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LE COURTAGE DE CONNAISSANCES À L’ÈRE DU NUMÉRIQUE

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Academic year: 2022

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À L’ÈRE DU NUMÉRIQUE

Portrait empirique des pratiques émergentes et examen de leurs impacts dans le secteur de la santé au Canada

MOKTAR LAMARI

Cet article dresse un portrait empirique du courtage de connaissances à l’ère du numérique. Au-delà de la rhétorique et de l’anecdotique en présence, il apporte des réponses à deux familles de questions : comment fonctionne le courtage de connaissances et quels sont ses impacts sur la performance des interventions publiques en santé au Canada ? Pour ce faire, l’auteur s’appuie sur un sondage réalisé auprès d’un échantillon représentatif de courtiers de connaissances utilisant les technologies numériques au Canada. L’article caractérise les activités de courtage de connaissances (étapes, comportements, interactions, etc.), les attributs individuels des courtiers (âge, genre, expérience, formation, préférences, etc.), les attributs des connaissances échangées, ainsi que les impacts du courtage de connaissances.

Les résultats montrent la complexité du métier de courtier de connaissances et démontrent que les impacts du courtage de connaissances sont proportionnels à 1) la qualité des connaissances échangées, 2) l’intensité des interactions initiées avec les partenaires impliqués et 3) la connectivité des courtiers dans des réseaux sociaux web 2.0.

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1. Introduction

Un peu partout dans le monde, le courtage de connaissances s’impose comme une pratique émergente et exemplaire en matière de transfert et d’échange de connaissances issues de la recherche scientifique (Lomas, 2007 ; Harrington et al., 2008 ; Pentland et al., 2011). Dans le secteur de la santé, le courtage de connaissances a été particulièrement considéré, notamment en raison des enjeux socioéconomiques et politiques, l’objectif étant d’utiliser le savoir scientifique pour améliorer les performances des politiques de santé et de soins (Dobbins et al., 2009 ; Ward et al., 2009a et 2010 ; Ziam, 2010, Mckibbon et al., 2010). Pour relever ces défis, le courtage de connaissance évolue rapidement et investit grandement les technologies numériques. Ces nouvelles technologies offrent des options innovantes pour mieux traquer les nouvelles connaissances, les communiquer instantanément, tout en interagissant avec les utilisateurs potentiels de ces connaissances, en réseau et de manière conviviale et fluide. À l’évidence, les bienfaits du recours aux technologies numériques se font sentir à toutes les étapes du processus de courtage de connaissances (reconnaissance, acquisition, assimilation, transformation et exploitation des nouvelles connaissances).

En revanche, et en dépit de la multiplication des recherches ayant mis en exergue l’importance du courtage des connaissances en santé (Ward et al., 2009 ; 2009a ; 2009b ; Lomas, 2007 ; Dobbins et al., 2009), on ne sait encore que très peu de choses sur le fonctionnement pratique des coutiers de connaissances et encore moins sur les impacts du courtage de connaissances, particulièrement dans le contexte d’utilisation des technologies numériques. Le présent article se propose d’aller au-delà de la rhétorique de l’anecdotique en faisant un portrait empirique des pratiques émergentes en courtage des connaissances à l’ère du numérique. Pour ce faire, on s’appuie sur les résultats d’une investigation empirique, élaborée à cette fin, auprès d’un échantillon de courtiers de connaissances opérant dans le secteur de la santé au Canada, et connus pour leur avant-gardisme en matière d’utilisation des technologies numériques. Il faut rappeler que c’est dans le sillage des recherches menées par des chercheurs canadiens engagés pour le transfert et les échanges des connaissances (Lomas, 2007, Lavis 2006, Landry et al., 2003 et 2000, Dobbins, et al., 2009 ; Martin et al., 2009) que les structures de courtage de connaissances utilisant internet se sont multipliées rapidement au Canada, notamment depuis 2006, mettant à

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profit le développement des plateformes et applications issues d’abord du web 1.0, et ensuite du web 2.0 (O'Reilly, 2005). Le courtage de connaissance a été grandement renforcé par les plateformes issues du web (siteweb, Facebook, blog, Twitter, bulletins électronique, Wikis, You tube, Linkln, podcasts, clavardage, flux RSS, Mashup, social bookmarkings, P2P, etc.) (Chiang et al., 2009). Dans cette mouvance, de nouvelles vocations et professions dédiées au courtage de connaissances (transfert, échange et intermédiation) ont vu le jour. Le métier de courtier de connaissances a commencé à se structurer et se professionnaliser, amenant les courtiers de connaissances à être de plus en plus reconnus à ce titre, comme des knowledge brokers (Robeson et al., 2008 ; Dobbins et al., 2009). Notons aussi que Lomas (2007) a été, à notre connaissance, le premier chercheur à mettre en relief les enjeux et les défis de la professionnalisation du courtage de connaissances. Ce chercheur précise que la complexité du courtage de connaissance tient principalement aux défis de mise en réseau et de concertation entre des communautés distinctes, qui ne se parlent pas spontanément (en raison de différence de culture, de langage, d’intérêt, de logique, etc.) et qui s’apparentent à des milieux souvent antagoniques : milieux académiques, milieux gouvernementaux et milieux des communautés de pratique (services de première ligne, intervenants communautaires, professionnels, organismes à but non lucratif, associations, etc.).

Concrètement, notre article tente de répondre aux requêtes récemment formulées par des auteurs comme Ward et al. (2009a, 2009b, 2010) et Dobbins et al., (2009) qui invitent la recherche scientifique à étayer empiriquement la pratique des courtiers de connaissances, à caractériser leurs attributs et à expliquer leurs impacts sur la performance du secteur de la santé. La suite du texte est structurée en trois parties. D’abord, on procède à une mise en perspective théorique mettant en relief les corpus théoriques et concepts sous-jacents au courtage de connaissances. Ensuite, la méthodologie adoptée est présentée (modèle, données, hypothèses, etc.).

Enfin, les résultats sont énoncés et commentés. En conclusion, les résultats et les implications sont résumés.

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2. Mise en perspective théorique

Le courtage de connaissances est défini comme une activité formelle et assumée par des intermédiaires (individus, organisations, réseaux, etc.) qui agissent comme des « connecteurs » et agents de liaison entre des producteurs et des utilisateurs de nouvelles connaissances (Dobbins et al., 2009). Les courtiers de connaissances agissent pour disséminer et échanger les connaissances, et ce de manière active, innovante et directement centrée sur le rapprochement des parties prenantes concernées par l’offre et la demande du savoir (Lomas, 2007 ; Martinez et Campbell, 2007 ; Ward, et al., 2009b). Les structures de courtage de connaissance sont définies comme

« un ensemble de ressources (humaines, matérielles et technologiques, etc.) dédiées à la cueillette, à l’analyse, à la gestion et à la diffusion de l’information, de façon centrée sur l’amélioration des connaissances et l’anticipation des sujets stratégiques pour un groupe donné » (Khénissi et Gharbi, 2010, p. 9).

L’émergence et le fonctionnement de ces structures s’inscrivent dans l’évolution des modes de production et de diffusion des nouvelles connaissances. Gibbons et al., (1994) ont attiré l’attention sur la mutation du mode de production et de diffusion de la science, en distinguant deux modes de production :

– mode 1 : un mode dit traditionnel caractérisé par un fonctionnement monodisciplinaire, académique, hiérarchisé et centré sur l’offre des connaissances (science push) ;

– mode 2 : un mode dit contemporain, caractérisé par l’interactivité l’interdisciplinarité, et le réseautage des parties prenantes intéressées par le transfert et l’échange des nouvelles connaissances (science pull).

Le tableau 1 présente ces modes et démontre que le courtage de connaissances s’inspire de la dynamique du modèle 2 (Armstrong et al., 2006, Dobbins et al., 2009, Pentland et al., 2011).

