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Un cas d'obsession intellectuelle et émotive guérie par la suggestion, renforcée par le parfum du corylopsis, l'isolement et les douches : et de la captivation création de zones idéogènes · BabordNum

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Texte intégral

(1)

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UN CAS

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ET

ÉMOTIVE

GUÉRIE PAR LA SUGGESTION, RENFORCÉEPAR LE PARFUM DUCORYLOPSIS, L'ISOLEMENT ET LES DOUCHES

E T

DE LA CAPT1YATI0N

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CRÉATION DE ZONES IDEOGENES

PAR

Le Dr Ph.

TISSIÉ

BIBLIOTHÉCAIRE UNIVERSITAIRE A LA FACULTÉ DE DE BORDEAUX

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EXTRAIT \ ' ■/ 1

DES COMPTES RENDUS DU CONGRÈS DE MÉDECINE MENTALE

tenu à Paris du 3 au ÎO août 1SS9

MELUN

IAIPRIM ERIE ADMINIST R

À11V

E 1891

(2)
(3)

UN CAS

D'OBSESSION INTELLECTUELLE & ÉMOTIVE

ET

DE LÀ CAPTIVATION

CRÉATION

DE ZONES

IDÉOGÈNES

(4)
(5)

ENTRÉ 3GUS LE N°

UN CAS

ET ÉMOTIVE

GUÉRIEPAR LA SUGGESTION, RENFORCÉE PAR LE PARFUMDU CORYLOPSIS, L'ISOLEMENT ET LES DOUCHES

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DE LA CAPT1VATION

CRÉATION DE ZONES

IDÉOGÈNES

PAR

Le Dr Ph.

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EXTRAIT

DES COMPTES RENDUS DU CONGRÈS DE MÉDECINE MENTALE

tenu, à Paris du 5au ÎOaoût 1889

MELUN

IMPRIMERIE ADMINISTRATIVE

1891

(6)
(7)

UN CAS

D'OBSESSION INTELLECTUELLE & ÉMOTIVE

GUÉRIE PAR LA SUGGESTION

renforcée par le parfum du eorylopsis, l'isolement et les douches.

MlleX...,

vingt-trois

ans.

Hérédité. Grand-mère maternelle atteinte d'une cataractedouble, tempéramentnerveux.

Grand-pere maternel, bonne

santé, perd

peu

à

peu

la

vue,

bien qu'il

n'existe rienau fond de l'œil; pas de nervosisme.

Pasde renseignements surlesgrands parents

du côté paternel.

Mère, très nerveuse, a eu quatreenfants pourchacun

desquels elle

a

été

obligée degarder le litpendanttoutle temps

de la gestation.

La

grossesse

de lajeunemalade futparticulièrement

pénible

et

accompagnée d'excita¬

tionsnerveuses assezviolentes.

Père, bonnesanté, rienà signaler.

Frères :deuxfrères dont un a eu unehémoptysie.

Onclematernel mortd'une affectioncardiaque; pas de renseignements

pourles parents ducoté paternel.

Lamalade. Commémoratifs. —M110 X....s'estbien

portée jusqu'à l'âge

dedix-huitans.Elle fità cetteépoque un voyage enAllemagne

où elle

passaplusieursmois chez des parentsfort

riches et menant

un

train de mai¬

sonprincier. Partieavec desgoûts relativement

simples, elle revint

avec

une soif deplaisirs et le goût d'une vie fiévreuse qu'elle ne

devait

pas

trouver danssa famille. De cetteépoque datentles crises quisurviennent

de troisfaçons :

Tout à coup, en éclair, à la suite d'un

ennui

ou sans cause

appré¬

ciable.

Lentement, peuàpeu, comme « un marée qui monte »,

selon l'heu¬

reuse expression de la malade.

