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L’avenir des soins primaires interprofessionnels dans un temps de crise

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Academic year: 2022

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M. Samuelson L. Herzig D. Widmer

introductionetdéfinitions

En Europe et dans le monde, le mot crise est omniprésent et les médias s’en font l’écho alarmant. Mais qu’implique cette crise pour le monde de la santé ? Une réflexion atten- tive permet d’en distinguer différents aspects. Ainsi, se dé- gagent des dimensions économique, morale, sociale, épidé- miologique et scientifique. La crise que nous vivons in- fluence l’ensemble de la société : elle aura des conséquences indéniables sur la pratique de la médecine. Nous tentons d’analyser ici l’impact de la crise sur l’organisation des soins, en particulier la place des soins primaires et la collaboration interprofessionnelle.

L’interprofessionnalité

L’interprofessionnalité est définie comme la collaboration entre différents professionnels de la santé autour d’un patient dans le but d’améliorer sa prise en charge. Elle est une des réponses possibles à l’évo- lution démographique de la population et à l’émergence des maladies chro- niques, le plus souvent multiples chez un même patient et donc à la complexifi- cation des situations médicales. Elle tente aussi de répondre à la mauvaise distri- bution du personnel soignant, tant géographique que dans la répartition entre les diverses professions. Elle a fait l’objet de publications dans le domaine des soins en général1 et plus récemment l’European Forum for Primary Care, qui regroupe diverses professions des soins primaires, a pris position sur ce sujet.2 La collabo- ration interprofessionnelle pose la question de la mise en commun des compé- tences de chaque corps de métier et du partage des responsabilités. Le méde- cin ne peut rester isolé.3

La crise pourrait modifier les conditions de la collaboration interprofession- nelle. Une crise risque d’entraîner une compression des budgets dans le but de générer de l’efficience et des économies et d’avoir pour conséquence une modi- fication de l’éventail des qualifications (skill mix).4 Cependant, nous manquons encore de clarté dans la définition des champs de compétences des différentes professions (particulièrement des infirmières, des pharmaciens et des médecins Future of interprofessional primary care

in time of crisis

The world is facing a crisis with several dimen- sions, economical, moral, social, epidemiolo- gical and scientific. This crisis is likely to have an impact on organisation of Primary Care, and on interprofessional collaboration. Several issues are raised by this situation : who will arbitrate rationalisation or rationing of care ? Which professions will be called upon to col- laborate ? How will professionals take side between justice based on redistribution, and justice based on recognition ? What will be the cost of reorganizing the work of the various professionals, particularly regarding the mo- dification of the range of skills ? How will col- laboration among professionals be organized, vertically or horizontally ? How will research evol ve ? This paper tries to reflect on this is- sues.

Rev Med Suisse 2012 ; 8 : 2254-9

Nous vivons une période de crise, comportant des dimensions économique, morale, sociale, épidémiologique et scientifique, avec un impact sur l’organisation des soins primaires et sur la collaboration interprofessionnelle. Qui sera l’arbitre de la ra- tionalisation et du rationnement ? Quelles professions seront appelées à collaborer ensemble ? Comment les professionnels prendront-ils position entre une justice distributive pour tous et une justice de la reconnaissance des particularités ? Quel prix paieront les professionnels face à la réorganisation mana- gériale du travail, avec la modification de l’éventail des quali- fications ? Comment s’organiseront les réseaux de soins, verti- calement ou horizontalement et comment évoluera la recherche dans ce domaine ? Cet article tente d’aborder ces questions.

L’avenir des soins primaires

interprofessionnels dans un temps de crise

réflexion

Pr Marianne Samuelson

Département de médecine générale Université de Caen – Basse Normandie Membre du comité de l’European Forum for Primary Care Rue de l’Ancien-Quai 52 50100 Cherbourg

marianne.samuelson@free.fr Drs Lilli Herzig et Daniel Widmer Institut universitaire de médecine générale, CHUV, 1011 Lausanne lilli.herzig@hin.ch

Dr Daniel Widmer

Rue Juste-Olvier 2, 1006 Lausanne widmer@primary-care.ch

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généralistes). Un des dangers de cette situation est que sous couvert de collaboration apparaisse une compétition.

