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L i s e Char tier. L île Perrot. Extrait de la publication

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Academic year: 2022

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L’île Perrot

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Lise Char tier

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Extrait de la publication

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l’île perrot

1672-1765

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Extrait de la publication

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L’île Perrot

1672-1765

L i s e C h a r t i e r

S e p t e n t r i o n

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Pour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous sur notre site Internet au www.septentrion.qc.ca

Les éditions du Septentrion remercient le Conseil des Arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour le soutien accordé à leur programme d’édition, ainsi que le gouvernement du Québec pour son Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres. Nous reconnaissons éga lement l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Pro gramme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition.

Révision : Solange Deschênes

Mise en pages et maquette de couverture : Pierre-Louis Cauchon

Illustration de la couverture : Moulin de l’île Perrot. Photographie : Gilles-L. Caisse. Carte de Murray. Gracieuseté : Ville de Notre-Dame-de-l’Île-Perrot. ANC, NMC 135035 MB NB.

Si vous désirez être tenu au courant des publications des ÉDITIONS DU SEPTENTRION

vous pouvez nous écrire par courrier, par courriel à sept@septentrion.qc.ca, par télécopieur au 418 527-4978 ou consulter notre catalogue sur Internet : www.septentrion.qc.ca

© Les éditions du Septentrion Diffusion au Canada :

1300, av. Maguire Diffusion Dimedia

Québec (Québec) 539, boul. Lebeau

G1T 1Z3 Saint-Laurent (Québec)

H4N 1S2

Dépôt légal : Ventes en Europe :

Bibliothèque et Archives Distribution du Nouveau Monde

nationales du Québec, 2009 30, rue Gay-Lussac

ISBN 978-2-89448-587-3 75005 Paris

Membre de l’Association nationale des éditeurs de livres

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Remerciements

O n ne peut consacrer

plusieurs années de sa vie à mener une enquête sans reconnaître la générosité des personnes qui nous accompa- gnent. Je veux donc saluer ici toutes celles qui m’ont appuyée, guidée, écoutée avec patience et compréhension et qui continuent à encourager ce projet de recherche en me donnant de leur temps.

Car le temps est à la fois un ami et un handicap pour le chercheur : précieux quand on le remonte, contraignant quand on en manque. Et nécessaire aujourd’hui pour comprendre ce qu’était hier.

Le premier merci s’adresse donc à celui par qui tout a commencé. Merci Gilles, mon mari et mon ami, dont je voulais mettre en valeur la série de dessins que tu as réalisés sur « les belles et vieilles maisons de l’île Perrot ». Malheureusement, je n’ai pas encore pu refaire l’histoire de chacune, mais au moins on en saura un peu plus sur quelques-unes.

Merci pour ces fructueuses années d’une quête qui s’est muée en passion, pour ne pas dire obsession.

Grâce à toi, à ta longue quête sur l’histoire de ton ancêtre François, charron aux forges du Saint- Maurice, et à ta patiente collaboration dans la recherche de documents, dans leur traitement graphique pour en assurer la conservation, je suis entourée d’un trésor fabuleux dont ma Françoise, courageuse seigneuresse, aurait pu s’exclamer qu’il remplit tout un cabinet.

Merci aussi pour les consultations, gracieuseté d’Emmanuel et de Sébastien, ces fils qui m’ont

aidée à créer des banques de données fort utiles pour cataloguer, trier et analyser l’abondante docu- mentation accumulée. Merci à Jean-Luc Brazeau, du Centre d’histoire La Presqu’île qui, le premier, a accueilli une chercheuse qui ignorait totalement où la mènerait sa collecte de renseignements. Merci à Daniel Bissonnette et Sébastien Daviault, du Musée régional de Vaudreuil-Soulanges, pour les précieux échanges et les encouragements. Merci à Bertrand Desjardins du Programme de recherche en démographie historique (PRDH) qui est venu à mon secours pour retracer les actes relatifs à l’île Perrot. Merci aux historiens Marcel Trudel et Sylvie Despatie, pour les réponses et les pistes de recherche. Merci à l’abbé Laurier Farmer qui a tout grand ouvert ses archives et celles de la paroisse Sainte-Jeanne-de-Chantal, à Julie Lefebvre, de la paroisse Sainte-Anne-de-Bellevue, à Guylaine Lauzon, de la bibliothèque Marie-Uguay, à Josiane Asselin, pour l’accès aux archives du Parc historique de la Pointe-du-Moulin. Merci à Gisèle Monarque, pour les cours de paléographie.

Merci à Micheline Légaré-Morency, de la ville de Notre-Dame-de-l’Île-Perrot, pour les listes et les plans relatifs à Notre-Dame-de-l’Île-Perrot, à Nicole Émard, de L’Île-Perrot, pour l’accès aux cartes et autres documents d’archives. Merci à Benoit Aumais, historien de l’île et coauteur de La grosse île à l’ouest, pour son accueil, ses notes et ses archives photographiques. Merci à

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Claude Arsenault, de l’Association des moulins du Québec, pour ses explications. Merci au personnel de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, à Montréal et à Québec, pour leur soutien.

Je suis aussi reconnaissante à la Grande Bibliothèque, cette amie des chercheurs, dont j’ai pu constater avec quelle constance elle facilitait l’accès à divers documents grâce à son site Internet.

Merci à tous ceux qui, avec minutie et beaucoup de patience, archivistes, muséologues et simples bénévoles, numérisent et cataloguent des millions de pages d’une si grande utilité pour les recherches en histoire. On ne rendra jamais assez hommage au dévouement de ces personnes.

En terminant, j’adresse un merci particulier aux familles Lalonde, Angell, Mongrain, Lapointe,

Morency, Fournel, Leduc, Daoust et aux nom- breuses autres qui continuent de m’ouvrir les portes de leurs maisons, greniers, caves et granges, ou qui m’ont laissée arpenter leurs propriétés à la recherche d’indices, d’images et de repères.