C’est dans cette évolution que le courtage de connaissances a émergé comme concept clé. Ce concept trouve sa genèse dans trois principaux corpus théoriques ayant traité des connaissances et de leur portée sur les performances des organisations. Le premier corpus, le plus connu, est celui du management des connaissances (knowledge management). Ce corpus considère la connaissance comme une ressource productive à part entière,

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méritant un management optimal et des investissements conséquents pour renforcer son acquisition, son assimilation et sa valorisation dans les processus productifs (Liebowittz, 2005 ; Lamari, 2010). Dans ce corpus, le courtier assume un rôle de manager permettant aux organisations de mobiliser, gérer et diffuser les connaissances (tacites, codifiées, formelles, informelles, anciennes, nouvelles, etc.) de manière structurée et arrimée aux défis à relever par les organisations (rentabilité, innovation, viabilité, etc.). Dans ce cadre, le courtier de connaissances doit pouvoir comprendre les problématiques en présence dans les organisations et reconnaître les solutions utiles issues des connaissances à la fine pointe du savoir (Landry et al., 2003, Ward et al., 2009b).

Tableau 1. Modes de production et de diffusion des connaissances scientifiques

MODE 1 MODE 2

Problématique de recherche conçue et solutionnée au regard des intérêts académiques

Problématique de recherche concertée et solutionnée au regard des applications et besoins des utilisateurs

Activités disciplinaires et uni-institutionnelles

Activités multidisciplinaires et multi- institutionnelles

Univers homogène, introverti et centré sur l’excellence de l’offre des connaissances

Univers hétérogène, extraverti et centré sur la demande de la science

et le courtage des connaissances Approche hiérarchique (top down)

et fondée sur les intérêts des organisations de recherche

Approche non hiérarchique, interactive et impliquant des intérêts souvent divergents

Contrôle académique de l’offre de la science

Contrôle social axé sur une gouvernance participative et collective de la science et de l’innovation

Source : Adaptation de l’auteur à partir de Gibbons et al. (1994)

Le second corpus théorique a trait aux réseaux sociaux de connaissances (Lomas, 2007 ; Landry et al., 2003 ; Rogers, 2003 ; Ward et al., 2009a, 2011 ; Bergenholtz, 2011). Dans ce corpus, le courtier de connaissances apparaît comme un agent de liaison et un « connecteur » ayant suffisamment d’entregent et de crédibilité pour « réseauter » et mobiliser les parties prenantes intéressées par la production et l’utilisation de connaissances (Clark et Kelly, 2005). Celui-ci occupe une position

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stratégique à l’interface d’univers distincts opposant des communautés différentes ayant chacune sa culture institutionnelle et sa rhétorique propre dès qu’il est question du savoir scientifique. Les compétences exigées des courtiers de connaissances sont diversifiées et requièrent, en plus de la crédibilité, de l’initiative, de l’autonomie et de l’engagement pour le travail en réseau (Lomas, 2007; Kramer et Cole, 2003). Le troisième corpus a trait au développement des compétences (capacité building) par les connaissances et savoir-faire lié (Rogers, 2003). Ici, le courtier de connaissances opère comme un agent de développement, agissant pour

« éduquer », diffuser, vulgariser des connaissances complexes et utiles, éclairer ou influencer la prise de décision des utilisateurs de ces nouvelles connaissances (Morley, 2006). Ce corpus théorique a donné lieu à un courtage de connaissance notamment appliqué dans le cadre des programmes d’aide au développement international où le transfert du savoir se fait souvent à sens unique et de manière dirigiste : allant du producteur à l’utilisateur des connaissances (Robeson et al., 2008). Ces corpus théoriques n’ont pas exigé les mêmes compétences pour les courtiers de connaissances, ce qui confère à ces derniers des mandats multidimensionnels, spécifiques et parfois dissonants. Cette réalité est de nature à complexifier le métier de courtier de connaissances qui tend vers un métier hybride, mutant, aux contours difficiles à circonscrire de manière conventionnelle et unanime. La recherche n’a pas encore cerné toutes les compétences et aptitudes requises pour baliser le métier de courtier de connaissances (Ward et al., 2010).

Sur un autre plan, rappelons que le courtage de connaissances fait logiquement une distinction entre la notion de connaissance et la notion d’information (Blumentritt et Johnston, 1999 ; Cohen et Levinthal, 1990).

L’information réfère à des données qui, compilées dans un contexte donné, peuvent véhiculer un message informatif venant d’une source émettrice à l’intention d’une source réceptrice. Une telle information se base souvent sur des éléments statistiques, des faits observés ou des évènements factuels et spécifiques. Comme le montre la figure 1, les données factuelles alimentent l’information, et cette dernière alimente à son tour la connaissance. Données et informations occupent les deux premières marches du continuum de la production du savoir (Miller et Morris, 1999).

Aussi, avant de se métamorphoser en connaissances, l’information (données, faits, statistiques) doit se faire inoculer un additif mixant effort de conceptualisation et de référencement issus du vécu expérientiel, des

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pratiques, des connaissances déjà acquises par les acteurs en présence.

Autrement dit, la connaissance ne peut s’élaborer uniquement à partir de l’information disponible, sans incorporer des ingrédients et des fertilisants provenant du vécu expérientiel des individus (avec leurs valeurs, normes, référents, compétences acquises, etc.) et de la capacité d’abstraction, qui implique des schèmes d’intelligibilité et des construits conceptuels (Nonaka, 1994). À l’évidence, la connaissance requiert un niveau d’articulation et d’abstraction qui ne pourrait être démystifié facilement par les profanes dont la capacité d’absorption des connaissances est relativement limitée au départ (Cohen et Levinthal, 1990, p. 128). La reconnaissance de la valeur et la capacité d’assimilation des connaissances porteuses sont facilitées par des préalables cognitifs générés par une accumulation d’expériences personnelles, des connaissances préalables et des référentiels explicatifs. Plus que l’information, la connaissance est empreinte de valeurs propres aux individus, aux communautés d’appartenance et aux contextes culturels et sociopolitiques. La figure 1 schématise la différence entre information et connaissances (Nonaka, 1994).

Figure 1. Le spectre du savoir : données, information et connaissances

Cependant, en dépit de la multiplication des recherches descriptives et des réflexions inductives sur le courtage de connaissances, Ward et al., (2009) déplorent encore : the lack of evidence about how knowledge brokering works, the contextual factors that influence it and its effectiveness (Ward et al., 2009, p 9). Notre article se propose d’avancer les connaissances en répondant aux questions posées par Ward et al. (2009) et Dobbins et al. (2009), résumées comme suit :

1) comment fonctionne le courtage de connaissances utilisant les technologies numériques ?

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2) quels sont les profils et les pratiques à l’œuvre dans ce cadre ? et 3) quels sont les impacts du courtage de connaissances sur la performance des interventions publiques en santé ?

Regardons les balises méthodologiques retenues dans ce cadre.

3. Méthode et données

À l’évidence, les technologies numériques renforcent le courtage de connaissances scientifiques, et ce, entre autres, en diversifiant les sources, en fluidifiant les échanges et en amplifiant le volume des nouvelles connaissances mises en ligne. Cette évolution n’est pas sans mettre à rude épreuve la capacité d’absorption non seulement des utilisateurs de connaissances, mais aussi des courtiers de connaissances. C’est pourquoi, le concept de capacité d’absorption de connaissances est utilisé comme référentiel d’analyse pour diagnostiquer la « boîte noire » du processus de courtage de connaissances. Lane et al. (2002) ont décrit la capacité d’absorption des connaissances comme : one of the most important constructs to emerge in organizational research over the past decades (Lane, et al., 2002). Ce concept est défini par Cohen et Levinthal (1990), comme l’aptitude à reconnaître la valeur de la connaissance nouvelle, à l’assimiler et à l’appliquer1 dans le but d’acquérir un avantage compétitif pour les individus ou les organisations. Ce concept a été raffiné par plusieurs autres recherches empiriques (Zahra et George, 2002 ; Lane et al., 2002 ; Todorova et Durisin, 2007 ; Conklin et Stolee, 2008 ; Flatten et al., 2009 ; Noblet et al., 2010). Zahra et George (2002) ainsi que Todorova et Durisin (2007) ont schématisé les construits du modèle de la capacité d’absorption, pour mieux l’opérationnaliser dans les investigations empiriques, traitant des activités de transfert et d’échange de connaissances, à savoir : la reconnaissance, l’acquisition, l’assimilation, la transformation et l’exploitation des nouvelles connaissances. Évidemment, le modèle comporte des éléments contextuels ayant trait aux sources, aux connaissances antérieures, aux interactions des courtiers et aux retombées de la mise en œuvre des nouvelles connaissances. Ce modèle a servi de référentiel théorique à la conception du questionnaire de sondage que nous

1. Traduction tirée de Noblet J.-P. et Simon É. (2010). La capacité d’absorption, un état de l’art. Management et avenir, n° 35, p. 36.

