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Médecine de l’adolescence. Le poids des adolescents : un poids pour la famille ?

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Texte intégral

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F. Narring

C. Chamay-Weber S. Shehu-Brovina L. Lanza

introduction

L’obésité est un problème de santé qui touche les adolescents comme les enfants et les adultes et dont la prévalence a ré- cemment augmenté de façon inquiétante dans les pays riches et urbanisés.1 Face au grand nombre d’enfants en surpoids ou obèses, et particulièrement à l’adolescence, le défi des soi- gnants est de tenir compte des dimensions du contexte bio- psycho-social, non seulement pour adapter les soins aux besoins de santé mais aussi pour prévenir les multiples complications associées au surpoids.2

Les programmes de soins qui ont montré une efficacité pour les enfants sont ceux qui intègrent directement les parents dans le but de soutenir l’enfant ou l’ado- lescent dans la modification de son style de vie.3,4 Cependant, peu d’études ont exploré les enjeux et les modalités de l’implication des parents dans les soins aux adolescents souffrant d’obésité. Ces programmes de soins associent des in- terventions comportementales sur les habitudes alimentaires et l’activité physi- que à une prise en compte globale de l’environnement, incluant les valeurs et relations familiales qui jouent un grand rôle dans l’alimentation et l’activité physi- que quotidienne.

L’obésité a un retentissement sur la santé physique, psychologique et sur les relations sociales, en particulier à l’adolescence. Le résultat des programmes de prise en charge de l’obésité ne doit pas seulement évaluer l’évolution de l’IMC (indice de masse corporelle), mais doit aussi se mesurer en termes de qualité de vie, d’image de soi, de confiance en soi, de perception du corps et d’évolution des relations avec les autres. Ces dimensions sont les pierres angulaires du dé- veloppement de l’adolescent et ne peuvent se construire sans l’implication de la famille ou le soutien des adultes de référence.

A l’adolescence, contrairement à ce qui se passe dans l’enfance où le principal interlocuteur du soignant est le parent, le patient devient l’interlocuteur direct Is the weight of obese adolescent heavy

for their family ?

The increasing prevalence of obesity creates a need to develop healthcare services that address both obesity and the health problems common to all young people. It is particularly important to involve parents and significant adults to promote easy access and continuity.

Improved quality of life is as important as weight loss and prevention of complications.

The family has an important role to play in helping adolescents develop their autonomy and enter adulthood. When family structures are affected by a child’s chronic condition, it is necessary to provide support to parents during these changes. Feelings of isolation and discouragement are best tackled by involving parents and helping them to find ways to motivate and assist their children on their developmental path.

Rev Med Suisse 2011 ; 7 : 125-7

La prévalence de l’obésité ayant augmenté de façon inquié­

tante dans les pays industrialisés, de nombreux adolescents devraient bénéficier de soins appropriés tenant compte du fait que les enfants souffrant d’obésité vivent les mêmes défis que tous les jeunes. L’implication des parents ou des adultes de référence est cruciale pour l’accès aux soins et la continuité des soins au cours de l’adolescence. La perte de poids et la prévention des complications physiques ne vont pas sans la promotion de la qualité de vie. Le rôle de la famille est alors primordial pour permettre à l’adolescent de prendre ses dis­

tances et de devenir adulte. Quand la structure familiale est fragilisée par la maladie chronique d’un des enfants, les parents doivent souvent être soutenus dans les changements nécessai­

res à cette évolution. Les associer aux soins permet de rompre l’isolement dans lequel ils vivent et de résister au décourage­

ment pour trouver les bons leviers de motivation et les adapter au développement de leurs enfants.

Médecine de l’adolescence

Le poids des adolescents : un poids pour la famille ?

nouveautés en médecine 2010

Drs Françoise Narring, Catherine Chamay-Weber, Shqipe Shehu-Brovina Unité Santé Jeunes, Département de l’enfant et de l’adolescent

et Département de médecine communautaire et de premier recours Lydia Lanza, psychologue

Programme Contrepoids des HUG Département de l’enfant

et de l’adolescent HUG, 1211 Genève 14 francoise.narring@hcuge.ch

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du soignant. Il est reçu le plus souvent sans ses parents, de manière à respecter la confidentialité et à favoriser l’auto- nomisation et la responsabilité individuelle de l’adolescent.

