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La Cour constitutionnelle et l'équilibre des finances publiques : Suisse

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La Cour constitutionnelle et l'équilibre des finances publiques : Suisse

HOTTELIER, Michel

HOTTELIER, Michel. La Cour constitutionnelle et l'équilibre des finances publiques : Suisse.

Annuaire international de justice constitutionnelle, 2013, vol. 28-2012, p. 431-452

DOI : 10.3406/aijc.2013.2137

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:43087

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Suisse

M. Michel Hottelier

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Hottelier Michel. Suisse. In: Annuaire international de justice constitutionnelle, 28-2012, 2013. Le juge constitutionnel et l'équilibre des finances publiques - Constitutions et mécanismes d'intégration régionale. pp. 431-452;

doi : https://doi.org/10.3406/aijc.2013.2137

https://www.persee.fr/doc/aijc_0995-3817_2013_num_28_2012_2137

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TABLE RONDE LA COUR CONSTITUTIONNELLE ET L'ÉQUILIBRE DES FINANCES PUBLIQUES

SUISSE

par Michel HOTTELIER *

INTRODUCTION

1. Le thème des relations entre les finances publiques, la Constitution et le juge constitutionnel n'est pas fréquemment abordé par la doctrine. Il n'en est pas moins digne d'intérêt : l'agencement de l'État, l'accès aux ressources financières, le fonctionnement des autorités et le contrôle institutionnel des dépenses se situent en effet au cœur même du droit constitutionnel. Plus généralement, un nombre non négligeable des dispositions de la Constitution déploie une incidence financière : même les droits fondamentaux ont, pour prendre un exemple, souvent un coût, très directement conditionné par l'importance et l'envergure que la juridiction constitutionnelle est susceptible de leur conférer1. En dépit de sa spécificité et de ses aspects techniques, l'étude des institutions financières fait par conséquent partie

intégrante du droit constitutionnel suisse.

2. À travers le prisme des finances publiques, le présent rapport permettra de mettre en évidence plusieurs caractéristiques classiques du système constitutionnel helvétique : la structure fédérale, la présence d'instruments de démocratie directe particulièrement développés, ainsi qu'un système de justice constitutionnelle restreint s'agissant du contrôle des actes fédéraux, mais en sens inverse très poussé pour ce qui est de l'examen des actes - normatifs et décisionnels - de rang cantonal.

* Professeur à la Faculté de droit de l'Université de Genève.

1 Sur le sujet, voir Andreas AUER, Giorgio MALINVERNI, Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, Les droits fondamentaux, 2e éd., Berne 2006, p. 76.

Annuaire international de justice constitutionnelle, XXVIII-2012

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I.-L'ÉQUILIBRE DES FINANCES DE L'ÉTAT

A.-Les normes constitutionnelles relatives à l'équilibre des finances publiques

1 ) Les normes de procédure relatives à l'équilibre des finances publiques a) Généralités

3. La Constitution fédérale suisse est récente, puisqu'elle a été adoptée par le peuple et les cantons le 18 avril 1999, pour entrer en vigueur le 1er janvier 20002. La révision totale de la loi fondamentale de l'État suisse s'inscrit dans un processus plus large qui a vu, depuis une bonne quarantaine d'années, la plupart des constitutions des cantons faire elles aussi l'objet d'une refonte complète. Dans le cadre de ce processus, la question des finances et de l'équilibre budgétaire de l'État a souvent permis l'adoption de dispositions spécifiques, comme nous le verrons plus loin3.

4. La Constitution fédérale comprend pour sa part un chapitre entier (soit le chapitre 3, art. 126 à 135) consacré au régime des finances. Il s'agit d'une nouveauté par rapport à la Constitution antérieure, laquelle datait du 29 mai 1874, qui voyait les dispositions relatives aux institutions financières être dispersées dans la charte fondamentale et le texte de cette dernière alourdi par un certain nombre de dispositions devenues obsolètes4.

5. Le chapitre relatif au régime des finances prend place à l'intérieur du titre — par ailleurs le plus long de la Constitution fédérale (art. 42 à 135) — qui traite des relations entre la Confédération et les cantons, c'est-à-dire de l'aménagement de la structure fédérale énoncée par l'article 3 Cst. Au vu de cette systématique, la vocation de ce chapitre apparaît d'emblée : aménager le régime des institutions financière fédérales, d'une part, régler les rapports et ainsi prévenir, autant que faire se peut, les conflits entre compétences fédérales et locales, d'autre part5.

6. Dix dispositions vouées au régime des finances à l'intérieur d'une constitution qui en compte plus de deux cents, ce n'est assurément pas énorme, compte tenu de l'importance du sujet et de son incidence sur le fonctionnement de la vie institutionnelle et, plus largement, de la vie politique, économique et sociale. Le chapitre en question est toutefois rédigé en des termes suffisamment ouverts pour appréhender la problématique des finances publiques de manière large. Il est aussi complété par des dispositions qui figurent dans d'autres chapitres de la Constitution et qui sont susceptibles de déployer un impact non négligeable sur les finances 2 Ci-après : Cst. ; Recueil systématique du droit fédéral suisse (ci-après : RS) 101. Le RS peut être consulté sur le site www.admin.ch.

3 La Constitution bernoise du 6 juin 1993 contient par exemple un chapitre détaillé consacré aux finances (art. 101 à 106). Pour quelques exemples plus récents, voir la Constitution genevoise du 14 octobre 2012 (art. 152 à 156), la Constitution schwyzoise du 24 novembre 2010 (§ 76 à 81), la Constitution zurichoise du 27 février 2005 (art. 122 à 129), la Constitution fribourgeoise du 16 mai 2004 (art. 81 à 84) ou encore la Constitution vaudoise du 14 avril 2003 (art. 161 à 168).

4 Message du Conseil fédéral relatif à une nouvelle constitution fédérale, du 20 novembre 1996, Feuille fédérale de la Confédération suisse (ci-après : FF) 1997 I, p. 349. Voir également René RHINOW, Markus SCHEFER, Schweizerisches Verfassungsrecht, 2e éd., Bâle 2009, p. 635 ; Giovanni BlAGGINI, Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft, Zurich 2007, p. 581 ; Andreas AUER, Giorgio MALINVERNI, Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. I, L'État, 2e éd., Berne 2006, p. 397.

5 Voir Ulrich HÂFELIN, Walter HALLER, Helen KELLER, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 8e éd., Zurich 2012, p. 363, qui soulignent que la dimension fédéraliste est indissociable du régime des finances.

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suisse 433 publiques. Nous pensons entre autres aux dispositions consacrées à la formation6, à l'économie7, à la circulation routière8 ou encore à la sécurité sociale9.

7. Le chapitre de la Constitution fédérale consacré aux finances publiques comprend trois types de dispositions : la première (art. 126 al. 1) affiche une envergure très générale, en proclamant que la Confédération équilibre à terme ses dépenses et ses recettes. Les alinéas 2 à 5 de la disposition détaillent le principe, comme nous le verrons plus loin.

8. Le deuxième type de dispositions est le plus long : c'est celui des impôts, qui constituent la source principale des recettes de l'État fédéral10. L'article 127 Cst.

énonce les principes régissant l'imposition. Cette disposition codifie d'une manière aisément compréhensible plusieurs règles dégagées par la jurisprudence fiscale du Tribunal fédéral11. Ainsi, les principes régissant le régime fiscal, notamment la qualité de contribuable, l'objet de l'impôt et son mode de calcul, doivent être définis par la loi (al. 1). L'envergure de ces principes est étendue puisqu'ils s'appliquent aussi bien au niveau fédéral qu'au niveau cantonal12. Dans la mesure où la nature de l'impôt le permet, les principes de l'universalité, de l'égalité de traitement et de la capacité économique doivent, en particulier, être respectés (al. 2). La double imposition par les cantons est par ailleurs interdite (al. 3). Cette dernière disposition tend à assurer l'équilibre fédéraliste qui conditionne l'exercice de la souveraineté fiscale des collectivités fédérées.