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avons utilisé pour mesurer empiriquement les construits liés aux étapes de traitement des connaissances dans le processus de courtage de connaissances2 (Todorova et Dursin, 2007 ; Ziam, 2010 ; Kim et al., 2011).

Les principaux construits théoriques considérés dans le questionnaire ont traité de : 1) la reconnaissance de la valeur des connaissances, 2) l’acquisition de celles-ci, 3) leur assimilation, 4) leur transformation et 5) leur exploitation. Chaque construit est opérationnalisé par plusieurs questions de sondage faisant en sorte que le questionnaire compte au total 39 blocs de questions dont la plupart sont fermées et mesurées de manière quantitative (échelles Likert, binaires ou continues). Le temps requis pour répondre au questionnaire est de 20 minutes en moyenne. Le questionnaire a été testé, auprès de 3 courtiers de connaissances volontaires pour valider la compréhension, la cohérence des mesures et la réceptivité des questions.

Le projet de recherche a été présenté, à plusieurs reprises, aux principaux courtiers de connaissances ciblés, pour discussion et bonification. La recherche a fait l’objet d’une démarche de validation éthique et a obtenu dans ce cadre une autorisation éthique normée (certificat de conformité éthique) de la part du comité d’éthique de la recherche universitaire dont relève l’équipe de recherche.

Pour identifier l’échantillon des courtiers de connaissances à interroger dans le cadre du sondage, un inventaire exhaustif de toutes les structures de courtage de connaissances utilisant internet et opérant dans le secteur de la santé dans la province du Québec, a été élaboré. Cet inventaire a été le fruit d’une recherche approfondie sur internet, d’une collaboration avec les courtiers identifiés et sur les sites web des organismes liés à la santé et services sociaux. L’inventaire obtenu a été présenté pour bonification et validation à deux experts indépendants ayant une connaissance approfondie du milieu de transfert de connaissances en santé au Canada.

De la liste constituée de toutes les structures ainsi identifiées, certaines ont été retirées et d’autres ajoutées de manière concertée, selon les avis des deux experts impliqués. Au total quarante-cinq structures de courtage de connaissances utilisant internet ont été retenues. Les courtiers opérant dans les structures de courtage de connaissances ont été invités à remplir ce questionnaire sur une base volontaire, et à le retourner par voie postale

2. Le questionnaire du sondage a également été inspiré des travaux de Landry et al.

(2000, 2003) et de Ziam (2010).

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(dans une enveloppe prépayée mise à leur disposition). Un rappel a également été effectué pour favoriser un fort taux de réponse.

Figure 2. Reconceptualisation du modèle de capacité d'absorption adapté à partir de Todorova et Durisin, 2007

Au final, sur les 45 questionnaires envoyés, 31 ont été complétés et retournés, ce qui correspond à un taux de réponse de 69 %, soit un excellent taux réponse pour un sondage postal. Les données ont été recueillies à l’automne 2010, puis compilées à partir du logiciel statistique SPSS et analysées dans un grand souci de confidentialité. Différentes analyses statistiques ont été menées : analyses descriptives, analyses factorielles et régressions linéaires. Les analyses descriptives ont permis de caractériser les profils et les pratiques de traitement des connaissances dans les différentes étapes de courtage de connaissances, les clientèles visées, les liens de réseautage, etc. Les analyses factorielles sont utilisées pour regrouper les items clés autour de variables latentes fédératrices (facteurs) expliquant la variance des comportements, pratiques et perceptions décrites par les données du sondage. Pour identifier les déterminants des impacts du courtage de connaissances, un ensemble d’hypothèses analytiques est élaboré. S’appuyant sur les enseignements de la littérature publiée au sujet des conditions de succès du courtage de (Uniformiser des ou de) connaissances (Lomas, 2007 ; Ward et al., 2009 ; Dobbins et al., 2009), notre recherche a mis à l’épreuve trois hypothèses empiriques ayant trait 1) à la qualité des connaissances véhiculées par les courtiers, 2) au réseautage avec les utilisateurs potentiels de ces nouvelles connaissances et 3) à la connectivité des courtiers de connaissances dans les réseaux sociaux web 2.0. Considérant le nombre d’observations obtenues (31 observations), il a été difficile d’introduire un plus grand nombre de variables explicatives,

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sans menacer la validité du modèle explicatif retenu pour l’identification des déterminants des impacts du courtage de connaissances (degré de liberté statistique).

H1 : Plus les données probantes véhiculées par le courtage des connaissances sont de qualité, plus forts sont les impacts des courtiers de connaissances sur 1) l’amélioration des performances des organisations (H1a); et 2) la création de nouvelles marges de manœuvre visant des changements dans les politiques publiques en santé (H1b).

H2 : Plus le courtage des connaissances est engagé dans des réseaux et interactions liant les courtiers de connaissances aux utilisateurs potentiels des nouvelles connaissances, plus forts sont les impacts des courtiers de connaissances sur 1) l’amélioration des performances des organisations (H2a); et 2) la création de nouvelles marges de manœuvre visant des changements dans les politiques publiques en santé (H2b).

H3 : Plus le courtier de connaissances est connecté aux réseaux sociaux web 2.0, plus grands sont les impacts de ces courtiers de connaissances sur 1) l’amélioration des performances des organisations (H3a); et 2) la création des nouvelles marges de manœuvre visant le changement dans les politiques publiques en santé (H3b).

Trois variables indépendantes sont ainsi calibrées pour mettre à l’épreuve empirique ces hypothèses dans le cadre d’un modèle explicatif soutenu par les équations suivantes. La première variable a trait à la qualité (QUAL) des connaissances repérées comme porteuses de valeur ajoutée.

Elle est binaire et mesure le caractère novateur des données probantes et leurs contributions à l’avancement des connaissances issues de la recherche scientifique. La deuxième variable a trait aux liens d’interaction (INTER) entre le courtier de connaissances et les utilisateurs et gestionnaires concernés par l’utilisation potentielle des nouvelles connaissances échangées. Cette variable binaire prend la valeur 1 quand les courtiers interagissent avec les utilisateurs potentiels des nouvelles connaissances (Pentland et al., 2011). La troisième variable mesure la connectivité aux réseaux sociaux (SOCN) web 2.0 (Facebook, Twitter, blog, You Tube, site web, etc.). La place de ces déterminants dans le processus de courtage de connaissances est décrite qualitativement (Gallezot et al., 2009), sans être démontrée par des données statistiques ayant mesuré significativement leur influence sur les impacts du processus de courtage de connaissances. Deux équations sont conçues pour vérifier ces hypothèses :

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I performances= QUALINTER+ SOCN 

βi(i = 0, 1, 2, 3) sont les coefficients de régression et  constitue un terme d’erreur.

I marge de manœuvre = QUAL+ INTER+ SOCN 

i(i = 0, 1, 2, 3) sont les coefficients de régression et  constitue un terme d’erreur.

Au terme de ce cadrage théorique et méthodologique, il est temps de répondre aux questions posées.

