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Maladies hépatiques chroniques et diabète

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Academic year: 2022

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Texte intégral

(1)

J. Jaafar

B. de Kalbermatten J. Philippe

A. Scheen F. R. Jornayvaz

épidémiologie

En 2013, la Fédération internationale du diabète avançait le chiffre de 382 millions de patients diabétiques, diagnostiqués dans le monde, avec un chiffre prédit en 2035 à 592 millions.

La stéatose hépatique non alcoolique (Nonalcoholic fatty liver disease, NAFLD) reste la plus fréquente des maladies hépati­

ques chroniques (MHC) dans le monde, et sa prévalence aug­

mente avec l’épidémie d’obésité et de diabète. D’autres causes fréquentes de MHC sont les hépatites virales (B et C), l’alcool et l’hémochromatose.

Nonante­six pour cent des patients cirrhotiques peuvent avoir une intolérance au glucose et jusqu’à 30% d’entre eux peuvent développer un diabète.1

physiologiehépatique dansl

homéostasieduglucose L’une des fonctions principales du foie est de synthétiser du glycogène sous l’effet de l’augmentation d’insuline sécrétée après la prise alimentaire. Durant le jeûne, le foie libère du glucose sous l’effet de la diminution de sécrétion d’insu­

line et l’augmentation de sécrétion du glucagon, soit par la glycogénolyse, soit dans un deuxième temps par la néoglucogenèse (figure 1).2

rôle delamaladie hépatiquedans ledéveloppement dudiabète

(

diabètehépatogène

)

Le diabète de type 2 résulte d’une baisse progressive de la sécrétion d’insu­

line, associée à une résistance hépatique et musculaire à l’insuline.3

Le «diabète hépatogène» se développe comme complication d’une maladie hépatique chronique.4 Dans ce cas, la résistance à l’insuline dans les tissus péri­

phériques (adipeux et musculaires) joue un rôle central dans la perturbation de l’homéostasie glucidique. D’autres mécanismes, comme une diminution de la clairance de l’insuline et une augmentation des hormones contre­régulatrices (glu­

cagon, hormone de croissance) et des cytokines pro­inflam matoires, sont impliqués.

Chronic liver diseases and diabetes The presence of chronic liver diseases may drastically limit the use of anti­diabetic drugs.

Chronic liver diseases increase insulin resis­

tance, and in some risk groups promote the development of diabetes. Therefore, anti­

diabetic treatment should be adapted to the severity of liver disease. However, diabetes, notably when associated with obesity and dyslipidemia, participates in the development of nonalcoholic fatty liver disease and to steato­hepatitis that may progress to cirrho­

sis and hepatocellular carcinoma. Other rela­

tions between diabetes and chronic liver disease will be discussed in this article. Finally, the indications and limits of each anti­ dia­

betic therapy group will be discussed accor­

ding to the degree of liver damage.

Rev Med Suisse 2014 ; 10 : 1254-60

La présence d’une maladie hépatique chronique (MHC) limite drasti quement l’utilisation des antidiabétiques. Les MHC aug­

mentent la résistance à l’insuline et, dans certains groupes à risque, favorisent le développement du diabète. Le traitement antidiabétique doit alors tenir compte de la sévérité de l’at­

teinte hépatique. Le diabète, notamment associé à l’obésité et la dyslipidémie, participe au développement de la stéatose hé­

patique et, dans un deuxième temps, à la stéatohépatite non alcoolique qui peut progresser vers la cirrhose, elle­même pou­

vant se compliquer d’un carcinome hépatocellulaire. D’autres relations entre diabète et MHC seront discutées dans cet ar­

ticle. Finale ment, nous revisiterons les indications et les limi tes de chaque groupe d’antidiabétiques selon l’atteinte hépatique.

