• Aucun résultat trouvé

Comprendre le curriculum holistique : la clé pour l’effectivité des travaux curriculairespp. 21-34.

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Comprendre le curriculum holistique : la clé pour l’effectivité des travaux curriculairespp. 21-34."

Copied!
15
0
0

Texte intégral

(1)

20

COMPRENDRE LE CURRICULUM HOLISTIQUE : LA CLÉ POUR L’EFFECTIVITÉ DES TRAVAUX CURRICULAIRES

Lili Ji

Assistant Programme Specialist

Bureau International d’Éducation (BIE-UNESCO) C.P. 199 1211 Genève 20 Suisse

courriel :l.ji@unesco.org

RÉSUMÉ

Alors que les pays avancent vers des objectifs éducatifs à l’horizon 2030, la compréhension étroite du curriculum subsiste. Cet article vise à clari er et à enrichir le concept du curriculum, notamment en partageant la vision holistique du curriculum telle que mise en lumière par le Bureau international de l’éducation (BIE), institut de l’UNESCO spécialisé en matière de curriculum. Nous passons en revue la portée d’un curriculum holistique dans ses multiples dimensions, en déduisant ses fonctions fondamentales ainsi que ses implications pour le rôle

du spécialiste du curriculum. Un curriculum holistique articule l’apprentissage et les expériences éducatives entre les sous-secteurs du système éducatif. Il constitue un outil opérationnel pour donner effet aux politiques d’apprentissage tout au long de la vie, ainsi qu’aux agendas nationaux et mondiaux du développement.

Mots clés : Curriculum holistique, Interdépendances des processus éducatifs, Fonctions et implications du curriculum, Apprentissage tout au long de la vie, Éducation et développement.

(2)

21

La place du curriculum dans la prestation de l’éducation nationale est l’objet d’une grande attention dans les systèmes éducatifs à travers le monde. Réunis au Forum mondial de l’éducation de 2015 (Incheon, République de Corée), les 160 pays participants ont explicitement déclaré : «(…) notre vision est de transformer la vie grâce à l’éducation. … nous nous engageons en faveur d’un agenda pour l’éducation unique et renouvelé qui soit holistique, ambitieux et mobilisateur, qui ne laisse personne de côté. Cette nouvelle vision trouve sa pleine expression dans l’ODD [Objectif du développement durable] 4 proposé, ‘Assurer une éducation inclusive et équitable de qualité et promouvoir des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie pour tous’, et dans les cibles correspondantes. (…) Nous concentrerons nos efforts sur l’accès, l’équité, l’inclusion, la qualité et les résultats de l ’ a p p r e n t i s s a g e , d a n s l a perspective d’un apprentissage tout au long de la vie.» (UNESCO, 2015). Cela permet d’offrir des orientations aux pays du monde pour la révision et l’innovation de leurs curricula.

L’effectivité d’un curriculum revisité – entre autres sa conception, son développement,

sa mise en œuvre, son évaluation, et ses interactions avec les autres constituants du système éducatif – exige le soutien et la participation des éducateurs et des parties prenantes qui, avant tout, intègrent une compréhension holistique du curriculum. Cependant, dans la collaboration avec les pays membres de l’UNESCO, nous réalisons que de nombreux professionnels de l’éducation tendent encore à établir une équation entre curriculum et programme éducatif. Cela nous amène en priorité à redoubler d’efforts pour clari er et enrichir le concept du curriculum, tout en tenant compte des tendances actuelles. En passant en revue diverses définitions du curriculum, cet article a pour but de résumer et de partager la compréhension et la vision du curriculum telles que mises en lumière par le Bureau international de l’éducation (BIE), institut de l’UNESCO spécialisé en matière de curriculum.

Dé nition holistique du curri- culum

Le «curriculum», qui vient du mot latin désignant une «piste de course», a progressivement vu sa signi cation évoluer pour se référer au parcours d’activités et d’expériences qui permettent

(3)

22

aux enfants de devenir des adultes. Largement employé dans la terminologie éducative contemporaine, le «curriculum»

n’est pas défini d’une seule manière. Selon les contextes, les époques et les perspectives des acteurs, il existe de multiples définitions proposées, allant d’un «cours d’étude planifié»

à une vision englobant toutes les expériences d’apprentissage pour lesquelles l’école n’est pas toujours la seule responsable.