La crise

Etymologiquement, une crise est le moment où un juge- ment doit être porté, une décision doit être prise. C’est, nous dit le Robert, le moment d’une maladie caractérisé par un changement subit et généralement décisif en bien ou en mal. Le premier sens du mot est médical. Par extension, c’est une phase grave dans l’évolution des choses, des évé- nements ou des idées.

Nous analyserons ici les changements de société comme autant de crises : crises de l’économie, de la morale dans son approche de la justice sociale, du rapport de la société au travail, de l’épidémiologie et de la science. Nous recher- cherons quelles conséquences ces crises peuvent avoir sur l’organisation du travail et de la collaboration interprofes- sionnelle dans les soins primaires.

lescrises(tableau 1)

Crise économique

Cette crise nous confronte au manque de ressources. Il s’agit de moins dépenser, en veillant à différencier l’élimi- nation du gaspillage du rationnement.5 Il est des mesures d’économie qui sont nuisibles et coûteuses (tableau 2) alors que la bonne santé des individus est une condition à la pros- périté.6 Il s’agit donc de rationnaliser ou de ne rationner qu’avec prudence.

Selon une étude menée en Europe par l’European Ob- servatory on Health Systems and Policies7 et analysant les réponses des politiques de santé à la crise, il n’y a eu de baisse des dépenses publiques de santé par individu entre 2008 et 2009 que dans neuf pays sur 53 (Lettonie, Lituanie, Islande, Ukraine, Roumanie, Hongrie, Serbie, Macédoine, Chypre) (colonne 1, tableau 3). Les Etats ont plutôt agi sur les coûts par des outils du domaine de la politique de santé (colonne 2, ta- bleau 3) notamment :

• déplacement des contributions de l’assurance sociale vers l’Etat ;

• déplacement de l’assurance sociale vers l’assistance so- ciale ou les familles ; 8

• introduction de taxes sur l’alcool, le tabac, le sucre, le sel ;

• privatisations ou collaborations public – privé ;

• redéfinition du panier de soins ;

• redéfinition de la couverture de l’assurance ;

• augmentation des temps d’attente pour les soins ;

• baisse du prix des médicaments – promotion des géné- riques ;

• baisse des salaires des acteurs de la santé ;

• reconfiguration des services.

Les Etats ont aussi agi sur les résultats en termes de san- té en se préoccupant entre autres de l’efficience, de l’équité, de la protection financière des patients et du monitorage de la qualité (colonne 3, tableau 3).7

Deux mouvements contradictoires agitent nos sociétés 9 en lien avec la crise économique : d’un côté une tendance à démanteler les systèmes publics de santé et, de l’autre, une surmédicalisation de la société liée à des intérêts éco- nomiques (création de craintes injustifiées, disparition de l’idée de variations normales individuelles, baisse des seuils

Crises Conséquences générales Conséquences sur l’interprofessionnalité

Economique • Etre plus efficient • Evaluation par qui ?

• Faire des économies • Arbitrage du rationnement par qui ?

• Privatisation • Concurrence de qui avec qui ?

• Déplacement de l’assurance • Collaboration avec les professionnels de la santé – à l’assistance d’Etat • Avec les travailleurs sociaux

– à l’assistance des familles • Avec les familles

Morale • Reconnaissance • Priorité à la relation

• Redistribution • Priorité efficience/protocoles

Du travail • Toyotisme – rareté du temps • Paiement du temps

• Employabilité – autonomie • Burnout

• Polyvalence • Skill mix/protocoles

• Déstandardisation • Centrage sur le patient

De l’épidémiologie • Populations vulnérables • Réseaux verticaux/horizontaux

• Polymorbidité – complexité • Consensus/protocolisation

• Renoncement aux soins • Rôle des travailleurs sociaux

De la science • Approche différente • Recherches collaboratives

Tableau 1. Crises

• Laisser les listes d’attente s’allonger : aggravation de la maladie et augmentation du coût final, les patients cherchent à se soigner ailleurs, baisse de la satisfaction des patients, réactions politiques…

• Transiger sur la qualité : effets différés sur la santé, réadmissions, effets iatrogènes, résistance aux antibiotiques, défiance des usagers

• Réduire les dépenses à tout va : axer les dépenses sur les coûts et non la valeur

• Réduire les rémunérations : fuite des professionnels, démotivation, absentéisme…

• Diminuer la formation : diminution de qualité, pénuries

• Réduire la prévention : maladies à des stades plus avancés Tableau 2. Mesures d’économie coûteuses (OMS 2009) (D’après réf.27 ).