Maladies hépatiques chroniques et diabète

synthèse

Drs Jaafar Jaafar, Bénédicte de Kalbermatten et François R. Jornayvaz Pr Jacques Philippe

Service d’endocrinologie, diabétologie, hypertension et nutrition

HUG, 1211 Genève 14 jaafar.jaafar@hcuge.ch Pr André Scheen Université de Liège

Service de diabétologie, nutrition et maladies métaboliques Département de médecine CHU Sart Tilman 4000 Liège, Belgique

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Cependant, une étude rapporte que, chez des patients avec cirrhose de stade Child B, l’hyperinsulinisme peut être secondaire à l’augmentation de la sensibilité au glucose des cellules b pancréatiques, tandis que la diminution de la clairance hépatique de l’insuline ne semble pas avoir un rôle significatif.5 Il est aussi possible que des facteurs géné­

tiques et exogènes comme le virus de l’hépatite C, l’alcool et l’infiltration de fer diminuent la sécrétion d’insuline par le pancréas.6

Dans une étude comparant des patients avec diabète hépatogène à des patients avec diabète de type 2, la résis­

tance à l’insuline était significativement plus élevée chez ceux avec diabète hépatogène. Ainsi, la résistance à l’insu­

line et la diminution de clairance hépatique de l’insuline sont deux mécanismes importants d’hyperinsulinémie dans la cirrhose hépatique.7 Cliniquement, le diabète hépatogène est moins fréquemment associé aux complications micro et macrovasculaires que le diabète de type 2.8

rôledudiabète dansle développement dunafld

,

delanashetducarcinome hépato

-

cellulaire

(

chc

)

La résistance à l’insuline dans le diabète de type 2 et l’obésité favorisent la libération d’acides gras libres (AGL) du tissu adipeux. Les AGL s’accumulent dans les cellules hépatiques, un processus favorisé par la lipogenèse de novo.

La sécrétion réduite de VLDL (Very Low Density Lipoproteins) par les cellules hépatiques renforce encore l’accumulation de graisse dans le foie, produisant ainsi la stéatose. Le stress oxydatif mitochondrial est alors augmenté par l’ex­

cès des AGL intracellulaires et sous l’influence des adipo­

kines (TNFa…). L’excès de stress oxydatif produit des ra­

dicaux libres qui, à leur tour, induisent une inflammation et une nécrose cellulaire. L’inflammation tissulaire stimule les cellules stellaires du foie à produire du collagène, favori­

sant la fibrose, marque histologique de cirrhose qui devient un terrain pour le développement de CHC.9,10

Le rôle délétère de l’obésité, de l’insulinorésistance et du diabète de type 2 sur la NAFLD et la NASH (stéatohé­

patite non alcoolique), premiers stades des MHC, a bien été démontré par les effets bénéfiques obtenus suivant un amaigrissement tel celui important, observé après chirurgie bariatrique.11

hépatitec

,

résistanceà l

insuline etdiabète

Le virus de l’hépatite C (VHC) serait directement impli­

qué dans la genèse de l’insulinorésistance retrouvée chez les patients atteints d’une hépatite C chronique, et cette insulinorésistance pourrait évoluer vers un diabète appa­

renté au diabète de type 2, surtout chez les patients âgés, obèses, ou avec une maladie hépatique avancée. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que l’infection par le VHC est un facteur de risque indépendant de développer un diabète après transplantation hépatique ou rénale.12

La guérison de l’hépatite C chronique sous antiviraux est associée à une réduction du score d’insulinorésistance par rapport aux valeurs retrouvées avant le traitement. De plus, l’incidence de l’intolérance au glucose est diminuée par rapport à celle observée chez les patients qui n’ont pas ré­

pondu au traitement.13

Les niveaux intrahépatiques des substrats du récepteur à l’insuline (IRS­1 et IRS­2) avant et après traitement anti­

viral augmentent en cas de guérison d’une hépatite C, confirmant ainsi une interaction directe entre VHC et signali­

sation de l’insuline.14 De plus, une corrélation positive est notée entre le score d’insulinorésistance et la virémie en l’absence d’obésité ou de fibrose significative, ce qui sug­

gère que la réplication virale exerce une influence directe sur le développement d’une insulinorésistance.15

