• Aucun résultat trouvé

№9 - Octobre 1997

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "№9 - Octobre 1997"

Copied!
37
0
0

Texte intégral

(1)

№ 9 - Octobre 1997

(2)

Gros plan sur le cinéma avec le compte UBS Liberty

pour étudiants

Je suis étudiant(e) et:

O j'aimerais o u v r i r u n c o m p t e privé U B .C Liberty p o u r étudiants (joindre u n e p h o t o c o p i e de la carte d'étudiant)

Q je désire recevoir le magazine U B S 1 .berty p o u r les étudiants avec davantage d'informations sur le film «The Ice S t o r m » présenté sous le label « I n d e p e n d e n t Pictures».

N o m , p r é n o m : Rue, n ° :

N P A , v i l l e : _ _ Nationalité, lieu d'origine:

T é l é p h o n e : Date de naissance:

D a t e , signature: . Remplir en caractères d'imprimerie s.v.p. et envoyer ce coupon à:

Union de Banques Suisses, FMPR, Bahnhofstrasse 45, 8021 Zurich

UBS

Union de Banques Suisses Q u i c o n q u e o u v r e maintenant u n compte U B S

Liberty p o u r étudiants, o u en possède déjà u n ,

Independent Picturei peut obtenir des places à prix réduit p o u r l'avant- première de «The Ice Storm». Passionnant et amusant, ce film de grande qualité est présenté sous le label «Independent Pictures». Mais le compte U B S Liberty p o u r étudiants, c'est aussi bien d'autres avantages qui simpli­

fient la vie des étudiants jusqu'à l'âge de 3 0 ans, qu'il s'agisse de l'aspect financier, de la formation o u des loisirs. En effet, ils profitent de condi­

tions préférentielles, peuvent participer à des manifestations intéressantes et assister à de n o m b r e u x événements culturels.

Les billets sont en vente dès à présent auprès du Fastbox Ticketservice 0 8 4 8 8 0 0 8 0 0 . Plus d'informations dans le magazine U B S Liberty p o u r les étudiants ou sur Internet à l'adresse suivante: http:/www.ubs.com/campus

L'impôt sur la cigarette

est-il vraiment efficace? Et si non, quel est son but?

Aux Etats-Unis, le gouvernement ac­

cuse les labriquants d'avoir menti sur la nocivité du tabac pendant des an­

nées. En Suisse, la controverse porte davantage sur les taxes que doit sup­

porter cette industrie. Pour Chris­

tophe Pinget, qui a mené une étude sur la question au sein de l'Ecole des HEC de l'UNIL, cet impôt est inefficace et injuste, notamment parce qu'il grève les petits revenus plus fortement que les hauts, et cela sans provoquer de diminution de la consommation.

Explications en page 26

La greffe du cœur a 30 ans : l'âge de raison?

Entrée dans la légen­

de du X Xe siècle le 3 décembre 1967, . au même titre que le premier pas de l'homme sur la lune, la transplan­

tation cardiaque est presque devenue une opération de routine. Notamment au C H U V o ù on transplante des patients depuis 10 ans au rythme de 12 à 17 opérations par année. Bilan et perspectives en page 42

IMPRESSUM

Allez savoir!

Magazine de l'Université de Lausanne

№ 9, octobre 1997 Tirage 20'000 ex.

Rédaction:

Service de presse de l'UNIL

Axel-A. Broquet resp., Florence Klausfelder BRA, 1015 Lausanne-Dorlgny

Tél. 0 2 1 / 6 9 2 2 0 71 Fax 0 2 1 / 6 9 2 2 0 75 Internet: http://www.unil.ch,

rubrique journaux et magazines d e l'UNIL Rédacteur responsable: Axel-A. Broquet Conception originale et coordination:

Jocelyn Rochat,

journaliste au Journal de Genève et Gazette de Lausanne Ont collaboré à c e numéro:

Sonia Amai, Michel Beuret, Patricia Brambilla, Jérôme Ducret, Sylvie Fischer, Patrice Hof, Alexandra Rihs Photographe: Nicole Chuard

Correcteur: Albert Grun

Concept graphique: Richard Salvi, Chessel Imprimerie et publicité:

Presses Centrales Lausanne SA Rue d e Genève 7, 1003 Lausanne Tél. 0 2 1 / 3 1 7 51 51

Photos d e couverture:

(Photomontage Richard Salvi)

•Le monde perdu-: UIP.

•Quatre mariages et un enterrement».

Champignons: DR.

Sommaire

Edito page 2

Le charme vénéneux des champignons

page 3 Ces moisissures qui nous soignent page 5 Le champignon de Paris : un faux ami page 9 Les grands empoisonnements de l'Histoire page 10

Mariage religieux ou civil: et si on offrait le choix?

page 11 L'avis de Suzette Sandoz page 12 L'avis de Roland Campiche page 14 L'avis de Jean-François Poudret page 16

WÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊIÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÈÊÊÊÊIÊÊÊÊÊÊk

Les manuscrits de la mer Morte, ces textes sacrés

si bien gardés

page 18

1947-1997: depuis leur découverte page 19 Les analyses commencent page 21 Le scandale éclate en 1991 page 22 Les plus purs d'entre les purs page 24

Christophe Pinget: «L'impôt sur la cigarette? Un très

mauvais impôt. Il est inefficace et inéquitable»

.page 26

Pourquoi le tabac est-il taxé en Suisse? page 28

WÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊIÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊ^

Le Chaos : une idée vieille comme le monde,

une science qui n'a pas 30 ans

page 33 Le mariage des nuages et de l'informatique page 34 lan Malcolm, morceaux choisis page 37

«Vous êtes physicien?

Pourquoi donc ne faites-vous pas du Chaos?» page 40

«L'affaire des comptes en déshérence ressemble beaucoup

à un effet papillon» page 41

La greffe du cœur a 30 ans : l'âge de raison?

page 42

10 ans de transplantation d'organes à Lausanne page 45 Le périple du don d'organes page 47 Le foie: une greffe banalisée, un organe méconnu page 48 Le don d'organes en Suisse page 49

La Fondation du 450e anniversaire de l'UNIL a 10 ans page 50

WÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊ

Ouand l'ingénieur et le gestionnaire se rencontrent page 55 Le microbe est-il l'avenir de l'Homme? page 56 Un TIGR pour la recherche page 57 Une bourse de 500'000 dollars pour le professeur Brunner page 58 La formation en crédits page 60 L'enseignement du judaïsme peut démarrer cet automne page 61 Nouveautés en formation continue à l'UNIL page 62 Abonnez-vous, c'est gratuit! page 64

Publicité Offre s p é c i a l e é t u d i a n t s : 5 0 % s u r a b t . «BILAN», voir en p.IV d e c o u v e r t u r e -

(3)

Edito

U N CONCERT DE ROCK POUR MES

FRACTALES

Une star de cinéma sur la couverture du magazine de vulgari­

sation scientifique de l'Université de Lau­

sanne? L'affaire paraît incongrue. Et pour­

tant, l'acteur Jeff Goldblum, interprète du personnage de Ian Malcolm dans «Le monde perdu» (ou

«Jurassic Park II»), figure bel et bien sur

la première page du numéro d'«Allez savoir!» que vous tenez entre les mains.

Ouel moustique préhistorique nous a donc piqués? «Allez savoir!» serait-il en quête de lectorat au point de se transfor­

mer en fanzine pour survivre? L'explica­

tion est moins mercantile qu'il n'y paraît.

Les cinéphiles, enfin surtout ceux qui sui­

vent les grandes productions hollywoo­

diennes, le savent bien : Jeff Goldblum s'est spécialisé dans l'interprétation des scientifiques à l'écran. On l'a découvert en savant mutant, victime de ses propres manipulations dans «La Mouche», puis en informaticien surdoué dans «Indepen- dence Day» et surtout en théoricien du chaos dans «Jurassic Park».

Jeff Goldblum symbolise désormais le bon savant. Un chercheur qui maîtrise à la fois des paramètres techniques contem­

porains (l'ordinateur, les maths, la phy­

sique quantique), tout en professant que la science ne nous protège pas de tout. Un chercheur qui prévient des humains trop présomptueux que la nature ne se laisse pas dompter. Bref, un savant sur lequel on a envie de se reposer.

