A NNALES DE LA FACULTÉ DES SCIENCES DE T OULOUSE
F EDERIGO E NRIQUES
Sur les surfaces algébriques admettant des intégrales de différentielles totales de première espèce
Annales de la faculté des sciences de Toulouse 2
esérie, tome 3, n
o1 (1901), p. 77-84
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SUR LES
SURFACES ALGEBRIQUES
ADMETTANT DES
INTÉGRALES
DEDIFFÉRENTIELLES
TOTALES DEPREMIÈRE ESPÈCE,
PAR M. FEDERIGO
ENRIQUES,
à Bologne.
En
essayant
de démontrer laproposition réciproque
du théorème de M. Hum- bert(f),
concernant les surfacesqui
nepossèdent
aucuneintégrale
de différentielle totale depremière espèce, j’ai
été amène au résultat suivant : :Toute
surface algébrique
admettant pintégrales
dedifférentielles
totalesde’
première espèce,
avec ~ppériodes,
contient une série de courbesalgé- briques qui
n’est pasrenfermée
dans une série linéaire de courbes du même ordre.Du résultat que
je
viensd’énoncer,
découlentquelques conséquences
remar-quables ;
notamment on en déduit lesconditions,
sous uneforme
transcen-dante,
pourqu’une sur face algébrique puisse
êtreramenée,
par une transfor- mationbirationnelle, à
uncylindr~e
de genre p ~ o.1.
Envisageons
d’abord une surface F~F(x, y, z)
_-_n~ possédant
une inté-grale
depremière espèce elliptique,
dont les deux
périodes
serontdésignées
par o, cu’.Construisons sur F un
faisceau (2) linéaire , G ~,
de courbesC,
doué d’un(1) ) Sur une
propriété
d’une classe desurfaces algébriques (Comptes
rendus del’Académie des Sciences; 8g3 ).
(2) On donne le nom de
faisceau
à une famille coi de courbes appartenant à une surface,lorsqu’il
y a une courbe de la famille passant parchaque point
de la surface, choisi d’unefaçon
générale.
78
point-base simple 0;
parexemple,
le faisceau des courbes z = const., si l’on sup- pose que la droite de l’infini duplan z
= o rencontre la surface enquelques points simples ( 0
serait alors un de cespoints).
Soi t ^ le genre des C.D’après
M.Picard,
onpeut
considérer 1 comme une fonction despoints
d’unecourbe
C;
on a ainsi uneintégrale
abélienne depremière espèce
attachée à lacourbe; c’est, d’ailleurs,
uneintégrale
réductible dont lespériodes s’expriment
par w, w’. ,
Envisageons
maintenant les fonctionselliptiques
de Weierstrasscomme des fonctions attachées à la courbe
G ;
ce seront des fonctions rationnelles despoints
de cette courbe. Enconséquence,
on aura sur la courbe C une involu- tionelliptique Y;t,
dont les groupes(formés
d’un certain nombre n depoints) correspondent
auxpoints
de la courbeelliptique (p, p’).
Faisons varier la courbe C dans le
faisceau 1 CI;
; les que nous venons dedéfinir,
donneront lieu à une involutionTn
sur la surface. Onpeut envisager
lesgroupes de
Tn
comme lespoints
d’une no.uvelle surfaceF’, le
mot «point »
étantpris
dans uneacception
abstraite. Lespoints
de F’dépendront alors,
d’unefaçon rationnelle,
despoints
deF;
et l’on aura sur F’ un faisceau de courbesellip- tiques C’, homologues
desC,
dont lespoints correspondent
aux groupes nommées ci-dessus. Lefaisceau C’ aura,
surF’,
unpoint-base simple
0’ corres-pondant
à 0.Il est
important
de remarquer que toutes les courbes C’ peuvent êtreramenées,
d’une manière
birationnelle,
à une même courbe définie par les fonctionsellip- tiques p (I), p’~1~,
douées despériodes
m, w’. -Par
suite, lorsqu’on envisage
deux courbesquelconques C~, C~,
du fais-ceau C’ 1,
onpeut
établir entre elles deuxcorrespondances birationnelles,
enexigeant
que lepoint 0’,
considéré sur les deuxcourbes, corresponde
à lui-même.En
effet,
si l’on suppose, en0’,1
= o(ce qui
n’entraîne aucune restriction essen-tielle)
les deuxcorrespondances
nomméesci-dessus,
entreC’1, Ci,
sont donnéespar la relation .