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Crise du travail

A l’heure où l’on parle de collaboration interprofession- nelle, paradoxalement jamais le travailleur n’a été aussi seul face aux pressions des contrôles et de l’évaluation. «L’indi- vidu ne dispose plus d’un droit au travail mais il doit dé- montrer qu’il mérite ce droit»,15 démontrer son employabi- lité, sa capacité de s’adapter au marché, d’être autonome, innovant et polyvalent. De plus, il est évalué régulièrement pour cela.

Le temps humain devient une denrée rare.16 On chasse les temps morts, on vise de meilleures synergies par l’apla- tissement des structures hiérarchiques et l’échange des fonc- tions. Tout cela est censé permettre l’adaptabilité aux de- mandes du client (déstandardisation, centrage sur le client).

Ce concept est né dans les usines Toyota16 et est devenu un modèle vanté par certains pour s’appliquer aux nouvelles gestions publiques et à la médecine.17 Ces méthodes de ma- nagement sont cependant une source bien connue de burn­

out des professionnels16 et deviennent ainsi contre-produc- tives. Nous éviterons probablement le «toyotisme» si nous favorisons le respect des spécificités de chaque métier. En effet, ceux qui prônent l’interchangeabilité des profession- nels, ne tiennent pas compte des valeurs, des compétences et de l’expérience de chaque métier. La promotion normative et évangélique d’un teamwork où chacun est identique est ainsi modérée par les études sociologiques18 qui montrent l’importance du discours identitaire professionnel et de formes plus attractives de l’identité collective que le dis- cours managérial : ces formes méritent d’être explorées.

Crise de l’épidémiologie

Nous traversons une période de transition épidémiolo- gique : autrefois les problèmes de santé étaient majoritai- rement liés aux maladies infectieuses et aujourd’hui les ma- ladies chroniques dominent, corollaires du vieillissement de la population. Il y a une augmentation des plurimorbidités et une complexification des soins. A cela s’ajoute l’accroisse- ment des inégalités socio-économiques, source bien connue de maladies.19,20 Les praticiens de terrain sont confrontés à des patients porteurs de plusieurs pathologies chroniques (NCD, non communicable diseases, selon le terme un peu mal- heureux en usage actuellement). La collaboration interpro- fessionnelle est nécessaire pour faire face à ce problème.

De la complexité grandissante, partie intégrante du travail médical actuel, naissent des situations incertaines où le consensus est difficile à trouver.21 Le consensus interpro- fessionnel dépendra alors de la qualité de la communica- tion à l’intérieur du réseau. La construction de programmes verticaux centrés sur une pathologie néglige la capacité re- connue de la médecine de premier recours à assurer des soins compréhensifs et intégrés.22 Rappelons donc que seuls des réseaux horizontaux, avec un respect mutuel et une bonne communication, sont à même de prendre en charge les patients plurimorbides pour éviter qu’ils ne se sentent morcelés : ces réseaux assurent une relation basée sur la continuité avec un nombre restreint de soignants stables (continuité de la personne et non seulement du dossier) qui peuvent avoir recours si besoin à des unités spéciali- sées (verticales) comme ressource. Il faut un professionnel qui assure le «leadership»1 pour permettre la cohésion de diagnostic, conséquences de la rhétorique d’une «nou-

velle prévention», souvent générée par le marché écono- mique, rarement par de nouvelles données scientifiques).

La surmédicalisation pourrait être aussi liée à une augmen- tation du contrôle social de la maladie (atteinte des objec- tifs, paiement à la performance).