Le personnage de Ian Malcolm ne se limi­

te pas à personnifier un cousin de fiction du commandant Cousteau ou d'Hubert Reeves version rock star: il témoigne de la popularité phénoménale que peut ga­

gner la science contemporaine la plus

Ian Malcolm

complexe lorsqu'elle est rendue accessible à un vaste public par le biais d'une vulgarisa­

tion de qualité.

Car, non contents de donner la vedette à des scientifiques, qu'ils soient paléontologues, préhistoriens ou ma­

thématiciens, les deux moutures de «Jurassic Park», et surtout les deux romans de Michael Crichton qui les ont précédées, ont popularisé une révolution mathéma­

tique de cette fin de siècle: la théorie du Chaos et son cortège de fractales, dont la puissance évocatrice vaut bien celle des vélociraptors et autres T-Rex.

Comme l'explique le professeur de sta­

tistique à l'UNIL François Bavaud (lire notre interview en page 40), le succès populaire de la théorie du Chaos s'explique aussi par son nom. «Je ne pense pas, nous dit-il, qu'en l'appelant «théorie de la dépendance sensitive aux conditions ini­

tiales» - son vrai nom - le succès eût été le même dans le grand public.»

Dans le cas de «Jurassic Park» comme dans d'autres, l'effort de mise en forme a enthousiasmé des foules que l'on sent prêtes à se passionner pour tout ce qui touche de près ou de loin à la science contemporaine. Un intérêt trop souvent douché par le jargon savant derrière lequel se dissimulent nombre de commu­

nications universitaires. «Jurassic Park»

comme Jeff Goldblum nous montrent une voie : la science peut faire rêver. Elle peut être séduisante et stimulante, pour autant qu'on se donne les moyens de la trans­

mettre.

Cette démonstration, somme toute, valait bien une photo de couverture.

Jocelyn Rochat

2 A L L E Z S A V O I R ! / № 9 O C T O B R E 9 7

S С I E I M С E S

Le charme

v é n é n e u x

des champignons

. 1 ) т

[gfjt, Л h*

n 0 L l d

fascinent, LU noud font peur. Led champignons vénéneux

exercent dur noué un pouvoir étrange.

Maid qui dont-ild? Honnêted

derviteurd de La forêt ou armed du crime? IL) dont en tout cad muitipied

et cachent parfoid ded vertud thérapeutiqued. Quand ild ne

participent paj au fondement d'une religion. Excurdion mycoiogique.

Amanita nuuearia ou Amanite tue-moncbej

A L L E Z S A V O I R ! / № 9 O C T O B R E 9 7 3

(4)

S C I E N C E S : L e c h a r m e v é n é n e u x d e s c h a m p i g n o n s

Heinz CUmençon, projeteur de mycologie

à l'Institut de botanique systématique et géobotanique de l'Université de Lausanne

S

ûr que les champignons comes­

tibles, chanterelles, cèpes charnus, coulemelles et coprins intéressent l'es­

tomac des gastronomes. Mais il en est d'autres, certes moins nombreux, qui nous fascinent, qui excitent notre curiosité à défaut de nous faire saliver : les champignons vénéneux.

Pour preuve, la littérature policière en est truffée : de H. G. Wells à Arthur Conan Doyle, le mobile varie, mais l'arme du crime a souvent des lamelles.

Sans parler des ouvrages pour enfants qui regorgent de l'archétypal champi­

gnon rouge à pois blancs (ou le bolet satan, comme celui porté par le Schtroumpf ci-

dessous). C'est que le poison, caché sous ce

chapeau immobile et moussu, captive et intrigue. Que la mort, soudain fami­

lière au point de pousser ainsi sous les arbres, donne le vertige.

Evidemment, les champignons hau­

tement toxiques ne pullulent pas. Ils savent se faire rares: «Sur les 3000 espèces connues, seules cinq sont mor­

telles en Europe» précise Georges Scheibler, ancien président des contrô­

leurs de champignons de Suisse ro­

mande. Autrement dit: trois amanites (phalloïde, printanière, vireuse) et deux cortinaires (orellanus, speciosis- simus). Le tout est de les reconnaître.

Le club des cinq

Les trois amanites paradent avec des chapeaux blancs (verdâtre pour la phalloïde) à lamelles laiteuses. Toutes trois ont également en commun un

4 A L L E Z S A V O I R ! / № 9 O C T O B R E 9 7

moisissures Ces qui nous soignent

anneau et le pied bien emballé par une volve membraneuse en forme de sac.

Quant aux cortinaires, ce sont des champignons de couleur fauve qui aiment les bois de feuillus. Ils ont un chapeau bossu, ils sont petits, rou­

geauds jusqu'à la fin de leur vie. Tan­

dis que les amanites bourrées d'ama- nitine et de phalloïdine s'attaquent au

l'oie (50 grammes

c'e champignons

\éÊm\iL'\ sullisent pour être mortels), les cortinaires détruisent les reins. Un poi­

son d'autant plus pernicieux

qu'il agit

^ telle une

à retardement: «Les symptômes de l'intoxication n'apparaissent souvent qu'une à deux semaines après l'absorp­

tion. D'où la difficulté de faire alors le lien avec le repas» souligne Heinz Clé- mençon, professeur de mycologie à l'Institut de botanique systématique et géobotanique de l'Université de Lau­

sanne.

Mais les empoisonnements mortels suite à l'ingestion de champignons sont aujourd'hui très rares. Finies les héca­

tombes fongiques qui ébranlaient la France à la fin du siècle dernier: on recensait alors quelque 300 décès annuels dus aux seules amanites.

La toxicité : une affaire de goût Toujours est-il que la notion de toxi­

cité est une valeur qui varie. En fonc-

Les Suisses raffolent des bolets

essayez pas de les traquer en forêt. Vous ne les ver­

rez pas. Microscopiques, ces moisissures ou phytoparasites appartiennent au règne des champi­

gnons inférieurs: ceux que l'œil humain ne détecte pas. Aussi agiles que des bactéries, ils se promènent sur les plantes, les objets ou même la peau.

Mais le microscope des chercheurs les a repérés et c'est tant mieux. Car certains sont de véritables pharma­

cies naturelles. A commencer par le célèbre pénicillium dont Alexander Fleming, un jour de 1928, tira la pénicilline. Il découvrait ainsi le pre­

mier antibiotique. Grâce à l'ergot de seigle, les industries pharmaceu­

tiques produisent depuis longtemps l'ergotamine à l'effet vaso-constric­

teur: la plupart des médicaments contre les migraines en contiennent.

Si le Cephalosporium fournit aussi matière à antibiotique (les cephalo- sporines), le Tolypocladium inflatum nous alimente en cyclosporines: un nom compliqué qui cache une sub­

stance précieuse, utilisée pour inhi­

ber le rejet des greffes.

L'Aspergillus niger a été doté de grandes quantités d'acide citrique.

Enfin, nombre de champignons infé­

rieurs sont de véritables réservoirs à enzymes, ces substances organiques qui agissent comme catalyseurs dans les changements chimiques. Ce sont les enzymes qui permettent juste­

ment d'affiner jus de fruits, produits laitiers et poudres à lessives. Ainsi donc, si votre linge est plus blanc, c'est aussi grâce aux champignons!

P.B.

En collaboration avec Michel Monod, chef du Laboratoire de mycologie du Service de dermatologie du CHUV

A L L E Z S A V O I R ! / № 9 O C T O B R E 9 7 5

(5)

S C I E N C E S : Le c h a r m e v é n é n e u x d e s c h a m p i g n o n s

de morilles fraîches et toute 1 équipe de cuisine a fini à l'hôpital !»

A l'inverse, le lactaire poivré au goût piquant, que les manuels d'ici ont pros­

crit, fait les riches heures des tables russes et finlandaises. C'est qu'ils savent l'apprêter, ce charnu à chair blanche. Ils le laissent fermenter dans de l'eau salée, comme l'on ferait d'une choucroute. La fermentation modifie les substances agressives et le goût acre si caractéristique.

De même pour les champignons phytoparasites : qui aurait l'idée de gri­

gnoter le charbon du maïs, cette espèce de «tumeur» noire qui boursoufle les épis ? Considéré ici comme toxique, ce parasite est découpé, frit et mangé, sans autre forme d'apprêt, par les Indiens du Mexique.

tion du lieu, et surtout des cultures. Les Suisses, depuis la civilisation lacustre, raffolent des bolets : impossible d'en servir aux Japonais qui les trouvent beaucoup trop gluants en bouche.