Il est à noter également que la résistance à l’insuline et le diabète de type 2 figurent parmi les facteurs impliqués dans une fibrogenèse accélérée au cours d’une hépatite C chronique, et qu’ils sont aussi des facteurs prédictifs d’une mauvaise réponse au traitement antiviral au cours d’une hépatite C chronique.12

hyperferritinémie etdiabète

Il faut faire la distinction entre l’hyperferritinémie par surcharge en fer (saturation de la transferrine élevée, L 50%), comme dans l’hémochromatose ou en cas de trans­

fusions sanguines itératives, et l’hyperferritinémie sans sur­

charge en fer ou «dysmétabolique» (saturation de la trans­

ferrine l 50%), comme dans le cas des syndromes inflam­

matoires, de la consommation excessive d’alcool, de la lyse cellulaire hépatique ou musculaire.16

L’hyperferritinémie dysmétabolique (HD) (sans surcharge en fer) est actuellement la cause la plus fréquente d’éléva­

tion de ferritine dans la population générale.

Une augmentation de la ferritine est un facteur de ris­

que indépendant de développer un diabète de type 2, et de nombreuses études épidémiologiques et méta­analyses ont démontré que la quantité de fer ingérée augmente le risque de développer un diabète de type 2, voire un dia­

bète gestationnel.17

Dans des modèles expérimentaux, le stress oxydatif in­

duit par l’hyperferritinémie contribue à un excès d’apop­

Figure 1. Homéostasie glycémique

* Glycémie normale entre 3,9 et 5,6 mmol/l.

Normalisation Normalisation

qGlycémie QGlycémie

Paramètre : glycémie à conserver dans

la norme*

Cellule a

Glucagon

QStockage de glucose qLibération de glucose

qStockage de glucose QLibération de glucose

Insuline Cellule b Détecteur : pancréas

Effecteurs : foie, muscles, tissu

adipeux Perturbations : repas,

jeûne, efforts…

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tose de la cellule b. Chez l’homme souffrant d’hémochro­

matose, on observe à la fois un déficit de production d’in­

suline et une résistance à l’action de cette hormone. La dysfonction de la cellule b serait requise et précéderait l’insulinorésistance dans ce modèle de diabète.

Les approches thérapeutiques visant à réduire les taux de ferritine lors d’HD ou dans l’hémochromatose (consom­

mation réduite de viande rouge, déféroxamine ou phlébo­

tomies thérapeutiques) ont démontré, dans un nombre res­

treint d’études contrôlées, un effet bénéfique sur l’homéo­

stasie du glucose, le profil lipidique et la perturbation des tests hépatiques lors de NASH (figure 2).16

piègesdansle monitoragedudiabète en casdemaladie hépatiquechronique

Le suivi diabétique peut être sujet à quelques erreurs chez les patients atteints de MHC. Un résumé des diffé­

rentes mesures disponibles dans le suivi diabétique et de leurs points forts et faibles est présenté dans le tableau 1.18

priseen charge dudiabète associéaux maladies hépatiqueschroniques

Le traitement du diabète en cas de MHC est complexe en raison de l’atteinte hépatique et de l’hépatotoxicité po­

tentielle de certains médicaments antidiabétiques ou d’évé­

nements indésirables favorisés par les MHC.19,20 Le score de Child­Pugh, qui est un score de sévérité de l’atteinte hépatique, est utilisé dans ce cas (tableau 2).21 La présence d’un syndrome hépatorénal requiert une considération sup­

plémentaire pour l’insuffisance rénale dans le choix théra­

peutique.

antidiabétiques etmaladieshépatiques chroniques

Biguanides (metformine)