(8)

A la suite de l'impossibilité danslaquelle ellesetrouve denepouvoir

vouloir accomplir un acte. Eneffet, quand elleveutfairequelquechose, il

arrive quela force de l'exécuter vient à lui faire défaut. Le regret de

n'avoir pu lutter contre l'absence de volonté, estsi grand qu'il provoque

un accès d'ennui ou dedésespoir, toujourssuivi d'une crise.

Les crisesn'arriventjamais pendantla nuit, elles paraissent être plus fréquentesen hiver qu'enété. 11 existe une relation intime entre le cœur etle cerveau : quand la malade estaffolée elle ne souffre pas ducœur;

quand elleen souffre, le calme serétablit danssatête.

Au cœur, elle ressent une impression de coups de poignards, ou d'un

fil auboutduquel il serait suspenduet quiseromprait tout à coup.

Au cerveau, c'est un sentimentde vide, de chaos, avec passage instan¬

tané de mille idées qui s'entrechoquent et se heurtent entre elles. C'est

de l'anarchie psychique; un sentiment d'ennui qui l'obsède et la déses¬

père. Ce sont des accès d'angoisseprécordiale terrible,

accompagnés de

frayeurs instantanées et violentes, d'hallucinations de la vue dans les¬

quelleselle voitpasser «la mort » ; des cauchemars, des

idées

de

suicide

provenant de la peurmême du suicide, des expressions

grossières, des in¬

sultes contre sa mère qui la veille dans les périodes de crise; c'est de l'antipathie envers son père et sesfrères qu'ellene veutpas voirpendant plusieurs semaines, carles crises peuvent durer de un jour

à

trois se¬

maines. Pendantcetemps ellenemange pas oupresque pas, elle gardesa chambre, autourde laquelle elle marche pendant plusieurs heures sans s'arrêter. Quelquefois aussi, elle veuts'enfuir toute seule de chez elle

et couriràl'aventure, nepouvant tenirenplace;lamarche forcée lui fait

dubien, calme son excitationcérébrale etramène unpeu d'ordre dansses idées; mais si ellevientà s'arrêter, aussitôt l'excitation cérébrale devient plusvive etlacrise augmente

d'intensité.

Alorsla

malade

semet

à marcher

de nouveau jusqu'à ce que, épuisée, elletombe sur son lit, haletante, et

s'endorme dans unaffaissementgénéral.

D'autresfoiscesontdes phénomènes dépressifs qui dominent la scène;

elle garde lelitpendant toutle tempsdel'accès. Sion lui dit deseleverpour qu'onpuissefaire sacouche, elle va se mettre

dans

un autre

lit et revient

ensuite dans le sien, etcela pendant unequinzaine de jours.

Dansles deux états de surexcitation et de dépression elle cherche un soulagement dans leshypnotiquesoules

anesthésiques,

sepiquant

de

mor¬

phineetbuvantdu Champagne afin de

s'étourdir

et

de s'endormir.

Samèreparvient quelquefois àl'empêcher de prendre de la morphine

ens'appliquant àlacontrarierdans toutcequ'elle dit: alors elle

discute,

s'emporte, et oublie.

Puisun jour la crise cesse tout-à-coup, quelquefois sans cause

appré¬

ciable, ouà lasuited'unevive impression.

Jevois Mne X..., pourlapremière fois, le 7 juillet 1888; je la trouve

danssachambre, gesticulant, lescheveux endésordre:, marchant

à

grands

pas, demandantavec vivacité qu'on la

débarrasse

« d'un

je

ne sais quoi» quiVoppresse et l'étreint horriblementcomme une peur violente.

Depuis plusieurs nuits, ellene peutdormir etne faitque crier.

(9)

Je laprie de s'asseoirà côté de moi; ellene peut

m'obéir, il faut qu'elle

marche; elle finitcependantpar s'arrêter; je la rassure.

Safigure estcrispée, le regard estméchant,uneexpression

de colère

et

de haine rend sa physionomie très dure, la maigreur du corps est ex¬

trême.

Je pratique la friction oculaire, le sommeil est

établi

au

bout de dix

minutes.