liant les
paramètres (I)
despoints
des deux courbes. _ -Pour
séparer
les deuxcorrespondances
l’une del’autre,
il y a lieu d’effecluerune
opération
irrationnellequi
consiste à extraire une racine carrée. Onpeut
sedemander si cette racine portera nécessairement sur le
paramètre
dontdépend
ladétermination des courbes C’ dans le
faisceau I C’ ~,
oubien
si elle en sera indé-pendante.
Il y a lieu de montrerqu’il
fautadopter
la deuxième de ceshypothèses.
En
effet,
s’il n’en était pasainsi,
les deuxpoints homologues
à un’point
A,donné sur
C~
d’unefaçon
tout à faitgénérale,
décriraient une même courbe irré- ductibleK, hyperelliptique lorsqu’on
fait varierC~;
et l’on aurait sur Kquelques points
de coïncidence.Désignons
par B un te)point
decoïncidence,
etenvisageons la
courbe C’ contenantB;
nous la nommeronsC~.
Entre
C~, C’.,
on auratoujours
deuxcorrespondances; mais,
parhypothèse,
lesdeux
points A, B, pris respectivement
sur les deuxcourbes,
doivent se corres-pondre également,
soitqu’on envisage
l’une ou l’autre descorrespondances
nommées.
Or,
cette conclusion estabsurde, le point
A étant choisi surG’,
d’unefaçon
tout à faitgénérale, puisqu’il
faudrait que A tombât en un des4 points
doubles de la série
g;
dont 0’ est unpoint double,
c’est-à-dire en despoints
donnés par
l’équation
Le raisonnement que nous venons de
développer
supposeimplicitement
que lefaisceau 1 C’ 1, sur F’,
ne renferme aucune courbe réductible. C’est cequi
a lieulorsqu’on
a choisi sur F lefaisceau C
de manièrequ’il n’y
ait aucune courbe Créductible et
qu’on
n’aitjamais,
sur uneC,
1 == const. Comme le choixde j 1 C 1
sur F est
arbitraire,
onpeut
supposerremplies
ces conditions.Nous venons de
voir qu’en
laissantfixe
la courbeC~
et en faisant varierC~
dansle
faisceau C’ j,
lespoints homologues
à unpoint
A deC~,
suivant les deux cor-respondances
que nous avonsprécédemment établies,
décrivent deux courbesséparées,
coupant chacune en unpoint
les courbes C’.Lorsque
A décritC;,
onobtient ainsi les courbes rationnelles d’un faisceau
(elliptique),
coupant en unpoint
les C’.En revenant de F’ à
F,
on adonc,
sur cette dernièresurface,
un faisceauellip- tique
decourbes, coupant
en npoints
les courbes C.2. Le raisonnement que nous avons
employé lorsque
la surface Fpossède
uneintégrale
1= xy xoyo
P dx + depremière espèce elliptique,
s’étend au cas où ily a p
intégrales
de différentiellestotales,
à 2ppériodes.
Nous allonsenvisager l’hypothèse
p --_ ~. Il sera aisé au lecteur de passer ensuite au casgénéral.
Soient
deux
intégrales
depremière espèce
attachées à la surface Fen les supposant
normales,
on peut écrire leurspériodes
comme il suit :Construisons sur F un faisceau linéaire de courbes
C,
ayant un certain genre 7t,et deux
points-bases simples 0,,
le faisceau étant choisi d’ailleurs d’unefaçon générale.