4. Résultats et interprétations

Les courtiers de connaissances : qui sont-ils et que font-ils? Les données du sondage révèlent les attributs des professionnels et des organisations impliqués dans le courtage de connaissances et des supports de transfert des connaissances. Les organisations ayant mis en place des structures de courtage de connaissance en santé sont très variées : presque deux organisations sur cinq (39 %) sont des établissements publics agissant directement dans le secteur de la santé ; 16 % sont des organismes ministériels, 13 % des structures universitaires ; et quasiment un tiers (32 %) est constitué des organisations sans but lucratif et des institutions privées et hybrides, opérant toutes en lien avec les soins de santé et les déterminants de la santé. Cette diversité porte à croire que le développement du courtage de connaissances en santé intéresse plusieurs milieux : les milieux universitaires, les milieux gouvernementaux et les milieux de pratique (communautaires, privés, OBNL, etc.). Dans les organisations concernées, des professionnels sont affectés au courtage de connaissance pour l’essentiel de leur temps de travail. Certaines organisations vont jusqu’à réserver 60 heures par semaine au courtage de connaissance, en affectant plus d’une ressource humaine à plein temps au courtage de connaissances. De plus, le sondage nous apprend que le courtage numérique de connaissances constitue une activité encore émergente dans les organisations, l’ancienneté moyenne n’excédant pas 5 ans. Trois courtiers sur cinq sont des femmes (60 %) et l’âge moyen des courtiers avoisine les 48 ans. Les courtiers de connaissances sont généralement des professionnels fortement diplômés : 4 courtiers sur 5 (80 %) détiennent un diplôme post-gradué (maîtrise, scolarité doctorale ou

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doctorat) délivré dans deux principales disciplines : les sciences de l’information (35 % des cas) et les sciences de la santé (29 % des cas). Les autres courtiers ont des formations assez diversifiées. Aussi, l’expérience professionnelle en matière de courtage de connaissances avoisine une moyenne de 5 ans. Ce résultat porte à croire que les courtiers ont exercé d’autres activités avant leur engagement dans le courtage de connaissances.

Ils rapportent être arrivés à pratiquer le courtage de connaissances pour des motifs de conquête d’une profession en développement et d’une activité

« prestigieuse » permettant entre autres d’être en contact continu avec la production des connaissances et le management du savoir.

De manière générale, nos données portent à croire que les structures de courtage de connaissances rayonnent auprès de plus de 70 000 abonnés et utilisateurs concernés par le courtage de connaissances en santé ; la médiane se situe aux alentours de 700 abonnés par structure de courtage de connaissances œuvrant dans le secteur de la santé au Québec. Aussi, les données révèlent que les structures de courtage de connaissances utilisent, selon une intensité variable, divers supports de transfert et d’échanges de connaissances. Le tableau 2 dresse l’inventaire des différents supports utilisés.

L’édition d’un bulletin périodique communiqué électroniquement (par courriel, listserv., etc.) à une liste d’abonnés constitue une pratique qui concerne une structure de courtage sur deux (51 %). Le contenu de ces bulletins peut traiter d’une thématique particulière de santé (exemple : obésité, prévention, diabète, vaccination, sécurité, alimentation, etc.) ou encore conjointement plusieurs thématiques jugées pertinentes, et ce, en faisant un inventaire des plus récentes publications d’intérêt pendant un cycle donné (trimestre, mois, semaine, etc.). La création et le maintien d’un site web constituent aussi des pratiques répandues (45 % des cas).

Dans ces sites web, les courtiers présentent des rubriques très variées allant de l’information jusqu’au stockage des données et des publications jugées pertinentes. Le recours aux blogs arrive en troisième position, avec 38 %.

Les autres plateformes liées au web 2.0 (Face book, Twitter, You Tube, etc.) sont adoptées par un courtier sur quatre (25 %). Viennent ensuite les infolettres, les newsletters ou cyber-lettres qui sont communiquées par courriel à une liste d’abonnés fidélisés au courtage des connaissances. On constate aussi que certains courtiers de connaissances produisent des revues

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de presse, sélectionnant les plus récentes informations médiatisées, et ce pour informer sommairement les clients des nouvelles d’intérêt pour eux.

Tableau 2. Les supports du courtage de connaissances

Supports de transfert et d’échanges de connaissances

Pourcentage de courtiers les utilisant Bulletin de veille stratégique, numérique

et périodique (list-serv) 51,6 %

Sitesweb 45,2 %

Blogs 38,7 %

Web 2.0 : Facebook, Twitter, You tube, etc. 25 % Newsletter, cyber-lettres, infolettres périodiques 22,6 % Actualités, nouvelles, revue de presse 19,4 %

La fréquence de diffusion et de mise à jour de ces supports a aussi mérité nos analyses. Pratiquement, un courtier sur quatre (25 %) affirme diffuser les nouvelles connaissances de manière quotidienne; presque 16 % de courtiers le font de manière hebdomadaire, 22 % de manière mensuelle, 16 % de manière trimestrielle et 20 % de manière irrégulière. Aussi, plus de 70 % des courtiers de connaissances disposent dans leur site web, d’un moteur de recherche permettant de consulter par mots-clés, l’ensemble des documents produits par les coutiers de connaissances. Environ 84 % des courtiers interrogés déclarent assurer un suivi auprès des utilisateurs de leurs documents pour examiner, à l’aide de sondages périodiques, la satisfaction de leurs abonnés au sujet des connaissances ainsi transmises.

Sur un autre plan, nos données révèlent que les courtiers de connaissances interrogés sont majoritairement encore adeptes des plateformes web 1.0 (modèle de communication traditionnel : one to many) ; et seulement un courtier sur quatre (25 %) valorise les plateformes et technologies issues du web 2.0 (Facebook, Twitter, blogs, wiki, You tube, etc.). Cette situation a été confirmée par les entrevues individuelles qui soutiennent que pour de nombreux organismes publics, l’accès aux nouvelles technologies web 2.0 est encore à ses premiers balbutiements, pour des raisons de retard dans la mise à jour des équipements et de la

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formation des expertises et procédures associées dans les organisations publiques et gouvernementales.

Au terme de cette description générale, regardons le processus de courtage de connaissances et son fonctionnement interne. Comme souligné par Todorova et Durisin (2002), celui-ci est structuré en étapes successives constituées par : la reconnaissance, l’acquisition, l’assimilation, la transformation, et l’exploitation des connaissances faisant l’objet de transferts et d’échanges.

La reconnaissance de la valeur. Zahra et George (2002) considèrent la reconnaissance de la valeur des connaissances, porteuses de valeur ajoutée, comme la rampe de lancement de tout processus de courtage de connaissances. Afin de relever le défi, les courtiers de connaissances doivent avoir l’œil pour pouvoir efficacement « séparer le bon grain de l’ivraie ». Ils doivent disposer des compétences requises pour discriminer et repérer rapidement les connaissances ayant la plus grande utilité pour les organisations et les décisions publiques. À l’évidence, les courtiers de connaissances consacrent plus du quart de leur temps de travail (28 %) à la reconnaissance des connaissances utiles et porteuses de valeur ajoutée. Pour décrypter la logique guidant les courtiers de connaissances dans leurs activités de reconnaissance, les critères de sélection des connaissances ont été examinés (Pentland et al., 2011). Le tableau 3 rapporte les critères balisant les préférences des courtiers dans leur quête des connaissances les plus intéressantes et les plus innovantes. Une analyse factorielle a permis de classer ces préférences en facteurs (variables latentes) ayant un impact significatif sur la variance des préférences des courtiers. Trois facteurs explicatifs ont été identifiés; le premier ayant trait à la pertinence (F1), le second aux méthodes (F2) et le troisième à la crédibilité des sources de connaissances (F3).