Nous pouvons en citer plusieurs exemples :

Lorsque l’accent est mis sur ses finalités, «Le curriculum est une sélection idéologique d’un éventail de connaissances possibles», fortement liée aux

«imaginaires sociaux que la société vise à atteindre et à construire» (Apple, 1982). Étant donné sa forme usuelle de présentation, le curriculum a été associé avec les programmes d’étude of ciels publiés par les organes compétents (Barrow et Milburn, 1990).

Sans se limiter aux contenus et aux produits d’apprentissage, le curriculum renvoie également aux processus d’apprentissage.

D e w e y ( 1 9 0 2 ) e t B o b b i t (1918) ont élargi la notion de programme éducatif en faisant référence aux expériences de l’apprenant, tant à l’intérieur

qu’à l’extérieur de l’école. Le curriculum a également été vu comme un «moyen pour atteindre les objectifs éducatifs», à travers la sélection et l’organisation des expériences d’apprentissage selon les critères requis (Tyler, 1949). Selon le Thésaurus des descripteurs de l’éducation d’Australie, «Le curriculum est un plan incorporant une série structurée de résultats d’apprentissage attendus et les expériences d’apprentissage associées, en général organisés en un ensemble ou une série de cours qui sont liés» (BIE- UNESCO, 2013a).

Depover et Noël (2005) ont proposé de dé nir le curriculum sur trois niveaux : macro (politique éducative), méso (gestion de l’éducation par les acteurs) et micro (réalisation quotidienne de l’action éducative au niveau technique). Cela se rapporte à la portée du curriculum, qui est tantôt perçu comme « la totalité d’expériences qui sont plani ées pour les enfants et les jeunes à travers leur éducation, quel que soit l’endroit où ils sont éduqués » (Gouvernement écossais, 2009), tantôt comme un « inventaire des activités mises en œuvre pour concevoir, organiser et plani er une action d’éducation ou de formation, y compris la dé nition des objectifs, des contenus,

(4)

23

des méth odes (y com pr is l’évaluation) et des matériels d’apprentissage, ainsi que les dispositions pour former les enseignants et les formateurs»

(CEDEFOP, 2011). Jonnaert et coll. (2009) ont suggéré de dé nir le curriculum holistique comme

«un système global constitué d’un ensemble de composantes à v i s é e é d u c a t i v e » . C e s propositions tendent à étendre le champ du curriculum au- delà de l’enseignement scolaire ou formel, pour englober la formation en général, y compris la formation des enseignants.

Dans les travaux du BIE- U N E S C O , l e c u r r i c u l u m a continuellement été défini de manière étendue, sans ê t r e l i m i t é a u x p r o d u it s curriculaires. Il est vu comme la définition d’un ensemble des paramètres éducatifs, y compris «les fondations et les contenus éducatifs, leur sé que n ce en f on c ti o n d u temps disponible pour les expériences d’apprentissage, les caractéristiques des institutions d’enseignement et celles des expériences d’apprentissage, notamment du point de vue des méthodes à utiliser, des ressources pour l’apprentissage et l’enseignement (e.g. manuels et nouvelles technologies), de l’évaluation et des profils des

enseignants» (Braslavsky, 2003).

S e l o n l e B I E - U N E S C O (2013b), le curriculum est également un «contrat entre la société, la politique et les écoles/les enseignants concernant la façon d’organiser et de fournir des séquences d’expériences d’apprentissage qui visent à produire des résultats d’apprentissage souhaités». Cette proposition souligne l’importance de développer une vision forte du curriculum qui, en se fondant sur les demandes et les attentes de la société – y compris les besoins et les agendas locaux, nationaux et globaux –, justi e la pertinence et la justesse de ce qui doit être enseigné aux apprenants de différents niveaux, pourquoi il doit en être ainsi, et comment y parvenir. De fait, les processus contemporains de développement et de réforme curriculaire impliquent de plus en plus le débat public et la consultation avec un grand nombre de parties prenantes : décideurs politiques, professionnels de l’éducation, partenaires socioéconomiques, collectivités locales, mais surtout et avant tout, les apprenants.