Nous
envisageons
d’abordIj , 12
comme desintégrales abéliennes
attachées àune courbe C du
faisceau;
ce sont desintégrales
depremière espèce, réductibles,
dont les
périodes s’expriment
par des combinaisons linéaires entières des On peut supposer que les sommes des valeurs deI,, I2,
calculées en02,
s’éva-nouissent :
Envisageons
ensuite trois fonctions abéliennesavec les
périodes
Ce sont des fonctions rationnelles des
couples
depoints
des courbesC,
et ellesfont
correspondre
une surfacealgébrique
F’ àchaque
C. Comme on a un faisceaulinéaire de
C,
on obtient ainsi une variété V’ à trois dimensionspossédant
unfaisceau linéaire de surfaces F’~
Il faut remarquer maintenant que les surfaces F’
correspondent,
d’une manièrebirationnelle,
à une seule et même surfacehyperelliptique;
de sorte que l’onpeut établir une
correspondance
biralion nelle entre deux F’ : soientF~, F~.
Commed’aillears les F’ ont en commun un même
point
0’représentant
lecou’>Ic~
on a, entre
F~, F~,
lieuxcorrespondances,
en posant11 est aisé de reconnaître que les deux
points
deF’2 homologues
à unpoint A,
donné d’une
façon générale
surF~,
décrivent deux courbesdistinctes, lorsque
l’onfait varier
1i ~
surV~;
car ils ne peuventjamais
se réunir en un mêmepoint,
si Ane tombe pas en un des 16
points
c’est-à-dire en un des
points
doubles de l’involutionhyperelliptique
définie sur F’par le
point
double 0’.Comme A
peut
varier surF’,
onengendre
de cettefaçon
une série oc2 decourbes
algébriques
surV’, coupant
en unpoint
les surfaces F’.En revenant à la surface F donnée en
premier lieu,
on obtientainsi,
surelle,
une série de courbes
algébriques coupant chaque
C en un certain nombre decouples
depoints.
Cettesérie,
voilàl’essentiel,
n’est pas renfermée dans une série linéaire de courbes du même ordre.En
effet,
les groupes depoints coupés
par les courbes de la série sur uneC,
ne sauraient
appartenir
à une sérielinéaire, puisque
la condition donnée par le théorème d’Abel n’est pas évidemment satisfaite.3. Nous laissons au lecteur le soin d’achever la démonstration du théorème
énoncé,
en passant au casde p quelconque,
cequi
neprésente
d’ailleurs aucunedifficulté nouvelle.
Nous aimons mieux
indiquer quelques
corollaires du théorèmepermettant
dedonner,
sous une forme transcendante trèssimple,
les conditions pourqu’une
surface
algébrique puisse
êtreramenée,
par une transformationbirationnelle,
à un
cylindre
de genre p > o..Il faut d’abord que le genre
géométrique
de la surfaces’évanouisse,
c’est-à-dire que l’on aitC’est là une
première
condition que l’onpeut regarder
commetranscendante,
pg
désignant
le nombre desintégrales
doubles depremière espèce,
linéairementindépendantes,
attachées à la surface. , ,Il faut encore que la surface
possède p intégrales
de différentielles totales depremière espèce,
à 2ppériodes.
Cettecondition, ajoutée
à lapremière,
est aussisuffisante
lorsque ~ ~>
i.Pour le
démontrer,
nous nousappuierons
sur une remarque que M. Castel-nuovo a bien voulu nous
communiquer
aimablement : :Lorsque,
sur unesurface
de genre pg = o, on a une sériealgébrique
~1
(k)
de courbesalgébriques C, qui
n’est pasrenfermée
dans une sérielinéaire,
lasur face
contient unfaisceau
irrationnel de courbesalgébriques.
M. Castelnuovo établit cette
proposition
de la manière suivante : D’abord onsait, d’après
M. Nôther~i ~,
que lesintégrales
de différentielles totales depremière espèce appartenant
à la surface(pb = o)
sont des fonctions l’une de l’autre. Enconséquence,
elles définissent les mêmes courbesen
désignant
parIh
une de cesintégrales.
Il suffit de montrer que si les courbes
Ih =
const. sedistinguent
des courbesC,
elles sont
aussi,
en tous cas, des courbesalgébriques :
leur série est d’ailleurs unfaisceau
irrationnel admettant lesIh
comme desintégrales
abéliennes de pre- mièreespèce.
