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De trois à onze vaccins obligatoires : quel intérêt ?

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novembre 2017

LES VACCINS QUI ÉTAIENT DÉJÀ OBLIGATOIRES

Actuellement seuls trois vaccins sont obligatoires : diphtérie, tétanos, polio- myélite. La primovaccination (deux in- jections suivies d’un rappel à l’âge de 11 mois) est obligatoire chez l’enfant.

Les rappels jusqu’à l’âge de 13 ans sont obligatoires pour la poliomyélite. Ces vaccins n’assurent qu’une protection in-

dividuelle et limitée dans le temps ; la protection à long terme nécessite et jus- tifie les rappels, même si les connais- sances acquises ont permis de diminuer leur nombre et de les espacer.

VACCIN CONTRE LE TÉTANOS Le tétanos est devenu très rare en Fran- ce, grâce à la vaccination. Rappelons que la maladie n’est pas immunisante et que le vaccin fait ici mieux que la nature. Il y aura d’autres exemples. La couverture

INFECTIOLOGIE Il est pour le moins paradoxal qu’en 2017 cette question soit posée dans une revue comme Médecine et enfance...Comme s’il existait un doute, comme si la démonstra- tion de l’intérêt des vaccins n’était pas faite. Répondre à cette question est devenu né- cessaire compte tenu des effets de la médiatisation moderne, où tout le monde com- munique au nom de la liberté d’expression, mais plutôt en tant qu’expert autoprocla- mé (expert avant tout en croyance…).

Après la mise à disposition de l’eau potable, la vaccination est certainement l’un des moyens les plus efficaces de prévention ; elle a démontré son efficacité sur la morbidi- té et la mortalité en matière de maladies infectieuses.

Le maître mot dans la communication sur les vaccins devrait être la protection. C’est loin d’être le cas. Il est vrai que les effets indésirables font beaucoup plus d’audience, surtout quand on les inscrit dans une théorie du complot qu’auraient élaborée de longue date les médecins et l’industrie pharmaceutique pour faire de l’argent.

L’objectif premier de la vaccination est et reste donc la protection des sujets vaccinés.

Cette protection peut avoir une dimension individuelle et une dimension collective, ce qui n’est pas le cas de tous les vaccins. Comme tout produit biologique efficace, les vaccins peuvent être responsables d’effets indésirables plus ou moins fréquents et plus ou moins graves. Les vaccins font partie des « médicaments » les mieux surveillés au monde, et il faut encourager tout progrès dans ce domaine.

La réponse à cette question ne peut donc reposer que sur des études concernant l’effi- cacité et la tolérance des vaccins ainsi que le contexte épidémiologique de la vaccina- tion, ces études permettant d’évaluer le rapport bénéfice-risque à la fois individuel et collectif de chaque vaccin. Souhaitons qu’en matière de cancérologie la vaccino logie ait un aussi bel avenir que ce qu’elle a démontré en matière de pathologies infectieuses.

Nous insisterons sur les messages que nous considérons comme pouvant aider à démontrer l’intérêt de vacciner, en particulier pour les vaccins qui deviendront obligatoires dès le 1er janvier 2018, c’est-à-dire les vaccins du calendrier vaccinal jusqu’à deux ans.

Rubrique dirigée par J. Gaudelus

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novembre 2017 vaccinale est excellente : 96,8 % pour

trois doses de DTP à 2 ans en 2015 (données de Santé Publique France).

Sur les 108 cas déclarés entre 2005 et 2016, 77 sont des femmes et trois quarts des cas concernent des personnes âgées de plus de 70 ans ; 28 % des sujets at- teints sont morts de cette maladie. Ces

« échecs » sont le reflet de la très grande efficacité de ce vaccin : seules les per- sonnes ayant échappé à la vaccination, personnes âgées et avant tout des femmes puisqu’elles échappaient à l’obli- gation militaire, contractent le tétanos dans un pays où la couverture vaccinale est très élevée.

Qui plus est, les données épidémiolo- giques montrent que ce ne sont pas des plaies ou des brûlures graves qui en sont à l’origine (de telles portes d’entrée donnent toujours lieu à une consulta- tion médicale qui ne manque pas de vé- rifier l’état vaccinal et de le mettre à jour si nécessaire), mais de petites plaies souillées, comme par exemple lors d’une activité de jardinage (pas bien grave…), qui n’aboutissent pas à une consultation. Cependant, entre 2012 et 2016, 3 cas de tétanos ont été observés chez des enfants âgés de 3 à 8 ans non vaccinés. La tolérance de ce vaccin ne pose aucun problème. Le risque est quasi exclusivement lié au fait de ne pas être vacciné.