Quant à la morille au chapeau gaufré, véritable nectar de nos paniers, elle a été déclarée vénéneuse par un auteur nippon dans un très sérieux livre sur les champignons, paru en 1995. Heinz Clémençon précise que «la morille est effectivement toxique lorsqu'on la mange crue. De même lorsqu'on la cuit en grande quantité, il faut s'assurer d'une bonne ventilation. Les sub­

stances toxiques étant volatiles, elles peuvent empoisonner par simple inha­

lation. Le cas s'est produit il y a une vingtaine d'années en Suisse romande:

un restaurateur avait fait cuire des kilos

Cortinaire orellanus

A L L E Z S A V O I R ! / № 9 O C T O B R E 9 7

A quoi tu sers, petit cortinaire ?

Les champignons toxiques ou sim­

plement non comestibles ne sont pas que des encoubles sur le chemin de la cueillette. On s'en doute bien, ils ont une fonction dans l'écosystème et savent se faire les discrets serviteurs de la forêt. Même si cet aspect de la my­

cologie est encore mal étudié, on sait par exemple que les pig ments très colorés des cor- tinaires jouent un rôle capital sous terre: «Ce sont des substances qui m servent à nettoyer le M substrat des sols. fflh Quand ces derniers \^

sont argileux, ils con­

tiennent beaucoup d'alu­

minium, toxique pour les plantes et les

c h a m p i gnons. Les pigments du corti­

naire par- viennent à neutrali­

ser les ions d'aluminium en les groupant en de

grandes molécules: une bonne quantité d'aluminium est ainsi séquestrée au même endroit», explique Heinz Clémençon.

Honnêtes éboueurs, les sapro­

phytes sont justement des cham­

pignons que l'on ne verrait pas dans une assiette, mais qui œuvrent dans le sous-bois avec une grande efficacité:

sans eux, la végétation serait étouffée par ses propres débris. Grâce à eux, brindilles, déchets végétaux et

petits cadavres sont patiemment trans­

formés en humus.

Autre utilisation des cortinaires, la coloration des textiles. Il suffit de prendre le champignon, de le cuire jusqu'à ce que l'eau soit teintée, le pig­

ment étant hydrosoluble, et d'y baigner la laine. Si cette pratique est courante en Scandinavie, elle n'a pris dans nos contrées qu'une forme artisanale.

La thérapie par les parasites Plus étonnant : les champigons re­

cèlent parfois des vertus curatives, voire même anti-cancérigènes. Comme le shii-také ou le manentaké (signifie littéralement: le champignon des 10000 ans). La tradition chinoise en fait une utilisation médicale depuis des siècles. Mais ce n'est que depuis une vingtaine d'années que les recherches pharmaceutiques occidentales sont arrivées aux mêmes conclusions.

Inutile toutefois de cro­

quer précipitamment dans un Inonotus obli-

quus: il est dur comme

Manentaké,

le champignon des 10000 ans

A L L E Z S A V O I R ! / № 9 O C T O B R E 9 7 7

(6)

S C I E N C E S : L e c h a r m e v é n é n e u x d e s c h a m p i g n o n s

du bois. Non seulement, vous vous y casseriez les dents, mais vous risque­

riez une désagréable indigestion. Ce n'est que réduit en poudre et infusé que ce polypore devient thérapeutique. Un savoir qui nous vient de Sibérie : «Il n'y a pas, là-bas, de cancers de l'œsophage.

Pourquoi ? On a remarqué que la population de cette région ne buvait pas de thé, mais des infusions de poly- pores, champignons parasites du bou­

leau. Effectivement, on sait aujourd'hui qu'il y a de nombreuses substances polysacharides anticancérigènes dans ces champignons-là» explique Heinz Clémençon.

De même le Laricifomes officinalis, un polypore qui pousse sur les mélèzes, est exploité par la médecine

européenne depuis des années comme remède contre le cancer, les douleurs et la tuberculose. Exploité au point d'avoir aujourd'hui quasiment disparu.

Les champignons

hallucinogènes : fondement du sacré

Le champignon, quel qu'il soit, toxique ou non, fascine. On lui prête une force, un pouvoir ou même des ver­

tus aphrodisiaques. S'il est vrai que sa forme rappelle parfois celle du phallus, il faut savoir que le champignon a bel et bien un sexe : la partie visible, que nous cueillons, est en réalité l'appareil reproducteur du mycélium, qui se développe profondément enfoui dans le substrat. D'où les nombreux rites de

la fertilité qui sont pratiqués en son honneur. Pas étonnant dès lors que le champignon hallucinogène, avec ses propriétés psychoactives capables de faire tomber la frontière entre réel et surnaturel, ait ainsi occupé une place particulière dans les sociétés primitives.

A la base du chamanisme, il y a très souvent un champignon, que ce soit le petit noir à lamelles ou la belle ama­

nite rouge à pois blancs.

La chair de Dieu

On retrouve en effet l'utilisation sacramentelle de plantes et de cham­

pignons hallucinogènes dans la plupart des populations amérindiennes, mais aussi en Sibérie. Si les Nordiques avaient recours jusqu'à la fin du siècle

8 A L L E Z S A V O I R ! / № 9 O C T O B R E 9 7

L e c h a m p i g n o n d e P a r i s : u n f a u x a m i

S

pontanément, on se méfierait volontiers de la visqueuse oreil­

le de fudas, du résineux hygrophore pudibond ou du satyre puant. Dans les trois cas, vous auriez tort: malgré leurs méchantes appella­

tions, ce sont de bons comestibles.

Mais qui, en revanche, se méfierait de l'aimable champignon de Paris, ce pe­

tit blanc de culture qui entre si fa­

milièrement dans nos cui­

sines ? On croit le connaître et l'on s'y fie les yeux fermés et la bouche grande ouverte.

Erreur. Une étude de toxicologie alimentaire a montré ces dernières an­

nées que l'Agaricus bisporus ou

champignon de Paris contient une forte teneur en agaritine. Or, si l'aga- ritine en elle-même n'est pas dan­

gereuse, elle produit en se détériorant des dérivés qui, eux, sont fortement cancérigènes. Ces substances ont été testées sur des souris, à raison de solutions de 0.0625 % mélangées à de l'eau. Résultats: les cancers du pou­

mon étaient deux fois plus nombreux chez les souris testées que chez celles qui n'avaient rien reçu. Quant aux cancers du sang, ils étaient quatre fois plus nombreux.

«Le processus de détérioration s'enclenche

avec le temps»

A savoir encore que les jeunes

champignons contiennent davantage d'agaritine que les vieux, de même

ceux qui sont cultivés sur compost synthétique. Le processus de détériora­

tion s'enclenche avec le temps : gardez un champignon au frigo plus d'une semaine et c'est déjà 47 % à 68%

d'agaritine qui se transforment en substance cancérigène.

D'où l'importance, si vous persistez à goûter ce champignon de culture, de le manger aussitôt après l'achat et, sur­

tout, de le blanchir: la quasi-totalité de l'agaritine est détruite à la cuisson, ce que la congélation ne fait pas.

P.B.

A LIRE: «Toxikologische

Literatur-Rückschau: Agaritin», de Heinz Clémençon, in Mycologie Helvetica, 1987,

vol.2, n°2, pp. 267-275.

A L L E Z S A V O I R ! / № 9 O C T O B R E 9 7 9

(7)

S C I E N C E S : Le c h a r m e v é n é n e u x d e s c h a m p i g n o n s

Les g r a n d s e m p o i s o n n e m e n t s de l'Histoire

passé à l'amanite tue-mouches — dont on vante les propriétés aphrodisiaques - pour leurs rituels religieux, les Indiens du Mexique utilisaient princi­

palement les psilocybes, appelés juste­

ment champignons hallucinogènes du Mexique. Rien de gratuit là derrière, aucune recherche du plaisir facile: les champignons étaient considérés comme la «chair de Dieu» ou les

«enfants sacrés», une manière de voir, à travers la transe, la voie de la guéri- son. Véritable médiation entre Dieu et les hommes, ces champignons font par­

tie de tout un cérémonial minutieux pratiqué avec parcimonie. Pour les Indiens de la Sierra Mazateca, la venue en masse, dans les années 70, de hordes hippies assoiffées d'expériences psy­

chédéliques fut un sacrilège. Qui a contribué à anéantir les vertus du psi- locybe, dont r«empoisonnement»

tenait du sacré.