La metformine constitue la première ligne thérapeutique dans le diabète de type 2. Elle n’est pas métabolisée ou excrétée par le foie, ce qui suggère que sa pharmacocinéti­

que n’est pas influencée par l’insuffisance hépatique ; tou­

tefois, il n’y a pas d’étude chez les diabétiques avec MHC.22 Néanmoins, en cas d’augmentation significative des taux d’acide lactique avec troubles hémodynamiques et hypo­

Relevance clinique et limites des différentes méthodes de surveillance de contrôle glycémique

Test Pertinence générale Limitations dans les MHC/observations

HbA1c Estimation de la glycémie moyenne au cours • Susceptibles d’être faussement basses

des 3 derniers mois • Eviter pendant ou après un traitement antiviral de l’hépatite C (hémolyse)

• Vérifier l’hémoglobine, l’hématocrite, les réticulocytes et les tests hépatiques chez tous les patients diabétiques avec MHC. En cas d’anémie sévère ou turnover élevé des globules rouges, l’HbA1c va être inexacte, et il faut envisager d’autres paramètres de surveillance

Fructosamine (FA) Estimation de la glycémie moyenne au cours Probablement inexacte chez les patients présentant une dysprotéinémie, des 2 dernières semaines un taux sérique très bas d’albumine ou une protéinurie

Albumine Non utilisée en médecine générale ; estimation Similaire à la FA glyquée (GA) globalement similaire à la FA

Autosurveillance Pertinente si la glycémie est contrôlée plusieurs Conseiller aux patients de vérifier avant et 2 heures après les repas à fréquente de la fois à des moments différents de la journée, la différents moments de la journée. Semble être le meilleur paramètre de glycémie mémoire du glucomètre téléchargeable rapporte surveillance glycémique dans les MHC. Facile à mettre en œuvre chez les

facilement la moyenne des glycémies patients motivés

Surveillance Recommandée chez les patients traités par Pas prescrite en routine (problèmes assécurologiques) continue de insuline avec épisodes récurrents d’hypoglycémie

la glycémie

Tableau 1. Les différentes possibilités dans le suivi diabétique et leurs points forts et faibles en cas de maladie hépatique chronique (MHC)

Mesure 1 point 2 points 3 points

Bilirubine totale, l 34 (l 2) 34-50 (2-3) L 50 (L 3) mmol/l (mg/dl)

Albumine sérique, L 3,5 2,8-3,5 l 2,8 g/dl

INR l 1,7 1,71-2,30 L 2,30

Ascite Non Légère Modérée à sévère

Encéphalopathie Non Grades I-II Grades III-IV

hépatique (ou absente (ou réfractaire)

sous traitement) Tableau 2. Score Child-Pugh

5-6 (classe A : légère), 7-9 (classe B : modérée) et 10-15 (classe C : sévère).

Figure 2. Schéma illustratif de la complexité entre le diabète et les maladies hépatiques chroniques

• Obésité abdominale

• Résistance à l’insuline

• Diabète de type 2

• Hépatite virale C

• Hémochromatose

• Cirrhose alcoolique

• Résistance à l’insuline

• Défaut de sécrétion d’insuline

• Diminution de la clairance de l’insuline

• Stéatose hépatique non alcoolique (NAFLD)

• Stéatohépatite non alcoolique (NASH)

• Cirrhose

Diabète

Maladie hépatique chronique

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perfusion hépatique, la clairance de la metformine peut être diminuée, ce qui peut contribuer à aggraver l’acidose lactique.

Des études observationnelles récentes ont suggéré que la metformine pouvait réduire l’incidence et le risque de développer un CHC, surtout en cas d’hépatite C ; ces résul­

tats doivent être confirmés dans des essais d’intervention spécifiques.22

Sulfonylurées

Les sulfonylurées sont classiquement contre­indiquées chez les patients présentant une maladie hépatique ou ré­

nale vu leur métabolisme hépatique et leur excrétion ré­

nale.20

1. Glibenclamide (glyburide) : il est métabolisé par le foie avant d’être éliminé par les reins et dans la bile ; donc, il ne doit pas être utilisé en cas de MHC sévère.