9. La Constitution fédérale énumère ensuite, un à un, les divers types d'impôts, directs et indirects, que la Confédération est habilitée à percevoir : impôt sur le revenu des personnes physiques et sur le bénéfice des personnes morales (art.

128), taxe sur la valeur ajoutée (art. 130), impôts à la consommation spéciaux (art.

131), droit de timbre et impôt anticipé (art. 132) ou encore droits de douane (art.

133)13.

10. Le troisième type de dispositions regroupe, finalement, les principes qui sont destinés à articuler et harmoniser le régime des finances fédérales avec celui que connaissent, en parallèle, les cantons et les communes. Selon cette vision, fédéraliste elle aussi, l'article 129 Cst. habilite la Confédération à fixer des principes de l'harmonisation fiscale des impôts directs. La Constitution fédérale exclut aussi la perception simultanée de certains impôts fédéraux et cantonaux lorsqu'ils sont « du même genre » (art. 134)14. L'interprétation de cette disposition est largement l'œuvre du juge constitutionnel, ce qui lui confère un caractère éminemment

6 L'art. 62 al. 2 Cst. prévoit par exemple que l'enseignement de base ouvert à tous les enfants qu'assument les cantons est obligatoire et gratuit dans les écoles publiques. L'art. 66 al. 1 Cst. dispose pour sa part que la Confédération peut accorder des contributions aux cantons pour l'octroi d'aides à la formation destinées aux étudiants des hautes écoles et autres institutions d'enseignement supérieur.

7 Au chapitre de la politique monétaire, l'art. 99 al. 2 Cst. précise par exemple que la Banque nationale suisse mène une politique monétaire servant les intérêts généraux du pays. Elle constitue, à partir de ses revenus, des réserves monétaires suffisantes, dont une part doit consister en or (al. 3) et verse au moins deux tiers de son bénéfice net aux cantons (al. 3).

8 Les art. 85 et 86 Cst. prévoient par exemple une redevance sur le trafic des poids lourds, ainsi qu'un impôt à la consommation sur les carburants et d'autres redevances sur la circulation routière.

9 Voir également les exemples cités in FF 1997 I, p. 349 ; HÀFELIN, HALLER, KELLER, op. cit. note 5, p. 364.

10 Les autres sources de revenus de la Confédération sont les taxes causales, les taxes d'orientation, les activités économiques génératrices de profit, la fortune fédérale et l'emprunt. Voir AUER, MALINVERNI, HOTTELIER, op. cit. note 4, p. 402.

11 FF 1997 I, p. 351.

12 FF 1997 I, p. 352.

13 AUER, MALINVERNI, HOTTELIER, op. cit. note 4, p. 404 sq.

14 FF 1997 I, p. 363 ; BlAGGINl, , op. cit. note 4, p. 607.

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prétorien15. La Constitution pose par ailleurs les bases du régime de la péréquation financière et de la compensation des charges entre la Confédération et les cantons, d'une part, et entre les cantons eux-mêmes, d'autre part (art. 135).

11. Le chapitre de la Constitution fédérale consacré à la péréquation financière a donné lieu à une importante réforme. Survenue le 28 novembre 2004, celle-ci a touché pas moins de vingt-sept articles de la Constitution fédérale — il s'agit assurément d'un record, s'agissant d'une révision partielle de la Constitution.

Cette réforme a redéfini la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons dans le sens d'un désenchevêtrement de leurs pouvoirs respectifs. Selon l'article 5a Cst., l'attribution et l'accomplissement des tâches étatiques se fondent sur le principe de subsidiarité. L'article 43a al. 1 Cst. dispose à cet effet que la Confédération n'assume que les tâches qui excèdent les possibilités des cantons ou qui nécessitent une réglementation uniforme. De plus, toute collectivité qui prend en charge les coûts d'une prestation de l'État décide de cette prestation (art. 43a al. 2 Cst.). La réforme a aussi conduit à mettre en place un nouveau régime de redistribution des ressources entre la Confédération et les cantons, d'une part (péréquation verticale), et entre les cantons eux-mêmes, d'autre part (péréquation horizontale)16. Une fois adopté sur le terrain constitutionnel, ce régime a été mis en œuvre sur le plan législatif17.

12. Comme on peut le constater et comme indiqué en tête du présent rapport, la structure fédéraliste et démocratique qui caractérise le régime constitutionnel suisse conditionne de manière déterminante le régime des finances publiques. De cette situation découle une singularité, propre à la Suisse et sans doute unique dans les régimes politiques contemporains : il s'agit du caractère provisoire qui caractérise la perception des impôts principaux.

13. Les deux impôts les plus importants sur le plan fédéral, à savoir l'impôt fédéral direct et la taxe sur la valeur ajoutée, qui totalisent à eux seuls environ 60%

des recetess fédérales18, voient en effet leur champ d'application temporel strictement délimité par la Constitution. Suite à un scrutin constitutionnel qui s'est déroulé le 28 novembre 2004, les deux dispositions qui instituent ces sources de recettes prévoient en effet que leur perception cessera à la fin de l'année 2020, sauf

bien entendu à être reconduits par un vote constitutionnel avant cette échéance19. En raison de leur importance politique, les taux maximaux applicables aux deux principaux impôts fédéraux sont également fixés dans la Constitution20.

15 pauvres prévu par la loi genevoise sur les contributions publiques présente certaines analogies avec d'affaires obtenus lors de la fourniture de certains services et où il doit être supporté par le consommateur. Il s'en distingue cependant de manière significative par le fait qu'il est un impôt de consommation spécial qui frappe uniquement certaines prestations de service, soit les divertissements, alors que la taxe sur la valeur ajoutée est un impôt général qui est appliqué à valeur ajoutée, l'augmentation de valeur réalisée par une livraison ou une prestation de service déterminée. Elle n'est pas un impôt de consommation, mais une taxe d'élimination. Il ne s'agit donc pas d'un impôt du même genre que la taxe sur la valeur ajoutée. Sur le sujet, voir par exemple l'arrêt A. SA, ATF 122 I 213, du 16 juillet 1996 : le droit des la taxe fédérale sur la valeur ajoutée, notamment dans la mesure où il frappe également des chiffres l'ensemble de la consommation interne du pays. Voir également l'arrêt Deponie Teuftal AG, ATF 125 I 449, du 15 octobre 1999 : la taxe bernoise sur les déchets ne frappe pas, comme la taxe sur la 16 RHINOW SCHEFER, , op. cit. note 4, p. 643.

17 Voir la loi fédérale du 3 octobre 2003 sur la péréquation financière et la compensation des charges (RS 613.2), dont les modifications suscitées par la réforme constitutionnelle du 28 novembre 2004 sont entrées en vigueur le 1er janvier 2008.

18 BlAGGINI, op. cit. note 4, p. 582.

19 Voir l'article 196 chiffres 13 et 14 Cst.

20 FF 1997 I, p. 349 et 354.

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suisse 435 14. Cette particularité s'explique par l'histoire : à l'issue des refus successifs qui ont jalonné les votations populaires du XXe siècle sur les questions fiscales, les autorités fédérales ont été contraintes de se rabattre sur des régimes fiscaux à la fois précis et provisoires, dans l'attente de pouvoir mettre sur pied des projets durables susceptibles de convenir au constituant, à qui revient le dernier mot via le référendum obligatoire de l'article 140 alinéa 1, lettre a Cst. De fait, de longue date, les deux impôts principaux font périodiquement l'objet de décisions de reconduite de la part du peuple et des cantons. La Suisse connaît ainsi cette situation paradoxale, qui voit l'État fédéral confronté à des charges permanentes, tout en bénéficiant de recettes qui ne présentent, pour les plus importantes d'entre elles, qu'un caractère provisoire21.

b ) La gestion constitutionnelle des finances

15. La politique économique fédérale se caractérise comme une politique anticyclique, fondée sur les mesures à prendre pour assurer une évolution régulière de la conjoncture (art. 100 Cst.). Celle-ci permet, durant les années favorables, d'amortir les dettes. En sens inverse, une certaine marge de manœuvre autorise l'endettement dans les années difficiles, les autorités assumant une responsabilité en matière de politique de stabilité22.