Je lui suggère:

De neplusêtre obsédéeparlesentiment d'angoisse

qui l'envahit;

Dene plusavoirpeur de sesuicider; De ne pluss'ennuyer;

4° De selever de bonneheure etde faire de l'exercice; De no plusprendre de morphine.

Le réveil estbon, un peud'eau froide sur la figure dissipe

l'engourdis¬

sement. L'expression de la physionomie est complètement

changée, elle

ofl're uncontraste frappantavec celled'avantlesommeil hypnotique ;

elle

estdouce, agréableà voiret reposée.

La maladeesttransfigurée, elle est joyeuse,

soulagée

etgaie.

Du 9 au 23juillet. J'endors tous les jours Mlle X...., avec

plus

ou

moins de facilité, ayantàlutter contre savolonté qui

l'empêche de

se sou¬

mettre complètement aux pratiques hypnotiques. ■— Car

Mlle X... subit

des influences étrangèresqueje nepuis supprimer.

J'emploie soit la friction oculaire, soit la prise

du regard,

ou

bien la

pression du poucequi provoquelesommeil hypnotiquepar suggestion. La prise duregard lui est fort pénible. Je

crée

une zone pour

le réveil

enpressantentrelesdeux omoplates. Parlapression

digitale, le sommeil

arrivelentement, presque physiologiquement; par la

pression vertébrale,

leréveil ne seproduitpasbrusquement.Je donne la

préférence à

ces

deux

modes d'opération. Je combats la tendance à

l'engourdissement, qui

suc¬

cède auxpremières séances, par lasuggestion contraire et par

le café

en

infusion. Je luidonne un régime k suivreetrègle toutes les heures

de la

journée.

24juillet.Ayantobtenud'excellentsrésultats

chez

une

morphinomane

de l'emploi d'un parfum pour renforcer la

suggestion, je répète l'ex¬

périence avecM.110 X....

On sait, eneffet, qu'une odeur ou qu'un parfum rappelle

des souvenirs

quelquefoistrès lointains. Ayant endormima

cliente, je lui dis

que

le

par¬

fum du corylopsis, que je lui fais sentir en même temps,

déplacera

son ennui, fortifiera sa volonté et lui rendra le calme en lui rappelant

la

suggestiondonnée àcet effet.

25juillet au 6 août. Améliorationtrès sensible;

légères poussées d'en¬

nuiimmédiatement déplacéespar le corylopsis quifortifie aussisa

volonté.

Le sommeildela nuit est excellent, plusde cauchemars, plus de peur

du

suicide. Mêmes suggestions.

Du 6au 22 août. La guérison s'affirme. M11'' X..., qui

vivait dans

l'oisiveté, s'est mise au travail; elleétudie, elletraduit de

l'allemand

et

de

l'anglais, selève de bonne heure. Le corylopsislui est

d'un grand

secours.

(10)

« Yotre volonté, me dit-elle, pénètre dans lamienne.

Dès

que

j'aspire

ce parfum,je me sens plus forte et plus

maîtresse de moi-même. Depuis

un

mois j'ai lu plus de livres sérieux que depuis

cinq ans!

»

Mêmes

suggestions.

22aoûtau 6 septembre.

État

excellent,saufquelques

douleurs précor¬

diales, d'ailleurstrès fugaces; mêmes suggestions.

7 septembre. Je quitte Bordeaux pendant unmois.

J'apprends

que

le

succès dutraitementappliquépendantdeux mois est

compromis

par

l'arrêt

de lasuggestion. Mlle X.... apris de la

morphine.

8 septembre au 10novembre. Reprise du traitement avec

des alter¬

nances en bien et en mal. Difficulté très grande d'imposer le sommeil.

Volonté bien fermedene pas vouloir se laisser endormir, carMlleX....

subit toujours des influences fâcheuses dans son entourage.

Nouvelles

crises déplacées par la suggestion. Simulacre de

suicide

avec

la lame

rouillée d'un canif de poche.