2. Glimépiride : il est métabolisé par le foie en métabolites actifs et inactifs. Le glimépiride est contre­indiqué en cas de dysfonction hépatique sévère (cirrhose Child C).

3. Gliclazide : il est métabolisé par le foie en métabolites inactifs qui sont éliminés principalement dans l’urine (80%).

Il n’existe pas de données sur la pharmacocinétique du gli­

clazide chez les patients atteints de MHC. Son utilisation, comme les autres sulfonylurées, n’est pas recommandée dans la dysfonction hépatique sévère.

Méglitinides (glinides)

Les glinides ont des demi­vies courtes et sont métabo­

lisés dans le foie. Les caractéristiques pharmacocinétiques des glinides ont été évaluées chez les diabétiques avec MHC ; l’exposition au médicament et l’élimination semblent différentes entre le répaglinide (interférence significative) et le natéglinide (changement minime).

Le natéglinide a été testé dans une étude pilote de vingt semaines chez des patients diabétiques avec NASH, répartis au hasard en deux groupes, cinq patients traités par natéglinide (90 mg avant chaque repas, soit 270 mg/

jour) et cinq patients contrôles. La glycémie postprandiale, l’HbA1c, la fonction hépatique, l’échographie abdominale, le scanner hépatique et les données histologiques étaient tous améliorés après un traitement par natéglinide.23

Inhibiteurs de l’ a -glucosidase

L’acarbose agit localement dans le tractus gastro­intesti­

nal et est caractérisé par une faible biodisponibilité systé­

mique et l’absence d’effets toxiques sur le foie. Plusieurs études limitées ont démontré l’efficacité et la sécurité de l’acarbose chez les patients diabétiques avec MHC, dont la cirrhose alcoolique et la cirrhose non alcoolique compensée.

L’acarbose a été également considéré comme une théra­

peutique prometteuse pour les patients atteints de NASH.24

Thiazolidinédiones (glitazones)

La pioglitazone et ses métabolites actifs sont excrétés par le foie plus que par les reins.

Dans une étude de preuve de concept, l’administration de la pioglitazone, agissant comme un insulino­sensibilisa­

teur, a conduit à une amélioration histologique et métabo­

lique chez les sujets atteints de NASH. D’autres études ont

également montré des résultats favorables, bien qu’ils soient moins convaincants, chez des patients avec NAFLD sans diabète. D’autres résultats suggèrent que la thérapie à long terme avec la pioglitazone peut être nécessaire pour main­

tenir les améliorations de l’activité de la maladie chez les patients atteints de NASH, bien que le gain de poids au cours de ce traitement puisse finalement limiter ses effets bénéfiques.25 De plus, selon le Compendium suisse des médi- caments, la pioglitazone ne devrait pas être utilisée durant plus de deux ans en raison du risque d’augmentation de cancer de la vessie.

Inhibiteurs de la DPP-4 (dipeptidyl peptidase-4) (gliptines)

Les gliptines agissent sur le système des incrétines en inhibant la dégradation du GLP­1 (glucagon-like peptide-1) en­

do gène. Elles améliorent le contrôle de la glycémie, sans induire d’hypoglycémie ni de prise pondérale. Un docu­

ment récent suggère que la DPP­4 peut être un acteur clé dans les MHC, une découverte qui pourrait ouvrir de nou­

velles perspectives pour l’utilisation des inhibiteurs de la DPP­4 chez les patients atteints de MHC.26 Cependant, au­

cune étude clinique d’une administration chronique d’un inhibiteur de la DPP­4 chez des patients atteints de MHC n’est encore disponible.