Grâce à vous tous, l’île Perrot révèle dans cet ouvrage un peu plus de renseignements à propos de sa longue histoire. J’espère ardemment poursuivre cette quête, l’enrichir avec d’autres trouvailles et corriger ce qui méritera de l’être puisque l’histoire recèle souvent quelques nouvelles précisions aux- quelles on n’avait pas encore eu accès et dont il faut par la suite tenir compte.

Lise Chartier Île Perrot, 28 avril 2009

Extrait de la publication

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Avant-propos

C et ouvrage n’atteint pas

son objectif d ’origine, faire l’histoire des vieilles maisons de l’île Perrot, pour une raison toute simple : leurs propriétaires n’en possèdent que des bribes glanées çà et là, souvent transmises par la tradition orale. Aucune recherche systématique n’a permis jusqu’ici de reconstituer les chaînes de titres de ces propriétés depuis les premières concessions vers 1715. Nous avons donc mené une longue enquête pour trouver les propriétaires successifs et les fouilles ne sont pas terminées. Nous n’avons trouvé ni terrier ni plan cadastral jumelé à des listes de propriétaires qui auraient pu nous guider avant le milieu du xixe siècle. Plusieurs villes et municipalités disposent de plans mentionnant les occupants des terres aux xviie et xviiie siècles ; ce n’est pas le cas pour la seigneurie de l’île Perrot où il faut attendre beaucoup plus tard.

Il y a bien eu un plan cadastral en 1817 signé par Papineau et Doucet, mais la liste des lots qui l’accompagne a été laissée en pointillés. Françoise Cuillerier a fait arpenter l’île en 1742 par Janvrin Dufresne qui n’en a pas tracé de plan. Le seigneur Jean-Baptiste Leduc se réfère à une carte lorsqu’il concède des continuations de terres en 1780, mais elle est introuvable pour le moment. À la fin du régime seigneurial, en 1854, nous disposons d’une liste de propriétaires et d’un plan cadastral dont la numérotation suscite encore des questions.

Notre recherche s’amorce avec Cartier et Champlain avant de rencontrer le premier seigneur, François-Marie Perrot, et ses fermiers.

Malheureusement pour les chercheurs, Perrot, tout comme ses successeurs Charles LeMoyne et Joseph Trottier-Desruisseaux, n’a pas souvent fait appel aux notaires. C’est donc par déduction que nous avons repéré les premiers censitaires.

Heureusement, Françoise Cuillerier, quatrième s eigneuresse, met en application la Coutume de Paris et régularise les concessions qu’elle accorde.

Et elle le fait à plus de 90 reprises, ce qui constitue peut-être un record pour un même seigneur vivant en périphérie de Montréal, Québec ou Trois- Rivières.

Nous devons rendre hommages à cette femme dynamique pour l’essor qu’a connu l’île Perrot au cours de la première moitié du xviiie siècle, période au cours de laquelle s’étend son action.

Nous avons longuement étudié son recense- ment de 1724 afin de suivre les 40 lots qu’elle y énumère. Nous avons constaté qu’il y avait des différences entre les censitaires qu’elle identifie dans son Aveu et dénombrement et les contrats qu’elle a signés ou qu’elle signera ultérieurement.

Pour comprendre ces écarts, nous avons fouillé les greffes de notaires, suivi à la trace les membres de sa famille et un grand nombre d’habitants et, par la force des choses, avons dû avoir recours à la généalogie. Le recoupement entre les lieux fréquentés par Françoise, les événements auxquels

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elle est mêlée et les personnes qui l’entourent apporte une meilleure compréhension à propos de l’occupation du territoire de l’île Perrot.

Plusieurs trouvailles et l’important volume d’informations que nous avons tirées des archives nous incitent donc, pour le moment, à mettre de côté notre objectif premier et à faire l’histoire de la seigneurie par les gens que nous y rencontrons sous le Régime français. Pour mieux les connaître, nous avons enrichi leur présentation d’explications contextuelles à caractère géographique et ethno- graphique complétées par des cartes, des dessins, des extraits d’archives et des transcriptions ainsi que des photographies contemporaines qui situent les lieux dont il est question.

Parmi les centaines pour ne pas dire le millier de personnes qui ont foulé le sol de l’île Perrot sous la domination française, Françoise Cuillerier s’im- pose comme une figure de proue. Son dynamisme et sa force de caractère se manifestent dans un grand nombre de décisions qu’elle a prises entre 1710 et 1752 et qui ont des répercussions évidentes sur l’île que nous connaissons aujourd’hui. L’em- preinte de la seigneuresse y est encore perceptible, bien qu’elle soit fort méconnue. Que ce soit par l’entretien du moulin à vent, l’arpentage de 1742 qui crée l’anse au Sable et la côte Saint-Joseph, la vente de l’ancien domaine à Alexis Trottier, la construction d’une chapelle ou l’échange de terres avec le propriétaire du fief Brucy à l’origine des actuelles limites de la ville de L’Île-Perrot, Fran- çoise est toujours présente.

Perrot s’est fait concéder cette île pour y faire de l’argent par la traite des fourrures. LeMoyne

l’a ajoutée à ses possessions pour la même raison.

Trottier voulait en faire un lieu de vie, mais l’attrait du commerce lui a été fatal. Françoise a réussi ce que ses prédécesseurs ont raté. Elle n’en tirera pas de gloire puisque son œuvre sera gâchée en 1750 par les incartades de Marin Hurtubise, l’un de ses deux gendres. La seigneurie demeurera tout de même au sein de sa famille pendant 35 ans grâce au second gendre, Jean-Baptiste Leduc, avant d’être soumise à de nouvelles tribulations reliées au commerce. Mais il s’agit là d’une autre histoire.

Plaque commémorative devant l’église Sainte-Jeanne-de- Chantal à Notre-Dame-de-l’Île-Perrot. Cette île fut concédée par l’intendant Talon à François-Marie Perrot, gouverneur de Montréal, le 29 octobre 1672. La version anglaise indique erronément la date du 26 octobre. Archives de l’auteure.