Le psilocybe existe aussi sous nos latitudes. Mais ce petit champignon au chapeau parabolique, qui verdit au tou­

cher et squatte les pâturages, n'est uti­

lisé ici qu'à des fins de pur divertisse­

ment. De même le teonanacatl, que l'on trouve dans les prés du Jura, n'a jamais servi à de véritables rituels religieux.

Il a tout au plus inquiété la police can­

tonale de Neuchâtel, il y a vingt ans, lorsque des hordes de champignon- neurs occasionnels se sont mis à battre la campagne pour le trouver. C'est que dans nos contrées, le plaisir a depuis longtemps pris le pas sur le sacré.

Patricia Brambilla

es champignons \rénéneux ont frappé plusieurs fois au cours de l'Histoire. Déci­

mant des familles entières ou des personnalités notoires : Euripide a ainsi perdu sa femme et ses enfants, le pape Clément VI et la princesse Conti y ont laissé leur peau. Mais il est aussi des empoisonnements criminels, des scénarios qui se tra­

ment comme des romans noirs.

C'est le cas de l'empereur Claude, arraché à la vie par une poêlée d'amanites. Que son épouse Agrip- pine, désireuse de l'envoyer ad patres pour mettre sur le trône Néron, fils d'un premier mariage, lui a fait avaler à son insu. Com­

ment? En imbibant les champignons préférés de son mari, les oronges, de jus d'amanite phal­

loïde. Mais les pra­

tiques romaines voulant que l'on se chatouille la luette après le repas pour pouvoir vomir et engloutir un deu-

xième, l'affaire *A a bien failli

capoter. L'em­

pereur se sen- ' i • / tait bien un peu L,

patraque, et c'est là qu'Agrip- pine a porté le coup fatal. En administrant à son mari une bonne dose de la très toxique coloquinte sous le couvert d'un médicament.

L'empereur n'a évidemment pas survécu à cette double charge et est décédé dans la nuit qui a suivi le funeste banquet.

Très récemment, c'est-à-dire en 1994, c'est un couple d'amants zuri­

chois qui a utilisé la même arme pour éliminer le mari gênant. Mais le malheureux n'a même pas eu la satisfaction de goûter une dernière fois à une assiette de champignons:

c'est par injection que le jus de plu­

sieurs amanites phalloïdes lui a été administré. Un crime qui était loin d'être parfait, puisque l'autopsie a très vite détecté les traces du poi­

son et permis de coffrer les deux manipulateurs de carpophores.

P.B.

1 o A L L E Z S A V O I R ! / № 9 O C T O B R E 9 7

Connue également sous le nom d'oronge vraie, /Ékk. Amanita cae.iarea est un comestible délicat

qui doit son appellation aux empereurs romains qui s'en réservaient la dégustation

" " n e i ,

Mariage religieux ou mariage civil:

et si on offrait le choix?

J^/es cérémonled du mariage, civile et reli- gieuse, deront bientôt

examinées par le Condeil ded Etatd. Ce cénacle envisage de mettre un terme à L'obli- gation faite aux futurd

époux de de prédenter devant un officier d'Etat civil — ou pétaboddon — avant depadder devant le padteur ou le curé.

Bonne ou mauvaise idée? Led juridted et dociologued de L'Univer- dité de Lausanne, que

nous avons interrogés, sont très partagés...—•

A L L E Z S A V O I R ! / № 9 O C T O B R E 9 7 1 1

(8)

S O C I É T É : M a r i a g e r e l i g i e u x ou m a r i a g e c i v i l : e t s i o n o f f r a i t l e c h o i x ?

L ' a v i s d e S u z e t t e S a n d o z :

«On rutque de piéger led gerw»

A

ujourd'hui, il est encore impos­

sible de célébrer une union à l'église sans s'être tout d'abord mariés à l'Etat civil. Le Conseil des Etats pro­

pose de biffer cette obligation des textes de loi. Des concubins pourraient dès lors se marier religieusement, sans pour autant devenir des époux au sens du Code civil.

Pour le professeur de droit de la famille Suzette Sandoz et le sociologue de la religion Roland Campiche, tous deux de l'Université de Lausanne (UNIL), il s'agit d'une idée dangereuse qui risque de semer la confusion dans les esprits. Ils s'en expliquent ci-des­

sous.

L'historien du droit Jean-François Poudret, lui aussi chercheur à l'UNIL, estime pour sa part que l'on pourrait être plus libéral : «Pourquoi ne pas lais­

ser aujourd'hui aux époux la liberté de célébrer leurs unions civiles et reli­

gieuses dans l'ordre qui leur plaît?»

Débat, avant la prise de position du Conseil national sur ce projet, atten­

due pour décembre prochain.

1 2

Allez savoir!: Un mariage reli­

gieux ne peut aujourd'hui être célé­

bré que dur présentation du cer­

tificat de mariage délivré par l'Etat civil. Pourquoi le Condeil ded Etatd a-t-il décidé de dupprimer cette obligation, et d'où vient-elle?

Suzette Sandoz : Cette obligation avait été introduite en 1874, pour consacrer la laïcité du mariage. C'était un reste du Kulturkampf. Dans le cadre de la procédure de révision du droit du mariage, le Conseil fédéral a souhaité la maintenir, et a proposé une formule qui est un monstre d'anticlé­

ricalisme: «Il est interdit de célébrer un mariage religieux avant la célébra-

tion civile». C'est heurter le sentiment religieux des gens, en leur donnant l'impression de commettre presqu'une infraction s'ils se marient à l'église sans passer par l'Etat civil ! Devant une for­

mulation aussi maladroite, le Conseil des Etats a proposé de biffer purement et simplement toute obligation précise du code, en alléguant que la pratique était connue de la population.

L'idée du Condeil ded Etatd

voud paraît toutefois dangereude.

Pourquoi?

Qu'on le dise ou non, seul le mariage civil a des effets juridiques. Le mariage religieux n'en a aucun. En n'attirant

pas l'attention des futurs époux sur ce point, on risque de les piéger, notam­

ment s'il s'agit d'étrangers qui ne connaissent pas bien notre tradition juridique. Plusieurs pays, comme l'Ita­

lie ou l'Espagne, reconnaissent en effet les deux formes de mariage, religieux ou civil; un manque de précision en Suisse contribuerait à la confusion.

Le profeddeur Cyril Hegnauer, dpécialidte du droit de la

famille, a relevé dand la «Neue Ziircher Zeitung» que ce projet pourrait avoir de

pénibled condéquenced pour la dituation juridique ded

partenaired, qu'il d'agUde de problèmed de nom, de droit de cité ou d'autoridation de déjour...

Pour la loi, deux époux qui ne seraient mariés que religieusement - ce que semble permettre le texte du Conseil des Etats - ne seraient que concubins.

Ils n'auraient aucun des droits et des obligations des époux: pas d'obliga­

tion d'entretien récipro­

que, pas de protection au regard des assurances sociales, pas de droits de succession réciproques, pas de droits relatifs aux régimes matrimoniaux en cas de décès de l'un d'eux.

En cas de divorce, il peut y avoir un droit pour un époux à une créance de

prévoyance professionnelle contre son conjoint: ce ne serait pas le cas pour des personnes mariées religieusement qui se séparent. Sans compter qu'avant de reconnaître ses enfants, un père ne serait pas automatiquement considéré comme leur père juridique.

D'autres problèmes se poseraient en regard du droit international, qui ne reconnaît un mariage suisse, en prin­

cipe, que s'il est célébré valablement.

Or un simple mariage religieux ne serait pas considéré comme mariage conclu valablement au regard de la loi.

Une ordonnance du Condeil fédéral prévoit toujourd aujour­

d'hui ded danctiond pénaled pour led hommed d'églide uniddant ded époux non mariéd civilement.

Ded condamnations éont-elled encore prononcéed?

Depuis les années 1930, le Tribunal fédéral n'a pas eu de cas à trancher. De toute façon, il n'existe plus aujourd'hui de base dans le code civil à cette ordon­

nance. Le Conseil fédéral a proposé de la réintroduire. Mais cette idée est très contestée. D'autant que les hommes d'église qui célèbrent de tels mariages le font souvent par négli­

gence.

La dolution du Condeil ded Etatd a-t-elle une chance d'être adoptée par le Condeil national?