16. À teneur de l'article 126 Cst., la Confédération équilibre à terme ses dépenses et ses recettes (al. 1). À dessein, la norme évoque une échéance « à terme », plutôt qu'à « long terme ». La notion de « terme » reste volontairement indéterminée. Elle est toutefois considérée comme couvrant un cycle économique susceptible de s'étendre sur une douzaine d'années23, correspondant à trois législatures fédérales24. Imprécise, la notion exclut en tout cas, selon les travaux à l'origine de la disposition, l'exigence d'un équilibre annuel25. Le but poursuivi ne consiste donc pas à réussir chaque année l'équilibre entre les recettes et les dépenses, mais plutôt à améliorer l'état d'endettement et à assurer l'équilibre budgétaire en empêchant que la charge financière des projets d'aujourd'hui ne soit reportée sur les contribuables de demain.

17. Le plafond des dépenses totales devant être approuvées dans le budget de la Confédération est fixé en fonction des recettes estimées, compte tenu de la situation conjoncturelle (art. 126 al. 2 Cst.). Des besoins financiers exceptionnels peuvent cependant justifier un relèvement approprié du plafond des dépenses (al. 3).

Ont été évoquées dans ce cadre des dépenses exceptionnelles résultant d'événements qui échappent à la maîtrise des autorités comme un afflux imprévisible de réfugiés ou une augmentation soudaine de dépenses liés au régime des assurances sociales26.

Si les dépenses totales figurant dans le compte d'État dépassent le plafond fixé conformément aux alinéas 2 ou 3, les dépenses supplémentaires doivent être compensées les années suivantes (al. 4).

2 1 AUER, MALINVERNI, HOTTELIER, op. cit. note 4, p. 403s. Voir également le rapport suisse présenté à la XXIIe Table ronde internationale, AIJC XXII-2006, p. 389.

22 Auer, Malinverni, Hottelier, op. cit. note 4, p. 399-

23 Voir Jean-François AUBERT, Pascal MAHON, Petit commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, Zurich 2003, p. 1004, qui relèvent que le projet originel du Conseil fédéral parlait d'un équilibre financier à long terme (FF 1997 I, p. 626).

24 L'art. 145 Cst. limite en effet à quatre ans la durée des mandats de conseiller national et de conseiller fédéral.

25 BlAGGINI, op. cit. note 4, p. 584.

26 FF 2000, p. 4351.

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18. L'obligation constitutionnelle faite à la Confédération d'équilibrer ses dépenses et les recettes dont elle dispose reprend les termes d'une ancienne disposition de rang législatif27. Il ne s'agit donc pas d'une simple espérance budgétaire ni même d'un vœu pieux, plus ou moins aléatoire, mais bien d'une obligation juridique laquelle, compte tenu de la supériorité formelle dont bénéficie la Constitution fédérale, s'impose institutionnellement aux autorités. C'est pour renforcer cette règle, en lui conférant un rang constitutionnel, que le principe a été inscrit dans la Constitution fédérale.

19- Les alinéas 2 à 4 de l'article 126 Cst. ont été introduits dans la Constitution fédérale le 2 décembre 2001 au titre de frein à l'endettement28. Ce mécanisme, approuvé en votation populaire par 85% des votants et par l'ensemble des cantons, concentre l'effort sur la prévention d'un accroissement de l'endettement plutôt que sur l'obligation d'amortir29. L'idée de base se concentre par conséquent sur l'obligation de contenir les dépenses30. Le frein à l'endettement se présente dans cette perspective comme un instrument conçu pour mener une politique anticyclique passive31.

20. C'est l'Assemblée fédérale qui décide du relèvement exceptionnellement visé à l'article 126 alinéa 3 Cst. La procédure à suivre est prévue à l'article 159 alinéa 3, lettre c Cst. Elle obéit à un régime particulier : l'augmentation des dépenses totales en cas de besoins financiers doit en effet être adoptée à la majorité des membres — et non seulement des députés prenant part au vote — au sein de chacune des deux chambres qui composent le Parlement fédéral32. La nature égalitaire du bicamérisme suisse, pour appeler une décision concordante de chacune des deux Chambres fédérales au sens de l'article 148 alinéa 2 Cst., exclut que l'une ait la prééminence sur l'autre.

21. En l'occurrence, la majorité requise ne suppose pas seulement l'obtention d'une majorité au sein du Conseil national et du Conseil des États comme c'est traditionnellement la règle, conformément à l'article 159 alinéa 2 Cst., qui dispose que les décisions sont prises à la majorité des votants33. Comme la majorité doit, en la circonstance, émaner des membres qui composent chacun des deux conseils, et pas uniquement des votants, le calcul s'effectue sur la base des deux cents conseillers nationaux et des quarante-six conseillers aux Etats. Rapportée au nombre des députés de chacune des deux chambres de l'Assemblée fédérale qui, par la force des choses, sont rarement tous présents, la majorité requise s'avère de ce fait plus difficile à atteindre34.

22. L'excédent de dépenses consenti obéit par conséquent à un régime particulier, qui suppose l'obtention d'une majorité particulière dans chacun des

27 Voir Thomas STAUFFER, « Artikel 126 », in Bernhard EHRENZEIXER, Philippe MASTRONARDI, Zurich 2008, vol. II, p. 1952 ; FF 1997 I, p. 350. Rainer J. SCHWEIZER, Klaus A. VA1XENDER, Die schweizerische Bundesverfassung. Kommentar , 2e éd., 28 Recueil officiel du droit fédéral 2002 241 .

29 AUBERT, MAHON, op. cit. note 23), p. 1001, 1003 et 1005.

30 FF 2000, p. 4330.

31 FF 2008, p. 7733.

32 FF 2000, p. 4354.

33 AUBERT, MAHON, op. cit. note 23), p. 1206 : « On voit ici que la Constitution fédérale a pris

comme règle la solution la plus répandue : pour les décision sur des textes ou sur des candidats, la majorité requise est la majorité absolue et simple des votants («Stimmende »), c'est-à-dire des suffrages valablement exprimés. »

34 AUBERT, MAHON, op. cit. note 23, p. 1207 : « On parle parfois, ici, d'une majorité qualifiée. En réalité, ce n'est pas la fraction qui est élevée au-dessus de la moitié (qui est le sens ordinaire de l'adjectif « qualifié »), mais c'est la base de calcul qui est portée au nombre des votants, règle usuelle, à celui des membres des conseils. »

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suisse 43 7 Conseils qui composent l'Assemblée fédérale35, soit 101 voix au minimum au sein du Conseil national et 24 voix au sein du Conseil des États36. Les dispositions législatives mettant en œuvre le mécanisme du frein à l'endettement sont entrées en vigueur le 1er septembre 200237.

c) La gestion législative des finances

23. Les normes constitutionnelles relatives aux finances publiques et à leur équilibre sont explicitées par des normes fédérales de rang législatif. Il s'agit de lois ordinaires qui s'imposent bien entendu aux autorités38 et qui, pour émaner de l'Assemblée fédérale, sont passibles du référendum législatif ordinaire prévu par l'article 141 lettre a Cst.39.

24. La gestion financière s'axe autour d'un contrôle préalable, sur le plan à la fois juridique et politique : toute dépense de l'État doit être prévue par une base légale. Elle doit être ensuite autorisée par le budget et enfin être décidée par l'organe compétent. En amont intervient la planification financière et, en aval, le compte d'État.

25. La gestion financière est, dans cette perspective, principalement formalisée par trois types d'actes : le plan financier, le budget et le compte d'État. Tous trois poursuivent un double objectif. D'une part, fournir aux autorités fédérales une vision globale et analytique des finances de l'État, grâce à laquelle celles-ci pourront faire leurs choix politiques. D'autre part, assurer le contrôle du Parlement sur l'exécutif.

