premier ministre Gordon Brown ont souhaité un nouveau Bretton Woods en octobre 2008, ils se référaient au succès de la Conférence monétaire et finan- cière internationale organisée dans le New Hampshire en juillet 1944. Ils envisageaient qu’un nouvel accord multilatéral stabilise les finances internationales au XXIe siècle comme la conférence de 1944, qui a créé le Fonds mo- nétaire international et la Banque mondiale, a stabilisé les relations financières entre pays membres dans la seconde moitié du XXe siècle.

Le Sommet qui a réuni des dirigeants mondiaux à Washington en novembre 2008 a amorcé un processus qui pourrait conduire à un tel accord. Que faudrait-il pour aboutir, et quels types d’impulsion ou d’engagement seraient nécessaires? L’Histoire nous offre des leçons utiles à cet égard.

À plusieurs reprises au cours du XXe siècle, les responsables politiques des grands pays ont cherché à conclure un accord international sur l’architecture économique et financière mondiale. Beaucoup de ces efforts ont échoué, à l’exception majeure de Bretton Woods. Le constat qui s’impose est que, pour réussir, toute réforme engagée en réponse à une crise doit remplir trois conditions : une impulsion efficace et légitime, alliée à la plus grande par- ticipation possible; des objectifs bien définis et largement partagés; une feuille de route réaliste pour atteindre ces objectifs.

Paris, 1918–19

La conférence de la paix organisée à Paris en 1918–19, après la Première Guerre mondiale, est un bon point de départ pour une réflexion sur ces efforts. Bien que son principal but ait été politique — redessiner les frontières et formuler des principes visant à éviter un nouveau conflit — le rétablissement du libre- échange commercial et financier figurait en bonne place à son ordre du jour. Le Président américain Woodrow Wilson avait montré la voie en énonçant ses «Quatorze points», toutes les puissances victorieuses étaient représentées et, si seuls les grands pays ont eu un réel impact sur les discussions, l’inclusion des autres alliés donnait une légitimité au processus.

L’objectif économique — libérer les échanges commerciaux et financiers — était largement partagé, mais il n’y a pas eu d’accord sur la façon de l’atteindre, car ce n’était pas la priorité de la conférence. Les divergences sur la réparation des dommages de guerre, les modalités pra- tiques du retour à l’étalon-or ou la nécessité de créer une institution mondiale investie de pouvoirs de contrôle ont empêché un accord- cadre. Le Congrès américain n’a pas ratifié la participation des États-Unis à la nouvelle institution mondiale (la Société des Nations, SDN). Une conférence de suivi a bien créé une section économique et financière au sein de la SDN en 1920, mais en la dotant de fonctions et de compétences limitées. Ces carences ont été pour beaucoup dans les années d’autarcie,

(15)

Finances & Développement Mars 2009 45

d’instabilité des relations financières internationales et de récession qui ont suivi.

Londres, 1933

La tentative la plus ambitieuse de l’entre-deux guerres a été la Conférence monétaire et économique mondiale tenue sous les auspices de la SDN, après deux réunions relativement réussies

— la première à Gênes en 1922, qui a rétabli l’étalon-or pour un groupe de pays principalement européens, la seconde à Rome en 1930, qui a créé la Banque des règlements internationaux. La conférence de Londres de 1933 a cherché à rétablir des parités fixes entre davantage de monnaies. Comme pour la SDN, son échec est dû surtout au manque de soutien des États-Unis. Ces derniers ont certes signé un pacte de stabilisation (l’Accord tripartite) avec la France et le Royaume-Uni trois ans plus tard, mais cet accord visait d’abord à prévenir une possible dévaluation concurrentielle du franc et, s’il a réussi sur ce plan, il manquait néanmoins d’une structure institutionnelle et de mesures coercitives efficaces. Il n’a donc pas vraiment empêché l’apparition de différends similaires par la suite.

Bretton Woods, 1944

Durant la Seconde Guerre mondiale, les services du Trésor britannique et américain ont essayé de dépasser les initiatives isolées de l’entre-deux-guerres et leurs faiblesses en imaginant les institutions financières multilatérales du futur. Dès le milieu de 1942, le Britannique John Maynard Keynes et l’américain Harry Dexter White avaient chacun leur avant-projet et échan- geaient des idées en vue d’arrêter une proposition commune avant la fin du conflit. Les travaux préparatoires à la conférence de Bretton Woods ont véritablement commencé au milieu de 1943. Keynes souhaitait que la participation se limite à quelques pays et que le Royaume-Uni et les États-Unis soient les «pères fondateurs» des institutions proposées. Cette fois, ce sont les États-Unis qui ont eu les idées les plus larges. White a insisté pour que les 45 pays alliés soient invités et participent aux séances de travail et aux décisions clés. Les représentants de 18 pays se sont réunis à Washington, en juin 1943, pour faire des suggestions, et une conférence préparatoire réunissant 17 nations s’est tenue à Atlantic City, New Jersey, en juin 1944.