Dans le contexte actuel où les discussions se succèdent sur l’agenda mondial de l’éducation et du développement pour l’après-2015, les travaux récents du BIE-UNESCO (2015a) ont

(5)

24

doté le curriculum de nouvelle signi cation : «un curriculum bien conçu sert de noyau auquel tous les autres aspects des systèmes éducatifs sont liés» ; «le curriculum détermine l’articulation de l’apprentissage et des expériences éducatives e n t r e l e s s o u s - s e c t e u r s [de l’éducation] et entre les dispositifs d’apprentissage» ;

«le curriculum est l’ADN de l’éducation. Il encode les objectifs, et le schéma, pour le devenir des individus tel que souhaité par la société» ; «le curriculum est l’instrument principal qui articule les aspirations en matière de développement et les objectifs de l’éducation».

Cela indique davantage qu’une compréhension holistique au curriculum, au lieu d’une focalisation étroite sur seulement u n o u q u e l q u e s a s p e c t s curriculaires, est cruciale pour assurer l’effectivité des travaux menés par les professionnels du curriculum.

La portée du curriculum holis- tique

Le curriculum au sens large comprend à la fois les produits (le «quoi») et les processus (le «comment») permettant d’atteindre les objectifs de l’éducation. Ces deux aspects sont complémentaires et de même importance. Selon les travaux du

BIE-UNESCO (2012), lesproduits curriculaires peuvent se déclinent en une série de documents : décrets législatifs, documents directifs, principes directeurs ou cadres curriculaires, cadres normatifs, programmes d’études, manuels scolaires et autres matériels didactiques. Parmi ces documents, les cadres curriculaires sont souvent mis en exergue : ils expriment les objectifs de l’État en matière d’éducation et peuvent dé nir les normes minimales de contenu et d’évaluation ainsi que les quali cations des enseignants, les ressources pédagogiques, les matériels d’apprentissage, la gestion des établissements scolaires et les méthodes d’évaluation. De tels cadres sont approuvés par une autorité compétente et énoncent les lignes directrices pour la conception et le développement des curricula, ainsi que pour la formation et le perfectionnement professionnel des enseignants.

Les processus curriculaires sont ceux qui donnent lieu et effet aux produits curriculaires.

Parmi ces processus figurent n ot am m en t le s di al o gu es politiques et la consultation élargie sur l’éducation, la conception du curriculum ainsi que son développement, sa mise en œuvre, sa gestion, son

(6)

25

évaluation, son innovation et sa réforme. Ces processus sont liés dans une continuité circulaire, et chacun composé de diverses opérations. Par exemple la mise en œuvre curriculaire implique en général une phase pilote avant la mise à l’échelle, ainsi que la formation des enseignants en conséquence. Au niveau de l’école, le curriculum peut être vu dans une perspective axée sur l’action, notamment les dispositions prises par les professionnels pour soutenir l’apprentissage et le bien-être des apprenants, y compris :

• l a m i s e e n p l a c e d e l’environnement physique, de l’équipement et du matériel ;

• l ’ i n t e r a c t i o n a v e c l e s apprenants ;

• l ’ a i d e a p p o r t é e a u x apprenants pour qu’ils interagissent et établissent des rapports mutuels ;

• l’emploi du temps scolaire ;

• la dé nition des règles et des limites ;

• l a p l a n i f i c a t i o n e t l ’ o r g a n i s a t i o n d e s e x p é r i e n c e s o u d e s événements spéciaux ;

• l’organisation de la vie quotidienne et la routine ;

• l a c o m m u n i c a t i o n , notamment entre collègues et avec les parents.

Le curriculum se caractérise à la fois par sa densité et sa souplesse (BIE-UNESCO, 2012).

La densité d’un curriculum se rapporte au nombre de variables qu’il renseigne et sur lesquelles les parties prenantes doivent prendre une décision. Par exemple un curriculum riche comporte des critères et des exemples, et non des éléments isolés d’informations à mémoriser, ou des activités uniques à imiter.

La souplesse d’un curriculum permet à ses utilisateurs d’apporter des ajustements spécifiques dans sa mise en œuvre, selon les circonstances et dans les limites autorisées.

P a r e x e m p l e , s ’ a g i s s a n t de l’allocation des heures d’enseignement, le curriculum indique habituellement des valeurs minimales et maximales et sur de longues périodes, au lieu d’un nombre rigide d’heures hebdomadaires.