J e ne le pense pas. La question est aujourd'hui à l'étude de sa commission des affaires juridiques;

elle a été unanime pour estimer que tant la for­

mule du Conseil fédéral que celle du Conseil des Etats étaient inadéquates.

Pourquoi ne pas dire sim­

plement: «Le mariage re­

ligieux n'a aucun effet juridique»? Cette formu­

le aurait le mérite de la clarté.

A L L E Z S A V O I R ! / 9 O C T O B R E 9 7 A L L E Z S A V O I R ! / 9 O C T O B R E 9 7

(9)

S O C I E T E : M a r i a g e r e l i g i e u x o u m a r i a g e c i v i l : e t s i o n o f f r a i t l e c h o i x ?

«Un mariage à la carte ne<ft pad souhaitable»

Allez savoir!: L'Eglise protestante est opposée à L'idée de supprimer l'obligatbn du mariage civil, alors que l'Eglise catholique y semble favorable. Pouvez-vous nous expliquer les raisons de cette différence de position?

Roland Campiche : Cela s'explique tout d'abord par une conception diffé­

rente du mariage dans les deux reli­

gions. Pour les catholiques, le mariage est un sacrement, et le contrôle de l'église sur cette institution est impor­

tant: le mariage est axé sur la pro­

création, le catholicisme ne reconnaît en aucun cas le divorce. Une telle conception n'existe pas dans le pro­

testantisme. Alors que les époux catho­

liques réalisent eux-mêmes le mariage lors de l'union religieuse, par l'échange de leurs consentements - et ne peuvent donc que simuler lorsqu'ils disent «oui»

à l'Etat civil, ndlr. -, le culte de mariage protestant n'est qu'un culte de béné­

diction d'une union déjà conclue. Ce culte est là pour rappeler la qualité de la relation et son rayonnement vers l'extérieur. A la limite, pour les pro­

testants, le mariage civil pourrait suf­

fire puisque l'engagement des époux est déjà présent.

Par conséquent, le protestantisme voit vobntiers l'Etat laïc comme un collaborateur, et non comme un

1 4 A L L E Z S A V O I R ! / 9 O C T O B R E 9 7

concurrent, comme ce pourrait être Le cas pour l'Eglise catholique!

L'homme politique n'est en effet pas vu dans le protestantisme comme un adversaire, mais comme un serviteur de Dieu et de son prochain. Dès la Réforme, le pouvoir civil et le pouvoir religieux ont été habitués à collaborer.

Ils se considèrent comme complémen­

taires, l'Eglise protestante estimant qu'elle doit interpeller le pouvoir civil sur la manière dont il s'exerce, en quelque sorte l'aider à mieux fonc­

tionner. En outre, en France notam­

ment, le droit d'exister du protestan­

tisme a été lié au processus de laïcisation de la société, ce qui en a fait des alliés.

Pour les catholiques au contraire, l'idée de supprimer l'obligation du mariage civil avant le mariage religieux apparaît comme une victoire en matière de liberté religieuse. Ils voient dans ce projet une sorte de terrain reconquis dans la concurrence qui oppose depuis toujours le pouvoir reli­

gieux catholique et le pouvoir civil.

C'est bien cette idée d'assurer davantage de liberté religieuse qui semble avoir inspiré le Conseil des Etats. Vous relevez cependant que l'on n 'a pas réfléchi aux

conséquences d'une telle décision.

Pour moi, supprimer l'obligation du mariage civil serait une claire régres­

sion. J e m'en étais inquiété il y a cinq ans déjà, alors que je rédigeais, au nom de la Commission des questions sociales de la Fédération des Eglises protestantes de la Suisse, une réponse au Conseil fédéral au sujet de l'avant- projet de révision du code civil. Mais

personne n'a vu l'enjeu de la question avant que le Conseil des Etats ne décide de supprimer la mention du mariage civil obligatoire des textes de loi.

Les conséquences d'une telle déci­

sion seraient graves. La protection de la femme dans le couple serait moins bien assurée. Prenons un exemple: si une union conclue de manière reli­

gieuse seulement se dénoue, il n'y a pas de répartition du bénéfice de l ' u n i o n

conjugale. La liquidation du régime matrimonial se fait, comme c'est le cas pour des concubins, à la manière d'une société simple. Souvent encore, on voit des femmes qui dans de telles situations se retrouvent à la rue, sans un sou.

Ce n'est pas le rôle des pasteurs ou des curés d'attirer l'attention des époux sur ces difficultés. En outre, dans l'euphorie de la cérémonie de mariage, ces conseils seraient-ils bien compris?

On peut en douter.

Enfin, qui aurait le droit de célébrer un mariage? Et à quelles conditions?

Les Témoins de Jéhovah, les Moonistes, tout le monde voudrait en célébrer et cela ne ferait qu'ajouter à la confusion.

Les partisans de la suppression du mariage civil considèrent que l'Etat n 'a pas à se mêler de la manière dont ils souhaitent, religieusement, célébrer leur union...

La notion de sphère privée est cer­

tainement une notion qui a un sens en droit, mais qui à mon avis n'a pas de sens sur le plan sociologique. J e consi­

dère que la religion n'est pas quelque chose de privé; elle fait partie de la vie sociale. Séparer les actes laïcs et reli­

gieux, pour permettre en quelque sorte un mariage «à la carte», me semble peu souhaitable. Il faut que le contact entre l'église et la société soit maintenu, sous peine de perte de substance de l'un et de l'autre: la désorientation actuelle d'une partie du public face aux mou­

vements sectaires l'a montré.

A L L E Z S A V O I R ! / 9 O C T O B R E 9 7

(10)

S O C I É T É : M a r i a g e r e l i g i e u x o u m a r i a g e c i v i l : e t s i o n o f f r a i t l e c h o i x ?

L'avis de Jean-François Poudrer :

«La loi pourrait être plus Libérale»

Allez savoir!: D'où vient notre mariage civil? Comment se mariait-on au Moyen-Age en Suuise romande et de quelle manière ces règles se sont-elles transformées?

Jean-François Poudret: Dans le droit canon classique, de la fin du XIIe siècle, le mariage est un sacrement consensuel. Cela signifie que la célé­

bration du mariage devant l'église n'est pas une condition de sa validité. Ceux qui ne font pas publier leurs bans encourent des sanctions dès le Concile du Latran, mais leurs mariages sont tout de même valides. Cela explique que l'on trouve dans les sources vau-

doises, genevoises ou valaisannes de cette époque de très nombreux exemples de mariages clandestins. Il s'agissait de mariages qui n'étaient pas conclus in facie ecclesiae (face au peuple de Dieu rassemblé, ndlr.), mais par des gestes rituels: les époux buvaient dans le même verre, par exemple. En Valais, le mariage était souvent conclu par la remise d'une pièce de monnaie à la jeune fille, qui manifestait, en l'acceptant, son accord d'épouser celui qui la lui offrait. La pra­

tique de mariages non célébrés était relativement fréquente, comme le prouve un registre de la fin du X I Ve siècle contenant les procès matrimo-

niaux jugés par l'ofiicial de Lausanne.

Tout cela va changer avec le Concile de Trente en 1563 : le mariage consen­

suel entre époux fait place au mariage solennel devant le curé de paroisse et des témoins. La célébration religieuse devient l'acte constitutif du mariage.

// en va différemment chez les protestants...

Effectivement. En droit réformé, qui est d'abord le droit de Zwingli et dont témoigne la première ordonnance matrimoniale zurichoise de 1525, le mariage comprend deux actes solen­

nels: l'échange des consentements (Verlobung) devant témoins, puis, séparée par la publication des bans, la célébration du mariage qui parfait le lien matrimonial (Trauung). C'est pré­

cisément le schéma prévu par notre code civil suisse - excepté le fait que la célébration laïque se passe devant l'officier d'Etat civil. Mais la première phase - la promesse de mariage - était un acte d'engagement dont les consé­

quences étaient plus strictes que celles réglées aujourd'hui par le code. Les Bernois n'étaient pas tendres avec les garçons qui abandonnaient des jeunes filles enceintes: il y avait des actions en exécution pour les forcer à se marier.

Le mariage civil est-il, comme on le croit souvent, né de la

Révolution?