Quelques semaines plus tard, les 45 délégations se retrouvaient à Bretton Woods.

Le remarquable succès de Bretton Woods est dû aux cir- constances extraordinaires dans lesquelles la conférence s’est déroulée et aux soins qui ont entouré sa préparation. Toutes les craintes des pays participants au sujet des menaces que les pouvoirs conférés au FMI et à la Banque mondiale faisaient peser sur leur souveraineté ont été désamorcées par le double traumatisme de la dépression et de la guerre. La volonté amé- ricaine d’accueillir cette réunion, de jouer un rôle majeur dans la conception du FMI, de s’engager à être le principal créancier et de répondre aux besoins des autres pays (en acceptant, par exemple, la clause de «monnaie rare» et les conditions qu’elle imposait au pays créancier dominant) est à la base du succès de Bretton Woods. Les 28 mois de collaboration entre Keynes et White ont permis de réviser amplement les projets initiaux, non seulement pour répondre aux vœux des deux protago-

nistes, mais en vue d’aboutir aussi à un projet plus attrayant pour les autres pays. L’accord unanime sur les Statuts est le fruit de l’élaboration méthodique d’un plan réaliste, de la forte impulsion donnée par les deux puissances prédominantes, de la légitimité du processus participatif suivi et de l’impact d’une crise majeure sur la volonté politique d’agir.

Les architectes de Bretton Woods entendaient créer trois institutions multilatérales, pas deux. Le projet d’organisation internationale du commerce s’étant révélé trop conflictuel, il a été ajourné jusqu’à la fin de la guerre, ce qui a failli lui être fatal. L’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, solution de rechange plus modeste, a été créé par un groupe de pays en 1948, et ce n’est qu’en 1994 que l’Organisation mondiale du commerce a vu le jour.

La fin du régime des taux fixes, 1971–73

Les pressions intenses qui se sont exercées sur les taux de change dans les années 60 et la fin officielle de la convertibilité du dollar en or en 1971 ont rendu manifeste la nécessité d’un nouvel ordre monétaire. Le Directeur général du FMI, Pierre-Paul Schweitzer, a proposé un réalignement des taux de change des principales monnaies incluant la dévaluation du dollar. Les grands pays industrialisés étaient divisés sur le sujet, et les pays en déve- loppement refusaient d’être tenus à l’écart des discussions. Le Groupe des Dix (G-10) (Allemagne, Belgique, Canada, États- Unis, France, Italie, Japon, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède) a pris l’initiative, s’accordant sur les réalignements monétaires en décembre 1971 lors d’une réunion à la Smithsonian Institu- tion de Washington. Mais l’accord conclu a très vite été mis à l’épreuve, et l’attention s’est reportée à nouveau sur le FMI. Bien que le G-10 n’ait pas pu trouver lui-même une solution, il est convenu de créer un Comité des 20 (C-20), organe ministériel consultatif qui représentait alors les 20 pays et groupes de pays siégeant au Conseil d’administration du FMI.

Le C-20 avait l’avantage de disposer d’un cadre institutionnel et d’un secrétariat préexistants, ainsi que du soutien politique des pays industrialisés et des pays en développement, mais il n’avait pas de plan réaliste pour rétablir la stabilité du système

Délégués à une réunion du Groupe des Dix sur la crise du dollar en 1971.

Un nouveau Bretton Woods?

(16)

de paiements. Les positions française et américaine sur la stabilité des changes — les premiers souhaitant un retour aux parités fixes, les seconds préférant que le marché détermine les taux — étaient trop éloignées pour permettre un consensus.

Deux ans plus tard, l’objectif de stabilité des taux de change était abandonné et le FMI recevait pour mission d’exercer une «ferme surveillance», bilatérale et multilatérale, sur ce qui était censé devenir un système stable. Ce mandat a été finalement inscrit dans le second amendement aux Statuts du FMI en 1978.

Les chocs pétroliers des années 70

Le Secrétaire d’État Henry Kissinger a appelé à une nouvelle Charte atlantique pour coordonner les réponses des pays industrialisés au choc des prix pétroliers de 1973–74. Le FMI et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui rassemblait alors principalement les économies industrielles les plus riches, ont répondu en formulant des projets de facilité de financement destinée à recycler les excédents des pays exportateurs de pétrole. Le plan de l’OCDE était de créer un fonds de soutien financier en empruntant auprès des exportateurs de pétrole pour prêter à ses membres. Forte de l’appui des États-Unis et des principaux pays européens, l’OCDE a vite négocié un traité créant ce fonds. Mais, avant même que ce mécanisme n’ait été finalisé, le FMI avait créé sa propre facilité pétrolière permet- tant d’emprunter aux pays exportateurs de pétrole et aux pays riches pour prêter, moyennant une faible conditionnalité, aux pays (industrialisés ou en développement) importateurs de pétrole. Le soutien politique en faveur du projet de l’OCDE s’est étiolé, et le traité n’a jamais été ratifié.