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Chapitre 1

Introduction à l’île Perrot

E ntre François-Marie Perrot

, gouverneur de Montréal, de 1670 à 1684, et Marie-Françoise Cuillerier, veuve Trottier-Desruisseaux et Quenet, la seigneurie de l’île Perrot passe d’un simple comptoir de traite à une communauté autonome de 300 habitants. Pendant la moitié de cette pé- riode, elle demeure le point le plus occidental de la colonie où prend racine une population partageant encore les valeurs et les habitudes européennes, mais bien ancrée dans la vie pratique d’un pays aux frontières inconnues.

Au confluent des grandes routes qu’empruntent les découvreurs, les défenseurs, les colonisateurs et les populations amérindiennes, l’île joue souvent le rôle de point de ralliement pour ceux qui se dirigent vers les forts et les établissements français à l’intérieur du continent, les forts Frontenac, Michillimakinac et Détroit, parmi les plus connus.

Vaudreuil qui, dès 1716, se fait concéder une sei- gneurie plus à l’ouest verra s’établir sur ses terres quelques fermiers éparpillés et déménagera l’im- portante mission de l’île aux Tourtes à Oka. Lui et ses voisins se livrent ensuite au maraudage chez les habitants de l’île Perrot. Joseph Poirier-Déloge se laisse séduire vers 1726. Guillaume Lalonde et ses fils Louis et Édouard, un peu plus tard, suivis de plusieurs Lefebvre, Brabant, Bourbonnais, Brunet, Boyer, etc.

Depuis le périple d’Étienne Volant sieur Radis- son vers Détroit jusqu’aux ambitieuses excursions

de La Vérendrye à la découverte de la mer de l’Ouest, les habitants de la seigneurie insulaire participent de façon continue aux voyages qui fa- çonnent le continent. Très souvent engagés comme guides ou spécialistes du transport des personnes et des marchandises, les pionniers de l’île Perrot constituent un formidable bassin de voyageurs.

Qu’ils arrivent de France, tels Pierre Leduc et Joseph Poirier-Déloge, ou qu’ils appartiennent à la deuxième ou troisième génération en ce pays, comme Joseph Trottier-Desruisseaux, Guillaume Lalonde et ses neveux Jean-Baptiste Lalonde et Charles Daoust, les frères Hunault-Deschamps et Lefebvre-Laciseray, ils se démarquent par leur esprit d’initiative, leur force de caractère, leur vitalité et leur résilience.

Hommes et femmes prennent possession de la terre, y construisent manoir, moulin, chapelle, auberge et autres bâtiments, coupent les arbres, plantent des maisons, sèment le blé et le pois, bichonnent bœufs, vaches, chevaux, moutons, cochons et chapons. Ils ont beaucoup d’enfants.

Tous ne survivent pas, mais ceux qui restent vivent vieux. Dès leur plus jeune âge, les enfants participent aux travaux de la ferme. Ramasser les œufs, surveiller les bêtes, désherber, « érocher », porter l’eau et le repas à ceux qui travaillent aux champs et dans les bois, brasser le bouilli qui mijote doucement dans l’âtre. Vers 10 ou 11 ans, l’adolescent devient apprenti chez le forgeron,

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12 le meunier, le maçon ou le charpentier. Un peu plus tard, le corps endurci par les travaux de la ferme, les garçons s’engagent comme aides sur des canots de transport de marchandises. Préparer les repas, ramasser le bois, faire le feu, écoper, servir le guide font partie de leurs tâches. Les filles aînées s’occupent des plus jeunes. Ou s’engagent comme cuisinières, servantes, intendantes. Les plus jeunes prennent soin de leurs grands-parents. Tout le monde, ou presque, commerce. On vend le bois de chauffage ou de construction, les fourrures, le blé, les produits de la ferme, de la chasse ou de la pêche, ou on les échange pour des biens importés tels le sucre, le thé, les armes, les tissus, les chaussures françaises, etc.

On se marie avant 20 ans chez les filles, plus tard, chez les garçons ; une fois, deux fois. On ne reste pas seul quand on a des enfants. Question de survie, les veufs et les veuves se remarient toujours. Plusieurs femmes meurent en couches ou peu après, emportées par les fièvres, laissant de jeunes enfants à un veuf qui s’empresse aussitôt de convoler. Les femmes ne sont pas épargnées : elles perdent leurs maris emportés par le courant, victimes d’embuscades ou tués durant des conflits.

Elles ne restent pas longtemps seules quand elles n’ont pas pris leur retraite.

Usés par le travail, les couples, ou les veufs, se retirent aux alentours de 60 ans. Et distribuent leurs biens en parts égales entre fils et filles, plani- fiant dans les moindres détails leurs rentes viagères et leurs funérailles.

Jean-Baptiste Lalonde et Charles Daoust dé- laissent leurs terres, mais se réservent une rente détaillée avec minutie dans un acte de donation.

Les héritiers s’échangent leurs parts et agréent à celui qui, garçon ou fille, gendre ou bru, assu- mera la succession de la terre paternelle, logera et prendra soin des parents et maintiendra leur rente.

Souvent, et contrairement à ce qu’on raconte, c’est un cadet de la famille, fils ou fille vivant encore

avec les parents, qui hérite de la terre paternelle.

Après une série de tractations notariées entre frères et sœurs et les maris de ces dernières, il ou elle prendra aussi la charge d’entretenir ses parents, ou ses beaux-parents. Jusqu’à leur mort. Ce n’est que justice. Le père a aidé les aînés à s’établir au moment de leur mariage, alors un des plus jeunes s’occupera des parents vieillissants, avec l’accord de tous.

Charles Daoust et Angélique Sauvé font don de leurs biens à leurs 12 enfants. Ces derniers approuvent, le 9 janvier 1762, la donation de la terre à Joseph, le cadet. Ce fils1 de 26 ans épouse Marguerite Leduc en février. Le couple vivra pen- dant dix ans avec les vieux parents qui décèdent à un mois d’intervalle.

Et c’est ainsi que se développe un lieu de vie très dynamique où se croisent des gens aux des- tins variés : soldats, esclaves, marquise, évêque, commerçants, intendant, meuniers, forgerons, fermiers, gardien de prison, missionnaires, maî- tres charpentiers, maçons, aubergiste, bûcherons, voyageurs, cordonniers. Un petit nombre demeu- rent et forment un noyau dont les descendants habitent encore dans l’île. Les autres se dispersent, fondent Détroit, découvrent l’Ouest, descendent en Louisiane, se rendent à la baie d’Hudson, peu- plent Vaudreuil, Soulanges, Rigaud, Beauharnois et l’Est ontarien.