Envisageons
les courbes C de la série k comme déterminées par les valeurs d’unparamètre À ;
soientles
intégrales
abéliennes depremière espèce
attachées à k.Désignons
pari(
>o)
le nombre des courbes C issues d’unpoint
P de lasurface;
C, , C2,
...,Ci
ces courbeselles-mêmes ;
Ài, À2,
... ,),i
les valeurscorrespondantes
duparamètre
À.On aura,
d’après
M.Humbert,
où
Ih
est uneintégrale
de différentielle totale depremière espèce
attachée à lasurface,
ou bien une constante(cette
dernièrehypothèse
d’ailleurs n’étant pas vérifiée pour toutes les valeurs deh).
Or,
faisons varier P sur une courbeIh
= const.supposée
distincte des C.Les
Ct, C2, ... , Ci, envisagées
comme éléments de k, donnent lieu à une série de groupes Yiqui, d’après
le théorèmed’Abel,
est contenue dans une série linéaire. Cela donne une conditionalgébrique
que lepoint
P doitremplir
lors-qu’il
se meut sur la courbeIh
= const. Cette courbe est doncalgébrique,
commeil fallait le démontrer.
On voit maintenant
qu’une
surfaceF,
pourlaquelle
pg = o,admettant p
inté-grales
de différentielles totales depremière espèce,
à 2ppériodes, possède
un fais-ceau de courbes
algébriques L;
le genre du faisceau(dont
les courbes L sontenvisagées
comme leséléments)
est d’ailleurs(1) Voir PICARD et SIMART, Théorie des
fonctions algébriques
de deux variables indé-pendantes,
t. I, p. i36, n° 9~. Paris, Gauthier-Villars.Rappelons
encore une formulequi
donne le nombre S des courbes L douées d’unpoint double,
où l’on suppose d’abord que la surface F ait été transformée d’une manière convenable(de façon
àéliminer,
autant que cela estpossible,
sescourbes
exceptionnelles) ;
cette formule est la suivante :où n
désigne
le genre des courbesL,
le genre linéaire de lasurface,
pn son genrenumérique ( ~ ~.
On a d’ailleurs
et,
d’après
un théorème de M. Castelnuovo( 2)
sur les surfaces contenant un fais-ceau irrationnel de
courbes,
en sorte que
En discutant la formule donnée
ci-dessus,
on trouve, ou bience
qui
amène lapossibilité
dereprésenter
la surface sur uncylindre
degenre p
( ~ ),
ou bience
qui
nous ramène à la même conclusion(voir
la Notequi précède),
ou enfinDe sorte
qu’il
estpermis
d’énoncer la conclusion suivante : , Les conditions pourqu’une surface algébrique puisse
êtreramenée,
parune
transformation birationnelle,
à uncylindre
de genre p > l, peuvent êtreexprimées :
I ° Par la non-existence
d’intégrales
doubles depremière espèce ( pg
=o);
(1) On trouvera cette formule (qui est une généralisation d’autres formules connues) dans
un Mémoire que nous avons écrit en commun, M. Castelnuovo et moi, et qui sera publié prochainement par les Annali di Matematica. Dans le même Travail, on trouvera la défi-
nition tout à fait générale du caractère et le théorème dont on fait usage dans la suite, qu’une surface pour
laquelle
on a p~l~ ~ o peut être ramenée à uncylindre.
(2) lllemorie della Società italiana delle Scienze (dei XL), 8g6. - Annali di Ma- tematica, serie II, t. XV ; I897.
(3) ENRIQUES, Accademia dei Lincei, 1898. - Mathematische Annalen, Bd 52.
’
2° Par l’existence de p
intégrales
dedifférentielles
totales clepremière espèces
à 2 ppériodes.
Lorsque
p = I ces conditions ne suffisentplus :
la surfacecontiendra,
en touscas, un faisceau
elliptique
de courbesalgébriques
L(de
genre r ~i)
; ilfaut ajouter
la condition ~ = o, que l’onpeut regarder
aussi comme une conditiontranscendante.