Du point de vue pharmacocinétique, il n’est pas néces­

saire de réduire les doses de gliptine chez les patients avec dysfonctionnement hépatique léger ou modéré, y com­

pris la linagliptine qui est éliminée par voie biliaire plutôt que par voie rénale.27

Inhibiteurs du SGLT2 (sodium-glucose co-transporter 2) (gliflozines)

Ils inhibent la réabsorption du glucose au niveau rénal et réduisent la glycémie indépendamment de l’insuline. La canagliflozine est la seule sur le marché suisse, introduite en mars de cette année. Aucun ajustement posologique n’est nécessaire chez les patients présentant une insuffisance hépatique légère ou modérée.

Analogues du GLP1 (glucagon-like peptide-1)

• Exénatide : Au vu de l’élimination essentiellement rénale, l’insuffisance hépatique ne devrait pas influencer la pharma­

cocinétique de l’exénatide, bien que cela n’ait pas vraiment été étudié.

• Liraglutide : métabolisé in vivo par la DPP­4 et la neutral endopeptidase, il est complètement dégradé dans le corps sans élimination urinaire ou fécale. L’exposition au liraglutide n’augmente pas chez les patients avec une insuffisance hé­

patique légère, modérée ou sévère, ce qui suppose que l’utilisation du liraglutide est possible chez les patient avec MHC, mais les études manquent.

Une étude japonaise a montré qu’un traitement de lira­

glutide chez des patients diabétiques améliorait non seu­

lement le contrôle du diabète mais diminuait également l’inflammation et la fibrose hépatiques par rapport à la sita­

gliptine et la pioglitazone, et diminuait le poids corporel.28 Actuellement, l’étude LEAN (Liraglutide Efficacy and Ac­

tion in NASH), un essai clinique randomisé, contrôlé, de phase II, multicentrique, en double aveugle, a été conçue

(5)

pour déterminer si un traitement de 48 semaines avec 1,8 mg de liraglutide améliorait l’histologie hépatique chez les pa­

tients atteints de NASH. Les résultats ne sont pas encore disponibles.29

Insuline

Chez les patients avec MHC décompensée, le besoin en insuline peut être diminué en raison de la réduction de la néoglucogenèse et d’une diminution de la dégradation hé­

patique de l’insuline (risque d’hypoglycémie). Cependant, les patients présentant une insuffisance hépatique com­

pensée peuvent avoir des besoins accrus en insuline pour compenser la résistance à son action.30

L’équipe de Nygren a montré que la clairance hépatique de l’insuline n’était que de 13 w 5% chez les patients cirrho­

tiques, alors qu’elle est significativement plus élevée chez les sujets contrôles (51 w 5% ; p l 0,001).31

L’insulinothérapie peut être utilisée à n’importe quel stade de MHC. Dans une série de quatre patients cirrhoti­

ques, atteints de diabète de type 2, avec mauvais contrôle glycémique par insulinothérapie conventionnelle, l’initiation de perfusion continue d’insuline sous­cutanée avec une pompe portable a été bénéfique dans le contrôle glycémi­

que.32

Une étude récente a montré l’absence de différences significatives dans les paramètres pharmacocinétiques de l’insuline dégludec, une nouvelle insuline à longue durée d’action, chez des patients avec insuffisance hépatique (Child A, B et C) comparés à des sujets avec fonction hépa­

tique normale (tableau 3).33

conclusion

Les patients diabétiques de type 2 ont fréquemment une stéatose hépatique ou d’autres MHC. Par ailleurs, 30%

des patients cirrhotiques ont un diabète. Le diabète parti­

cipe à l’évolution de certaines MHC, comme la NAFLD, la NASH et le CHC. Les MHC augmentent la résistance à l’in­

suline et compliquent la prise en charge thérapeutique du diabète. Les interventions visant à améliorer les anomalies métaboliques chez les patients diabétiques de type 2 (perte pondérale, contrôle glycémique…) sont aussi béné­

fiques pour la stéatose hépatique.34 Il n’y a pas de restric­

tion à l’utilisation de l’insuline chez les patients atteints de MHC de n’importe quel degré, qui reste donc le traitement de choix en cas de diabète avec une maladie hépatique avancée. Dans la majorité des cas, l’utilisation d’autres anti­

diabétiques est contre­indiquée ou n’a pas fait l’objet de suffisamment d’études cliniques. L’utilisation des agonistes du GLP­1 et des inhibiteurs de la DPP­4 pourrait être une alternative ou une combinaison intéressante à l’insuline dans le futur.