Nous allons rencontrer tous ces gens au cours des prochains chapitres, apprendre d’où ils vien- nent et où ils s’installent, pour un bref moment ou pour le reste de leur vie. Ce qui en soi est bien méritoire parce qu’en plus de vivre sur un territoire loin à l’ouest de Montréal ils formaient une population d’insulaires.

Partons donc à la rencontre des Boyer, Cuille- rier, Daoust, de Repentigny, Deschamps, Hénault, Lalonde, Leduc, Lefebvre, Monpetit, Réaume, Trottier qui vivent dans des anses, sur des côtes, à la pointe ou dans des fiefs.

Extrait de la publication

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Les patronymes

Afin de faciliter la reconnaissance des noms de familles des personnes dont nous parlons tout au long de cet ouvrage, nous avons adopté un stan- dard d’écriture pour les patronymes rencontrés le plus souvent. Il se présente comme suit :

UÊ >œÕÃÌÊ«œÕÀʏiÃʽœÕÃÌ]Ê`½œÕÃÌ]Ê>œ×Ì]ʞ]Ê etc. ;

UÊ jV>ÀˆiÊ«œÕÀʏiÃÊiÃV>ÀˆiÃ]ÊjV>ÀÞ]ÊiÃV>ÀÞ]Ê etc. ;

UÊ jœ}iÊ«œÕÀʏiÃÊiϜ}iÃʜÕÊiÜ}iÃ]ÊiÌV°ÊÆ UÊ iÊ,i«i˜Ìˆ}˜ÞÊ«œÕÀʏiÃÊ`½À«i˜Ìˆ}˜Þ]ʽÀ«i˜-

tigny, ou Derepentigny ou Derepentiny ; UÊ Õ˜>Տ̇iÃV…>“«ÃÊ «œÕÀÊ ÌœÕÃÊ iÃÊ Õ˜>ՏÌ]Ê

Huneault, Hunau, Hénault, Hénau, Éno, Huno et autres dits Deschamps ;

UÊ iviLÛÀi‡>VˆÃiÀ>ÞÊ«œÕÀʏiÃÊiviÛÀi]ÊivmÛÀi]Êi- faivre ou Lefebvre-Laciseraye ou dits LaCerisay, Lasizeray, La Sizeraie, Lacisseray, etc. ;

UÊ œ˜«ï̇*œÌۈ˜Ê«œÕÀʜ˜Ì«ï̇*œÌۈ˜]ʜÕÊ Montpetit ou Monpetit-Poitevin ou Monpetit dit Pot de vin, etc. ;

UÊ ,j>ՓiÊ «œÕÀÊ iÃÊ ,…j>Փi]Ê ,j…>ՓiÊ œÕÊ Réome, etc.

Nous avons également remplacé l’expression

« dit » par un trait d’union pour alléger le texte.

C’est ainsi que le lecteur trouvera Trottier- Desruisseaux pour Trottier dit Desruisseaux ou Monpetit-Potvin pour Monpetit dit Potvin (ou Poitevin), etc.

Les noms de lieux

Dans le cas des noms propres de lieux associés à l’île Perrot, nous avons utilisé les expressions suivantes dont la majorité sont tirées de Noms et lieux du Québec publié par la Commission de toponymie du Québec2 :

Infographie : Gilles-L. Caisse

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14 UÊ >˜Vˆi˜Ê`œ“>ˆ˜i]ÊÌiÀÀˆÌœˆÀiÊÈÌÕjÊi˜ÌÀiʏiʓˆˆiÕÊ

de la Grande Anse, sur une profondeur d’en- viron 30 arpents, et se poursuivant jusqu’à la rive nord de l’île Perrot, incluant la pointe du Domaine ;

UÊ >˜ÃiÊ>ÕÝʈ>À`Ã]Ê«>À̈iÊ`iʏ>ÊÀ>˜`iʘÃiÊ>ÕÊ nord de la pointe du Moulin ;

UÊ >˜ÃiÊ>ÕÊ->Li]Ê>˜ÃiÊÈÌÕjiÊi˜ÌÀiʏ>Ê«œˆ˜ÌiʜÀ̈iÀÊ et la pointe à la Barbue ;

UÊ Àˆ`iœÕ«]ÊL>˜`iÊ`iÊÌiÀÀiÊÀˆÛiÀ>ˆ˜iÊ>ÕÊ->ˆ˜Ì‡

Laurent et comprise entre la pointe du Moulin et la pointe Fortier ;

UÊ VžÌiÊ->ˆ˜Ì‡œÃi«…]ÊL>˜`iÊ`iÊÌiÀÀiÊVœ“«Ài˜>˜ÌÊ une deuxième rangée de lots à l’arrière des concessions situées sur le lac Saint-Louis ; UÊ wivʏi݈Ã]ÊL>˜`iÊ`iÊÌiÀÀiʵՈÊýjÌi˜`ÊÃÕÀÊÎäÊ

arpents de profondeur à partir du milieu de la Grande Anse pour rejoindre la pointe du Domaine et l’inclure, et se prolonger sur une profondeur de 20 arpents jusqu’au fief Brucy ; UÊ wivÊ ÀÕVÞ]ʏœÌÊ`iÊ£äÊÃÕÀÊÎäÊ>À«i˜ÌÃʏœ˜}i>˜ÌÊ

la rivière des Outaouais, situé entre l’église Sainte-Rose-de-Lima et la voie ferrée, près de l’autoroute 20. Après 1748, le fief Brucy englobe les îles Claude et Bellevue et la prairie à Dragon.

Nous utilisons l’épellation Brucy conforme à la signature d’Antoine La Fresnaye de Brucy.