Appels à un nouveau Bretton Woods dans les années 80 Le système de change était déjà instable à l’entrée en vigueur du second amendement en 1978, et la situation s’est fortement détériorée dans les années qui ont suivi. À plusieurs reprises, de 1982 à 1985, de hauts responsables financiers français et américains, entre autres, ont appelé à un «nouveau Bretton Woods», sans jamais toutefois préciser publiquement les ob- jectifs d’une telle conférence ou la feuille de route qui éviterait de répéter l’échec essuyé dix ans plus tôt. En dépit de solides appuis (le Président français François Mitterrand, le Secrétaire américain au Trésor James Baker, notamment), la proposition n’a jamais abouti. Le G-5 (Allemagne, États-Unis, France, Japon et Royaume-Uni) — qui avait largement supplanté le G-10 comme comité de pilotage des pays industrialisés — a pris des mesures en 1985–87 pour mettre fin à cinq années d’appréciation soutenue du dollar, avant d’essayer de stabiliser les taux autour d’un nouvel équilibre.

Réformes récentes

En 1998, le Congrès américain a pris l’initiative de réunir la Commission consultative des institutions financières interna- tionales, qui a recommandé que le FMI n’accorde plus de prêts à long terme et annule ses créances sur les pays pauvres très endettés appliquant une stratégie de développement efficace approuvée par la Banque mondiale. Cela a ouvert un débat public — dans le cadre du G-7 (G-5, Italie, Canada) surtout,

puis du Comité monétaire et financier international, organe consultatif suprême du FMI et successeur du C-20. Ces discus- sions ont abouti à l’adoption de l’Initiative d’allégement de la dette multilatérale et de l’Instrument de soutien à la politique économique (ISPE) du FMI en 2005.

Ce que nous avons appris

L’architecture financière internationale a évolué au cours du siècle passé en réponse aux circonstances du moment. Les conférences officielles ont été parfois un élément important de ce processus, mais, le plus souvent, l’adaptation des institutions aux mutations de l’économie mondiale est née de l’interaction de délibérations internes et d’initiatives de groupes de pays industrialisés. Lorsque les objectifs étaient bien définis et les principaux pays d’accord sur le type de solution requis, les délibérations au sein d’un groupe de ces pays ont en général donné l’impulsion nécessaire à la réforme. Les succès les plus retentissants ont été enregistrés lorsque l’impulsion est venue d’un groupe restreint de pays disposés à s’ouvrir à un plus large éventail de participants, à les écouter et à prendre en compte leurs idées.

Chacune des grandes tentatives de révision de l’architecture financière internationale répondait à une crise, et celles qui ont réussi ne l’ont fait que partiellement. Cela nous permet de tirer trois grandes leçons connexes sur le contexte dans lequel ces réformes, financières ou autres, sont tentées :

• Il est inévitable que certains objectifs importants doivent être écartés, comme l’ont été l’organisation du commerce à Bretton Woods ou les règles systémiques des taux de change dans les années 70. Même le meilleur des «nouveaux Bretton Woods» ne résoudra que quelques problèmes, et les questions qui seront ajournées auront peu de chance d’être réglées avant la prochaine génération — ou en tout cas avant la prochaine crise.

• Les crises financières surviennent souvent alors que d’autres crises — parfois plus graves — leur disputent notre attention.

Ainsi, l’économie mondiale a souffert l’an passé de l’effondre- ment du système financier et des mouvements erratiques des prix de l’énergie, de l’alimentation et d’autres produits de base.

Le changement climatique et l’extrême pauvreté chronique d’une grande partie du monde en développement sont des crises en puissance à plus long terme. Si la révision des règles financières internationales domine l’ordre du jour, l’occasion d’apporter de meilleures réponses aux autres questions sera manquée, peut-être pour longtemps.

• Le choix des pays invités à la table de négociation est déterminant pour l’issue des discussions et les questions mises de côté. Seuls les principaux participants aux marchés financiers — pays industrialisés et économies de marché émergentes — peuvent établir de nouvelles règles financières, mais ils ne sauraient décider seuls des nouvelles règles du commerce des produits. Ils ne peuvent pas non plus s’attaquer seuls au changement climatique et à l’extrême pauvreté. Plus la participation au prochain Bretton Woods sera large, meilleures seront les chances de produire des résultats durablement bénéfiques pour l’humanité.

James M. Boughton est Historien du FMI.

46 Finances & Développement Mars 2009

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