Nepouvantressaisircomplètementmamalade je

conseille

son

interne¬

ment.

10 novembre 1888.au 23 février 1889. Internementdans une maison d'hydrothérapie de Bordeaux. Reprise de la

suggestion qui donne, de

nouveau, de bons résultats, avec l'association

des douches

et

du parfum.

MlleX... sort guérie.

23 février au 1er août. J'ai vuMlle X.... à peuprèstous les quinze jours, ellen'aplusde crises d'ennui,

de

peur

du suicide, de douleurs pré-

cordiales et d'affolement. Je laconsidère commedéfinitivementguérie.

Nota. 12juillet 1890. Mlle X..., quej'ai revuedans

le

courant

des

années1889 et 1890, n'a plus eu d'obsession etn'a plus pris de morphine.

Saguérison est complète.

CONCLUSIONS

L'obsessionintellectuelle et émotive (sentiment d'ennui, de

peurdusuicide

et d'angoisses précordiales d'origine psychique)

peut

être traitée et guérie

par

la suggestion hypnotique renforcée

par un

parfum.

Unarrêt danslasuggestionpeut

compromettre le traitement,

tant quela

guérison n'est

pas

définitivement assurée.

Laréclusion etles douches peuvent être des

adjuvants très

précieux. (Applaudissements.)

(11)

DE LA CAPTIVAT ION

CRÉATION DE ZONES IDÉOGÈNES

AlbertD . . né àBordeaux, le10mars

1860, entre à l'hôpital,

le 3 mai 1886, dans le

service de M. le professeur Pitres.

Hérédité. Père hypocondriaque, mort de

ramollissement cérébral à

soixante etun ans.

Mère morte d'une fluxion de poitrine.

Frères: untrèsvigoureux(0,unautrehypocondriaque

et céphalalgique.

Sœur seportebien.

Pas do renseignements sur ses

grands-parents.

Le malade. Commémoratifs. Tombe«toutdroit»

d'un arbre à l'âge

de huit ans, pertede connaissance, vomissements.

Dans la suite, violentes

migraines, fièvres intermittentes,

céphalalgies, névralgies dentaix-es.

Bonneconstitution, tempéramentsec et congestif.

Voyagesetdésertion.

Première

fugue

à l'âge de douze

ans, se

l'éveille à la

Testeservantun marchand deparapluies ambulant.A partir

de

ce

moment,

Albert quitte trèssouvent Bôrdeaux,

visite, tour à tour, tout le midi de la

France, puis se dirige versle nord del'Europe pour

lequel il

a une

prédi¬

lectionmanifeste. Il est souventarrêté par la policequile met en prison.

Déserte deux foisdesonrégiment et, pendant sesdeux

désertions, visite la

Belgique, laHollande, l'Autriche, la

Bussie où il est arrêté

comme

nihi¬

liste; au momentd'êtrependu, on

î-econnaît

son

innocence; il

passe en

Tur¬

quie, revientenAutriche, visitela Suisse et

deux fois l'Afrique, la seconde

(1) Nota. Ce frôre vient de mourir dernièrement d'une apoplexie céré¬

brale (1890).

(12)

10

commecondamné pourdésertion. Faitjusqu'à80 et00 kilomètresàpiedpar

jour. Est réformé pour perforation du tympan gauche. Vient toujours échoueràBordeaux, où j'ai la bonne fortune de l'étudier presque quoti¬

diennement entre ses fugues. Il a été l'objet dema thèse inaugurale 0) àlaquelleje renvoiepourtout ce qui concerne cette observation au point de vue de l'examenclinique et anthropométrique.

Champ visuel rétréci concentriquement. Zone hyperesthésique au som¬

met de latête. Pas detracede cicatrice surla langue. Sueurs abondantes desmai ris et des pieds, hémoptysie hystérique. Ouaniste incorrigible. Ne saitpas écrire, à peinesait-il lire, aappris unpeu d'allemand pendantses voyages; mémoirealternativement très sûre et très-infidèle; il serappelle toujours les paysages qu'il a vus ; volonté faible, caractère doux à l'état sain, méfiant quandvient, la crise.