UÊ À>˜`iʘÃi]Ê>˜ÃiÊÈÌÕjiÊÃÕÀʏiʏ>VÊ->ˆ˜Ì‡œÕˆÃ]Ê entre la pointe du Domaine et la pointe du Moulin ;

UÊ ŠiÊ6>ˆµÕiÌÌi]Ê>VÌÕiiʊiʏ>Õ`i]Êj}>i“i˜ÌÊ appelée île aux Vaches ;

UÊ ŠiÃÊ->ˆ˜Ìi‡i˜iۈmÛi]Ê}ÀœÕ«iÊ`iÊÌÀœˆÃʊiÃʈ˜- cluant l’île Dowker, l’île Madore et l’île Daoust ; l’île Madore porte le nom d’île à la Biche en 1765 ;

UÊ «œˆ˜ÌiʜÀ̈iÀ]Ê«œˆ˜ÌiÊ`iÊÌiÀÀiʵՈÊý>Û>˜ViÊ`>˜ÃÊ le Saint-Laurent, à l’ouest de l’église Sainte- Jeanne-de-Chantal ; cette pointe porte le nom de pointe Brideloup dans quelques contrats

de concession ou de vente du début du xviiie siècle ;

UÊ «œˆ˜ÌiÊDʏ>Ê >ÀLÕi]Ê>VÌÕiiÊ«œˆ˜ÌiÊ>ÕÊ,i˜>À`ÊÆ UÊ «œˆ˜ÌiÊ`Õʜ“>ˆ˜i]Ê«ÀiõսŠiÊÈÌÕjiÊi˜ÌÀiʏiÊ

ruisseau de l’ancien domaine et le lac Saint- Louis au nord-est de l’île, faisant partie du fief Alexis ;

UÊ «œˆ˜ÌiÊ`ÕʜՏˆ˜]ÊL>˜`iÊ`iÊÌiÀÀiÊi˜ÌÀiʏiʏ>VÊ Saint-Louis et le fleuve Saint-Laurent, à l’extré- mité sud-est de l’île et rejoignant Brideloup.

Les mesures

Nous avons utilisé les mesures françaises en pieds, perches, arpents et lieues. Voici la correspondance métrique des mesures de longueur et de surface les plus souvent utilisées :

1 pied français = 32 cm 1 aune = 1,18 m 1 perche = 5,8 m 1 arpent = 58,5 m 20 arpents = 1,2 km 30 arpents = 1,8 km

1 arpent carré = 3 418,9 mètres carrés 1 lieue terrestre = 4,9 km

Pour toute autre mesure de longueur ou de surface, nous vous suggérons de consulter le site Internet http://foncier.mrnf.gouv.qc.ca/conver- sion/.

Mesures de volume ou de capacité :

1 minot = 39 litres (marchandise sèche) ou 8 gallons canadiens

1 barrique de sel = 6 minots 1 barrique de farine = 180 livres 1 pot = 1,86 litre (liquide) 1 baril = 35 à 40 pots

1 barrique (liquide) = 110, 120 et même 180 pots

Extrait de la publication

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Les unités monétaires

Les livres, sols et deniers sont les unités moné- taires les plus fréquemment rencontrées dans cet ouvrage. Cependant, les contrats et les documents consultés ne précisent pas toujours s’il s’agit de la monnaie française ou de la monnaie locale.

La livre française vaut 25 % de plus que la livre locale. Condamné à payer 300 livres d’amende, Joseph Trottier-Desruisseaux se voit requis par le juge de verser ce montant en monnaie de France.

1 livre = 20 sols 1 sol = 12 deniers 1 louis d’or = 24 livres

À cause du commerce international, circulaient en Nouvelle-France plusieurs monnaies dont des louis d’or et d’argent français, des écus, des couronnes, de piastres espagnoles, des dollars, des pistoles, des guinées portugaises, des francs, des sols marqués et des liards. De plus, comme il y a eu pénurie de monnaie à la fin du xviie siècle, l’intendant Jacques de Meulles émit de la « monnaie de carte », constituée de cartes à jouer, coupées ou non, et portant le sceau du trésorier ainsi que la signature du gouverneur et de l’intendant. Entières, en quarts ou en moitiés, écornées ou coupées en biseau, ces cartes ont une valeur qui fluctue selon les périodes. Il y eut d’autres émissions en 1714, 1729 et 1749. Cette monnaie a été supprimée en 1764.

Une question nous est souvent posée : combien coûterait aujourd’hui une terre, un service ou une fourniture du xviiie siècle ? Nous ne pouvons fournir une réponse simple à cette question, car il est difficile de comparer les coûts des biens et services d’une époque à une autre pour diverses raisons. La société évolue. Les besoins des gens ne sont plus les mêmes. Des objets considérés comme indispensables autrefois n’ont plus aucune valeur de nos jours. Beaucoup d’activités commerciales du xviiie siècle étaient basées sur des échanges et la parole donnée. Le troc était courant à cause de la pénurie de devises.

Dans le secteur immobilier, le seigneur donnait des lots aux censitaires qui, en retour, devaient acquitter chaque année les cens et rentes. Les ha- bitants pouvaient vendre leur terre ou l’échanger pour un bien ou un service, ou une autre terre, et le nouveau propriétaire devait acquitter les mêmes droits annuels au seigneur : un demi-minot de blé et un chapon par arpent de front dans la seigneurie de l’île Perrot.

En 1740, Jean-Baptiste Lalonde vend une terre de concession de 3 arpents sur 20 avec maison à Guillaume Daoust pour la somme de 500 livres ; ce dernier échange l’année suivante cette propriété pour celle de 3 arpents sur 25 que possède Pierre Hénault un peu plus loin, où l’on trouve une maison de pièces sur pièces avec une cheminée, son carré, ses combles et une couverture en planches ; à cela, il ajoute 60 livres. L’un et l’autre doivent verser les mêmes cens et rentes au seigneur.

En 1716, Françoise Cuillerier paie 20 livres une corde de bois de chauffage, 18 livres pour des chaussures chez le cordonnier3, 10 et 14 livres pour deux paires de bas, 32 livres pour un quartier de bœuf. En 2008, une corde de bois trois fois plus petite que celle de 1716 coûte environ 100 $, une paire de bas pour dame, entre 2 $ et 15 $, des chaussures habillées de belle qualité, plus de 100 $ ; et les particuliers n’achètent que rarement un quartier de bœuf chez le boucher.