L e c u r r i c u l u m e s t d o n c n o n s e u l e m e n t l e véhicule de l’enseignement- apprentissage, il est l’essence même de l’enseignement et de l’apprentissage, car il en implique les contenus, les méthodes, les résultats, la gestion et

(7)

26

l’évaluation. Aujourd’hui, le caractère multidimensionnel du curriculum (Keeves, 1992 ; Perrenoud, 1993 ; BIE-UNESCO, 2013b ; Tedesco, Opertti et Amadio, 2015) continue à pénétrer la communauté des professionnels du curriculum, se référant au moins aux variations suivantes :

• Le curriculum voulu, qui correspond à ce que la société attend de l’apprentissage des élèves. Cette dimension du curriculum peut se manifester par écrit ou non, par exemple à travers des discours politiques, l’opinion publique, ou les plans de travail des enseignants.

• Le curriculum officiel, notamment celui qui est écrit/

documenté tel que le cadre de référence curriculaire et d’autres documents of ciels – normes, programmes, manuels, etc. – établis par les autorités investies. Dans cette perspective, l’accent est mis sur les objectifs et les contenus de ce qui doit être enseigné.

• Le curriculum mis en œuvre, qui fait référence à ce qui est effectivement mis en place pour les élèves dans les écoles et les salles de classe.

À ce niveau, le curriculum se lie étroitement avec l’enseignement, pouvant inclure des éléments locaux ou personnels qui ne sont pas présents dans le curriculum of ciel, ou ne couvrir qu’une partie de celui-ci par manque de ressources matérielles ou humaines.

• Le curriculum réel ou réalisé, qui se réfère à l’expérience d’apprentissage réellement vécue par les élèves, y compris les contenus et les compétences (aptitudes, valeurs, croyances, comportements, attitudes, etc.) qui ont été effectivement appris.

Cette dimension du curriculum se focalise davantage sur les apprenants, notamment sur leurs perceptions de ce qui est attendu de leur apprentissage, en fonction de leur capacité à apprendre et de leur rapport au curriculum.

• Le curriculum caché ou latent, qui renvoie à ce qui est enseigné ou appris sans l’intention délibérée du curriculum, de l’enseignant ou de l’élève. Les messages transmis par le curriculum caché peuvent compléter les curricula officiels, voulus ou mis en œuvre, ou au contraire les contredire.

• Le curriculum nul et non avenu, qui se réfère aux

(8)

27

domaines et aux dimensions de l’expérience humaine qui ne  gurent pas dans le curriculum et qui ne sont pas abordés par l’enseignement.

Une fois le terme « curriculum » entendu dans ses multiples

dimensions, il est possible d’i dentifier les nombreux processus et facteurs éducatifs et sociétaux qu’il réunit, dont nous tentons de présenter les liens dans le tableau suivant.

Dimensions du curriculum et les processus et facteurs associés

Dimensions Processus et facteurs associés Liste non exhaustive

Curriculumvoulu Curriculumof ciel

La formulation despolitiques éducatives selon les attentes et les aspirations sociétales, à travers une consultation élargie auprès des parties prenantes

Laconception, ledéveloppementet l’évaluation des curricula à la lumière des politiques éducatives

Curriculummis en œuvre

lamise en œuvre et lagestion des curricula, notamment à travers l’enseignement, largement fonction de la disponibilité de ressources éducatives, y compris la qualité de la formation des enseignants et d’autres acteurs éducatifs

Curriculumréelou réalisé

L’apprentissage réalisé par les élèves en termes de connaissances, aptitudes, valeurs, comportements et attitudes

L’apport desapproches pédagogiques

L’évaluation de l’apprentissage et pour l’apprentissage Curriculumcaché

oulatent

Lesinteractions élèves-élèves, élèves-enseignants

Laculture et lesvaleurs des établissements

Le développement global des établissements scolaires

Curriculumnul et non avenu

L’entourage social des élèves

Laculture et lesvaleurs de la société

L’investissement des individus, des familles et des autorités dans l’éducation

Les exigences actuelles et anticipées dumarché de l’emploi et de lavie économique et citoyenneen termes de quali cations et de compétences