La pertinence des connaissances à diffuser constitue la principale préoccupation des courtiers de connaissances. Elle explique la plus importante part de la variance des préférences et critères de reconnaissances de la valeur des connaissances (26 %). Respectivement 90 % et 80 % de ces courtiers soutiennent que la reconnaissance repose sur leur pertinence des connaissances (réponse aux besoins des utilisateurs potentiels) et sur leur applicabilité au contexte de la clientèle des utilisateurs (faisabilité). Aussi, nos données suggèrent que les courtiers

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affichent des préférences plus favorables aux connaissances ayant un soubassement méthodologique clair et solide. Cela dit, les données probantes issues des méthodologies qualitatives et théoriques apparaissent comme plus privilégiées que celles issues des recherches fondées sur des méthodes quantitatives. Il s’agit ici d’un résultat paradoxal, surtout quand on sait que, de nos jours, les recherches les plus sophistiquées et les plus publiées s’appuient sur des démarches empiriques de plus en plus quantitatives et statistiquement sophistiquées (Ouimet et al., 2011). En revanche, l’analyse factorielle révèle que les attributs méthodologiques des recherches ayant permis de produire les nouvelles connaissances en cause sont regroupées sous un même facteur qui explique 21 % de la variance des préférences liées aux critères de sélection.

Tableau 3. Reconnaissance de la valeur des nouvelles connaissances, une analyse factorielle

Ce résultat suggère que les dimensions méthodologiques sont considérées comme un tout complémentaire garantissant la validité des connaissances, sans constituer nécessairement une source de discrimination majeure. Le troisième facteur explicatif du processus de la sélection des connaissances a trait à la crédibilité des sources ayant véhiculé les nouvelles connaissances. À l’évidence, les nouvelles connaissances rapportées par des

La qualité des nouvelles connaissances repose sur…

[ % plutôt ou complètement en accord]

% variance expliquée F1 :

Pertinence

Le caractère pertinent et réaliste pour les utilisateurs [90,3]

Le caractère applicable des données probantes [80,7]

La compétence et l’expérience du veilleur [67,7]

26,0 %

F2 : Méthode

Le caractère qualitatif des analyses [58,1]

Le caractère théorique des analyses [57,1]

Le caractère consensuel des données probantes [51,7]

Le caractère quantitatif des analyses [45,2]

21,6 %

F3 : Crédibilité

La crédibilité et le prestige de la source [77,4]

Le caractère centré sur l’avancement des connaissances [73,4]

17,4 %

(17)

sources crédibles ont plus de chance d’être « courtisées » que les connaissances venant de sources peu crédibles, n’ayant pas de processus d’évaluation sérieux et contrôlés par les pairs et experts reconnus. Trois déterminants entrent en ligne de compte dans la reconnaissance de la valeur des connaissances : pertinence du sujet, méthodologie valide et source crédible.

Tableau 4. Analyse factorielle, sources externes consultées

Acquisition des connaissances. Dans la même veine, notre recherche a examiné la nature des documents externes les plus convoités par les courtiers de connaissances, dans leur traque des nouvelles connaissances. À ce sujet, une analyse factorielle a été menée pour regrouper ces sources en facteurs cohérents pouvant expliquer la variance des sources convoitées par les courtiers. Comme le montre le tableau 4, l’analyse factorielle procure un résultat fort instructif et qui classe les sources documentaires en trois catégories : les documents faisant la synthèse d’autres documents (document de « 2e main »), les documents originaux et très récents (documents de « 1re main ») et les documents informatifs véhiculés

Sources externes consultées [ % déclarant consulter souvent ou toujours]

% variance

F1 : Savoir de 2e main

Documents issus des sites web [90,3]

Comptes rendus de séminaires et colloques [45,2]

Autres courtiers de connaissances [71]

Rapports gouvernementaux [63,1]

Rapports des organisations internationales (Organisation mondiale de la santé, OCDE, etc.) [61,3]

26,9 %

F2 Médias Presse écrite et média électronique issu du web [48,4]

Communiqués de presse [32,3]

Revues de presse [22,6]

21,4 %

F3 Savoir de 1re main

Articles de revues scientifiques [77,4]

Articles de revues professionnelles ou d’intervention [51,6]

Livres ou chapitres de livre [45,2]

Banques d’articles électroniques évalués par les pairs (ProQuest, Sciencedirect, Chochrane, Medline, etc.) [58,1]

18,7 %

(18)

notamment par les médias traitant les actualités et les informations factuelles sur les évènements. Le tableau 4 montre clairement que les sources externes correspondant aux données probantes de « 1ère main » et issues de la recherche scientifique sont les moins biens positionnées dans l’explication de la variance des sources convoitées. Il s’agit d’un résultat intriguant, mais qui peut s’expliquer aisément, au moins au regard de deux barrières potentielles : 1) inaccessibilité pratique aux revues et documents académiques diffusant les résultats de la recherche universitaire (articles payants, à portée académique, évalués par les pairs et à accès réservés) ; 2) complexité des approches méthodologiques utilisées par le milieu académique et/ou simplement une inaccessibilité linguistique; le Québec étant une province principalement francophone, vivant dans un continent anglophone et fortement engagé en recherche scientifique. Dans la même veine, les courtiers de connaissances démontrent un engouement évident pour les sources de « 2e main », à savoir les rapports et documents de synthèse ayant intégré les connaissances probantes figurant déjà dans des publications académiques et validées officiellement par des organismes crédibles comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), des revues systématiques publiés sur internet (Wikipédia, sites gouvernementaux, Cochrane, etc.), des comptes rendus de colloque, etc.

Ces documents sont généralement fiables et validés par des spécialistes, même si leur contenu arrive bien plus tard que les publications scientifiques les ayant alimenté (documents de « 1re main »).

Une autre préoccupation, nous a amené à examiner les supports de veille utilisés pour acquérir rapidement les nouvelles connaissances. Dans leur quête de ces nouvelles connaissances, les courtiers sont abonnés à des outils d’alerte, tels que les flux RSS (dans 50 % des cas), des bulletins produits par d’autres listes de diffusion (listserv), des outils numériques offrant des alertes (Google, etc.) et/ou à des bulletins d’information électronique (80 % des cas). La veille des connaissances et leurs acquisitions, sont aussi soumises aux préférences et compétences linguistiques des courtiers. Paradoxalement, les sources de connaissances les plus convoitées sont anglophones. Trois courtiers sur cinq déclarent être fidélisés par sources anglophones, contre deux courtiers sur cinq qui affirment se limiter à des sources francophones, et un peu moins d’un coutier sur cinq fait appel aussi à des sources allophones (autres que

(19)

francophones ou anglophones). Les compétences linguistiques influencent aussi l’assimilation.

L’assimilation des connaissances. Zahra et George (2002) définissent l’assimilation par des routines et des tâches précises permettant de comprendre et d’interpréter la portée des connaissances. Pour pouvoir discriminer entre les bonnes et les moins bonnes connaissances, les courtiers de connaissances doivent évidemment bien comprendre les articles et les textes retenus, pour en extraire l’essence et les connaissances les plus utiles. Nos données suggèrent que l’assimilation des connaissances exige presque le tiers du temps de travail des courtiers (32 % de leur temps). Dans ce processus cognitif crucial, on peut imaginer que seuls les articles et rapports jugés, à première vue, intéressants vont mériter tout le temps de lecture requis. Les données de notre sondage révèlent qu’un courtier sur quatre (26 %) affirme lire en totalité les articles, les études ou rapports de recherche présélectionnés. Ce résultat suggère que certains articles potentiellement porteurs de nouvelles connaissances ne sont lus que très partiellement (scanning). Ces articles n’ont pas réussi à mériter toute l’attention des courtiers de connaissance, et ce pour diverses raisons : longueur, complexité méthodologique, validité scientifique, etc. De même, seulement deux courtiers sur cinq (42 %) déclarent comprendre tous les résultats véhiculés par les articles et documents lus. Ce résultat explique pourquoi de nombreux courtiers de connaissances préfèrent les documents de 2e main, ceux-ci constituent des synthèses plus simples à lire et à comprendre. Les articles et documents n’ayant pas été compris rapidement et facilement auraient moins de chance de survivre au reste des étapes et activités du courtier de connaissances. En même temps, nos données suggèrent qu’un courtier sur trois (32 %) affirme discuter du contenu des nouvelles connaissances identifiées avec ses collègues et partenaires, durant ce processus d’assimilation. Ces résultats confirment la complexité des activités de courtage de connaissances, notamment au regard des difficultés liées à l’assimilation de connaissances nouvelles, et par définition porteuses de méthodologies ou des résultats qui s’écartent, un tant soit peu, des sentiers battus. Pour les organismes de courtage ne disposant pas de courtiers aguerris, avertis des méthodes et suffisamment formés pour assimiler les connaissances, il y a un risque réel pour que de nouvelles connaissances utiles et stratégiques échappent au processus de courtage de connaissances, et ce, faute de temps et de compétences des courtiers de connaissances. Cela dit, on peut maintenant s’interroger sur les suites et

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transformations apportées, par les courtiers de connaissances, aux nouvelles connaissances assimilées.