La fourrure servait aussi de monnaie d’échange ; on pouvait, par exemple, échanger un fusil contre 20 à 25 peaux de castor. En 1710, Joseph Trottier promet au charpentier Paillé deux belles peaux pour des travaux à son domaine.

D’autres formes de troc avaient cours. En 1733, le marchand Blondeau fait construire une grange de 40 pieds x 25 sur une de ses terres en échange d’un lot de 3 arpents x 30 qu’il offre à prix réduit (150 livres) à François Martel, maître-forgeron.

Une veuve engage sa petite fille de 5 ans auprès d’un couple âgé en échange d’une pension jusqu’à ses 18 ans. Pierre Hunault offre en guise de cadeau

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l ’ î l e p e r r o t s 1 6 7 2 - 1 7 6 5

de mariage à sa nièce de fabriquer la cheminée de pierres de la maison du couple.

Avant de partir à la découverte de l’île Perrot du xviii

e

siècle…

Cet ouvrage aborde l’île Perrot d’une manière chronologique entre 1672 et 1765. Il situe le contexte historique de la création de la seigneurie.

Puis il présente les deux principaux instigateurs du peuplement des lieux : Joseph Trottier- Desruisseaux et Françoise Cuillerier. Nous faisons connaissance avec leurs familles et suivons à la trace la vie de chacun de leur naissance à leur mort. Ensuite nous rencontrons ceux qui ont vécu dans l’île Perrot en commençant par les 11 familles qui y avaient des « habitations » en 1705,

bien que Trottier ne les ait pas identifiées. Nous analysons ensuite la croissance de la population, en nous attardant un peu plus longuement sur l’année 1724. Nous suivons le déploiement des familles sur le territoire par tranches de 15 ans jusqu’au recensement de 1765 qui met un point final au Régime français.

Cette reconstitution de l’occupation territoriale de l’île au xviiie siècle est enrichie par la narration de divers événements relatifs à ses habitants et dont nous avons trouvé traces dans les archives. Qu’il s’agisse de procès, de contrats d’engagements, de marchés de construction ou de correspondances, nous avons relevé des éléments évocateurs dans le but de mieux saisir la vie personnelle et sociale des insulaires, leurs relations avec leurs voisins tout comme avec les autorités civiles et religieuses.

Extrait de la publication

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Chapitre 2

L’île Perrot de 1535 à 1703

P assage obligé des Amérindiens

pendant

des millénaires et des voyageurs européens, découvreurs et marchands des xviie, xviiie et xixe siècles, l’île Perrot est à un carrefour. Celui où se rencontrent les grandes voies navigables qui ouvrent le continent en direction de l’ouest, du nord et du centre-sud, en route vers les Prairies, la baie d’Hudson ou le Mississippi. L’île, située dans la rivière des Outaouais1, est cernée par les eaux du fleuve Saint-Laurent (la rivière Cataracoui), du lac Saint-Louis et du lac des Deux Montagnes. Elle est également sur la route d’eau à proximité du lac Saint-François.

Beaucoup de voyageurs, suivant en cela les conseils que leur prodiguent les Amérindiens, privilégient le réseau de portages et de routes d’eau de la Mauricie pour gagner le nord. Mais la ri- vière des Outaouais offre de nombreux avantages quand vient le temps de se diriger vers l’ouest et le centre-sud, ne serait-ce qu’il s’y trouve moins de portages et que la route navigable y est de 500 kilomètres2 plus courte qu’en suivant le tracé du Saint-Laurent et des Grands Lacs.

Dès son deuxième séjour au Canada, et plus particulièrement à l’automne 1535, Jacques Cartier a probablement aperçu, du haut de la montagne, cette grande île à l’ouest couverte de forêt, lors de son passage à Hochelaga. C’est vers la fin du mois de septembre – certains disent le 2 octobre – qu’un groupe d’hommes et de femmes

l’amène sur une colline boisée aux escarpements abrupts qu’il baptise « mont Royal ». Il y observe la vallée plate et boisée du Saint-Laurent qui re- monte vers l’ouest3. Il enrichit ses connaissances du territoire au contact de ses guides. Le réseau fluvial commence en outre à se dessiner dans son esprit quand les Indiens lui expliquent par signes qu’il y a encore trois chutes en amont du Saint-Laurent et qu’au-delà on peut poursuivre la navigation pendant trois mois sur de grands lacs et une « mer doulce ». Ils lui parlent également de la rivière des Outaouais, un affluent qui se dirige vers le nord où, selon leurs explications, on trouverait des métaux précieux, notamment de l’or. Ces grandes routes d’eau lui prouvent que la barrière continentale est beaucoup plus large qu’on l’avait cru4. À son retour en Europe, les relations des excursions de Jacques Cartier, dont on n’a retrouvé ou repéré aucun document origi- nal avec certitude, seront publiées en italien, en anglais et en français et, à ce jour, on n’en connaît toujours pas les auteurs5.

Extrait d’une relation

du Deuxième voyage de Jacques Cartier

6

Et par le meilleu desdites terres voyons ledit fleuve oultre où estoient demoress noz barques où il y a un sault d’eaue le plus impetueulx qu’il

(18)

l ’ î l e p e r r o t s 1 6 7 2 - 1 7 6 5

18 soit possible de veoir lequel ne nous fut possible de passer [NDLR : il peut s’agir des rapides du courant Sainte-Marie ou des rapides de Lachine]

et voyons icelluy fleuve tant que l’on pouvoit regarder grant large et spacieulx lequel alloit au suouaist et passoit par aupres de troys belles montaignes rondes7 que nous voyons et estimyons qu’elles estoient à environ quinze lieues de nous.

Et nous fut dict et monstré par signes par les troys hommes qui estoient present qu’il y avoit troys ytieuls sautz d’eaue audit fleuve8 comme celuy ou estoient nos dites barques ; mais nous ne peusmes entendre quelle distance il y avoit entre l’un et l’aultre. Et uys nous monstaoient que lesdits sault passez l’on pouvoyt naviguer plus de troys lunes par ledit fleuve [NDLR : à l’époque, il fallait trois mois pour atteindre le lac Supérieur]. En oultre nous monstroient que le long desdites montaignes estans vers le nort [les Laurentides] y a une grand ripviere qui descend de l’occident [la rivière des Outaouais] comme ledit fleuve.