26. La matière est réglementée, pour l'essentiel, par deux types de normes. Au plan constitutionnel d'abord, les articles 167 et 183 Cst. fixent la répartition des compétences entre l'Assemblée fédérale et le Conseil fédéral. À teneur de l'article 167 Cst., c'est l'Assemblée fédérale — autorité suprême de la Confédération, sous réserve des droits du peuple et des cantons (art. 148 al. 1 Cst.) - qui vote les dépenses de la Confédération, établit le budget et approuve les comptes de l'État.

Selon l'article 183 Cst., la charge d'élaborer le plan financier et le projet de budget revient au Conseil fédéral (al. 1), lequel est de manière plus générale tenu de veiller à une gestion financière correcte (al. 2). Il établit en outre le compte d'État. Au plan législatif ensuite, deux types de textes entrent en considération : les articles 50 à 53 et 141 à 149 de la loi sur l'Assemblée fédérale du 13 décembre 2002, d'une part40, la loi fédérale sur les finances de la Confédération du 7 octobre 2005, d'autre part41.

27. Comme indiqué précédemment, toute activité de l'État doit, de manière générale, reposer sur une base légale (art. 5 al. 1 Cst)42. Il n'en va pas différemment pour les dépenses publiques. Celles-ci se présentent soit sous la forme de subventions, qui représentent à elles seules plus de la moitié des dépenses de la Confédération, soit constituent une condition nécessaire au fonctionnement de l'administration, et donc à l'exercice des tâches publiques.

35 BlAGGINl, op. cit. note 4, p. 585 ; FF 2000, p. 4336 et 4355.

36 BlAGGINl, op. cit. note 4, p. 710 ; AUBERT, MAHON, op. cit. note 23, p. 1205ss.

37 RO 2002 2471.

38 L'art. 5 al. 1 Cst. précise que le droit est « la base et la limite de l'activité de l'État ».

39 L'art. 141 let. a Cst. prévoit que 50'000 citoyens et citoyennes ou huit cantons peuvent, dans les 100 jours à compter de la publication officielle de l'acte, demander qu'une loi fédérale soit soumise au vote du peuple.

40 Ci-après : LParl ; RS 171.10.

41 Ci-après : LFC ; RS 611.0.

42 ATF 132 I 229, 242 A. ; 125 1 173, 177 H. ; 103 la 369, 381 Wàffler.

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28. Les exigences posées par le principe de la légalité ne sont pas les mêmes pour toutes les dépenses, mais peuvent varier en fonction de leur importance. Ainsi, une dépense susceptible de toucher aux droits fondamentaux, comme une subvention à une entreprise, nécessitera une base claire dans une loi, tandis que de simples dépenses de fonctionnement pourront se fonder sur une norme moins précise. Au surplus, depuis la réintroduction, en 1995, du frein aux dépenses, les actes législatifs, les crédits d'engagement et les plafonds de dépenses qui entraînent de nouvelles dépenses uniques de plus de vingt millions de francs ou de nouvelles dépenses périodiques de plus de deux millions de francs doivent être adoptés à la majorité des membres dans chaque Conseil. La procédure est identique à celle qui s'applique à l'augmentation des dépenses totales en cas de besoins financiers exceptionnels (art. 126 al. 3 et 159 al. 3 lit. b et c Cst.)43.

29. La Confédération ne connaît pas le référendum financier Cela signifie que la procédure budgétaire et les divers actes parlementaires qu'elle suscite ne sont nullement passibles d'une quelconque forme de référendum populaire. L'exigence d'une base légale fournit en revanche au corps électoral la possibilité de participer à la gestion des finances au travers des instruments traditionnels que sont le référendum constitutionnel ou législatif. La base légale légitime la dépense d'un point de vue démocratique, mais elle limite aussi la marge de manœuvre du parlement au niveau du budget. Cette

limitation dépend de la formulation de la loi.

30. Ainsi, lorsqu'une nouvelle tâche nécessite une révision constitutionnelle, elle peut être rejetée par le peuple et les cantons si ceux-ci l'estiment trop coûteuse.

De même, le peuple peut s'opposer à toute loi s'il estime que celle-ci entraînerait des dépenses nouvelles excessives. Dans les deux cas, le refus portera sur la norme, donc sur un principe général. En revanche, les dépenses spécifiques, c'est-à-dire les décisions d'exécution de la norme, ne peuvent plus être soumises en tant que telles au scrutin populaire.

31. Deux réserves doivent toutefois être mentionnées : certaines dépenses, fixées par voie d'arrêté, peuvent être soumises au référendum facultatif dans la mesure où la Constitution ou la loi le prévoit. Il s'agit ici d'un référendum de type administratif dont l'institution dépend d'une décision spécifique du constituant ou du législateur fédéral (art. 141 let. c Cst.)45. En outre, une initiative populaire tendant à la révision partielle de la Constitution (art. 139 Cst.) peut à tout moment interdire certaines dépenses, au moins à titre préventif46.

32. De nos jours, les autorités ne peuvent plus se contenter de réagir aux événements. Le rôle de la planification consiste à les aider à prévoir ces événements et leurs conséquences, afin qu'elles puissent prendre à temps les décisions nécessaires.

La planification financière pluriannuelle qu'établit le Conseil fédéral en application

43 Biaggini, op. cit. note 4, p. 712.

44 René RHINOW, Gerhard SCHMID, Giovanni BIAGGINI, Felix UHLMANN, Offentliches Wirtschaftsrecht, 2e éd., Bâle 2011, p. 250.

45 Aubert, MAHON, op. cit. note 23, p. 1111.

46 Le 1er juin 1992 fut par exemple déposée une initiative populaire intitulée « Pour une Suisse sans nouveaux avions de combat ». Cette initiative visait à instaurer un moratoire en matière d'acquisition d'avions militaires entre le 1er juin 1992 et le 31 décembre 1999 à travers l'intégration d'une disposition transitoire dans la Constitution fédérale. L'initiative a été rejetée en votation populaire le 6 juin 1993 ; voir FF 1993 II, p. 1325 ; 1992 VI, p. 432. Pour un autre exemple, voir une initiative dite Chevallier, qui fut déposée en 1954 en demandant une réduction massive des dépenses militaires pour l'année 1955 ou, au plus tard, 1956. Ce texte fut toutefois, sur proposition du Conseil fédéral, déclarée non valable au motif qu'il était impossible d'organiser le scrutin suffisamment tôt pour qu'une décision positive puisse encore influencer le budget de 1956 (FF 1955 II, p. 333). Sur cet exemple historique, qui est resté l'un des classiques du droit d'initiative en droit constitutionnel suisse, voir les développements de Jean-François AUBERT, Traité de droit constitutionnel suisse, vol. I, Neuchâtel 1967, p. 136.

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suisse 439 de l'article 19 LFC sert donc en premier lieu à estimer l'évolution des recettes et des dépenses. Sur cette base, les autorités doivent définir les priorités dans l'exécution des tâches fédérales. Face à des projets de nouvelles dépenses, elles évalueront si celles-ci peuvent être financées au moyen des recettes ordinaires ou si elles nécessitent au contraire de nouvelles ressources.

33. Au début de chaque législature, c'est-à-dire tous les quatre ans, le Conseil fédéral présente au Parlement le programme de la législature. Celui-ci comprend les grandes lignes de la politique gouvernementale, ainsi que le plan financier de la législature (art. 146 LParl). Ces documents présentent de manière coordonnée, par objet et par échéance, une vue d'ensemble des dépenses et des recettes qui sont prévues pour la législature. Depuis le 1er janvier 2000, le plan financier et le budget présentent chaque année un rapport prévisionnel sur la situation de la trésorerie et de l'emprunt de fonds, conformément à l'article 60 LFC. L'Assemblée fédérale prend simplement connaissance de ce plan. Elle n'a pas à l'approuver et ne peut pas le modifier elle-même. Le Conseil national et le Conseil des Etats traitent séparément, mais au cours de la même session, le rapport sur les grandes lignes de la politique gouvernementale et le rapport sur le plan financier (art. 147 LParl).