Tableau 3. Propositions pour l’utilisation des antidiabétiques en pratique clinique, selon le degré d’insuffisance hépatique

Médicaments Child-Pugh A Child-Pugh B Child-Pugh C Effets secondaires redoutés

Biguanides : metformine Oui (*) Précaution Non Acidose lactique (***)

Sulfonylurées : glibenclamide Oui Précaution Non Hypoglycémie

(glyburide), glimépiride, gliclazide

Glinides : répaglinide, natéglinide Oui Précaution Non Hypoglycémie

Inhibiteurs de l’a-glucosidase : acarbose Oui Probablement oui Probablement oui Hyperamoniémie Thiazolidinédiones : pioglitazone Oui (**) Précaution (suivre Non Hépatotoxicité ?

les tests hépatiques)

Inhibiteurs de la DPP-4 : sitagliptine, Oui Probablement oui Précaution Non connus, mais pas assez

vildagliptine, saxagliptine, linagliptine, d’expérience clinique

algogliptine

Inhibiteurs du SGLT2 : canagliflozine Oui Précaution Non Non connus, mais pas d’expérience

clinique

Agonistes des récepteurs du GLP-1 : Oui Probablement oui Précaution, Pas connu, mais pas d’expérience

exénatide, liraglutide ou pas d’utilisation clinique

Insuline Oui Oui Oui, avec précaution Hypoglycémie

L’expérience clinique reste limitée dans ces conditions, l’attention est donc de mise et un suivi clinique est recommandé, surtout en cas d’insuffisance hépatique Child-Pugh B et C.

* Effet favorable dans la NAFLD (Nonalcoholic fatty liver disease)/la NASH (stéatohépatite non alcoolique).

** Effet favorable dans la NAFLD/la NASH et l’inflammation hépatique.

*** Attention, surveiller aussi la fonction rénale.

DPP-4 : dipeptidyl peptidase-4 ; SGLT2 : sodium-glucose co-transporter 2 ; GLP-1 : glucagon-like peptide-1.

Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.

(6)

Implications pratiques

Appliquer la règle générale de la personnalisation du traite- ment chez les patients diabétiques atteints de maladie hépa- tique chronique (MHC)

Inclure l’atteinte hépatique et sa sévérité dans le choix thé- rapeutique pour le diabète, en plus de toutes les autres considérations thérapeutiques (âge, type de diabète, indice de masse corporelle, atteinte rénale, pancréatique, etc.) Insister sur les mesures hygiéno-diététiques vu leurs effets bénéfiques sur la NAFLD (Nonalcoholic fatty liver disease), la résistance à l’insuline et le diabète de type 2

La perte de poids, le traitement de la dyslipidémie et le contrôle glycémique peuvent améliorer la NAFLD

En cas de stéatohépatite non alcoolique (NASH), certaines options thérapeutiques comme le natéglinide, la pioglita- zone et la metformine peuvent être tentées, mais les étu des à long terme manquent à l’heure actuelle

Le liraglutide et les inhibiteurs de la DPP-4 (dipeptidyl pepti- dase-4) représentent de potentielles options thérapeutiques en cas de MHC dans le futur

Il n’y a pas de contre-indication à l’utilisation de l’insuline chez les patients diabétiques avec MHC si les doses sont adaptées à leurs besoins personnels

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Bibliographie

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