Les relations des voyages du Malouin Cartier fourniront une documentation utile aux décou- vreurs qui lui succéderont, notamment Roberval et un certain Jacques Noël, son neveu qui aurait rencontré les indigènes de Montréal vers 15809 ; elles inspireront également les écrits de Marc Lescarbot10 au début du xviie siècle.

L’exploration menée par Champlain en 1603 sur la grande rivière du Canada en dévoile un peu plus sur la région. Champlain se rend à Hoche- laga, où toute trace de la bourgade de 1535 semble disparue, et il s’arrête aux rapides de Lachine.

Cartographe, il dresse un plan de la région à partir des renseignements que lui fournissent les nombreux Amérindiens rencontrés tout au long de son périple. Cette carte, qui complétait la présen- tation qu’il fit de son voyage au roi Henri IV, serait perdue11. Dix ans plus tard, il entreprend un long périple qui le mène sur la rivière des Outaouais et, pour la première fois, il longe la rive nord de

cette île non encore désignée, en route vers le Nord-Ouest. Il n’y attache pas une importance particulière puisque, sur les cartes qu’il dresse en 1613 et 1632, à la suite de nouvelles expéditions, l’île y est tout au plus représentée comme une parmi d’autres parsemant le Saint-Laurent aux alentours d’Hochelaga.

Entre 1630 et 1690, de nombreux découvreurs frôleront l’île appelée Teionnhonskwaronte12 par les Iroquois lorsqu’ils entreprendront des expédi- tions vers l’ouest à la recherche de fourrures ou d’un passage vers la Chine. Mais la colonisation de l’île de Montréal par Maisonneuve offrira l’occasion à l’île non encore désignée de se donner un nom.

L’île Perrot appelée par les Iroquois Teionnhonskwaronte, une expression signifiant « île en forme de face de vache, c’est-à- dire en triangle ».

Archives de l’auteure (don de M. Arthur Prévost, Archives publiques du Canada, Plate VII).

Extrait de la publication

(19)

c h a p i t r e 2 s l ’ î l e p e r r o t d e 1 5 3 5 à 1 7 0 3

De 1642 jusque vers 1665, les nouveaux arrivants concentrent leurs activités dans l’île de Montréal. Il y a tant à faire : défricher, construire un fort et des habitations, assurer la sécurité des premiers colons, répandre la parole de Dieu et, surtout, faire la traite des fourrures. Puis, peu à peu, les habitants et les soldats établissent des liens commerciaux plus étroits avec les Amérindiens qui viennent régulièrement à Ville-Marie échanger leurs pelleteries contre des biens importés d’Eu- rope et de l’alcool.

Plusieurs colons et soldats démobilisés, avides de liberté et de grands espaces et séduits par le style de vie des Amérindiens, se font coureurs de bois. Ils n’hésitent aucunement à partager la vie des Algonquins et des Hurons. La traite des fourrures assure de lucratifs revenus à ceux qui s’y intéressent. Rapidement, les plus audacieux, sous prétexte de faciliter la vie aux « sauvages », profitent de la première occasion pour aller à leur rencontre et s’approprier, à prix réduit ou en échange de quelques litres de mauvais alcool, les plus belles fourrures.

Une route est tracée de la porte ouest de Mon- tréal jusqu’à Lachine où se postent quelques futés marchands qui évitent ainsi aux Amérindiens de descendre les dangereux rapides avec leurs lourdes canotées. Une petite agglomération commence à s’organiser et se déploiera doucement autour des forts LaSalle, Cuillerier, Rémi et Rolland. Les plus ambitieux parmi ces commerçants n’hésitent pas à payer des engagés pour naviguer en canot d’écorce plus à l’ouest à la rencontre de leurs fournisseurs de pelleteries. L’île Perrot et les îles adjacentes leur servent alors de points de rencontre.

Pendant vingt-cinq ans, la situation est maî- trisée, en dépit des querelles chez les Iroquois, de l’anéantissement des Hurons et de plusieurs groupes importants de race algonquine13, et sur- tout grâce à M. de Maisonneuve, un gouverneur intègre entièrement voué à sa mission de coloniser Ville-Marie. Mais le gouverneur de Montréal n’a

pas que des amis dans ce pays. Depuis quelques années, il n’avait pas eu le soutien du gouverneur général M. de Saffray de Mésy, à Québec, et c’est au grand désappointement de sa « famille » mon- tréalaise qu’il apprend, en septembre 1665, par monsieur de Tracy, nouveau lieutenant général des soldats de la Nouvelle-France14, qu’il est rappelé en France pour un congé indéfini.

Au printemps de la même année, Jean Talon avait été désigné intendant et, en cette qualité, responsable de la police, de la justice et des finan- ces pour le Canada, l’Acadie et Terre-Neuve. Il arrive à la fin du mois d’août sur le Saint-Sébastien en compagnie du nouveau gouverneur général de la Nouvelle-France, le sieur Daniel de Rémy de Courcelle, et les huit dernières compagnies d’infanterie envoyées par Colbert pour mater les Iroquois. Leur arrivée ne passe pas inaperçue, une centaine de voyageurs doivent être hospitalisés dès leur descente à terre, souffrant de la grippe15 ; huit soldats en meurent. À l’automne, Tracy répartit les vingt-quatre compagnies de soldats qu’il dirige entre les postes de la colonie : huit à Québec, cinq à Montréal, trois à Trois-Rivières, une à Sainte- Famille de l’île d’Orléans, deux au fort Richelieu, deux au fort Saint-Louis et les trois autres au fort Sainte-Thérèse16.

Gouverneurs et intendants

En 1663, le ministre Colbert donne par un décret une administration à la colonie naissante. Le gouverneur commande l’armée et traite avec les chefs de tribus indigènes. L’intendant gère les finances et l’administration de la justice. L’évêque règle les questions religieuses. Le Conseil souve- rain a la maîtrise sur les actes du gouvernement et juge en dernier ressort comme cour d’appel.