C'est une idée fausse; en réalité, le mariage civil a été introduit en France par Louis XVI pour les Réformés en 1787, soit deux ans avant la Révolu­

tion. Pour leur éviter d'avoir à se marier devant un prêtre catholique, on leur a permis de le faire devant le juge royal.

a z

0

La formule «La loi ne considère le mariage que comme contrat civil»

(Constitution française de 1791) a été mise en œuvre par une loi de 1792, puis par le code civil français. Les cantons de Genève et du Jura, qui adopteront ce code, seront ainsi les premiers à connaître le mariage civil. Puis, après les troubles du Réveil, la loi vaudoise sur les mariages de 1835 autorisera les époux qui ne veulent pas de célébra­

tion religieuse à s'adresser au juge de paix. Enfin, Neuchâtel suivra aussi le système français, en adoptant en 1855 une formulation qui me semble heu­

reuse: «Le mariage civil doit toujours précéder les cérémonies religieuses du mariage».

L'obligation de se marier

civilement a donc été généralisée par le législateur fédéral?

Oui, par la loi anticonstitutionnelle sur l'Etat civil et le mariage de 1874!

L'article 54 de la constitution de 1874 prévoyait que le droit au mariage est placé sous la protection de la Confé­

dération; mais le constituant laissait aux cantons la latitude de le régle­

menter. Or le législateur radical de 1874, qui se croyait tout-puissant, a froidement imposé l'obligation d'une cérémonie purement civile du mariage, préalable à la célébration religieuse.

C'est cette volonté de faire de la célé­

bration civile l'élément constitutif du mariage qui a subsisté jusqu'à nos jours dans le code civil.

La loi pourrait pourtant se

montrerpltui libérale, dites-vous...

La seule chose qui à mon avis doit ressortir clairement du texte légal, c'est

que seule la célébration civile du mariage a des effets constitutifs. A par­

tir de là, que cette cérémonie ait lieu avant ou après le mariage religieux importe peu. Dès lors que le droit canon le plus pur s'est contenté d'un échange des consentements pour considérer qu'une u n i o n était conclue, on devrait laisser aux époux la liberté de célébrer leurs unions civile et reli­

gieuse dans l'ordre qui leur plaît.

Propos recueilli) par Sylvie Fischer

POUR EN SAVOIR PLUS:

«Encyclopédie du protestantisme», en particulier l'article «Mariage»

à la page 949, collectif sous la direction de Pierre Gisel, Ed. du Cerf et

Labor et Fßes, 1995.

«Heiraten - zuerst auf dem Standesamt, dann in der Kirche.

Primat der Ziviltrauung - alter Zopf oder sinnvolle Norm?», par le professeur Cyril Regnauer.

Article paru dans la «Neue Zürcher Zeitung» du 14janvier 1997.

A L L E Z S A V O I R ! / № 9 O C T O B R E 9 7

1 6 A L L E Z S A V O I R ! / № 9 O C T O B R E 9 7

(11)

D E C O U V E R T E

vain <f&v tvà* ^ iWJ^'0-* " t y *1^

^ ^ ^ * ^ V i i a ^ * ^ ^ V *****

VA

i. ^.V...*» — • - • • * » A^ i V . . . .

F«e 5« ¿ 7 terrasse de Qumrân

" Les

manuscrits de la mer Morte,

ces textes

sacrés si bien gardés

A L L E Z S A V O I R ! / № 9 O C T O B R E 9 7

Psaume, trouvé dans la Grotte 11 de Qumrân

tP-" ? $ * h v » n » i

1 ^

y ^ / est à croire qu on ne saura jamais ce que faisaient les Esséniens sur les bords de la mer

Morte, à l'époque où Jésus Christ était vivant!

Des manuscrits datant de cette époque ont

pourtant été découverts près de Qumrân en 1947.

Récupérés par miracle, ces précieux témoignages aux mains de chercheurs peu pressés et jaloux de leurs privilèges n 'ont été publiés et traduits qu 'au ralenti. Si bien que, 50 ans plus tard, une bonne part du mystère demeure. Essai de clarification.

1 Ç\ A ^-1997: depuis leur décou- _L _ V I / verte, il y a cinquante ans, les manuscrits de la mer Morte n'ont cessé de susciter des polémiques.

Que ce soit à propos des conditions rocambolesques dans lesquelles cette découverte extraordinaire a été effec- tuée (des fouilles clandestines en pé­

riode de guerre, un marché noir de manuscrits deux fois millénaires, etc.), mais encore à propos des décennies qui ont passé avant que les chercheurs se décident enfin à publier le résultat (vite contesté) de leurs travaux, un retard que certains scientifiques n'ont pas hésité à qualifier de «scandale acadé­

mique du siècle».

Cinquante ans plus tard, l'étude de ces textes - qui comptent aussi les plus anciens manuscrits bibliques décou­

verts à ce jour - et de leurs auteurs les Esséniens entre fort heureusement dans une phase plus calme et plus féconde : celle du véritable travail scientifique.

Un berger poursuivant ses moutons...

Avant d'en arriver là, il aura fallu un hasard quasi miraculeux. Tout com­

mence au printemps 1947, par la course d'un jeune berger bédouin qui s'élance à la poursuite de chèvres égarées. Nous sommes dans une falaise du rivage nord-ouest de la mer Morte, non loin du site de Qumrân, des ruines antiques que les archéologues ont tantôt prises pour la Ville du Sel de l'Ancien Testa­

ment, un fortin romain ou même les vestiges de la sulfureuse Gomorrhe!

Joum'a Mohammed - c'est le nom du berger - est en pleine ascension au moment où il découvre deux petits ori-

A L L E Z S A V O I R ! / № 9 O C T O B R E 9 7 1 9

(12)

D É C O U V E R T E : L e s m a n u s c r i t s d e l a m e r M o r t e

fices dans le flanc de la montagne.

Intrigué, il y jette une pierre et per­

çoit avec surprise le bruit d'une poterie qui se brise. Deux jours plus tard, le ber­

ger revient sur le site avec deux cousins, dont un m i n c e j e u n e homme, Moham­

med Ahmed el- Hamed, surnom­

mé Ed-Dib («le

Loup»), qui parvient à se glisser dans la grotte. Il atterrit sur un sol jonché de poteries brisées, et découvre, le long des murs, un alignement de jarres étroites.

La grotte

des grands manuscrits

Est-ce un trésor? «Le Loup»

plonge la main dans l'une des jarres et en ressort des objets de cuir et des tissus, visiblement très anciens.

Pour les Bédouins, l'une des plus fan­

tastiques trouvailles archéologiques du siècle débute par une terrible déception.

Les trois hommes emportèrent tou­

tefois les manuscrits jusqu'à leur vil­

lage, près de Bethléem. Selon le récit de Harry Thomas Frank, dans l'ou­

vrage collectif L'aventure des manuscrits de la mer Morte (Paris, Seuil, 1996), ces trouvailles furent placées dans un sac et suspendues à un poteau de tente.

Dans les semaines qui suivirent, les Bédouins revinrent dans la grotte - que

Pierluigi Piovanelli, a.vi.itanl à l'iiutitut romand ded MÌence,<

bibliques, badé à l'UNIL

les archéologues appelleront plus tard Grotte 1 de Oumrân, ou Grotte des grands manuscrits. Ils y trouvèrent sept autres rouleaux importants, dont quatre aboutirent au Monastère de Saint-Marc, et trois autres à l'Univer­

sité hébraïque de Jérusalem.

De la tente au laboratoire Les textes doivent encore passer du village proche de Bethléem aux mains de scientifiques. Or tout cela se passe au moment où la Grande-Bretagne s'apprête à se retirer de ces territoires où la tension entre habitants juifs et palestiniens est devenue insupportable.

Malgré les barbelés installés entre les zones juives et arabes, les patrouilles anglaises et les attentats terroristes, les Bédouins vont trouver des acquéreurs potentiels pour leur trésor.

Le 23 novem­

bre 1947, l'arché­

ologue de l'Uni­

versité hébraïque Eliezer Sukenik est contacté par un m a r c h a n d d'antiquités. La rencontre se fait de part et d'autre d'une barricade.

Lorsque Sukenik découvre un mor­

ceau de cuir re­

couvert de vieux caractères hé­

braïques, il pense d'abord à un faux: à cette époque, le plus ancien exemplaire d'écriture de ce genre sur cuir, parchemin ou papyrus, remonte au 1 1e ou au Ie r siècle av. J . - C. (il s'agit du papyrus Nash, décou­

vert en Egypte en 1902, et contenant le Deutéronome 5 et 6,4-5). L'archéo­

logue se porte tout de même acquéreur de la pièce. Et demande à voir d'autres fragments.