La famille est progressivement mise à distance.

Dans ces circonstances, quels sont les enjeux et les mo- dalités de l’implication des parents dans les soins aux ado- lescents souffrant d’obésité ?

soinsauxadolescentssouffrant d

obésitéen suisse

De nombreux adolescents soignés par leur médecin de premier recours, pédiatre ou généraliste, ont un suivi mé- dical associant les soins d’une diététicienne ou parfois même d’un psychologue. Le dépistage précoce du surpoids per- met d’intervenir rapidement avant ou pendant la puberté pour limiter la prise de poids et profiter de la croissance en taille pour diminuer l’IMC.3,4 Dans le cadre du dépistage en milieu scolaire, certains cantons, comme Genève, pro- posent depuis plusieurs années un programme de soins aux jeunes souffrant d’obésité associant les aspects éducatifs et motivationnels dans un cadre d’éducation pour la santé qui est le propre du milieu scolaire.

Santésuisse a instauré la prise en charge forfaitaire des soins en groupe multidisciplinaire aux enfants et adoles- cents de moins de 18 ans. Des programmes se sont alors mis en place, dans les hôpitaux, les groupes médicaux ou les associations du milieu de la santé ou du sport œuvrant dans la communauté. A Genève, les HUG ont créé le pro- gramme Contrepoids qui a développé des programmes en groupes pour les enfants et les adolescents, créant du ma- tériel didactique et des collaborations multidisciplinaires au sein du Département de l’enfant et de l’adolescent.5

pourquoicontinuer àimpliquerles parentsà l

adolescence

?

Faire le pas d’entrer dans un programme de soins ou d’entreprendre un suivi n’est pas chose aisée pour un ado- lescent, d’autant que de nombreux obstacles vont entraver la continuité des soins nécessaire au traitement de cette maladie chronique. A l’adolescence, la plupart des jeunes souf frant d’obésité ont déjà fait des tentatives pour se soi- gner et gardent en mémoire la frustration et les blessures d’amour-propre issues des échecs ou des abandons de soins. Ces expériences non satisfaisantes ou contraignantes leur laissent un sentiment d’incompétence et de culpabi- lité difficile à surmonter. L’influence extérieure des parents, et plus particulièrement des mères, est donc souvent dé- terminante pour que les adolescents consultent et entrent dans un programme de soins.6,7

Les adolescents ont besoin d’une aide et d’un soutien adapté à leur âge pour intégrer et persévérer dans un pro- gramme de soins. Quelques études aux Etats-Unis et en Europe montrent que sans ce soutien de la part de leurs parents et des adultes de référence qui les entourent (comme les enseignants ou les éducateurs), les jeunes ne pourraient pas maintenir leur motivation.8-10 Quand les parents sont impliqués, les adolescents le reconnaissent aisément et parlent de leur entourage familial comme d’une

source de renforcement de leur sentiment d’être capable (self-efficacy en anglais) d’atteindre leurs objectifs. C’est ce soutien, entre autres, qui leur permet de maintenir leur confiance en eux et leur estime d’eux-mêmes, en dépit des tentations de dévalorisation présentes dans l’environ- nement (copains, à l’école, dans les loisirs, etc.). En outre dans cette période de vie, l’impatience règne et les résul- tats doivent être immédiats. Le découragement est d’autant plus fréquent que la motivation doit être maintenue dans la durée pour constater des changements. Le rôle des pa- rents sur ce chemin fastidieux est primordial pour maintenir l’observance thérapeutique.