34. Le plan financier ne lie pas les autorités. Il ne présente qu'un caractère indicatif. Chaque année, le Conseil fédéral fait rapport aux Chambres sur l'exécution de ce plan et sur les modifications qu'il a, au besoin, fallu y apporter. Le respect du plan financier dépend largement des décisions prises par le Parlement dans le cadre de la législation et du budget. Si l'Assemblée fédérale est insatisfaite par les perspectives financières de la Confédération, elle le fait savoir au Conseil fédéral par les moyens ordinaires d'intervention parlementaire, tels que la motion (art. 120 LParl) ou le postulat (art. 123 LParl).

2) Les normes constitutionnelles de fond relatives à l'équilibre des finances publiques

35. La Constitution fédérale ne précise pas ce qu'est le budget de l'État.

Celui-ci se définit comme un document comptable composé de deux additions de chiffres. L'une indique les recettes probables que l'Etat encaissera au cours d'une période déterminée, l'autre l'ensemble des dépenses qu'il aura à assumer dans le même temps. Selon la formule du Tribunal fédéral, ce document constitue en réalité, aussi bien pour la Confédération que pour les cantons, une simple récapitulation des recettes et des dépenses présumées, fondées sur les actes législatifs en vigueur et qui doit servir de plan financier pour l'année suivante. Quant à sa qualification juridique, il s'agit d'un acte administratif interne, qui n'accorde pas de droits, pas plus qu'il n'impose d'obligations aux tiers et qui ne saurait, partant, constituer un acte de souveraineté susceptible de recours47. Comme il porte sur l'année à venir, le budget présente nécessairement un caractère prévisionnel. Il s'oppose en cela au compte d'Etat, qui présente le résultat de l'exercice écoulé.

36. À l'inverse d'autres États, les principes d'établissement du budget ne sont pas, en Suisse, énoncés par la Constitution fédérale, mais résultent de la législation.

Celle-ci prévoit qu'il n'y a qu'un seul budget, qui doit mentionner l'ensemble des recettes et des dépenses prévues pour tous les services de la Confédération, conformément au principe de l'universalité (art. 31 al. 1 LFC). Cela ne signifie toutefois pas que le budget est intangible dès son adoption par l'Assemblée fédérale. Quand une charge ou une dépense d'investissement fait défaut ou ne suffit pas, les 47 ha Semaine judiciaire 1998, p. 296 Association Maison du Bout-du-Monde ; ATF 99 la 188 Zwicky.

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Chambres peuvent compléter le budget par un crédit supplémentaire au sens de l'article 33 LFC.

37. Le budget ne vaut que pour une année, en application du principe de l'annualité, que (prévoit ?) également l'article 31 alinéa 1 LFC. Un nouveau budget doit donc être établi chaque année. Ce système ne permet pas d'opérer un contrôle des dépenses qui s'étendent sur plusieurs années. Pour parer à ce défaut, l'institution du crédit d'engagement a été créée (art. 21 ss LFC). Quand le Conseil fédéral entend prendre des engagements financiers allant au-delà de l'exercice budgétaire, comme l'adjudication d'un projet de construction à une entreprise, il doit obtenir l'accord préalable de l'Assemblée fédérale. Les crédits d'engagement sont ordinairement présentés aux Chambres avec le budget et sont adoptés sous la même forme que ce dernier. Un crédit d'engagement n'autorise pas à verser de l'argent, mais il fixe simplement le montant jusqu'à concurrence duquel le Conseil fédéral peut s'engager financièrement. Les besoins financiers annuels consécutifs seront ensuite inscrits au budget en tant que crédits de paiement.

38. Le budget est aussi établi selon le principe de la spécialité. Selon ce principe, prévu à l'article 31 alinéa 1 LFC, la somme allouée à un poste budgétaire ne peut

être utilisée qu'à cet effet. De fait, si le crédit budgétaire n'est pas utilisé, il ne saurait être viré au profit d'un autre poste. Par exemple un crédit de munitions dans le cadre de la défense nationale, s'il n'est pas employé, ne saurait être en quelque sorte converti pour servir à financer l'achat d'un autre type de matériel militaire. La confusion des lignes budgétaires aurait en effet pour conséquence de ruiner la crédibilité d'un budget. Ce principe de spécificité a toutefois pour inconvénient d'obliger à une présentation détaillée de l'ensemble des postes budgétaires prévus pour chaque office. Il rend difficile une analyse synthétique de l'activité étatique et une optimalisation globale de l'allocation des ressources.

39-Selon l'article 183 alinéa 1 Cst., le projet de budget est préparé par le Conseil fédéral comme indiqué précédemment. Il est ensuite présenté à l'Assemblée fédérale pour approbation, chaque année lors de la session parlementaire du mois de décembre (art. 167 Cst.; art. 142 al. 1 let. a LParl). Le projet est d'abord examiné au sein de chacun des deux conseils par la commission des finances, avant d'être discuté selon la procédure prévue par l'article 142 LParl. Dans la mesure où la décision finale appartient aux deux Chambres, celles-ci sont libres de modifier le projet de budget. Elles pourraient même le renvoyer au gouvernement si elles l'estimaient totalement insatisfaisant. Elles devraient alors, à titre provisoire, soit renouveler l'ancien budget, soit faire entrer en vigueur une partie du projet de budget, faute de quoi l'activité étatique serait purement et simplement paralysée. Le bicamérisme suisse étant égalitaire, conformément à l'article 148 Cst., l'accord concordant des deux Chambres est impérativement requis pour finaliser et adopter le budget.

B.-L'application et l'interprétation par le juge constitutionnel des normes relatives à l'équilibre des finances publiques

1) Le contrôle exercé par le juge constitutionnel sur la mise en œuvre des normes relatives à l'équilibre des finances publiques

40. La règle énoncée à l'article 190 Cst. oblige le Tribunal fédéral et, à son exemple, les autres autorités d'appliquer les lois fédérales. Comprise par la négative, cette règle fait interdiction à toute autorité, en particulier au pouvoir judiciaire, de refuser d'appliquer une loi fédérale au motif que celle-ci contrevient à la

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suisse 441 Constitution. C'est donc l'Assemblée fédérale qui garde l'exclusivité de la mainmise sur le respect de la Constitution fédérale.

41. L'article 189 alinéa 4 Cst. prévoit par ailleurs que les actes de l'Assemblée fédérale et du Conseil fédéral ne peuvent pas être portés directement devant le Tribunal fédéral. Le contrôle abstrait de constitutionnalité de ces actes n'est par conséquent pas possible.

42. Le domaine des finances fédérales ne fait pas exception à ces règles séculaires. Il s'ensuit que le Tribunal fédéral est dépourvu de la compétence de juger la manière dont le Parlement fédéral conçoit et gère les finances. Il s'agit d'un domaine qui reste tout entier dans la sphère de compétence politique.

43. Ainsi, le budget de la Confédération se présente comme un acte interne, qui n'est destiné qu'à régler les rapports entre le Conseil fédéral et l'Assemblée fédérale. Le budget ne saurait déployer d'effets sur les rapports entre l'Etat et les particuliers. Il ne peut par conséquent créer de droits ou de charges, ni supprimer ou modifier des droits ou des charges existants. Cela explique d'ailleurs pourquoi il n'est pas publié dans le Recueil officiel des lois fédérales.

44. De fait, l'acte parlementaire d'approbation du budget n'est pas une loi, ni au sens formel, ni au sens matériel. Il prend la forme d'un arrêté fédéral simple (art. 163 al. 2 Cst. ; art. 25 al. 2 LParl) et se présente sous la forme d'un acte de nature administrative. À ce titre, l'acte n'est pas soumis au référendum au sens de l'article 14 1 Cst.48.