Captivation. Albert entend parlera l'état de veille d'une ville ou

d'un paysà visiter; ilrestetranquille pendantuntemps plusoumoinslong, puisunenuit il rêvedece qu'il a entendu, surtoutlematin, detroisà cinq heures; ilse lèveet part, dans un sommeilsomnambulique. Cephénomène psychique est toujours précédé d'une excitation cérébralesurvenue dans lajournée. Pourqu'Albertsoitcaptivé parl'idée dedépart, il faut qu'il se soit livré àl'onanisme, qu'il ait éprouvé une grande contrariété ou une' grande joie, ouqu'il aitvu devant lui une route bien unie et bienentre¬

tenue. Il souffre de la tête, son caractère change, on diraitqu'il atropbu.

Ilprépare toujours sesfugueset ne s'en va jamais sansargent; ilva jus¬

qu'àporter des objetsdeménage au mont-de-piété pour s'enprocurer, et

cela en étatde crise. Il restedans cet étatd'unjour à deuxmois;au réveil

ilserappelle d'abord vaguement, puis plus distinctement. Endormihypno- tiquement, il serappelle tousles plus petits détails avec une sûreté de mé¬

moireétonnante.

État'de crise.J'aipuobserver Albert àl'hôpital,enpleine crise; figure turgescente, boucheentr'ouverteobliquementde droite à gauche, chute de

lalèvreinférieure, physionomiehébétée, étatdemi-comateux,jambesrame¬

néesversletronc. Nem'entendpas quand jel'appelle; unelégère pression

de la zone hyperesthésique de la tête le réveille en sursaut,il pousse uncri de douleur, mais il retombe immédiatementdanslemêmeétat. Ilfaitaller

sesjambes dans son lit, ilpédale. Toutàcoup, iléclate ensanglots, saface devient plus turgescente,ses jambes jouent plus rapidement, il pleure et appellesa femme, il voit l'infirmier, se croità Orléans, il le prie d'écrire à Bordeaux pour rassurersafamille. Il me prend pour uncommissaire de police, dit être arrivé à Orléans, par le train, avoir emporté tout l'argent

de chez lui, puis il retombe dans le sommeil, sesjambes pédalent de nou¬

veau. « Ah! qu'il fait chaud, enroute, s'écrie-t-iltoutàcoup en s'adressant à des êtres qu'il croit voir dans son rêve, vous n'avez pas chaud, vous autres? »

Anesthésie, à lafigure, auxjambes, aux bras, aux mainset au tronc.

Ilypoesthésie, au dos des pieds et aux testiculesà la pression.

h) LesAliénés voyageurs.Paris, Doin, 1887

(13)

11

HyperestUésie, àla plante des pieds et

à

la zone

céphalique,

une nou¬

vellepression de cette zone réveille subitement Albert, qui se

dresse

en

sursautsurson lit, furieux, regardant fixement l'infirmier, a Ah ! neme touchez pas », s'écrie-t-il menaçant.

Aussitôtaprès,violent, besoind'uriner, violentecéphalalgie.

Amnésie.

Il prendpour un chapeau lebassin qu'on lui fait passer et s'en coiffe, il se réveille peu à peu et devient gouailleur. Enviesde vomir, cette crise

dure six heures. Placéen état de sommeil hypnotique provoqué, Albert présente lesmêmes symptômes queci-dessus. Il

m'a

doncparu

intéressant

de rechercher ce que devenait l'idéation de ce malade en dehors

de

la systématisation desvoyages. Pourcelaje l'ai endormi etj'ai

créé des

zones idéogènes.