Les enfants souffrant d’obésité vivent leur adolescence en traversant les mêmes défis que tous les jeunes : se cons- truire une identité, devenir autonome tout en gardant les liens avec leurs familles et construire des relations sociales et affectives épanouissantes pour trouver sa place d’adulte dans la société. Ces changements ne se font pas sans con- frontation et négociation avec leurs parents ou d’autres figu- res d’autorité avec qui ils vivent. Les changements induits par le développement de l’adolescent bouleversent les équilibres de l’ensemble du système familial et le processus d’autonomisation entraîne les parents, le couple parental, les frères et sœurs et la famille élargie dans des remises en cause majeures. La maladie chronique peut alors créer un blocage du processus de fonctionnement familial en foca- lisant l’attention sur l’adolescent souffrant d’obésité (pro- cessus de désignation).11

Ainsi la phase d’autonomisation qui correspond à ces premiers mouvements de séparation, marquée par la pré- sence de cette maladie chronique qui affecte le dévelop- pement, l’image de soi et les relations sociales, ne pourra pas se dérouler harmonieusement. Les parents qui cher- chent à protéger leur enfant en but aux moqueries ou aux humiliations, vivent également la frustration et la colère devant l’échec des tentatives de réduction du poids qu’ils estiment être la seule façon de «résoudre ces difficultés».

L’équilibre entre appartenance et identité de l’adolescent est fragilisé. Il n’est pas rare, dans ce moment de la vie familiale, d’observer une réactivation de blessures présen- tes dans l’histoire des parents : une problématique autour du poids concernant les parents, la gestion des tensions familiales, des difficultés de couple, etc.

commentimpliquerles parentsdans les soinsàl

adolescence

?

La médecine des adolescents propose un cadre pour optimiser les soins en tenant compte du processus de dé- veloppement. Les soignants disposent d’un certain nombre d’outils pour accueillir les jeunes patients et leurs parents dans le respect de la confidentialité et des relations fami- liales.12 Les parents vont contribuer aux processus évolu- tifs et à une série de transitions analogues et parallèles à ceux dans lesquels est engagé l’adolescent. L’acquisition de l’indépendance de l’adolescent dépend ainsi d’un travail familial d’ajustement et d’aménagement des relations, des attentes et des projets de chacun au sein de la famille. Le but des soins consiste par conséquent à créer un cadre où le fonctionnement familial peut être activé pour que la fa-

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l’alcool, la séduction et les relations amoureuses ou les ac- tivités de loisirs diverses. Les relations du couple et le cadre parental sont mis en question, et peuvent être aménagés.

Les parents prennent conscience qu’ils doivent s’impliquer dans la prise en charge de l’obésité de leur adolescent, ils doivent faire les changements qui s’imposent à domicile et dans leur relation pour soutenir l’adolescent dans sa dé- marche de perte de poids.

conclusion

Les médecins ne peuvent ignorer le rôle que les parents jouent au cours de l’adolescence et auprès du jeune adulte dans nos sociétés où l’indépendance survient de plus en plus tard. Les soignants doivent apprendre à considérer les parents et les familles comme des partenaires dans les soins aux jeunes, porteurs d’une maladie chronique comme l’obésité. Cela leur permettrait d’impliquer et d’aider les parents ou adultes de référence à être partie prenante dans des soins qui sont de longue durée et qui seront, souvent, encore nécessaires à l’âge adulte. L’enjeu est donc majeur pour la santé publique et pour l’évolution du rôle professionnel du médecin à l’heure des réseaux de soins et des nouveaux défis de santé communautaire qui s’an- noncent pour les prochaines années.

mille puisse à nouveau utiliser ses compétences et pour- suivre cette étape évolutive. Cette dernière est indispen- sable au processus d’individuation qui poussera l’adoles- cent vers sa vie adulte.13 Dans nos sociétés, les approches pour venir en aide aux enfants multi-problématiques sont habituellement descriptives et normatives : elles sont dé- signées et perçues selon la perspective, les instruments d’évaluation et le langage adopté.

Les parents se trouvent le plus souvent démunis face à leur adolescent souffrant d’obésité. La dynamique familiale se fige et l’adolescent devient la cible de toutes les cri- tiques. Ils ont besoin d’aide pour soutenir leur adolescent dans son développement normal. Dans notre expérience clinique, les parents nous ont fait part du soulagement de pouvoir être intégrés au programme de soins en groupe.