VACCIN CONTRE LA DIPHTÉRIE La diphtérie a pratiquement disparu grâce à la vaccination (plus de 3 000 dé- cès touchant avant tout l’enfant avant 1945). Les quelques cas exceptionnels observés en France sont avant tout im- portés ; ils sont dus à Corynebacterium diphteriae mais aussi à Corynebacte- rium ulcerans, bactérie susceptible d’in- fecter la peau ayant acquis la toxine, et s’observent chez des sujets non ou mal vaccinés. Seuls le maintien d’une cou- verture vaccinale élevée et la pratique des rappels permettent le contrôle et l’élimination de cette maladie.

Souvenons-nous de la recrudescence de la diphtérie survenue en Russie (près de 40 000 cas) au milieu des années 1990 du fait de la désorganisation du système

de santé après la chute du mur de Berlin et de la résolution du problème par la reprise de la vaccination. Là encore, la tolérance de ce vaccin n’est pas un pro- blème, d’autant que les vaccins destinés aux rappels ont une quantité d’anti- gènes réduite, ce qui induit une meilleu- re tolérance sans diminuer l’efficacité.

VACCIN CONTRE LA POLIOMYÉLITE En 1988, lorsque l’OMS a décidé d’une stratégie d’éradication de la poliomyé- lite (c’est-à-dire de sa disparition de la surface de la Terre), celle-ci était pré- sente sur les cinq continents ; elle était endémique dans 125 pays et respon- sable de 350 000 nouveaux cas par an avec une létalité de 5 à 10 %. Tous les jours, ce virus était responsable de 1 000 nouveaux cas de paralysie et de 50 décès. Vingt ans après le lancement de ce programme, le nombre de cas avait diminué de 99 % et l’élimination a été certifiée dans trois régions : Amérique, Europe et Pacifique occi- dental. L’Inde a été déclarée « polio- free » en 2011.

Le dernier cas autochtone de poliomyé- lite en France date de 1989. Le dernier cas importé date de 1995, mais, d’une part, la poliomyélite n’est pas éradiquée (elle persiste encore avant tout au Pa- kistan et en Afghanistan), et, d’autre part, nous ne sommes pas à l’abri d’une importation d’un virus sauvage. Là en- core, la nécessité d’une couverture vac- cinale élevée, y compris pour les rap- pels, a été démontrée en 2015 : un virus poliomyélitique venant du Pakistan a été importé en Israël et en Syrie ; en Is- raël, pays bénéficiant d’une couverture vaccinale élevée, aucun cas de polio n’a été mis en évidence ; en Syrie, pays en guerre dont les programmes vaccinaux sont désorganisés, des poliomyélites sont réapparues alors qu’il n’en existait plus avant la guerre.

A la demande de l’OMS et dans le cadre d’un objectif d’éradication de cette ma- ladie, le monde est en train de passer au vaccin à virus tué à la place du vaccin à virus vivant, seul susceptible de se com- pliquer d’une poliomyélite vaccinale (1 cas sur 5 millions de doses).

LES VACCINS QUI VONT DEVENIR OBLIGATOIRES EN FRANCE

VACCIN CONTRE LA COQUELUCHE La coqueluche, due à la bactérie Borde- tella pertussis, est susceptible d’être grave, voire mortelle, avant tout chez les enfants de moins de 3 mois, c’est-à-dire trop jeunes pour avoir été protégés par le vaccin, même si elle peut aussi être res- ponsable de formes graves chez l’adulte.

Ce vaccin a été introduit en France en 1959 (Vaxicoq®), incorporé au vaccin té- travalent (Tétracoq®) et introduit dans le calendrier vaccinal en 1966, date à partir de laquelle on a pu commencer à apprécier son effet sur la morbidité et la mortalité. Les données épidémiologiques britanniques apportent la démonstration des effets d’une baisse de la couverture vaccinale, baisse observée pendant les années 1970 et due à une crainte de complications neurologiques : ré-ascen- sion de la coqueluche et, son corollaire, augmentation des décès chez les enfants de moins de 6 mois. Ces données mon- trent également que la reprise de la vac- cination après les résultats des études mises en place, qui concluaient à un lien temporel et non causal entre les deux événements, résout le problème.

Les vaccins dits à germe entier (bactérie tuée), dont la tolérance était médiocre, ont été remplacés par des vaccins dits acellulaires, c’est-à-dire contenant des antigènes purifiés, dont l’efficacité est quelque peu moindre et, surtout, moins durable.