J'aivoulu savoir commentilse comporterait entre deux suggestions

d'ordre général, telles que :le Vice et la Vertu, le Bien et

le Mal, la Chas¬

tetéetlaLubricité, etc.

Expériences

Suggestions hypnotiques. Ayant

endormi

Albert, je

lui dis simple¬

mentces mots: «Le genou gauche représente la Vertu, le genou

droit

représente le Vice. » Celafait,je note cequi se passe. Jepresse

le

genou

droit(Vice). Albertprendunverrevide qui

était

sur

la table et boit jus¬

qu'à tomberparterre; apercevantune

photographie,

il

prend l'image

pour

laréalité, safigure se congestionne etalors commence une

scène érotique

que j'arrête instantanément en pressant le genou

gauche (Vertu), Albert

devientaussitôt fort chaste, ses propos sont honnêtes. Je presse le genou droit(Vice). Il voitun portefeuille dans lapoche

d'un témoin d'une de

ces expériences, il le lui vole etle metdans sapoche.

Je pressele genougauche(Vertu). Il rend le

portefeuille à

son posses¬

seur en le remettant lui-même dansla poche.

Je presse à la fois legenou gauche etle genoudroit.

Albert

est

très indé¬

cis, il lutteviolemment etfinitparlaisser leportefeuille àsonpossesseur; mais il enlèveune lettre qu'il renfermait et qui

dépassait

les

rebords.

Je presse le genougauche, il rend la lettre. Toutcela

accompagné d'un

jeu dephysionomie impossibleà décrire etquime

révèle la lutte s'établis-

sant entreles deuxsuggestions.

Suggestionspost-hypnotiques. J'endorsAlbert et je

crée douze

zones idéogènesen même temps, entre autres celles

du médius gauche qui lui

donneral'envied'éternuer, celle de l'auriculaire gauche qui

représente la

chasteté, cellede l'auriculaire droitqui représente la

lubricité,

etc. ,

etc.

Jeréveille monsujet. La pression de chaquezone

répond à la

sugges¬

tion donnée, celle du médius gauche provoque l'éternuement :

plus je

presse, plus Albertéternue.

Maislaplus curieuse de toutesles suggestionsest celle

des auriculaires.

Selonqueje presse celui de la main droiteou de la main

gauche, il

passe

pardes alternatives de lubricitéet de chasteté. Le jeu de sa

physionomie

estcaractéristique. Albertsedemandeavec

anxiété

s'il ne

devient

pas

fou,

(14)

12

il necomprend plus rienà ce qui se passeen lui. Si je presse en

même

tempsles deux doigts, il reste indécis, les sentiments passionnels sont en rapportavecl'intensité de la pressiondigitale.

Lapremièrefoisqueje fiscetteexpérience, j'avais

oublié

de supprimer

ces deuxsuggestions; orvoici ce qui se passa.

Lelendemain decejourAlbertentredansmoncabinet, pouvant

à

peine

setraîner, ilétaitabattu,sestraitsétaienttirés. Ilme raconta quelaveille,

une demi-heure après être sorti de chez moi. il avait

rencontré

un ami

dans larue. Il lui avaitserréla main droite, etprcsqu'au mêmeinstant il

entrait enérection. Aussitôt il se rappela la suggestionque je lui avais

donnée et il passa sajournée àse pressertouràtourl'auriculaire

droit

et

l'auriculairegauche. Il eutplusieursrapports conjugaux pendant la

nuit,

enfin le matinmême, en se rendant chez moi, ilavait pressé deux fois l'au¬

riculaire droitetavait eu deuxpollutions si violentes qu'ilavait été

obligé

de s'arcbouter contre une maison pour ne pastomber par terre.

L'inspectionme prouvaqu'Albertne me trompait pas: sa

chemise était

toute maculée. Faitànoter: l'excitation génésique trop souvent répétée provoquaitdu tenesmerectal, contrelequel

Albert luttait

par

la pression

de l'auriculairegauche, qui ramenaitlecalme enrepoussantles

idées lubri¬

ques.

