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Surcharge des urgences: si l'on changeait de paradigme?
SARASIN, François
SARASIN, François. Surcharge des urgences: si l'on changeait de paradigme? Revue médicale suisse , 2013, vol. 9, no. 394, p. 1451-2
PMID : 24024388
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:41727
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L
a surcharge chronique des services d’urgences est une préoccupation majeure des directeurs d’hôpitaux et des pouvoirs politi
ques. Cet intérêt est légitime, tant les conséquences de cette si
tuation sont majeures pour les patients (attente, délai diagnostique et/ou thérapeutique), et les soignants (stress, violence, démotivation). La littéra
ture médicale et les médias se sont largement faits l’écho de cette situation.
L’analyse de la surcharge des urgences nécessite impérativement une vision holistique de la situation englobant l’amont, l’aval et les services d’urgences. Or, alimenté par la disponibilité d’indicateurs faciles à mesurer (par exemple, nombre d’épisodes de soins), le débat se concentre quasi exclusivement sur l’analyse des flux de patients arrivant aux urgences (l’amont), avec comme objec
tif principal de les limiter, voire les réduire.
Cette discussion est vaine car elle repose sur le postulat que les urgences sont sur
chargées par des patients «non urgents».
Or, dans la réalité, même s’il ne s’agit pas d’urgences vitales, la demande de soins de la majorité de ces patients est bien réelle et légitime. Le problème est que dans son fonctionnement ac
tuel, notre système de soins n’offre pas d’alternatives à même de répon
dre à ces patients, d’où le recours par défaut aux urgences. Finalement, le souhait de réduire le flux de patients aux urgences estil compatible avec les campagnes de sensibilisation grand public sur les syndromes corona
riens aigus (SCA) et les accidents vasculaires cérébraux (AVC) où l’on ex
plique que chaque minute compte, et qu’en cas de douleur thoracique ou de troubles de l’élocution, il faut appeler le 144 ou se rendre le plus rapi
dement possible aux urgences ?
Oui, les systèmes de santé doivent tenter de répondre à la demande de soins et offrir des alternatives aux services d’urgences. Toutefois, l’atteinte de ces objectifs nécessite au minimum : 1) une médecine de premier recours revalorisée et plus efficiente ; 2) les moyens de gérer les situations de crise médicosociale complexes (gériatriques, psychiatriques) sans recourir à l’hôpital et 3) un accès facilité aux lits hospitaliers pour les médecins traitants afin qu’ils puissent hospitaliser leurs patients sans passage par les urgences, pour ne citer que quelques exemples. Ces objectifs sontils réalistes ?
Si l’on changeait de paradigme ? Si l’on admettait que les problèmes des urgences ne sont que le symptôme de l’évolution et des dysfonctionne
ments de notre système de santé et que leur existence est indispensable ; que réduire le recours aux urgences est un leurre, surtout lorsqu’il n’y a pas d’alternatives, que la crise économique et son cortège de suppressions de prestations ne vont faire qu’aggraver cette situation ; que pour traiter en moins de six heures un seul AVC ou SCA aigu, il faut accepter cinq ou six fois plus de patients avec des symptômes suspects d’AVC ou de SCA.
Et qu’en conséquence, il faut adapter nos structures à ces demandes, ré
fléchir globalement et prendre des décisions courageuses. Par exemple :
Surcharge des urgences : si l’on changeait de paradigme ?
«… les problèmes des urgences ne sont que le symptôme de l’évolution et des dysfonctionnements de notre système de
santé …»
éditorial
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 14 août 2013 1451
Editorial
F. Sarasin
Bertrand Yersin
Médecin-chef Service des urgences CHUV, Lausanne
François Sarasin
Médecin-chef Service des urgences Département de médecine communautaire, de premier recours et des urgences
HUG, Genève Articles publiés
sous la direction des professeurs
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• adapter l’architecture (ergonomie, surveillance, confort) et la capacité d’accueil des services d’urgences au volume et à la typologie des patients.
• Améliorer les conditions de travail du personnel des services d’urgen
ces (effectifs suffisants, aménagement des horaires, soutien à la gestion du stress, prévention de la violence).
• Anticiper l’explosion des recours aux urgences par les patients d’âge gé
riatrique (30% des urgences vitales concernent aujourd’hui des patients de 80 ans ou plus !) pour lesquels les structures actuelles sont mal adaptées.
• Accepter qu’audelà du diagnostic, l’éva
luation du risque individuel de chaque pa
tient (stratification), tâche essentielle qui incombe aux urgences afin d’éviter des hos
pitalisations inappropriées, puisse se faire dans des unités d’observations adaptées à cette mission.
• Répondre au manque chronique de places en aval des urgences et au cloisonnement des services par une politique claire d’attribution des lits afin de décharger les urgences de l’hébergement provisoire de patients par faute de place.
Utopique ? Illusoire ? Trop coûteux ? Pas plus que de vouloir limiter l’accès aux urgences, et/ou combler les failles du système de soins, et pro
bablement plus réaliste et plus utile pour les patients et la communauté ! Ce numéro est consacré à la toxicologie aux urgences, et discute de problèmes fréquents auxquels tous les praticiens et structures d’urgences sont susceptibles d’être confrontés. J’aimerais remercier l’équipe de ré
dacteurs pour le travail qui a permis la réalisation de ce numéro.
Bonne lecture !
1452 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 14 août 2013
«… Utopique ? Illusoire ? Trop coûteux ? Pas plus que de vouloir limiter l’accès aux urgences …»
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 14 août 2013 0
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