En effet, être conscients des différentes dimensions du curriculum nous permet de considérer les interdépendances et la cohésion requise entre les nombreux processus concernés : sans être conforme aux politiques éducatives, le curriculum ne permettra pas d’atteindre les objectifs nationaux ; sans la

consultation auprès des parties prenantes, le curriculum perd sa raison d’être fondamentale ; sans les ressources matérielles et humaines nécessaires, notamment l’acceptation et la maîtrise par un corps enseignant quali é et en formation continue, un curriculum of ciel ne peut être mis en œuvre dans sa totalité ;

(9)

28

sans le souci de donner du sens à l’apprentissage, le curriculum risque de se voir dévalorisé par les élèves (Bautier et Rochex, 1998) ; dans un système fort de sélection par examen, les épreuves tendent à devenir le curriculum réellement mis en œuvre ; sans une culture scolaire et un environnement sociétal qui valorisent l’apprentissage, l’appréciation de la diversité et l’équité des opportunités, le curriculum ne parviendra pas à modeler des «apprenants à vie» et une société inclusive ; quant au marché de l’emploi, il présente ses besoins et ses pratiques qui informent le curriculum réel, latent, nul et non avenu pour influencer les décisions éducatives des autorités, des familles et des individus. L’énumération de ces interdépendances peut poursuivre.

Dan s les processus de réformes curriculaires, si cette approche holistique d u cu r r i cu l u m n ’e s t p a s systématiquement considérée, les mesures et les actions prises resteront toujours dans un ou plusieurs champs étroits et limités – plus couramment celui des programmes éducatifs – , et peineront à atteindre leurs résultats escomptés. Par exemple, si de nouvelles visées telles que

l’«approche par compétences», l’«éducation inclusive», ou l’«éducation à la citoyenneté mondiale» sont introduites dans le curriculum of ciel, elles resteront largement rhétoriques tant que le système, les écoles et les enseignants ne possèdent pas les compétences et les outils pour les mettre en pratique. En revanche, ces compétences et ces outils ne seront pas acquis si la plani cation de l’éducation ne réserve pas d’importantes ressources pour assurer la formation des acteurs.

Nous pouvons invoquer davantage de scénarios pour illustrer les interdépendances qui nouent les processus et les acteurs éducatifs dans un projet curriculaire. Par exemple, quand le curriculum officiel prescrit le transfert de compétences, ou la pratique de l’évaluation formative, ces innovations demeureront accessoires si les critères et les procédés de sélection et de certification continuent à être axés sur le savoir factuel et les examens

«à enjeux élevés» (high-stakes testing) (BIE-UNESCO, 2015 ; Tedesco, Opertti et Amadio, 2015). Dans un système éducatif à gouvernance centralisée, les acteurs locaux manqueront d’autonomie pour mettre en œuvre le «curriculum axé sur

(10)

29

l’école» (school-based curriculum).

Autre exemple, si un grand nombre de diplômés d’un système éducatif ne parviennent pas à participer activement à la vie économique et sociale, c’est aussi la voix des employeurs et des secteurs socio-économiques qui doit être entendue a n de revisiter et de renforcer les compétences qui doivent être transférées aux apprenants.

Les fonctions et les implica- tions du curriculum holis- tique

Dans leurs travaux conjoints (à paraître), le BIE-UNESCO et Jonnaert résument les principales fonctions d’un curriculum holistique, qui consistent à :

• traduire les politiques é d u c a t i v e s d a n s d e s documents d’orientation pour l’enseignement et l’apprentissage, ce qui lui permet entre autres de promouvoir la démocratisation d e s o p p o r t u n i t é s d’apprentissage et de stimuler la transformation progressive du rôle de l’enseignant (Tedesco, Opertti et Amadio, 2015) ;

• opérationnaliser des plans d’action éducatifs, des mécanismes de contrôle et de les articuler étroitement ;

• assurer la cohérence à tous les niveaux du travail éducatif ;

• assurer le développement e t l a f o r m a t i o n d e s personnes en harmonie avec leur environnement social, historique, religieux, c u l t u r e l , é c o n o m i q u e, géographique, linguistique et démographique ;

• adapter et réguler le système éducatif autant par rapport à un projet sociétal local et actualisé, que par rapport à une ouverture de la société et de ses membres sur le monde.