J'endorsmon sujet etjesupprimecettesuggestion; au

réveil,

il

l'a

com¬

plètementoubliée.

Discussion

Diagnostic différentiel. Il résulte de cette

observation qu'Albert

n'est nidélirant, ni halluciné, nidément, ni paralytiquegénéral, ni idiot.

Est-ce un neurasthénique, un impulsif, un somnambuleou un

hysté¬

rique ?

Albert est autre chose qu'un neurasthénique, si par

neurasthénie

on comprend les cérébraux, les

surmenés,

les demi

déséquilibrés, les hysté¬

riquesmal définis, etc. D'ailleurs la

neurasthénie n'a jamais provoqué de

phénomènes analoguesàceux que

présente Albert.

Est-ce un impulsif? Ici jeprendscommetypede comparaison, serappro¬

chant leplus demonsujet, celuique M. Charcota

étudié dans

sa

policlini¬

que delaSalpêtrière etje

résume

symptomatiquement

les deux

cas.

M

Malade de laSalpétriere.

1° Pas devertige initial.

Même état.

Pas de paroles singulièreset tou¬

jours les mêmespour chaque accès.

Pasd'engourdissementde la main,

de lalangue; pas de lumière dans

lesyeux, mais maldetête audébut.

P) Policlinique de laSalpêtrière, leçonsdu Mardi, 31janvier 1888.

ALBERT

(15)

13

Partà la suite d'unrêve et vit pendant un temps plus ou moins longdansunrêve actif.Ilal'aird'a¬

voirtropbu.

Prépare ses fugues et ne s'en

vajamaissansargent.

Parttoujours lematin.

Une forte contrariété est une des causes d'ébranlementpsychique provoquantl'état de crise et

les fu¬

gues.

A l'état de veille se rappelle

enréfléchissant.

Aété endormi et étudiépen¬

dant trois ans.

Retrace toute la vie dans l'état hypnotiqueet se souvient alors de

ce qu'ila oublié à l'état de veille.

Aétéétudié en pleine crise à l'hôpital.

Rétrécissement concentrique

du champ visuel.

10° Hémoptysiehystérique.

11° La zonecéphalique provoque leréveil.

S'endort dans une voiture; on le réveille, il commenceà oublier, sa patronneremarquequ'il al'air tout

drôle.

Neprépare passes fugues.

Partdanslajournée.

S'emporte, mais ne part pas.

Ne se rappelle que très vague¬

ment.

N'apasété endormi.

N'apas été observé dansune

de

ses crises.

Pas derétrécissement.

Pasd'hémoptysie.

Pas de zone, pasde réveil pro¬

voqué.

De toutce quiprécède,je conclus qu'Albert

n'est

pas

atteint d'épilepsie

larvée. C'est unhystérique somnambule etnonun

original,

comme

le dési¬

gne M. CharcotC1); mais je suisavec le maître

quand il dit:

« nous ne

voyons jamais l'épilepsie chez les somnambules, mais

bien plutôt l'hysté¬

rie»(2).

Albertest doncun hystérique somnambule: c'est un

captivé.

Jedésigne souslenom decaptivés, touteune

catégorie de malades qui

accomplissent desactespathologiquessousl'influence

d'un désir impérieux

et conscientquis'impose à leur volonté et la

maîtrise. Ce désir peut être

provoquépar uneinfluence extérieure : la

suggestion. Le sujet accomplit

alorsdesactes pendant etaprès le sommeilhypnotique

dans lequel il

a

été

mis.

Cependant, à côté de ces types si bien

étudiés aujourd'hui et parfaite¬

mentconnus,onentrouve un autre moinsaccentué, chez

lequel la

sugges¬

tion s'établit indirectement. Une idée émisedevantluidanslecoursd'une

conversation, à l'état de veille, sereproduit

généralement dans le sommeil

quilarenforce; elleprendalorsune telle

intensité qu'elle envahit, domine

Bulletinmédical du 3mars1889, p.276, col. 3.