Confrontés à la maladie, les parents qui s’engagent dans un programme aussi exigeant montrent une volonté d’être partie prenante et de consacrer du temps et de l’énergie à soutenir leurs enfants dans cette phase critique du dé- veloppement en les accompagnant aux consultations. Bien entendu, tous les parents ne peuvent pas s’impliquer dans une thérapie de groupe hebdomadaire en particulier quand ils sont surchargés par leur travail ou leur charge familiale (parent isolé, situation de migration ou d’éloignement de la famille d’origine, etc.).

Cependant, l’expérience nous montre que les rencontres en groupe représentent un soutien et un réconfort pour les parents. En effet, ils souffrent d’isolement, de décourage- ment et de manque de reconnaissance. Ils ressentent une forte culpabilité liée aux conflits à la maison et sont sou- vent frustrés par des tentatives de régime ou de change- ment de comportement difficiles à mener à terme dans l’enfance. Le groupe de parents devient une ressource grâce à laquelle ils peuvent se décentrer du problème de poids et prendre des distances par rapport à l’alimentation pour aborder les besoins plus spécifiques de l’adolescence.

Le groupe, en effet, apporte la réflexion et le soutien pour trouver des solutions face aux défis de l’adolescence : ménager l’autonomie de l’adolescent, le rendre responsa- ble de ses décisions et aménager des conditions pour ap- prendre en expérimentant dans des domaines qui ne sont pas sans risque comme l’usage de substances, le tabac ou

Implications pratiques Ce que l’on savait déjà :

• L’obésité est une maladie chronique dont les soins doivent se poursuivre plusieurs années

• L’impact sur la famille est important en cas d’obésité d’un des enfants

• La transition de soin à l’adolescence suppose que ce soit le jeune patient qui prenne en main son traitement

Ce que cela apporte de nouveau

• Les parents doivent être impliqués dans les soins pour mieux soutenir l’autonomisation de leur enfant devenu adolescent

• La famille joue un rôle majeur dans la continuité des soins et doit être impliquée dans les soins pour accompagner le processus d’acquisition de l’indépendance d’un enfant souf- frant d’une obésité

• Les soignants doivent travailler avec les parents et l’adoles- cent pour diminuer la souffrance de chacun

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1 ** Baker JL, Farpour-Lambert NJ, Nowicka P, Pietrobelli A, Weiss R. Evaluation of the overweight/

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3 * Farpour-Lambert NJ, Nydegger A, Kriemler S, L’Allemand D, Puder JJ. How to treat childhood obe- sity ? Importance of primary prevention. Rev Med Suisse 2008;4:533-6.

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5 Farpour-Lambert NJ, Sempach R, L’Allemand D, Laimbacher J. Thérapie de l’obésité de l’enfant et de l’adolescent : propositions de programmes interdisci- plinaires. Paediatrica 2007;18:37-40.

6 Murtagh J, Dixey R, Rudolf M. A qualitative investi- gation into the levers and barriers to weight loss in children : Opinions of obese children. Arch Dis Child 2006;91:920-3.

7 Braet C, Jeannin R, Mels S, Moens E, Van Winckel M. Ending prematurely a weight loss programme : The impact of child and family characteristics. Clin Psychol Psychother 2010;17:406-17.

8 Lindelof A, Nielsen CV, Pedersen BD. Obesity treatment-more than food and exercise : A qualitative study exploring obese adolescents’ and their parents’

views on the former’s obesity. Int J Qual Stud Health Well-being 2010;5:1-11.

9 Cote MP, Byczkowski T, Kotagal U, et al. Service

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10 Zeller M, Kirk S, Claytor R, et al. Predictors of at- trition from a pediatric weight management program.

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11 ** Gagnier JP, Asselin P. Adolescence, famille et désignation. Cahiers Critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux 2008;1:169-82.

12 Haller D, Meynard A, Narring F. Je prends des risques mais je gère… : Outils pratiques pour les en- tretiens avec des adolescents au cabinet médical. Rev Med Suisse 2008;4:578-9.

13 Ausloos GP. La compétence des familles. Ramon- ville Saint-Agne : Eres ed., 2000.

* à lire

** à lire absolument

Bibliographie

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