En effet, le curriculum n’est pas une «fin en soi», mais un «moyen de faciliter un apprentissage de qualité» (BIE- UNESCO, 2011). Au sein d’un système éducatif, le curriculum a un « rôle éminent dans tous les principaux aspects de l’éducation qui sont connus pour déterminer la qualité, l’inclusion et la pertinence tels que les contenus, l’apprentissage, l’enseignement, l’évaluation et les environnements d’enseignement-apprentissage, entre autres» (BIE-UNESCO, 2015a). Un curriculum holistique est nécessairement abordé dans une perspective systémique qui prend en compte les interactions entre chacune de ses dimensions

(11)

30

(BIE-UNESCO et Jonnaert, Ph., à paraître). En déterminant l’articulation de l’apprentissage et les expériences éducatives entre les sous-secteurs du système éducatif, le curriculum est vu comme le «noyau qui permet aux systèmes éducatifs de fonctionner comme tels», ou la

«pierre angulaire de toute réforme de l’éducation» (BIE-UNESCO, 2013c, 2015a). Cette vision holistique permet notamment de concevoir les responsabilités et les actions éducatives de façon coordonnée, a n d’améliorer les résultats.

Le curriculum holistique c o n st i tu e n o n s eu l em en t une force fondamentale pour l’intégration du système éducatif, il agit aussi, par sonséquençage, comme un outil opérationnel pour donner effet aux politiques d’apprentissage tout au long de la vie (BIE-UNESCO, 2015a).

Par sa flexibilité, autrement dit sa capacité d’adaptation aux présents et futurs besoins sociétaux, il permet à terme de façonner le progrès d’une société.

Sa portée dépasse ainsi le système éducatif : constituant le moyen et le processus fondamentaux de la formation du capital humain, il est également en interaction avec des secteurs parallèles au système éducatif, tels que le marché de l’emploi, la cohésion

sociale et culturelle, le système des valeurs, etc. qui, à leur tour, in uent sur l’accessibilité, la prestation, l’évaluation et l’évolution de l’éducation.

Le BIE-UNESCO (2015a) voit en le curriculum holistique un rôle essentiel dans l’articulation et la construction des facettes critiques d’un développement holistique et durable que sont économie, social, politique, e n v i r o n n e m e n t , c u l t u r e , multiculturalisme, humanisme, valeurs, éthiques, équité et inclusion. Cela attribue au curriculum le «pouvoir de donner effet aux déclarations d’aspirations mondiales sur le rôle de l’éducation dans le développement holistique».

La vision holistique du c u r r i c u l u m i m p l i q u e d e s exigences correspondantes pour les professionnels du curriculum : «Le spécialiste du curriculum doit devenir un praticien capable qui ré échit, délibère et participe aux processus curriculaires en considérant un éventail de décisions possibles pour permettre d’atteindre des résultats éducatifs pertinents et ef caces, et pour aider les élèves à développer des compétences utiles pour le présent et l’avenir, tout en respectant la culture et l’identité propre à chaque société» (BIE-UNESCO, 2013b).

(12)

31

Le tableau suivant présente les décisions auxquelles les spécialistes du curriculum doivent être associés :

Source : BIE-UNESCO, 2013b.

Changement curriculaire : Développement et mise en œuvre des processus de changement : plani cation, mise en œuvre, mise à l’essai, mise à l’échelle, etc.

Gestion du changement : Stratégies pour l’introduction de nouvelles façons de penser et de travailler au sein du système éducatif

Curriculum pour l’inclusion : Moyens d’assurer une éducation de qualité pour tous

Approches pédagogiques : Sélection des approches

pédagogiques : centrées sur l’apprenant, sur le développement de compétences et d’aptitudes générales, etc.

Renforcement des capacités : Moyens de préparer les acteurs pour le changement

Stratégies Principes Gestion du système :

Sélections des décisions à prendre au niveau central ou à déléguer

R ô l e s t e c h n i q u e s e t politiques du spécialiste du curriculum – conseiller et

orienter : TIC et matériels

curriculaires : Sélection des supports devant être fournis pour l’enseignement et l’apprentissage

Conception des objectifs et des résultats attendus : Objectifs éducatifs et résultats généraux de l’apprentissage

Soutien Orientations

Financement : Plani cation, provision, négociation et gestion budgétaire

Dialogue politique : Moyens d’harmoniser les opinions sur le curriculum en utilisant le plaidoyer et des données probantes

Evaluation : Moyens d’évaluer le niveau de réalisation

Sélection et organisation des contenus : L’étendu de ce qui doit être enseigné et appris