La transformation des connaissances. Une fois repérées, lues, comprises et jugées porteuses d’innovation, les nouvelles connaissances doivent subir une adaptation et une transformation avant d’être communiquées. La transformation permet, entre autres, de faciliter l’arrimage des nouvelles connaissances avec les connaissances déjà disponibles, ainsi qu’avec les besoins des utilisateurs et du contexte organisationnel (Zahra et George, 2002). Les courtiers de connaissances déclarent procéder presque systématiquement à l’élaboration de résumé présentant les nouvelles connaissances jugées porteuses. La réalisation d’une synthèse pour chacun des textes et documents identifiés utiles et ayant véhiculé des connaissances utiles et innovantes constitue une pratique quasi-incontournable. Les courtiers insistent sur l’importance de la communicabilité des connaissances au regard des besoins et spécificités des utilisateurs de ces nouvelles connaissances. Cette étape serait la plus exigeante en temps de travail, relativement à toutes les autres étapes du courtage (reconnaissance, assimilation et exploitation). Un courtier de connaissances consacre en moyenne plus du tiers de son temps de travail (37 %) à la synthèse des connaissances identifiées comme porteuses pour la prise de décision. Ce faisant, le courtier de connaissances s’emploie généralement à s’assurer de l’accessibilité du langage utilisé pour communiquer et mettre en marché les nouvelles connaissances. Nos résultats indiquent que quatre courtiers sur cinq (80 %) procèdent à une simplification systématique des connaissances à diffuser, en vue de les formuler dans un langage digeste, contextuellement adapté et compréhensible pour les utilisateurs concernés.

Plus de trois courtiers sur quatre (77 %) déclarent recourir à des synthèses du contenu des articles et textes ayant apporté des données probantes, et ce avant de les mettre en ligne pour leurs abonnés. La lisibilité et la compréhension des données probantes diffusées constituent une préoccupation majeure pour la quasi-totalité des courtiers de connaissances. En revanche, notre recherche révèle que la validation de la qualité scientifique des connaissances à diffuser par les courtiers de connaissances n’est pas pratique courante. Seulement le tiers (35 %) des structures de courtage de connaissances ont mis en place un comité de lecture formel chargé de la validation du matériel documentaire véhiculé par les courtiers de connaissances. Cette réalité ne semble pas déranger outre mesure les courtiers de connaissances; ceux-ci estiment qu’ils ne

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courent aucun risque d’altération du contenu des rapports et des articles auxquels ils font référence. Ils affirment que les articles et les principaux documents de référence utilisés sont mis en pièces jointes accessibles, dans leurs bulletins de courtage et sur leur site web. Les courtiers de connaissances soulignent majoritairement (dans une proportion de 84 %) l’importance de l’accessibilité intégrale des documents de référence (originaux) auxquels ils font référence. Or, de nombreuses banques de données d’articles scientifiques restent difficiles d’accès (pour des raisons de coûts et barrières d’accès), ce qui réduit énormément la portée de ce référencement, privant ainsi de nombreux utilisateurs des documents de

« 1re main ». Mais, qu’adviendra-t-il de ces connaissances, une fois disséminées et délivrées à des utilisateurs potentiels ?

L’exploitation des connaissances diffusées. L’étape de l’exploitation des nouvelles connaissances constitue l’ultime finalité de tout processus de courtage de connaissances. Zahra et George (2002) définissent l’exploitation des connaissances comme la capacité d’adopter, d’adapter et de mettre en œuvre des nouvelles connaissances afin de générer de nouvelles compétences et pratiques procurant plus de performance pour les interventions publiques et ultimement des innovations de produits et/ou de procédés. Notre investigation porte à croire que les courtiers jugent l’exploitation des nouvelles connaissances comme un aboutissement et une délivrance porteuse de valeur ajoutée tant pour les politiques publiques en santé que pour les organisations agissant dans la prestation des soins de santé. Considérant les compétences des courtiers de connaissances (soulignées plus haut), nous postulons que ceux-ci peuvent apprécier de manière raisonnable et crédible la valeur ajoutée de leur effort de courtage de connaissance auprès des bénéficiaires des fruits de leur effort.

Mais avant d’aller plus loin, regardons qui sont ces potentiels utilisateurs et partenaires des courtiers de connaissances. Le tableau 5 présente les organismes et acteurs bénéficiaires du courtage de connaissances. On y apprend que les organismes communautaires agissant dans le secteur de la santé constituent les principaux utilisateurs de ces nouvelles connaissances (36 %). Ceux-ci sont probablement peu outillés (en budget et en compétences) pour s’offrir des services de courtage de connaissances autoproduits et spécifiques à leur organisation. Viennent ensuite les différents ministères, des deux paliers de gouvernement (fédéral et provincial), avec une occurrence de 33 % des cas. Les firmes et les

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organismes privés à but lucratif arrivent en troisième rang (17 %), juste avant les milieux de la recherche universitaires (13 %) et les citoyens qui seraient probablement les moins ciblés par les courtiers de connaissances (11 %). Le constat suggérant que les citoyens arrivent en dernière position des bénéficiaires ciblés par les courtiers de connaissances peut s’expliquer par le fait que les courtiers de connaissances et les structures de courtage consultés sont mandatés par leurs organismes pour éclairer uniquement les processus décisionnels et les décisions organisationnelles qui sont demandeurs de nouvelles connaissances. Dans ce cadre, les citoyens ne sont pas nécessairement considérés comme une clientèle décisionnelle, même si de plus en plus de citoyens revendiquent l’accès total aux nouvelles connaissances ayant une portée sur leur santé et leur bien-être.

Tableau 5. La clientèle du courtage des connaissances

Interrogés sur les impacts de ces nouvelles connaissances dans les processus décisionnels des utilisateurs de ces nouvelles connaissances, les courtiers classent les impacts perçus en deux catégories. La première catégorie d’impacts a trait à la performance des organisations et la seconde aux impacts générateurs de marges de manœuvre et options décisionnelles pour les décideurs et les organisations bénéficiaires. Comme illustré dans le tableau 5, une analyse factorielle a été réalisée pour classer et regrouper les items mesurant l’impact perçus du courtage des connaissances. Cette analyse révèle que les courtiers de connaissances : 1) sont quasi unanimes pour affirmer que les clientèles bénéficiaires jugent crédible le courtage de connaissances (90 % des cas) ; 2) sont, dans une proportion de 3 sur 4 (75 %) portés à penser que le courtage de connaissances en lien aux politiques de santé est varié et utile 3) sont, dans une proportion de 2 sur 3

Position Clientèle des courtiers de connaissances Proportion estimée par les courtiers 1 Organismes du réseau public de santé 36 % 2 Ministères provinciaux ou fédéraux 33 % 3 Organisations communautaires ou privées 17 % 4 Universités, chaires et unités de recherche 13 %

5 Citoyens 11 %

(23)

(66 %) convaincus que le courtage de connaissance améliore l’efficacité des organisations et politiques publiques, 4) et sont dans une proportion de 1 sur 3 (33 %), d’avis que le courtage de connaissances améliore l’efficience des politiques publiques. Pas étonnant que l’efficience arrive en dernière position. Celle-ci est difficile à mesurer en termes de coûts et bénéfices tangibles et visibles pour les courtiers de connaissances, dans le court terme.