Des manuscrits esséniens

A quelques heures du vote des Nations Unies qui doit diviser la Pales­

tine, Eliezer Sukenik se procure trois manuscrits: deux documents sectaires (le Rouleau de la guerre, le Rouleau des byinne,i d'actions de grâce) et une copie d'un livre biblique (Rmïe). Des textes que le chercheur attribue à la secte juive des Esséniens dont parle l'histo­

rien Flavius Josèphe, et que Pline l'Ancien mentionne dans son Histoire naturelle.

Dès mars 1948, le professeur William F. Albright de l'Université John Hop-

2 0 A L L E Z S A V O I R ! / № 9 O C T O B R E 9 7

Sandale et boL trouvé) danj la région de la nier Morte

kins de Baltimore confirme l'authenti­

cité des documents. Une datation est même avancée : le premier siècle après Jésus Christ. Ces textes sont de mille ans plus anciens que les plus vieux manuscrits bibliques connus!

La course aux manuscrits

Commence alors une incroyable course aux manuscrits. En plein conflit arabo-hébreux, les Bédouins multi­

plient les fouilles sauvages. Au marché noir, les prix des morceaux de parche­

mins s'envolent. Beaucoup seront per­

dus ou détruits dans cette chasse au tré­

sor de papier.

Les premières recherches officielles ne commencent qu'en novembre- décembre 1951. Des fouilles curieuses où les archéologues, de la plaine, regar­

dent les Bédouins escalader les falaises et prennent des notes sur les trouvailles annoncées au-dessus de leurs têtes.

Mais la plus importante découverte, celle de la Grotte 4, se fait à l'insu des archéologues. Les Bédouins évitent dans un premier temps de signaler son existence. On y trouvera par la suite les restes d'une véritable bibliothèque dont subsistent quelque 15'000 frag­

ments formant une épaisse couche de débris. Certains d'entre eux sont à peine plus gros que le pouce.

Au total, les chercheurs ont décou­

vert une quarantaine de grottes dans les environs de Oumrân, dont onze ont livré une douzaine de rouleaux et les fragments de près de 700 textes.

Les analyses commencent L'étude du site et des manuscrits de Qumrân prend alors une forme plus académique. Un religieux, le père Roland de Vaux, directeur de l'Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem, fouille les ruines. Quelques tombes des trois cimetières sont exa­

minées. Et l'étude des manuscrits démarre. Le travail de traduction et d'édition des textes trouvés dans les grottes est engagé par l'équipe inter­

nationale pilotée par de Vaux. Les curieux devront pourtant faire preuve d'une patience quasi divine: seuls deux lots de textes, plus quelques échan­

tillons de-ci de-là, furent publiés dans —)

A L L E Z S A V O I R ! / № 9 O C T O B R E 9 7 2 1

(13)

D É C O U V E R T E : L e s m a n u s c r i t s d e l a m e r M o r t e

leur intégralité en 1968 et en 1982!

Qu'en pense Pierluigi Piovanelli, assistant à l'Institut romand des sciences bibliques, basé à l'Université de Lausanne, et qui s'intéresse à l'anthropologie du site de Qumrân (1)?

«Il faut dire en préambule que le père de Vaux pour la partie archéologique,

et l'abbé Millick (réd. Jozef Tadeusz, autre membre influent de l'équipe ini­

tiale de chercheurs) pour la partie épi- graphique, ont accompli un travail tout à fait exceptionnel. Malheureusement, le premier est décédé en 1971 avant d'avoir pu publier le résultat définitif de ses fouilles, tandis que l'édition des textes a subi un ralentissement pro­

gressif dû, entre autres, à l'«érosion»

de l'équipe primitive. Pendant long­

temps, les chercheurs indépendants ont dû se contenter de rapports et de publi­

cations préliminaires, sans avoir la moindre possibilité de vérifier l'exac­

titude des (hypo)thèses officielles sur les pièces originales.»

Le scandale éclate en 1991 Ce retard dans l'avance des travaux va provoquer un agacement croissant de la communauté scientifique. En

1991, deux chercheurs américains déci­

dent même de publier une version

«pirate» des photographies des manus­

crits. Le scandale qui éclate alors aura au moins pour mérite d'accélérer les publications. Actuellement, la quasi- totalité des textes de Qumrân a enfin été publiée. Manquent encore quelques fragments intéressants que l'on espère pouvoir lire d'ici l'an 2000!

Qu'y découvre-t-on? Les textes les plus caractéristiques - la Règle de la com­

munauté, Y Ecrit de Damas, le Règlement de la guerre, le Rouleau du Temple, aux­

quels il faut maintenant ajouter les Can­

tiques de l'holocauste du sabbat et la Lettre halakhique 4QMMT - portent sur le mode de vie d'un courant marginal du judaïsme, entre environ 150 av. J . - C . et 68 ap. J . - C . D'autres textes sont des commentaires de passages de la Bible, qui témoignent des préoccupations et des intérêts des habitants de Qumrân, que la majorité des chercheurs s'accor­

de à identifier avec les Esséniens.

2 2 A L L E Z S A V O I R ! / № 9 O C T O B R E 9 7

et trouvées à Qumrân

«L'explication dominante, aujour­

d'hui encore, est celle qui a été élabo­

rée par de Vaux dès la fin des années 50, rappelle Pierluigi Piovanelli. Elle postule que Qumrân était un monas­

tère essénien, celui d'une secte à la spi­

ritualité très haute du judaïsme ancien.

Ce site aurait été occupé du Ile siècle avant J . - C . à la conquête romaine, en 68 de notre ère. Il est vrai que les termes utilisés pour décrire le site - tels que «monastère», «réfectoire» ou

«scriptorium» - aliènent Qumrân du judaïsme de l'époque, et transforment cette communauté en une sorte de mou­

vement mystique qui préfigure l'ascèse chrétienne, ce qui est discutable.»

Des centaines de monnaies ont disparu

Scandale aidant, on se rend compte que les résultats de cinquante ans de recherches sont loin d'être définitifs.

Pour ce qui est du site de Qumrân, notamment, l'explication officielle est de plus en plus discutée. Contester les conclusions du père de Vaux n'est tou­

tefois pas une chose aisée en l'absence de toute publication exhaustive du matériel retrouvé au cours des fouilles.

Lorsque la polémique a éclaté, des archéologues - parmi lesquels Robert et Pauline Donceel-Voûte et Jean-Bap­

tiste Humbert - ont été chargés de faire le point sur les archives de de Vaux et sur les pièces entreposées au Musée Rockfeller et à l'Ecole biblique de Jérusalem. Ce nouveau chantier ré­

trospectif s'ouvre sur quelques sur­

prises de taille: des pièces manquent à l'appel, notamment quelque 640 mon­

naies, soit la moitié des pièces retrou­

vées sur le site. «C'est d'autant plus sur­

prenant qu'elles étaient trop abîmées pour avoir la moindre valeur mar­

chande», s'étonne Pierluigi Piovanelli.

Une alternative

au Temple de Jérusalem

Une meilleure compréhension de ce qui s'est passé à Qumrân dépendra des fouilles à venir dans les trois cimetières.

«A ce jour, seules 52 tombes sur 1200 environ ont été étudiées, soit quelque 4,3%. C'est là qu'il faudra concentrer les recherches. Par chance: le matériel est toujours là, intact», note Pierluigi Piovanelli.

On pourra également proposer des alternatives à l'histoire officielle en réinterprétant les notes et les photo­

graphies de de Vaux. Ce travail est actuellement mené par Jean-Baptiste Humbert. Ce dernier estime que les Esséniens n'ont pas fondé Qumrân, mais qu'ils ont occupé le site plus tar­

divement, vers 120-100 av. J . - C . Le bâtiment, qui était probablement la dépendance agricole d'une forteresse hasmonéenne, aurait été adapté par les —

A L L E Z S A V O I R ! / № 9 O C T O B R E 9 7 2 3

(14)

D É C O U V E R T E : L e s m a n u s c r i t s d e l a m e r M o r t e

On peut voir, en haut et au milieu de ce promontoire rocheux, la Grotte 4

Esséniens à leurs besoins. Il s'agis­

sait d'accueillir, plutôt qu'une com­

munauté, un petit groupe de per­

sonnes préposées à un service tout à fait particulier: le remplacement du culte et des sacrifices du Temple de Jérusalem.»