En s’impliquant dans ces décisions, les spécialistes du curriculum doivent assurer diverses fonctions (BIE-UNESCO, 2013b) dans les processus curriculaires, notamment celles de :

• diriger, concevoir ou mettre en œuvre le dialogue avec les parties prenantes a n de

recevoir et de proposer des idées innovantes ;

• diriger ou participer à la définition du «curriculum écrit» : ce qui doit être appris, comment formuler les résultats attendus et c o m m e n t é v a l u e r l e s résultats d’apprentissage ;

(13)

32

• diriger ou orienter les processus par lesquels le curriculum écrit se concrétise en pratiques d’enseignement et d’apprentissage ;

• concevoir et produire les m atériels de base qui permettent au curriculum d’être mis en application ; et

• participer à des processus d e r en ou vel l em en t du curriculum et à la recherche de solutions pour relever des défis curriculaires dans différents contextes régionaux ou nationaux.

CONCLUSION

Alors que les pays avancent vers des objectifs éducatifs à l’horizon 2030, et que la compréhension étroite du curriculum subsiste dans les systèmes éducatifs, le BIE- UNESCO voit l’importance de clari er la vision du curriculum holistique, tout en réaf rmant sa position critique dans les agendas nationaux et mondiaux du développement.

B i en q u e l a v i si o n d u curriculum varie selon les temps et les perspectives, nous avons passé en revue des propositions de définitions, la portée d’un curriculum holistique dans ses multiples dimensions,

en déduisant ses fonctions fondamentales ainsi que ses implications pour le rôle du spécialiste du curriculum. Alors que le curriculum ouvre un espace contesté impliquant de multiples parties prenantes, la prise en compte des perspectives et des voix des apprenants reste une priorité majeure. Dans cet esprit, le curriculum doit assurer des opportunités et des expériences d’apprentissage équitables et personnalisées. Il doit également mettre à pro t sa flexibilité pour offrir des conditions, des ressources et des voies pour l’apprentissage tout au long de la vie.

Le curriculum reflète à la fois l’état et la prospection du développement d’une société, dans la mesure où il concourt à façonner, voire à constituer l e s p r o c e s s u s m ê m e s d e l’autonomisation individuelle, de la formation du capital humain, et de l’évolution de la société.

Les fonctions fondamentales du curriculum holistique le placent au croisement des quatre aspects de l’ODD [Objectif du développement durable] 4, c’est- à-dire l’éducation doit favoriser (1) l’inclusion et l’ , (2) la qualité de l’apprentissage, (3) l’apprentissage tout au long de la vie, et (4) le développement holistique. En associant les

(14)

33

compétences avec l’apprentissage tout au long de la vie et avec les besoins sociétaux, le curriculum assure le pont entre l’éducation et le développement (BIE-UNESCO, 2015a).

Aujourd’hui, le débat sur le curri culum dépasse le domaine technique pour être également un sujet de discussion politique sur quelle éducation est nécessaire pour construire quels types de valeurs et de sociétés (Tedesco, Opertti et Amadio, 2015). Au cœur de ces imaginaires est la construction d’une société plus juste, plus inclusive, et l’éducation via le curriculum holistique offrira la voie pour atteindre ces ambitions (B IE -UNE S CO, 20 13). Un mouvement de fond se forme, plaçant le curriculum holistique à l’intersection entre les objectifs nationaux, mondiaux, et leur réalisation à travers les processus éducatifs.

RÉFÉRENCES

BIBLIOGRAPHIQUES

Apple, M. (1982).Education and Power.

Boston : Routledge and Kegan Paul.

Barrow, R., Milburn, G. (1990).A Critical Dictionary of Educational Concepts.

New York : Harvester Wheatsheaf.

Bautier, E. et Rochex, J.-Y. (1998).

L’expérience scolaire des nouveaux lycéens. Démocratisation ou massi cation ? (p. 34). Paris : Armand Colin.

BIE-UNESCO et Jonnaert, Ph. (À paraître). Indicateurs pour une évaluation globale d’un curriculum.

Genève : BIE-UNESCO.

BIE-UNESCO. (2015a).Repositioning and Reconceptualizing the Curriculum for the Effective Realization of Sustainable Development Goal Four, for Holistic Development and Sustainable Ways of Living.Genève: BIE-UNESCO.