Tableau 6. Impacts perçus du courtage de connaissances ( % et analyse factorielle)

Ces items composent un premier facteur (F1) mesurant la performance du courtage de connaissances, et expliquant 26 % de la variance des perceptions d’impacts du courtage de connaissances. Un deuxième ensemble d’items se trouvent classés autour d’un autre facteur (F2) mesurant les impacts du courtage de connaissances sur la marge de manœuvre décisionnelle. Ce deuxième facteur explique 23 % de la variance des impacts perçus et suggère que les courtiers de connaissances estiment que le courtage de connaissances 1) favorise l’innovation dans les

Les impacts du courtage [ % complètement ou plutôt en accord]

% de variance expliquée

F1 : Performance

 Les utilisateurs jugent crédible le courtage de connaissances [90,4 %]

 Les utilisateurs jugent utile le courtage de connaissances [75 %]

 Le courtage de connaissances améliore l’efficacité en santé [65 %]

 Le courtage de connaissances améliore l’efficience en santé [36 %]

26,6 %

F2 : Marge de manœuvre

 Le courtage de connaissances favorise l'innovation [77,4 %]

 Le courtage de connaissances procure de nouvelles options [42 %]

 Le courtage de connaissances favorise le changement dans la conception des politiques publiques [10 %]

23,3 %

(24)

interventions publiques liées à la santé (dans 77 % de cas) ; 2) permet l’identification de nouvelles options pour les décisions publiques (dans 42 % de cas) et 3) participe au changement dans la conception des politiques publiques (dans 10 % de cas). Ce dernier résultat est quelque peu décevant, puisqu’il insinue que le courtage de connaissances n’influence pas suffisamment le changement dans la conception des politiques publiques en santé. Ce résultat porte à penser que de telles utilisations des nouvelles connaissances s’apparentent à une utilisation plutôt symbolique, dès lors qu’il est question du changement dans la conception des politiques publiques en santé (Weiss, 1979).

Cela dit, on peut se demander maintenant si ces impacts ne doivent pas leurs aboutissements aux interactions de réseautage tissées par les courtiers de connaissances avec leurs partenaires concernés. En effet, les données révèlent la diversité et l’intensité des activités de réseautage des courtiers de connaissances. Le tableau 6 décrit les interactions mettant en réseau les courtiers de connaissances et leurs partenaires agissant dans le secteur de la santé. À l’évidence, presque trois courtiers sur cinq (58 %) entretiennent des interactions fréquentes avec des chercheurs rattachés au milieu universitaire. En plus, la quasi-totalité des courtiers de connaissances (93 %) affirment connaître personnellement des chercheurs universitaires actifs dans leurs champs d’intérêt. Le lien étroit ainsi tissé avec les chercheurs permettrait aux courtiers d’aller chercher les nouvelles connaissances à la source, directement et rapidement, souvent plusieurs mois avant leurs diffusions dans des publications scientifiques. En revanche, les liens personnels entre les courtiers et les utilisateurs potentiels des nouvelles connaissances apparaissent comme moins forts quand il s’agit du personnel du ministère de la Santé ou encore le personnel des organismes de prestation des services en santé et services sociaux. Nos données suggèrent que seulement un courtier sur quatre (26 %) déclare entretenir des liens directs avec le personnel administratif du ministère de la Santé et des services sociaux, et un courtier sur trois le fait avec les professionnels des organismes de prestation de service en santé. Ce résultat mérite d’être interprété avec précaution, puisque les courtiers de connaissances ont confiance en leurs bulletins et documents envoyés périodiquement à leurs abonnés, ne jugeant pas toujours nécessaire d’entretenir des interactions additionnelles et personnalisées avec les professionnels des organismes de prestation de services en santé.

(25)

Tableau 7. Interactions au sujet du courtage de connaissances

Le réseau des courtiers de connaissances s’étend aussi aux professionnels en santé opérant dans le secteur privé (firmes et groupes d’intérêt), dans le secteur communautaire et, dans une moindre mesure avec les citoyens, dans des proportions allant respectivement de 13 %, 10 % et de 3 %. Ici aussi, les liens des courtiers de connaissances apparaissent comme insuffisamment développés avec les citoyens, en raison notamment de la nature des mandats conférés aux courtiers de connaissances et voulant servir davantage les processus décisionnels et administratifs du secteur de la santé. Cela dit, les enseignements de notre recherche tendent à distinguer entre les clientèles du courtage de connaissances et les partenaires des courtiers de connaissances. Le tableau 7 dresse une cartographie très instructive au sujet des liens de réseautage tissés par les courtiers dans le cadre du courtage des connaissances.

Déterminants des impacts du courtage des connaissances. Allant plus loin dans les analyses des impacts du courtage de connaissances, il a été jugé utile d’identifier les déterminants en cause. Les impacts à expliquer sont ceux décrits précédemment par l’analyse factorielle (tableau 6), ayant permis de regrouper les items mesurant les impacts du courtage de connaissances en deux facteurs. Le facteur 1 mesure la performance, générée par le courtage de connaissances sur les interventions

Rang Partenaires avec qui les courtiers entretiennent des interactions régulières

% de courtiers ayant tissé des

liens directs (fréquents à très

fréquents) 1 Chercheurs, professeurs et professionnels

universitaires 58

2 Personnel des agences de la santé du Québec 35,5 3 Personnel du ministère de la Santé du Québec 26 4 Personnel des firmes privées et groupes d’intérêt 13 5 Personnel des organismes communautaires en

santé 10

6 Personnel des autres ministères (fédéraux et

provinciaux) 6,5

7 Citoyens 3,2

(26)

gouvernementales en santé, et regroupe 4 items mesurant, sur des échelles Likert (allant de 1 pour complètement en désaccord à 5 pour complètement d’accord), les perceptions d’impacts du courtage des connaissances relativement à la crédibilité du courtage de connaissance (item 1), l’utilité du courtage des connaissances (item 2), l’efficacité des interventions publiques (item 3) et l’efficience des interventions publiques (item 4). L’indice crée, par addition simple des scores obtenus par les items considérés (questions), présente une excellente validité interne (alpha de cronbach de 0,757) et varie de 0 à 20, avec une moyenne de 13 et un écart type de 2,3. Le deuxième facteur (F2) mesure l’impact du courtage de connaissance sur la création des nouvelles marges de manœuvre pour la prise décision dans les interventions publiques. Un indice a été créé par addition de scores liés à trois items distincts et mesuré par des échelles Likert allant de 1, pour complètement en désaccord à 5 pour complètement d’accord. Comme mentionné précédemment, l’item 1 mesure l’impact du courtage de connaissances sur l’innovation dans les interventions publiques, l’item 2 mesure l’impact de courtage sur la création de nouvelles options pour l’intervention publique et l’item 3 mesure l’impact du courtage de connaissances sur le changement dans la conception des politiques publiques. L’analyse de cohérence interne de l’indice donne un alpha de cronbach très satisfaisant (0,730), pour un indice allant de 0 à 15, et avec une moyenne de 10 et un écart type de 2,6.

Le tableau 8 présente les résultats du modèle statistique identifiant les déterminants des impacts du courtage de connaissances. Ce modèle explicatif de type régression linéaire (moindres carrées) procure des résultats cohérents, soutenus par des R2 ajustés suffisamment élevés avec respectivement 0,68 et 0,43 et des F statistiques significatifs. Les données figurant dans les deuxième et troisième colonnes du tableau 8 montrent que les impacts perçus du courtage de connaissances sur la performance des interventions publiques en santé sont associés positivement et de manière statistiquement significative 1) à la qualité des connaissances véhiculées par les courtiers de connaissances, 2) à la présence de liens de concertation entre les courtiers de connaissances et les utilisateurs concernés et enfin 3) à l’implication des courtiers de connaissances dans des réseaux sociaux web 2.0 et traitant des connaissances ayant trait à la santé. Ces résultats tendent à confirmer les trois hypothèses H1a, H2a et H3a. Autrement dit, nos données soutiennent que les impacts du courtage de connaissances sur la performance des interventions en santé sont plus forts et plus significatifs

(27)

quand les connaissances véhiculées sont de qualité (d’un point de vue scientifique), quand les courtiers de connaissances entretiennent une concertation directe avec les utilisateurs potentiels de ces nouvelles connaissances et quand ils sont actifs dans des réseaux sociaux web 2.0 en lien à la mobilisation des nouvelles connaissances en santé.