2) Les principes dégagés par le juge constitutionnel en matière de contrôle de l'équilibre des finances publiques

45. Conformément à la structure fédérale (art. 3 et 43a Cst.), les cantons (bénéficient ?) d'une large autonomie organisationnelle. Ils disposent par conséquent de leurs propres mécanismes de gestion des finances. Ce sont eux également qui régissent les rapports entre leurs institutions et celles des communes. Les principes énoncés à l'article 126 Cst. à propos de la gestion des finances de la Confédération ne leur sont pas opposables49, pas plus qu'aux communes, mais ils peuvent leur servir de modèle. Les règles institutionnelles de politique budgétaire sont du reste largement répandues dans les cantons.

46. En dépit de différences liées aux spécificités locales, les règles budgétaires cantonales ont en commun de viser une politique durable, fiable et crédible en fixant des limites à la marge de manœuvre des décideurs50. De plus, le référendum financier, absent de la scène fédérale, est largement présent dans les cantons51. En pratique, on observe que ce sont plutôt, dans le domaine de la gestion des finances publiques comme dans d'autres, les solutions instaurées à l'échelon cantonal qui ont pu servir de source d'inspiration au constituant fédéral52.

48 Auer, Malinverni, Hottelier, op. cit. note 4, p. 415.

49 À titre de comparaison, l'article 109 de la Grundgesetz allemande institue un certain nombre de 50 5 1 52 STAUFFER, op. cit. note 27, p. 1950 ; AUBERT, MAHON, op. cit. note 23, p. 1003 et les références principes de politique budgétaire que la Fédération et les Lander doivent respecter. Auer, Malinverni, Hottelier, op. cit. note 4, p. 289ss. citées, en particulier aux Constitutions des cantons de Berne, du 6 juin 1993 (art. 101 al. 1 qui, au terme») et d'Argovie, du 25 juin 1980 (art. 116 al. 1, qui évoque une gestion du budget d'un contrôle suffisant en vue d'observation de ces principes). On trouve des principes comparables dans d'autres constitutions cantonales comme celle du canton de Soleure, du 8 juin 1986 (art. 129 et 130) ou, plus récemment, celle du canton de Lucerne, du 17 juin 2007 (art. 76). titre des principes généraux applicables au régime des finances, parle d'un équilibre « à moyen « économique, adaptée à la conjoncture et, à la longue équilibrée », de même que la mise en place FF 2008, p. 7726.

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47. La constitution du canton de Fribourg du 16 mai 2004 prévoit par exemple en son article 82 que l'État et les communes gèrent les finances publiques avec économie (al. 1) et qu'ils vérifient périodiquement que les tâches qu'ils accomplissent et les subventions qu'ils octroient sont toujours efficaces, nécessaires et supportables financièrement. À teneur de l'article 83, l'État équilibre son budget de fonctionnement (al. 1). Il tient cependant compte de la situation conjoncturelle et d'éventuels besoins financiers exceptionnels (al. 2). Les déficits engendrés par ces situations doivent être compensés dans les années suivantes (al. 3).

48. Dans le canton de Berne, la constitution a subi une importante modification en mars 2002 à travers l'introduction d'un frein à l'endettement. À teneur de l'article 101a, le budget ne peut présenter d'excédent de charges (al. 1).

L'excédent de charges du rapport de gestion est reporté au budget du deuxième exercice suivant, dans la mesure où il ne peut pas être couvert par le capital propre (al. 2). Lors de l'adoption du budget, le Grand Conseil peut déroger à la règle de l'alinéa premier, si trois cinquièmes au moins des membres qui le composent le décident. Lors de l'approbation du rapport de gestion, l'alinéa 2 n'est pas applicable au montant de l'excédent de charges fixé dans le budget. Le découvert doit être amorti dans les quatre ans (al. 3).

49-Une autre forme de frein à l'endettement est appliquée au compte des investissements. À teneur de l'article 101b de la Constitution bernoise, le degré d'autofinancement de l'investissement net doit être de 100% au moins à moyen terme. Si le degré d'autofinancement de l'investissement net inscrit dans le budget est inférieur à 100%, il doit être compensé dans le plan intégré « mission- financement ». Un découvert figurant dans le rapport de gestion doit être compensé dans le budget de la deuxième année qui suit, ainsi que les trois années suivantes. Le Grand Conseil peut décider à la majorité de trois cinquièmes de ses membres de prolonger à huit ans le délai de la compensation du découvert ou de renoncer entièrement à la compensation. Enfin, au titre de l'article 101c, toute augmentation de la quotité d'impôt par le Grand Conseil qui induit globalement un accroissement des recettes fiscales du canton nécessite l'approbation de la majorité des membres du Grand Conseil.

50. Dans le canton de Vaud, la constitution du 14 avril 2003 dispose que la gestion des finances de l'État doit être économe et efficace. Elle tend à atténuer les effets des cycles économiques (art. 163 al. 1). Avant de présenter tout projet de loi ou de décret entraînant des charges nouvelles, le Conseil d'État s'assure de leur financement et propose, le cas échéant, les mesures fiscales ou compensatoires nécessaires (al. 2). S'agissant de la procédure budgétaire, l'article 164 prévoit que, en règle générale, le budget de fonctionnement de l'État doit être équilibré (al. 1).

L'approbation d'un budget de fonctionnement déficitaire requiert la majorité absolue des membres du Grand Conseil (al. 2). En outre, dans le budget de fonctionnement, les recettes doivent dans tous les cas couvrir les charges avant amortissements (al. 3).

51. La constitution vaudoise a aussi introduit une règle relative à l'assainissement financier. Selon cette disposition (art. 165) si, dans les derniers comptes, les recettes ne couvrent pas les charges avant amortissements, les autorités cantonales prennent sans délai des mesures d'assainissement portant sur le montant du dépassement (al. 1). Les mesures qui nécessitent des modifications de rang législatif sont soumises au vote du corps électoral. Pour chacune de ces mesures, le vote oppose la modification législative proposée à une augmentation du coefficient de l'impôt cantonal direct d'effet équivalent (al. 2).

52. Comme indiqué au début du présent rapport, le système suisse de justice constitutionnelle est particulièrement développé à l'égard des actes de rang cantonal.

Certains arrêts de la Haute Cour présentent un intérêt considérable sous l'angle du

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suisse 443 statut des finances publiques. Dans un arrêt rendu le 10 décembre 200453, le Tribunal fédéral a par exemple jugé que la règle de l'article 165 alinéa 2 de la Constitution vaudoise n'était pas suffisamment claire pour imposer au citoyen de choisir entre une mesure d'assainissement, d'une part, et l'augmentation correspondante du coefficient de l'impôt cantonal, d'autre part.

53. De l'avis des juges fédéraux, un mécanisme d'assainissement financier aux termes duquel le peuple pourrait se prononcer en choisissant soit la mesure proposée, soit l'augmentation correspondante du coefficient de l'impôt cantonal, sans avoir la possibilité de refuser les deux, n'est pas compatible avec la liberté de vote qui découle de la garantie constitutionnelle des droits politiques au sens de l'article 34 Cst. Le citoyen doit en effet pouvoir conserver la possibilité d'exprimer sa volonté d'une façon suffisamment différenciée.

3) Les effets des décisions du juge constitutionnel en matière financière 54. Le calcul des majorités requises dans le domaine des finances peut poser des questions originales. Dans le canton de Neuchâtel, une révision partielle de la constitution a introduit, le 5 juin 2005, un mécanisme de frein aux dépenses et de baisse des recettes fiscales (art. 57 al. 3). À teneur de cette disposition, les lois et les décrets qui entraînent de nouvelles dépenses importantes pour le canton, une diminution ou une augmentation importante des recettes fiscales doivent être adoptés par un vote à la majorité qualifiée de trois cinquièmes des membres des décisions du Grand Conseil. La disposition vise les lois et les décrets du Grand Conseil qui entraînent une augmentation ou une diminution importante des recettes fiscales. Cela étant, la majorité requise par la disposition s'applique-t-elle également à la décision du Grand Conseil de prendre en considération la progression à froid afin d'en compenser les effets ?