BIE-UNESCO. (2015b). Training Tools for Curriculum Development. Inclusive Student Assessment. Genève : BIE- UNESCO. (Non publié).

BIE-UNESCO (2013a). Glossary of Curriculum Terminology. Genève : BIE-UNESCO.

BIE-UNESCO. (2013b). Outils de formation pour le développement du curriculum. Une banque de ressources.

Genève : BIE-UNESCO.

BIE-UNESCO (2013c). L’apprentissage dans l’agenda pour l’éducation et le développement post-2015. Genève : BIE-UNESCO.

BIE-UNESCO. (2012).Outils de formation pour le développement du curriculum.

Concepts annotés. Genève : BIE- UNESCO. (Non publié).

BIE-UNESCO. (2011). What Makes a Good Quality School Curriculum?

Genève : BIE-UNESCO. (Non publié).

Bobbitt, J. F. (1918).Curriculum. Boston : Houghton-Mif in.

Braslavsky, C. (2003).The Curriculum.

Geneva : IBE-UNESCO.

CEDEFOP (European Centre for the Development of Vocational Training).

(2011).Glossary. Quality in education and training. Luxembourg: Publications Of ce of the European Union.

(15)

34

Depover, C. et Noël, B. (2005). Le curriculum et ses logiques : une approche contextualisée pour analyser les réformes et les politiques éducatives (p. 11). Paris : L’Harmattan.

Dewey, J. (1902). The Child and the Curriculum. Chicago : University of Chicago Press.

Gouvernement écossais (2009).

Curriculum for Excellence. Building the Curriculum 4. Skills for Learning, Skills for Life and Skills for Work.

Edinburgh.

Jonnaert, Ph., Ettayebi, M. et De se, R.

(2009). Curriculum et compétences.

Un cadre opérationnel.Bruxelles : De Boeck.

Keeves, J. (1992). Methodology and Measurement in International and Educational Surveys. London : Pergamon Press.

Perrenoud, Ph. (1993). Curriculum : le formel, le réel, le caché. In Houssaye, J. (dir.)La pédagogie : une encyclopédie pour aujourd’hui (pp. 61- 76). Paris : ESF.

Tedesco, J.-C., Opertti, R., Amadio, M.

(2015). The Curriculum in Debates and in Educational Reforms to 2030:

for a Curriculum Agenda of the Twenty-First Century.IBE Working Papers on Curriculum Issues n°15.

Genève : BIE-UNESCO.

Tedesco, J.-C., Opertti, R., Amadio, M. (2013). L’importance du débat actuel autour du curriculum. IBE Working Papers on Curriculum Issues n°10. Genève : BIE-UNESCO.

Tyler, R. W. (1949). Basic Principles of Curriculum and Instruction. Chicago:

University of Chicago Press.

UNESCO (2015). Déclaration d’Incheon Éducation 2030 : Vers une éducation inclusive et équitable de qualité et un apprentissage tout au long de la vie pour tous.Paris : UNESCO.

Références

Documents relatifs

Danielle Michaud-Côté - Soins et éducation à la petite enfance du Nouveau-Brunswick Josée Nadeau et Jody Dallaire- Association francophone des parents du Nouveau- Brunswick.

L’éducatrice assurera l’atteinte des étapes de développement en utilisant le chapitre sur les Interventions pédagogiques et les meilleures pratiques (voir première

• Fournir de nombreuses occasions pour que l’enfant développe ses savoirs, ses savoir-être, ses savoir-faire et ses savoir-vivre ensemble et qu’il les réinvestisse (les

clear that the districts’ standards tend to include slightly fewer topics than are specified in state standards. But, like the states, the districts still specify many more topics

Mars - avril 2020 Pampudi Argo : « Connaissances, Attitudes et Pratiques des Professionnels de Santé sur l’épilepsie en fin de cursus des études en médecine, pharmacie,

Conférence Disorder in probability and statistical mechanics, Modena, Italie – Juin 2012. MSRI workshop “Random walk in random media”, Berkeley, États-Unis –

1994-2004: Research associate with CNRS at the Institute of Condensed Matter Chemistry of Bordeaux (ICMCB). 1993-94: Research and teaching assistant at the University

Ces objectifs sont traduits en stratégies de mise en œuvre adaptables au contexte de chaque pays et des actions prioritaires destinées aux pays et aux institutions