Tableau 8. Déterminants des impacts du courtage de connaissances (régression en moindres carrés ordinaire)

Variables

Modèle 1 : impacts de performance (efficacité, efficience, etc.)

Modèle 2 : impacts sur la marge

de manœuvre décisionnelle B non

standardisé (erreur standard)

P (probabilité)

B non standardisé

(erreur standard)

P

Constante 13,333***

(0,744) 0,00 9,5 ***

(0,49) 0,00 Qualité (QUAL) : je

diffuse les données probantes qui avancement les connaissances oui = 1;

sinon=0

3,348***

(0,96) 0,01 0,75 (0,78) 0,361

Interactivité (INTER) : je consulte les

utilisateurs potentiels des connaissances oui = 1; 0 = sinon

2,591**

(1,054) 0,045 2,25**

(1,05) 0,05 Réseaux sociaux

(SOCN) : je suis actif sur les réseaux sociaux du Web 2.0 oui = 1;

0=sinon

0,545* (0,21) 0,059 1,750*

(1,052) 0,097

R-deux ajusté 68 % 43 %

F statistique 8,29 4,24

Signification statistique 0,01*** 0,03**

Nombre d’observations

N 29 31

**** : p<0,01; ** : p<0,05; * : p<0,1.

(28)

Le tableau 8 présente aussi les résultats de régression du deuxième modèle de régression expliquant les impacts du courtage de connaissances sur la création des marges de manœuvre décisionnelles dans les politiques publiques. Les résultats obtenus suggèrent que seulement deux variables ont une influence positive et statistiquement significative, soit la variable ayant trait à la consultation et celle liée à l’implication du courtier de connaissances dans les réseaux sociaux de type web 2.0. Paradoxalement, la variable mesurant la qualité des connaissances véhiculées par les courtiers ne semble pas être associée significativement à la création de la marge de manœuvre décisionnelle. Ce résultat peut s’interpréter en postulant qu’à priori, les nouvelles connaissances ne doivent pas être toujours porteuses d’innovations ouvrant des marges de manœuvre et d’options nouvelles pour les décideurs. Ce résultat vient nous rappeler la théorie de Cohen et al. (1972), décrite dans la célèbre métaphore « A Garbage Can Model of Organizational Choice », et qui insiste sur la complexité des choix des connaissances utiles et l’apparente irrationalité erratique de nombreuses décisions publiques ne voulant pas se formaliser avec les données probantes issues de la recherche scientifique. Évidemment, ce type de résultat mérite davantage d’examen empirique pour mieux tenir compte de la complexité des liens entre la disponibilité des nouvelles connaissances et la prise de décision dans des contextes marqués par des contingences et des aléas entourant le processus décisionnel. Ce modèle explicatif et les résultats qu’il apporte tendent à confirmer deux hypothèses sur trois, à savoir H2b et H3b. L’hypothèse H2a ne peut être retenue dans le cas de notre recherche.

5. Conclusion

Cet article examine le courtage de connaissances à l’ère du numérique.

Les investigations menées sont fondamentalement empiriques et centrées sur le secteur de la santé. Les données utilisées sont issues d’un sondage auprès des courtiers de connaissances utilisant fortement les plateformes issues du web. Pour mesurer et caractériser les activités et les implications du courtage de connaissances, on s’est appuyé sur les concepts et construits empiriques développés par la théorie de la « capacité d’absorption des connaissances » de Cohen et Levinthal (1990). Cette théorie modélise les étapes du courtage de connaissances en séquences successives (reconnaissance de la valeur, acquisition, assimilation, transformation,

(29)

exploitation). Nos analyses répondent à des questions d’actualité (Dobbins et al., 2009 ; Lomas, 2007 ; Wald et al., 2009a et 2009b), ayant trait au courtage de connaissances et voulant caractériser :

1) les attributs des courtiers de connaissances (formation, âge, genre, préférences, engagement, etc.),

2) les attributs des différentes activités, procédures et interactions liées au courtage de connaissances (reconnaissance, assimilation, transformation, etc.),

3) les attributs des supports et mécanismes déployés (supports web, interactions, réseautage, etc.) et

4) les impacts perçus associés au courtage de connaissance, principalement en ce qui concerne les politiques et organisations agissant dans le secteur de la santé.

Les résultats obtenus apportent de précieux enseignements et suggèrent des pistes d’action pour améliorer le courtage de connaissances et renforcer ses retombées positives sur la performance des politiques publiques.

Les résultats obtenus corroborent l’importance du courtage de connaissances par les plateformes internet. Les structures de courtage de connaissances interrogées desservent en moyenne deux milles abonnés par structure de courtage de connaissances. Ces abonnés reçoivent fréquemment des documents véhiculant de nouvelles connaissances, scrutées à la loupe par des courtiers engagés et actifs pour traquer et diffuser en temps réel les connaissances utiles à la prise de décision. Les courtiers de connaissances, généralement des femmes, des professionnels âgés et bien diplômés, sont exposés à des défis complexes et exigeants en compétences et en rigueur pour discriminer « le bon grain de l’ivraie ».

Les préférences exprimées par les courtiers tendent à mettre en relief trois critères de sélection : la pertinence des connaissances, la méthodologie utilisée pour les démontrer et la crédibilité des sources. La reconnaissance de la valeur de connaissance requiert des compétences pointues qui sont requises pour l’assimilation. Notre étude révèle que les courtiers de connaissances n’ont pas suffisamment de temps pour lire entièrement tous les documents identifiés et ne sont pas tous outillés pour toujours comprendre toute la complexité des méthodologies utilisées par les producteurs de connaissances. Des formations sont requises pour soutenir les courtiers dans leur quête et engagement pour le repérage des nouvelles

(30)

connaissances porteuses d’innovation et de valeur ajoutée. Aujourd’hui, les courtiers de connaissances préfèrent les documents de « 2e main » (documents de synthèse émanant des organismes reconnus), au détriment des documents de « 1re main » directement publiés par les chercheurs dans les revues scientifiques après évaluation par les pairs. Ce résultat souligne l’importance de la synthèse des nouvelles connaissances dans le processus de courtage de connaissances. Pour soutenir les courtiers de connaissances, il convient que les chercheurs et les organismes gouvernementaux accordent plus d’intérêt et d’efforts dans la synthèse des résultats de recherche. La clientèle des courtiers de connaissances est dans une large mesure différente des partenaires et parties prenantes mises en réseau par les courtiers de connaissances.

L’interactivité avec les preneurs de décision intéressés par les nouvelles connaissances se révèle être une condition de succès du processus de courtage de connaissances. La « communicabilité » des bonnes références et sources de nouvelles connaissances se révèle comme un gage de succès pour la valorisation des nouvelles connaissances. Notre recherche a aussi exploré l’effectivité des impacts du courtage de connaissances sur la performance (efficacité, efficience, innovation, etc.) des décisions publiques en santé. Les résultats suggèrent que les impacts du courtage de connaissances sont plus importants quand les connaissances véhiculées sont de qualité reconnues, quand les courtiers de connaissances entretiennent des interactions soutenues par les preneurs de décision et quand les courtiers sont fortement engagés dans les réseaux sociaux issus du web. L’engagement des courtiers de connaissances apparaît comme une condition de succès du courtage. Notre recherche démontre aussi la complexité et la diversité des tâches confiées aux courtiers. Elle souligne l’importance de la formation continue ainsi que la logistique requise (technologie web 2.0, équipement, logiciel, etc.) pour renforcer les compétences des courtiers et structurer les processus de médiatisation numérique des connaissances utiles à la prise de décision et des politiques publiques.

Bibliographie

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