55. Un arrêt rendu le 21 avril 2008 a permis au Tribunal fédéral de répondre à cette question54. De l'avis de la Haute Cour, il ne résulte ni du texte, ni des travaux préparatoires à l'origine de la norme constitutionnelle que celle-ci doit avoir trait aux variations des recettes de l'État qui résultent de phénomènes économiques tels que l'inflation et qui sont indépendantes d'un acte du Grand Conseil. L'objet de la disposition est bien le procédé législatif actif que constitue l'adoption d'une loi ou d'un décret.

56. En d'autres termes, l'abstention du Grand Conseil face à un phénomène économique ayant une influence sur la masse fiscale n'est pas visée par la disposition constitutionnelle. On ne saurait en déduire que la majorité qualifiée serait aussi imposée pour la décision de ne pas prendre en compte la progression à froid dans le domaine fiscal. Au demeurant, si tel était le cas, l'on aboutirait selon les juges fédéraux à des situations de blocage au sein du Grand Conseil qui seraient incompatibles avec le fonctionnement de la démocratie. Le Tribunal fédéral a également jugé que le fait de soumettre la compensation des effets de la progression à froid à l'approbation d'une majorité qualifiée des membres du parlement ne contrevient pas au droit fédéral compte tenu de l'autonomie reconnue aux cantons dans ce domaine.

57. Dans un autre arrêt, rendu le 18 août 200555, le Tribunal fédéral s'est prononcé sur une modification législative qui augmentait pour une année, dans le

53 ATF 131 I 126 Feller, Leuba et consorts.

54 Arrêt du Tribunal fédéral lC_248/2007 A. et consorts c. Grand Conseil de la République et canton de Neuchâtel.

55 ATF 131 I 386 Marco Ziegler.

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but d'accroître les recettes cantonales, le taux de la redevance d'utilisation du domaine public de l'État par les Services industriels du canton de Genève, établissement public chargé de fournir l'eau, le gaz, l'électricité, l'énergie thermique, ainsi que de traiter les déchets dans le canton. La Haute Cour a précisé que cette redevance est une taxe causale. Son augmentation, même massive, n'en fait pas un impôt mixte. L'auteur du recours faisait valoir que cette augmentation devait être passible d'un scrutin obligatoire, la Constitution genevoise prévoyant à l'époque que les lois qui avaient pour objet un nouvel impôt ou la modification du taux ou de l'assiette d'un impôt étaient obligatoirement soumises à l'approbation du corps électoral56.

58. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé pour violation des droits politiques au sens de l'article 34 Cst. Le référendum fiscal cantonal en cause est en effet limité aux impôts proprement dits. Or, la redevance concernée par la loi litigieuse se présentait comme une taxe causale. Elle ne visait pas un ensemble de contribuables, mais un établissement public déterminé. La clause relative au

référendum obligatoire ne trouvait par conséquent nullement matière à s'appliquer.

59. D'autres arrêts du Tribunal fédéral ont permis de poser ou de rappeler des principes fondamentaux liés au respect de la Constitution en matière fiscale. Une affaire jugée le 27 octobre 1999 a par exemple permis à la Haute Cour d'examiner la délimitation de la compétence fiscale cantonale à l'égard des travailleurs pendulaires domiciliés dans le canton de Vaud, mais employés dans le canton de Genève57.

60. En l'occurrence, la question se posait de savoir si les pendulaires en question, dont le nombre était évalué à 17 '000, pouvaient être imposés sur leur revenu à Genève ou s'ils l'étaient exclusivement sur leur lieu de domicile. Saisi d'une réclamation formée par le canton de Vaud contre les velléités du canton de Genève de taxer les intéressés, le Tribunal fédéral a précisé que la prétention du fisc genevois d'imposer le revenu des pendulaires vaudois empiétait indûment sur la souveraineté fiscale du canton de Vaud.

61. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à l'interdiction constitutionnelle de la double imposition intercantonale (art. 127 al. 3 Cst.), l'imposition du revenu d'une personne qui exerce un emploi comme salarié a en principe lieu dans le canton où celle-ci a son domicile civil, c'est-à-dire le lieu où la personne réside avec l'intention de s'établir durablement ou le lieu où se situe le centre de ses intérêts. Le domicile fiscal d'une personne qui exerce une activité dépendante se trouve en principe au seul lieu de son domicile civil. Lorsque le lieu de travail ne correspond pas au domicile, c'est l'endroit avec lequel le contribuable entretient les relations les plus étroites qui détermine son domicile, tant fiscal que civil. En principe, les liens familiaux et sociaux sont réputés plus forts que ceux qui résultent d'une activité professionnelle. Tel est notamment le cas du contribuable qui rentre quotidiennement à son domicile, c'est-à-dire au lieu où habite sa famille.

56 L'adoption, le 14 octobre 2012, de la nouvelle Constitution genevoise a modifié cette réglementation. Désormais, les lois qui ont pour objet un nouvel impôt ou qui portent sur la modification du taux ou de l'assiette d'un impôt existant ne sont plus passibles d'un référendum obligatoire, mais sont soumises au corps électoral si le référendum est demandé par 500 titulaires des droits politiques (art. 67 al. 2 let. a).

57 ATF 125 I 458 Canton de Vaud.

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suisse 445 II.-L'ÉQUILIBRE DES FINANCES PUBLIQUES NON ÉTATIQUES :

FINANCES INFRA-ÉTATIQUES ET FINANCES SOCIALES

A.-Les finances infra-étatiques (y compris établissements publicset universités)

1 ) Les règles de répartition des compétences

62. Les règles applicables aux finances publiques des autorités infra-étatiques et des établissements publics suivent le mode traditionnel de répartition des compétences entre autorités fédérales et cantonales. C'est dire que la structure fédérale de l'État suisse déploie ses effets dans ce domaine également : chaque niveau de compétence dispose par conséquent de son propre système. La constitution, qu'elle soit de rang fédéral ou cantonal, ne contient guère de règles en la matière.

63. De manière générale, le contrôle du respect de la répartition des compétences incombe à la juridiction du Tribunal fédéral lorsque la question de l'équilibre fédéraliste vient à se poser. La règle du respect de la primauté du droit fédéral sur le droit cantonal contraire au sens de l'article 49 alinéa 1 Cst. permet à la Cour suprême de veiller à ce que les cantons n'interviennent pas de manière indue dans le domaine des compétences fédérales.

64. L'inverse n'est pas nécessairement vrai : une loi fédérale vient-elle à empiéter ou à usurper une compétence cantonale, la clause de l'article 190 Cst., qui fait obligation au Tribunal fédéral d'appliquer en tout état les lois votées par l'Assemblée fédérale, fait obstacle au contrôle judiciaire de la constitutionnalité de ce type d'acte normatif. On se doute toutefois qu'en matière de finances publiques, le cas ne se présente guère.

2) Les dispositions constitutionnelles de fond applicables aux finances infra-étatiques

65. Les normes constitutionnelles fédérales relatives aux tâches accomplies par des établissements publics ne sont guère détaillées pour ce qui touche à leur mode de financement. Pour prendre un exemple, l'article 6la Cst., qui a été introduit dans la Constitution fédérale le 21 mai 2006, dispose que, dans les limites de leurs compétences respectives, la Confédération et les cantons veillent ensemble à la qualité et à la perméabilité de l'espace suisse de formation.