Les textes montrent que la commu­

nauté essénienne était en rupture avec le Temple, considéré comme définiti­

vement souillé. Les cérémonies et les pratiques cultuelles qui s'y déroulaient ne correspondaient plus aux critères conservateurs des gens de Qumrân.

A l'origine de ce schisme, il y a la crise de l'époque maccabéenne, vers 152 av.

J . - C . Jonathan, un des leaders macca- béens, devient grand prêtre et chasse la dynastie officielle. Certains croyants - la familles des Oniades, du nom d'Onias, dernier prêtre légitime déposé - quit­

tent alors Jérusalem pour l'Egypte, où ils vont fonder un temple alternatif à Léontopolis. C'est également à ce moment-là que les Esséniens se seraient détachés du Temple. Parce qu'ils ne reconnaissaient pas non plus les chan­

gements intervenus à Jérusalem.

Ils avaient notamment conservé l'ancien calendrier solaire, alors que le Judaïsme «officiel» venait d'adopter un calendrier luni-solaire, ce qui repré­

sentait une véritable révolution du point de vue de la liturgie.

Les plus purs d'entre les purs

On dispose également de nom­

breuses indications sur la foi des Essé­

niens, qui, comme les Sadducéens, les

î№:UiMMi

:

f h r t l - n

Pharisiens, les Zélotes ou les Sicaires (et bientôt les Chrétiens), formaient l'une des nombreuses composantes du monde juif de l'époque.

«Les Esséniens se considéraient comme les plus purs d'Israël, explique Pierluigi Piovanelli. Ils faisaient par­

tie d'une communauté vivant à part, et qui était sûre d'avoir raison. Le groupe devrait avoir sa revanche le jour du Jugement dernier, lors de la venue de Dieu sur Terre, après l'Ultime combat au cours duquel le mal aurait été anéanti. »

Le fait d'appartenir à cette commu­

nauté représentait un élément de salut.

Y entrer nécessitait une éducation très longue, des rites de passage très com­

pliqués, de même qu'une discipline très rigoureuse. Tout manquement pouvait être sanctionné par l'exclusion. «Mais il s'agissait aussi d'un mysticisme dif­

férent de celui que nous connaîtrons par la suite, tempère le chercheur lau­

sannois : leur religion n'empêchait pas les Esséniens de sacrifier, bien au con­

traire. Et le mariage était prévu: afin d'éviter la luxure, des règles strictes

2 4 A L L E Z S A V O I R ! / № 9 O C T O B R E 9 7

limitaient la sexualité à la reproduction, sans l'exclure totalement.

»Les Esséniens avaient enfin une vision du monde comportant une dichotomie très forte: il y avait d'un côté le mal, les ténèbres et le péché, et de l'autre le bien et la lumière. D'une certaine manière, leur exigence de pureté terrestre était telle qu'ils se croyaient déjà aux Cieux dans leur vie terrestre, vivant au milieu des anges.»

Jocelyn Rachat

(1) Voir: «Les cimetières de Qumrân: rites d'inhumation et croyances eschatologiques», Pierluigi Piovanelli,

Le Monde de la Bible 97, novembre- décembre 1997.

L e c t u r e s p r o p o s é e s :

En général

Hershel Shanks (éd.), L'aventure des manuscrits de la mer Morte

(traduit de l'anglais par Sylvie Carteron), Paru, Le Seuil, 1996 (e'ditiûti originale:New York, 1992).

Ernest-Marie Laperrousaz (éd.), Qoumrân et les manuscrits de la mer Morte. Un cinquantenaire, Parut, Le Cerf, 1997.

Collectif, 1947-1997: Qumrân, 50 ans après (Le Monde de la Bible n 0107), Paru, Bayard Presse, novembre - décembre 1997.

Bernard Gilliéron, De Qumrân à l'Évangile. Les manuscrits de la mer Morte et les origines chrétiennes, Poliez-le-Grand

(Suisse), Editions du Moulin, 1997.

«Les dossiers de l'Archéologie,

№ 189», «Les manuscrits de la mer Morte»; janvier 1994.

«Le monde de la Bible, No 86»,

«Qumrân, une hypothèse

nouvelle sur les fameuses ruines», janvier 1994.

Archéologie

Jean-Baptiste Humbert - Alain Chambon (éds), Fouilles de Khirbet Qumrân et de Aïn Feshkha. I. Album de

photographies. Répertoire du fond photographique. Synthèse des notes de chantier du Père Roland de Vaux OP (Novum Testamentum et Orbis Antiquus. Series Arcbaeologica 1), Fribourg (Suùse) I

Göttingen, Editions Universitaires I Vandcnhocck n Ruprecht, 1994.

Textes

En attendant le volume II des Ecrits intertestamentaires (Bibliothèque de la Pléiade), Paris, Gallimard, en préparation, on pourra déjà consulter les traductions françaises de certains textes «nouveaux» qu'André Caquot est en train de publier dans la Revue d'Histoire et de Philosophie

Religieuses (Strasbourg):

• «Les textes de sagesse de Qumrân

(Aperçu préliminaire)», RHPhR 76,1996, p. 1-34.

• «Un exposé polémique de pratiques sectaires (4Q MMT)», RHPhR 76,1996, p. 257-276.

• «Les Cantiques qumrâniens de l'holocauste du sabbat», RHPhR 77,1997, p. 1-29.

Eschatologie

Emile Puech, La croyance des Esséniens en la vie future:

immortalité, résurrection, vie éternelle? Histoire d'une croyance dans le judaïsme ancien, I-II

(Etudes Bibliques 21-22), Paris, J. Gabalda et Cie, 1995.

Bibliographie

Bulletin de Bibliographie Biblique n° 18, Lausanne,

Institut romand des sciences bibliques, octobre 1996, p. 48-65.

A L L E Z S A V O I R ! / № 9 O C T O B R E 9 7 2 5

(15)

WÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊ. i n t e r v i e w

«L'impôt

sur la cigarette?

Un très mauvais impôt.

Il est inefficace et inéquitable»

A L L E Z S A V O I R ! / № 9 O C T O B R E 9 7

('/>;•/.itii/i/h- Piaget, a^éUtant au Département d'econometrie et d'economie politique de l'Ecole dea HEC de l'UNIL

J^/a mauvalde folded fabricante de cigarettes amé- ricaine a prié fin ce printemps avec led révélât lo nd dur prided de Liggett, la firme qui fabrique led Ched-

terfleld: oui, toud led grandd producteur davalent que la condommatlon régulière de tabac génère une pathologie dpéclflque (cancerd, maladled cardlo-

vadculalred...) et quelle entraîne une dépendance.

En Suldde, le débat porte plutôt dur la manière d'Imp Oder led clgaretted, comme le montre notre Interview de Christophe Plnget, auteur d'une étude

dur le dujet... —y

A L L E Z S A V O I R ! / № 9 O C T O B R E 9 7 2 7

Références

Documents relatifs

« queer », ou encore par l’expression de « minorités sexuelles ». Bien souvent, l’objectif des chercheur.e.s qui s’emparent de ces sujets est de produire

En s’appuyant sur les travaux des séminaires du groupe de recherche FIRA-MSH Paris Nord (2015-2017) axés sur la décolonisation de toutes perspectives de connaissance euro-centrées

• Utiliser la main non dominante pour ouvrir les portes ou porter des objets… Moins de chance de se toucher le visage avec.. • Avoir des mouchoirs jetables sur soi et s’en

Les projets de plantation de haies éligibles correspondent à l’implantation de haies non mono-spécifiques à base d’arbres forestiers, champêtres et de fruitiers (non

 Trouvez deux choses qu’il faut faire pour faire une bonne présentation.. 

 Bien lire ton article pour bien le comprendre (tu peux demander de l’aide à quelqu’un à la maison ou au maître).  Bien repérer les informations importantes (tu

Avant, elle a travaillé dans plusieurs musées en France et en Allemagne, dont le musée Quai Branly à Paris.. Cela fait des années qu'elle plaide pour le retour des objets

Notre corps a besoin d’énergie en permanence pour fonctionner : quand nous marchons, quand nous jouons, quand nous travaillons et même quand nous dormons!. Par quoi cette