Comment les diverses professions de santé se situeront- elles entre le contrôle social, les intérêts économiques et l’intérêt du patient ? Est-ce différent selon le type de sys- tème dans lequel les professionnels travaillent : système privé ou étatique, système centré sur les soins primaires ou non ?

Crise morale

La crise rend plus aiguë la question de l’équité. Equité de quoi ?10 De résultat (la santé pour tous comme dans les principes de l’OMS naissante)11 ou plus simplement d’ac- cès aux soins de base pour tous.12 Il y a une tension entre la justice distributive qui donne à chacun équitablement et la justice de reconnaissance qui tient compte des particularités de chacun ?13 La redistribution implique de prendre à ceux qui ont pour donner à ceux qui n’ont pas. La justice de re- connaissance prend en considération des groupes à risque comme les populations vulnérables. Dans l’activité quoti- dienne du soignant, la justice de reconnaissance préside à la relation patient-soignant. Mais le praticien ne doit pas non plus traiter les patients différemment les uns des autres et pour cela les protocoles fondés sur les preuves et les fi- lières ou les itinéraires de soins réintroduisent la justice distributive dans le quotidien.

Comment les différentes professions de santé vont-elles se situer entre une médecine protocolisée et une médecine de la relation ? Les soins centrés sur le patient14 sont la so- lution généralement invoquée. Toutefois, ce concept pour- rait devenir l’alibi d’une rhétorique qui serait au service du contrôle social de l’individu malade et qui de surcroît ferait l’économie de la dimension inconsciente de la relation.

Agir sur les Agir sur les coûts Viser les résultats dépenses de santé avec des outils sur la santé

du domaine de la politique de santé

• Couper • Financement • Action sur les

• Augmenter et contribution buts du système

• Maintenir budget de l’assurance de santé

• Redistribuer sociale ou de l’Etat, • Améliorer les transfert vers l’assis- résultats tance, taxes (tabac, • Protection financière alcool…), privatisa- • Efficience tion, participation • Equité du patient • Qualité

• Volume et qualité • Transparence

des services • Monitorage des

définition du panier performances des soins, couverture,

temps d’attente

• Coûts

prix des médicaments, salaires, tarifs, reconfi- guration des services

Tableau 3. Réponses de la politique de santé face à la crise financière en Europe

(D’après réf.7 ).

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ment garant d’une bonne utilisation des ressources ? Une définition claire des fonctions et des tâches des dif- férents intervenants et professionnels des SSP et de leur articulation doit être trouvée. Dans le rapprochement en- core un peu timide entre les différents acteurs du système de soins, nous assistons en effet à un flou de la répartition des champs de compétences.

Qui sera l’arbitre de l’efficience (tableau 1) : le médecin qui pose l’indication d’un traitement ? Le pharmacien qui juge des interactions ? L’infirmière qui évalue les besoins d’un patient ? Un expert externe qui prescrira les soins justifiés à des exécutants ?

Qui sera l’arbitre de la réduction des dépenses : les soignants en contact direct avec le patient, le patient lui-même, les citoyens ou le pouvoir politique ?

En cas de déplacement vers le secteur privé, qui sera juge de l’équité, de la protection financière des patients fra- gilisés, dans un système privilégiant la concurrence ?

Et si au nom de la rentabilité on délègue des tâches à des professions de qualifications différentes, comment réglera- t-on les problèmes de responsabilité ou les conflits interpro- fessionnels ?

Enfin, avec l’augmentation du nombre de citoyens sus- ceptibles d’échapper à l’assurance sociale et qui seront au bénéfice de l’assistance 8, l’interprofessionnalité ne se limi- tera plus aux soignants mais inclura les travailleurs sociaux et les familles.

Un arbitrage politique est plus que jamais nécessaire. Il doit prendre en compte la tension entre le secteur de la santé comme producteur de richesse économique, et la santé des populations comme richesse sociale et produc- trice de bien-être.

Est-ce que dépenser moins signifie toujours dépenser mieux ? La menace d’une compression brutale des budgets sans réflexion sur l’efficience pourrait laisser démunies des populations entières. Cela ne sera donc pas sans consé- quences sur l’état de santé des individus – ni au final sur le budget global de la santé.