66. Sur le plan universitaire, l'article 63a Cst. détaille le mandat imparti aux hautes écoles suisses. Pour ce qui est de leur financement, l'article 63a alinéa 5 Cst.

se borne à préciser que la Confédération peut lier le soutien aux hautes écoles à des principes de financement uniformes et le subordonner à la répartition des tâches entre les hautes écoles dans les domaines particulièrement onéreux. Comme indiqué plus haut58, l'article 66 alinéa 1 Cst. précise aussi que la Confédération peut accorder des contributions aux cantons pour l'octroi d'aides à la formation destinées aux étudiants des hautes écoles et autres institutions d'enseignement supérieur. Elle peut encourager l'harmonisation entre les cantons en matière d'aides à la formation et fixer les principes applicables à leur octroi. Pour le reste, l'essentiel du financement relève de normes de rang infra-constitutionnel, législatif ou réglementaire.

67. Dans le domaine des transports et de la communication, domaines traditionnels d'intervention des pouvoirs publics, la Constitution fédérale n'est guère loquace s'agissant du financement. Deux dispositions (art. 82 et 87 Cst.) prévoient la 58 Supra, note 6.

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compétence fédérale dans le domaine des services postaux, de la communication et des transports, les questions liées au financement de ces activités relevant de la loi59.

B.-Les finances sociales

1 ) Les normes de référence applicables aux finances sociales

68. On peut sans doute envisager plusieurs définitions de l'expression

« finances sociales ». Par finances sociales, on entend le système institutionnel qui tend à assurer le financement des assurances sociales, c'est-à-dire du système de sécurité sociale fondé sur la solidarité. L'expression peut ainsi s'entendre au sens large, en regroupant à la fois le financement du système d'assurances tendant à octroyer des prestations individuelles, ainsi que l'ensemble des mesures touchant les politiques publiques généralement dotées d'une vocation sociale.

69. L'expression trouve une certaine résonnance en Suisse : la Constitution fédérale contient en effet une section consacrée à la sécurité sociale et à la santé, que l'on appelle communément la « constitution sociale » («Sozialverfassung »)60. Elle décrit les régimes d'assurance, pour certains leur attribue une mission et les encadre par des principes61. On y trouve aussi un certain nombre de règles relatives au financement.

70. Cependant, les normes de référence applicables aux finances sociales résultent en partie seulement de la Constitution. L'article 111 Cst. pose par exemple les principes de la prévoyance vieillesse, survivants et invalidité62, alors que l'article 112 alinéas 3 à 5 Cst. contient un certain nombre de dispositions relatives au financement de cette assurance. La disposition prévoit ainsi que l'assurance est financée par les cotisations des assurés. Lorsque l'assuré est salarié, il est prévu que l'employeur prenne ? à sa charge la moitié du montant de la cotisation (art. 1 12 al. 3 let. a Cst.), le financement étant aussi assuré par des prestations de la Confédération (let. b). Les prestations de la Confédération n'excèdent pas la moitié des dépenses (art. 112 al. 4 Cst.). Elles sont financées prioritairement par le produit net de l'impôt sur le tabac, de l'impôt sur les boissons distillées et de l'impôt sur les recettes des maisons de jeu (art. 112 al. 5 Cst.).

71. L'article 130 alinéa 3 Cst. prévoit que si, par suite de l'évolution de la pyramide des âges, le financement de l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité n'est plus assuré, la Confédération peut, dans une loi fédérale, relever de 1 point au plus le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée et de 0,3 point au plus son taux réduit. Cette disposition a été introduite dans la Constitution le 27 septembre 2009 en vue de lutter contre le déficit qui menaçait alors l'assurance-vieillesse et survivants. Sa durée de validité n'est toutefois que temporaire, puisqu'elle devrait

59 Voir en particulier les articles 5sq de la loi fédérale sur l'organisation de l'entreprise fédérale de la poste, du 30 avril 1997 (RS 783.1) et 49sq. de la loi fédérale sur les chemins de fer, du 20 décembre 1957 (RS 742.101).

60 Luzius MADER, Die Sozial-und Umweltverfassung, Pratique juridique actuelle 1999, p. 698.

61 Pierre-Yves GREBER, Bettina KAHIL-WOLFF, Introduction au droit suisse de la sécurité sociale, 4e éd., Genève 2009, p-56.

62 La disposition pose en particulier le principe selon lequel la prévoyance vieillesse, survivants et invalidité repose sur trois piliers : l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité fédérale, la prévoyance professionnelle et la prévoyance individuelle.

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suisse 447 cesser de déployer ses effets le 31 décembre 20 1763. Les détails liés à la mise en œuvre de ces dispositions relèvent du domaine de la loi64.

72. Dans le même sens, l'article 114 alinéa 3 Cst. prévoit que l'assurance- chômage est financée par les cotisations des assurés. Lorsque l'assuré est salarié, l'employeur prend à sa charge la moitié du montant de la cotisation. En matière d'assurance-maladie et accident (art. 117 Cst.), la Constitution fédérale ne contient aucune disposition relative au financement. C'est donc dans le droit de rang infra- constitutionnel, en particulier dans la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 199465, qu'il faut chercher les modalités relatives au financement de ce type d'assurance66.

73. L'article 116 Cst. pose le principe des allocations familiales et de l'assurance-maternité. Les clauses relatives au financement ne sont que lapidaires, l'essentiel étant, ici aussi, renvoyé au domaine de la loi : l'article 116 alinéa 3 Cst.

prévoit par exemple que la Confédération peut soumettre à l'obligation de cotiser au régime de l'assurance-maternité les personnes qui ne peuvent bénéficier des prestations d'assurance. De même, l'article 116 alinéa 4 Cst. dispose que la Confédération peut déclarer l'affiliation à une caisse de compensation familiale et l'assurance-maternité obligatoires, de manière générale ou pour certaines catégories de personnes, et faire dépendre ses prestations d'une juste contribution des cantons.

74. Sur le plan fédéral, c'est donc surtout dans les lois votées par l'Assemblée fédérale, donc dans des actes soumis au référendum législatif (art. 14 1 let. a Cst.) que figurent les clauses permettant d'assurer le financement du système de sécurité sociale. Le même système prévaut au niveau cantonal : en la matière, la clé du financement, sur le plan juridique, résulte donc le plus souvent de la loi au sens formel. Ce type d'acte est passible du contrôle de la constitutionnalité du Tribunal fédéral sous l'angle du respect des droits protégés par la Constitution fédérale67.

2) ha jurisprudence constitutionnelle relative aux finances sociales

75. La jurisprudence constitutionnelle relative aux finances sociales concerne pour l'essentiel le contrôle de la validité des normes de rang cantonal. Dans le cadre du contrôle qu'il est appelé à exercer, à la fois abstraitement et concrètement, sur la constitutionnalité des actes cantonaux, le Tribunal fédéral est parfois amené à se prononcer sur certains aspects relatifs au financement de mesures relevant de la sécurité sociale.

76. À l'occasion d'un arrêt rendu le 4 juillet 200368, la Haute Cour a par exemple statué sur le mode de financement du système d'allocations familiales en vigueur dans le canton de Genève. Une modification de la loi genevoise avait, en particulier, réservé au gouvernement cantonal la compétence de fixer chaque année le taux de contribution des personnes appelées à financer le régime des allocations familiales. Saisi d'un recours formé par les associations patronales et des employeurs

63 L'adoption de l'art. 130 al. 3 Cst. a eu pour conséquence de faire passer le taux usuel de la taxe sur la valeur ajoutée à 8% à partir du 1er janvier 201 1.

64 Voir en particulier la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (RS 831.10).

65 Ci-après : LAMal ; RS 832.10.

66 Voir en particulier les art. 60sq. LAMal.

67 Pour un exemple récent, voir l'arrêt Résidence Bellerive Sàrl et consorts, ATF 138 II 191, du 19 avril 2012, concernant la loi sur le financement des établissements médico-sociaux dans le canton de Neuchâtel.

68 Arrêt du Tribunal fédéral 2P. 329/2001 Fédération des syndicats patronaux de Genève et consorts c. Grand Conseil du canton de Genève, publié et commenté in Pratique juridique actuelle 2004, p. 97.

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