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Quel futur pour l'école

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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24Le Nouvel Éducateur - n° 113 - Novembre 99 Sans dogmatisme pourtant, il faut se rap- peler ce que disait Freinet :« ...Il nous reste, hélas ! trop ancrée encore dans les esprits, l’hypocrite illusion d’une éco- le qui concilierait par sa neutralité toutes les théories pédagogiques et sociales, d’une école au service des enfants alors qu’elle n’est en réalité, comme toutes les écoles, qu’au service exclusif de la clas- se qui la crée et qui l’administre (1). »

Cette analyse est toujours aussi perti- nente pour qui veut comprendre les enjeux de l’école aujourd’hui comme demain.

Il n’est pas question ici de dramatiser la situation mais d’alerter nos militants. Je voudrais tenter, au travers de quelques indices, d’identifier les dérives possibles qui guettent le service public d’éduca- tion tel que nous le connaissons. C’est un appel à la vigilance.

La société française semble peu à peu s’orienter vers une coupure entre deux mondes (2): d’un côté des riches de plus en plus riches et qui intègrent peu à peu les classes moyennes supérieures. Pour eux, on prépare des diminutions d’impôts, l’accès aux « stock-options » et les fonds de pension (3). De l’autre, des couches marginalisées tant géographiquement que socialement. Minimas sociaux (4), pauvreté, précarité, chômage, temps par- tiel, intérim, petits boulots sont le lot quo- tidien de 6 millions de français (5). Le recours de plus en plus massif à l’inté- rim (9 % de l’emploi salarié) (6) comme le développement des salaires au SMIC (12 % des salariés) (7) montrent un déli- tement de la société salariale. Ce réser- voir de main-d’œuvre bon marché per- met aux entreprises de pallier leurs dysfonctionnements. Il rime aussi avec surexploitation et provoque déqualifica- tion sociale et professionnelle.

Il s’agit d’une tendance lourde de notre société et de toutes les sociétés occi- dentales. Le patronat aura vraisembla- blement de plus en plus besoin de deux types de main-d’œuvre : l’une très qua- lifiée, mobile et susceptible de s’adap- ter, l’autre faiblement qualifiée mais tout aussi mobile et adaptable. Si aucun mou- vement social ne vient interrompre cet- te évolution, l’école devra nécessaire- ment en tenir compte.

Cette évolution éclaire le retour, dans le discours sur l’école, de prises de posi- tion pour l’élitisme (républicain bien sûr) et pour les filières.

Ce discours, caractéristique de la droite réactionnaire des années 1970, peut se résumer ainsi : « société duale, [...] sépa- rant les performants des assistés, [...]

formations très qualifiantes et réhabili- tation du travail manuel, [...] valorisation de l’entreprise comme modèle, de ses principes de profit et de rentabilité com- me références éducatives [...] (8) ».Vingt ans après, avec moins de précautions oratoires, un discours très proche semble se généraliser.

De fait, l’accès en masse des jeunes à l’enseignement secondaire ne fait plus consensus au sein des classes diri- geantes, y compris à gauche (9).

Plutôt qu’un certain nombre d’élèves posent problèmes à l’institution, pour- quoi ne pas les mettre à l’écart ? «[...]

des institutions spécialisées de sociali- sation et de formation existent déjà [...].

Il s’agirait de renforcer considérablement leurs moyens plutôt que de chercher à maintenir à tous prix ces jeunes, de façon démagogique et vaine, au sein de classes hétérogènes [...] (10) ». « Le dévelop- pement de l’apprentissage, [...] peut aider une catégorie de jeunes à sortir d’une situation d’échec et à acquérir une qua- lification (11) ».

L’avenir de l’école en jeu

Quel futur pour l’école ?

Effectivement, les besoins des entre- prises évoluant vers des emplois soit très qualifiés soit sans qualification, la tenta- tion est grande d’adapter l’enseignement à cette tendance. Diversité des excel- lences, hiérarchie et filières, orientation et alternance reviennent comme un leit- motiv des orientations de l’école à venir même pour des auteurs attachés à une école de masse (12).

Il reste à espérer que le mouvement social sera assez fort pour rétablir un nouvel équilibre mais nul ne peut, je pen- se, prédire aujourd’hui ce qu’il en sera.

La conjonction des attaques contre l’é- cole et des enjeux de notre société doit nous inciter à être attentifs à ce qui se prépare et à faire preuve de la plus extrê- me vigilance. C’est l’avenir de l’école qui est une fois de plus en jeu.

Jean-Marie Fouquer

(1) Célestin Freinet, in L’Éducateur prolétarien, avril 1931.

(2) M.-C. Jaillet et J Donzelot, in Hommes et Migrations, janvier-février 1999.

(3) Le Patrimoine des Français augmente, les inégalités aussi, Le Monde, 7 octobre 1999.

(4) Les Minimas sociaux, Le Nouvel Éducateur, n° 105, janvier 1999, PEMF.

(5) Ignacio Ramonet, Une logique d’oppression, Manière de voir n°32, novembre 1996.

(6)Intérim : la dérive, Alternatives Économiques, n° 173, septembre 1999.

(7) Supplément Travail Alternatives Écono- miques, n° 174, octobre 1999.

(8) Edwy Plenel, La République inachevée, Stock, 1997.

(9) Samuel Joshua, L’École entre crise et refon- dation, La Dispute, 1999.

(10) Jean-Pierre Le Goff, La Barbarie douce, La Découverte, 1999.

(11) Jean-Pierre Le Goff, op. cité.

(12) Philippe Joutard et Claude Thélot, Réussir l’école, Seuil, 1999.

En ces années de fin de siècle il n’est pas inutile de réfléchir au deve- nir de l’école.

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