®Policlinique de laSalpôtrière, 31 janvier 1888, p.

168.

(16)

14

et captive le sujet, quiagit dans un rêve actif (L. La captivcition force Albert àpartir età abandonnerses intérêtset safamille.

Médecine légale. Albertest-il responsable, peut-il jouir detous ses droits?

Enétat decrise,Albertestirresponsable, c'est évident.Maisil l'estencore

quand la criseseprépare etquand elle finit, le point difficile à bien délimi¬

ter est celuide savoir quand commence etquand finit sa responsabilité.

Pour le cas présent,je crois qu'on peut admettre l'irresponsabilité dès

que surviennent le changement de caractère et la céphalalgie, et tant qu'Albertaural'air hébété ou toutdrôle. Quant àses droits civils, j'estime qu'on doit les lui enlever; la question d'interdiction va être posée devant

le tribunal de Bordeaux par safemme même, qu'il a mise dans la misère

envendant desobjets de ménage pour partir, ou en retirant de l'argent

de lacaissed'épargne.

Au point devue de la médecine légale, la création des zonesidéogènes peutavoirunecertaine importance. Dansl'espèce,pourrait-on condam¬

ner un hypnotiseur qui aurait créé deux zones, une de lubricité etl'autre de chasteté,chezunsujet bien entraîné, afindelui faireaccomplirdes actes criminels ? Le moi du sujet estlibre, lapreuve c'est qu'Albert ramène le calme par la pression de lazone « chasteté», aprèsque celle de«lubricité» l'atropfatigué.Légalementcelame paraît difficile, puisque le sujet est en

possession deson libre arbitre. Une raison de plus pour que l'hypnotisme

soitréglementépar une bonne loi.

Maintenant quedeviendra Albert ? La suggestion hypnotiquea donné d'excellents résultats. Sousson influenceiln'estpasparti pendant un an et demi, tant quej'aipu l'endormir régulièrement. Ce sujet est fort intéres¬

sant, cardemêmequ'unrêveprovoque undépart, de même qu'unesugges¬

tioncontrairedéplace le rêve, un rêve semblable déplace pendant la nuit

lasuggestion donnée la veille. Il faudrait donc endormir Albert tous les

matins, à sonréveil, pendant quelque temps. J'ai à ce sujet des observa¬

tionstrèsprobantes quele cadre de ce travailne inepermetpas de citer!2).

CONCLUSIONS

Albert est un captivé. Il diffèrede

l'épilepsie

larvée en ce

qu'ilraisonne ses fugues, qu'il les

prépare,

que l'accès survient peu

à

peu, qu'il estrenforcé presquetoujours par un rêve.

2° Albert

systématise

dansunvoyage

à

faire.

Placé en état de sommeil hypnotique, ilserappelle tous les actesaccomplis en état de somnambulisme.

0) Le Captivé au point de vue médico-légal. (Ext. Bulletin de la Société d'anthropologie de Bordeauxetdu Sud-Ouest, I, IV, 1887.)

(2) ph, Tissié. Les Rêves Physiologie, Pathologie. Paris 1890.

(17)

Le besoin clepartirétant

généralement

crééparun

rêve,

on peut

déplacer

celui-ci par la suggestion hypnotique. Maischez Albert, la suggestion

étant

elle-même

déplacée

par un

rêve,

il

faudralui appliquer le traitement suggestiftous les matins à son réveil pendant quelque temps.

5° Albert est

irrésponsablè

pendant lapériode de préparation

etdedéclin de ses criseset pendant ses crises elles-mêmes, il est responsable dans les intervalles.

Cependant, étant

donnés la

répétition

des crises et le soin tout particulier qu'il met à assurer pécuniairementles moyens néces¬

saires àses

fugues,

il doit être

légalement

interdit. (Applaudisse¬

ments.)

Laséance est levée à midi.

(18)
(19)
(20)

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