Les conseillers, au nombre de cinq, sont nommés par le gouverneur en accord avec l’évêque. En principe, ce conseil s’assure que les instructions

(20)

l ’ î l e p e r r o t s 1 6 7 2 - 1 7 6 5

20 du roi sont observées en ce qui a trait à la gestion des affaires de la colonie et plus particulièrement les édits royaux17.

Cette administration à deux têtes créera souvent des rivalités entre le gouverneur général, l’intendant ainsi que les gouverneurs de Montréal et de Trois-Rivières. Le gouverneur général habite à Québec et son autorité surpasse celle des deux autres. Mais comme l’activité économique se résume essentiellement à la traite des fourrures et que Montréal en est l’épicentre, une rivalité s’installe périodiquement entre les gouverneurs de Québec et de Montréal et les intendants n’en sont pas écartés.

LISTEDESGOUVERNEURSETINTENDANTS

DE TALONÀ BIGOT

Période Gouverneurs généraux

Intendants Gouverneurs de Montréal 1665-1668 Courcelle Talon

1668-1670 Bouteroue

1669/70-1672 Talon

1670-1684 Perrot

1672-1682 Frontenac Duchesneau 1682-1685/6 La Barre De Meulles

1684-1699 Callière

1685-1689 Denonville 1689-1698 Frontenac

1686-1702 Champigny

1698-1702 Callière

1699-1704 Vaudreuil

1702-1705 Beauharnois

1703-1725 Vaudreuil

1704-1724 Ramesay

1705-1710 Raudot, père

et fils

1710-1726 Bégon

1726-1728 Dupuy

1729-1747 Beauharnois Hocquart

Période Gouverneurs généraux

Intendants Gouverneurs de Montréal 1748-1749 Galissonnière

1748-1760 Bigot

1749-1752 Jonquière 1752-1755 Duquesne 1755-1760 Vaudreuil-

Cavagnial

Durant les absences des gouverneurs ou des inten- dants pour des visites en France, il était d’usage que le commandant du lieu se voie déléguer la charge et les fonctions des uns et des autres. Il n’y aura plus de gouverneur à Montréal après 172418.

Le soldat de Brucy et le gouverneur Perrot

Parmi ces soldats se trouve Antoine La Fresnaye, sieur de Brucy. Né en 1649 à Carlepon, diocèse de Noyon, en Île-de-France, c’est un jeune homme plein d’ambition. Il est lieutenant au régiment d’Auvergne lorsqu’il prend du service dans les troupes destinées au Canada19. Il arrive à Québec le 30 juin 1665, en provenance des Antilles, au sein d’une des quatre compagnies de soldats diri- gées par le marquis de Tracy, lieutenant général de la Nouvelle-France. Le jeune soldat de Brucy est un garçon débrouillard. Par acte notarié, le 26 août 1667, il achète pour la somme de 500 livres la commission d’enseigne d’une compagnie du régiment de Carignan et décide de s’installer au Canada20, dans la région de Montréal.

Pendant ce temps, l’intendant Jean Talon dirige d’une main de maître les affaires de la colonie, gère les finances et administre la justice. À Québec, le gouverneur Courcelle commande l’armée et traite avec les tribus amérindiennes. Sous leur gouverne, la colonie connaît une période de croissance soutenue pendant que les incursions iroquoises diminuent.

Extrait de la publication

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Chapitre 11

Le boom immobilier des années 1740 163 1742 : une année charnière 163

La seigneuresse se fâche 164

Les concessions de la côte Saint-Joseph 166 Le peuplement de l’anse au Sable 168 Les transactions au nord et dans le

fief Alexis 170

La chapelle de la pointe du Moulin 172 Les transactions entre les habitants

se poursuivent 176

Une sucrerie clandestine sur le domaine 177 La milice s’installe à l’île Perrot 178 L’enlèvement de la famille Déloge 179 Agrandissement et industrialisation

du fief Brucy 180

La fin du règne de Françoise Cuillerier 183 Les transactions entre les habitants 184 Diverses autres transactions de la décennie

1740-1750 185

Les funérailles de Françoise

et le calendrier 185

Chapitre 12

La seigneurie en péril 189

S’engager pour payer sa terre 190 Les hauts et les bas de Marin Hurtubise,

marchand voyageur et marchand

équipeur 191

Le mariage « obligé » de Marin

et Marianne 192

Un contrat de mariage contesté 192 La carrière mouvementée du marchand

Hurtubise 193

La provenance des marchandises 194 Joseph-Athanase Desruisseaux,

marchand 195

Jean-Baptiste Leduc, futur seigneur 198 Saisie et vente d’une partie de la

Chapitre 13

La succession de Françoise Cuillerier 203 Les Leduc de l’île Perrot :

une famille souche 203

Amélioration du niveau de vie 204 La chapelle ne suffit plus 206 Emplacement du terrain de

Sainte-Jeanne-de-Chantal 207 Visite de monseigneur Pontbriand

à l’île Perrot 208

La construction du mystérieux

presbytère en 1755 210

Les années 1750 : plus de permutations

que de concessions 214

Évaluations et inventaires 216 Foy et hommage de Jean-Baptiste Leduc

à François Bigot 220

Chapitre 14

L’année 1765 : recensement

et cartographie de la seigneurie 227 Les données du recensement de 1765 228 Qui habite dans l’île Perrot en 1765 ? 234

Les Leduc 234

Les Hunault-Deschamps 236

Les Daoust 238

Les Lalonde 238

Les Lefebvre-Laciseray 240

Les recensés apparentés 241

Les nouveaux venus 243

La carte de Murray 245

Les routes et chemins 246

Bibliographie et ressources

documentaires

248

Notes

256

(22)

cet ouvrage est composé en sabon corps 10.5 selon une maquette réalisée par pierre-louis cauchon

et achevé d’imprimer en mai 2009 sur les presses de l’imprimerie marquis

à cap-saint-ignace pour le compte de gilles herman éditeur à l’enseigne du septentrion

Extrait de la publication

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