De plus, dans notre société normative et de performance, une tension pourrait se dessiner entre d’un côté une proto- colisation des soins, et de l’autre une technicisation crois- sante,26 au risque de négliger l’humain dans sa complexité.

conclusion

En assistant à une crise de société globale, économi que, morale, professionnelle, épidémiologique et scientifi que, nous devons réfléchir à des modèles de soins capables de répondre aux défis du futur. La collaboration interprofes- sionnelle est une des réponses intéressantes dans ce mou- vement. Elle devrait permettre non seulement de maintenir les valeurs humaines des soins primaires, en se centrant sur le patient, mais aussi de se préoccuper des équipes soignantes et de leur santé. Pour y arriver, nous avons be- soin d’une définition claire des tâches des différents pro- fessionnels à l’intérieur d’une équipe, d’une collaboration entre les professionnels des différents niveaux de soins, ainsi que d’une reconnaissance mutuelle des expériences et des compétences de chacun et de la promotion d’une communication efficace.

dans ces situations complexes. Qui sera en charge de ce pilotage ?

Crise de la science

Elle est définie, dès 1935,23 comme l’oubli qu’une science naturelle comme la médecine est aussi une science hu- maine. La recherche en soins primaires n’en est qu’à ses débuts et il y a encore beaucoup de questions ouvertes, tant d’un point de vue médical que sociologique. Encore trop souvent, les protocoles de soins sont créés pour des situations médicales simples, uniques, et doivent être adap- tés tant bien que mal aux situations des personnes, perdant en efficacité et en pertinence sans pouvoir répondre à la complexité. De nouveaux modèles de méthodologie de re- cherche doivent être développés pour répondre aux ques- tions cliniques en soins primaires.

On pourrait étendre cette idée à notre sujet, l’ensemble des soignants qui visent un but commun : ce qui signifierait que les méthodes de la science expérimentale, isolant leur objet, ne sont pas les techniques préférentielles pour abor- der la complexité. On peut utiliser des méthodes expéri- mentales nouvelles telles les «évaluations aléatoires»,24 avant de généraliser des politiques de santé trop souvent basées sur des présupposés. On citera, comme exemple, les comparaisons entre des systèmes organisationnels im- posés d’en haut ou mobilisant les usagers, réalisés dans le tiers monde.24 Cependant, la recherche qualitative 25 sem ble une des méthodes les plus adaptées pour des recherches collaboratives interprofessionnelles sur les soins dans les situations complexes.

discussion

Nous vivons dans une période de crise globale qui pour- rait agir comme un accélérateur avec une influence non né- gligeable sur l’évolution du système de soins. Si une crise est toujours douloureuse, elle peut aussi être une chance réelle et source d’innovation. Cette crise pourrait ainsi être une opportunité de réflexion de fond sur nos systèmes de santé et notre protection sociale comme l’a été la grande crise de la Seconde Guerre mondiale pour la structuration de ces derniers. Par la pression qu’elle constitue, elle pour- rait être un stimulant puissant pour opérer les changements qui s’imposent.

La situation de crise à laquelle notre monde occidental est confronté questionne dans toutes ses dimensions – économique, morale, professionnelle, épidémiologique et scientifique – la façon de faire face aux problèmes de san- té d’aujourd’hui.

La situation de crise nous impose ainsi des contraintes financières et une réduction des dépenses, mais repose aussi la question de l’équité et de l’éthique. Elle rend plus aigu le problème de l’organisation de l’ensemble du sys- tème de santé. La création d’un socle solide de Soins de santé primaire (SSP), interprofessionnel et cohérent, pour- rait en améliorer l’efficacité et l’efficience.

Nous questionnons ici la place des SSP par rapport aux autres niveaux de soins ainsi que celle des différentes pro- fessions des SSP dans la prise en charge des besoins de santé de la population. Un socle solide de SSP est-il vrai-

(5)

1 ** D’Amour D, et al. A model and typology of col- laboration between professionals in health care orga- nizations. BMC Health Serv Res 2008;21:1-14.

2 ** Samuelson M, Tedeschi P, Aarendonk D, de la Cuesta C, Groenewegen P. Improving interprofes- sional collaboration in Primary care. European Forum for Primary Care. http://nvl007.nivel.nl/euprimarycare/

primary-care-and-interprofessional-collaboration- within-primary-care-teams

3 ** Saba GW, et al. The myth of the lone physician : Toward a collaborative alternative. Ann Fam Med 2012;

10:169-73.

4 Widmer D. Skill mix et OCDE. Prim Care 2011;11:

339-40.

5 Brody H. From an ethics of rationing to an ethics of waste avoidance. N Engl J Med 2012;366:1949-51.

6 WHO. Charte de Tallin, 2008 : www.euro.who.int/_

data/assets/pdf_file/0008/88604/E91439.pdf 7 ** Mladovsky P, Srivastava D, Cylus J, et al. Health policy responses to the financial crisis in Europe. Policy Summary 5. WHO 2012. www.euro.who.int/_data/

assets/pdf_file/0009/170865/e96643.pdf

8 Paugam S, Schultheis F. Introduction. In : Simmel G.

Les pauvres. Paris : PUF, 1998.

9 Heath I, Mangin D, Toop L, Brodersen J. The future of national health systems. Br J Gen Pract 2011;61:

318-20.

10 Sen A. Repenser l’inégalité. Paris : Seuil, 2000.

11 Edouard R, Clement M. Les soins de santé primai- res. Critiques d’une orthodoxie. Québec : Presses Uni- versitaires du Québec, 2010.

12 WHO. Les soins de santé primaires. Maintenant plus que jamais. 2008 : www.who.int/whr/2008/08_

report_fr.pdf

13 Fraser N. Qu’est-ce que la justice sociale ? Paris : la Découverte, 2011.

14 Griesser A. Petit précis d’organisation des soins.

Interdisciplinarité. Rueil : Lamarre, 2010.

15 Schultheis F. Employabilité. Critique de la conception managériale de l’homme à la croisée des perspectives sociologique et médicale. Prim Care 2012;12:175-9.

16 Cohen D. Nos temps modernes. Paris : Flammarion, 1999.

17 Thompson D, Wolf G, Spear S. Driving improve- ment in patient care. Lessons from Toyota. JONA 2003;

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18 Finn R, Learmonth M, Reedy P. Some unintended effects of teamwork in healthcare. Soc Sci Med 2010;

70:1148-54.

19 * Wilkinson R. L’égalité c’est la santé. Paris : Demo- polis, 2010.

20 Chatelard S, Vaucher P, Wolff H, et al. Le médecin face aux inégalités sociales de santé : quel pouvoir d’ac- tion ? Rev Med Suisse 2012;8:1061-6.

21 Widmer D, Herzig L, Bischoff T. Complexité, méde- cine générale et réformes des systèmes de santé. Rev Med Suisse 2011;7:1883-7.

22 De Maeseneer J, Roberts R, Demerzo M, et al.

Tackling NCDs : A different approach is needed. Lancet 2012;379:1860-1.

23 Husserl E. La crise de l’humanité européenne et la philosophie. Paris : Hatier, 1992.

24 Duflo E. Le développement humain. Lutter contre la pauvreté (I). Paris : Seuil, 2010.

25 Vermeire E. La recherche qualitative. Master class Kayr GP, Nice 2009. www.fayrgp.org/images/pdf/

Masterclass_Recherche_Qualitative.pdf?db87a4c54a46 53b1e2666856b2172a61=831f1ce10d165ff1e9162048 d242484b

26 The Economist. The future of medicine : Squeezing out the doctor. The role of physicians at the centre of health care is under pressure. 2.6.2012 : www.economist.

com/node/21556227

27 WHO. Comité régional de l’Europe. La santé en période de crise économique mondiale : incidences pour la région européenne, 2009 : www.euro.who.int/_data/

assets/pdf_file/0007/66958/RC59_fdoc07.pdf

* à lire

** à lire absolument

Bibliographie

Implication pratique

Chaque profession devrait être au clair sur son rôle, ses tâches, sa vision de la justice sociale, de l’organisation du tra- vail et de la recherche. On communique mieux avec des identités claires

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