La couverture vaccinale chez le nourris- son est très bonne (96,4 % à 2 ans en 2015) et nous disposons depuis 1996 d’un réseau de surveillance (réseau Re- nacoq) de très bonne qualité. Sur 3 318 cas confirmés chez des enfants de moins de 6 mois, 2 227 hospitalisés ont pu être inclus dans une étude portant sur la période 1996-2012. 67,7 % des enfants étaient âgés de moins de 2 mois. L’incidence chez les moins de 3 mois est passée de 444/100 000 en 2000 à 96/100 000 en 2010. Sur

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novembre 2017 les 2 227 cas, 18 % ont été admis en

réani mation (88 % avaient moins de 3 mois). Il y a eu 37 décès (1,7 % ; 89 % avaient moins de 3 mois). Un seul cas décédé avait été vacciné, mais il n’avait reçu qu’une dose [1].

La meilleure tolérance des vaccins acel- lulaires a permis d’introduire des rap- pels chez l’adolescent puis chez l’adulte, de façon à prévenir la contamination du petit nourrisson. La stratégie du « co- cooning » a été introduite dans ce but.

Une couverture vaccinale insuffisante chez l’adulte mais aussi une efficacité insuffisante de cette stratégie amènent à repenser cette dernière. A la suite d’une augmentation de la mortalité par coqueluche chez les moins de 3 mois, les Britanniques ont mis en place une vaccination chez la femme enceinte et démontré son efficacité, sans problème de tolérance. Il n’est plus possible de ne pas tenir compte des résultats britan- niques, et la France aura à se prononcer rapidement sur ce point [2].

VACCIN CONTRE HAEMOPHILUS INFLUENZAE B

Le vaccin contre l’Haemophilus influen- zae b (Hib) a été un apport considé- rable. Il est l’application du concept de vaccin conjugué et la démonstration que le vaccin fait mieux que la nature.

L’antigène qui donne lieu à l’apparition d’anticorps protecteurs est un polysac- charide. Les enfants de moins de 2 ans ne savent pas fabriquer d’anticorps pro- tecteurs contre ce type d’antigène, et les enfants de moins de 5 ans ne savent pas très bien le faire. Ce fait est respon- sable, dans cette tranche d’âge, de la morbidité des maladies graves (bacté- riémies, septicémies, méningites) dues aux bactéries dites encapsulées, dont les antigènes de la capsule sont des po- lysaccharides : Haemophilus b, pneu- mocoques, méningocoques. C’est tou- jours chez les enfants de moins de 2 ans que l’incidence de ces maladies est la plus élevée.

Les premiers vaccins, polysacchari- diques, ont été des échecs. Le concept a donc consisté à modifier les propriétés de l’antigène en le « conjuguant » à une

protéine, type d’antigène contre lequel les enfants savent faire des anticorps dès l’âge de 6 semaines. On aboutit ain- si à la fabrication d’anticorps efficaces, bactéricides. Ces antigènes induisent par ailleurs une mémoire immunitaire et les anticorps sont efficaces sur le por- tage des bactéries, c’est-à-dire suscep- tibles d’avoir un effet indirect, la popu- lation non vaccinée pouvant bénéficier de cet effet.

Les résultats du vaccin Haemophilus b ont été spectaculaires du fait d’une bon- ne couverture vaccinale (95,7 % à 2 ans en 2015 pour trois doses). Avant 1992, date d’introduction de ce vaccin dans le calendrier vaccinal, la France dénom- brait chaque année un millier de cas d’infections invasives, dont 600 cas de méningites dues à ce germe, avec un taux de mortalité de 10 à 15 % et de sé- quelles de 30 %. Entre 1999 et 2014, seulement 37 cas de méningite ont été répertoriés par le Centre national de ré- férence (CNR), et uniquement chez des enfants non ou partiellement vaccinés (figure 1). Les infections graves à Haemo-

philus b de l’enfant (bactériémie, septi- cémie, méningite mais aussi épiglottite, pneumopathie, pleuro-pneumopathie, ostéoarthrite, cellulodermite…) ont dis- paru des urgences et des hospitalisa- tions pédiatriques. C’est l’exemple ty- pique du vaccin apportant une protec- tion à la fois individuelle et collective, du fait de son action sur le portage.

Ce concept majeur a ensuite été appliqué aux vaccins contre le pneumocoque et les méningocoques, nous y reviendrons.

LE VACCIN CONTRE L’HÉPATITE B OU L’EXCEPTION FRANÇAISE

C’est un Français (Philippe Maupas) qui est à l’origine du premier vaccin contre l’hépatite B. La démonstration de l’effica- cité des vaccins vis-à-vis des hépatites ai- guës, à l’origine d’hépatites chroniques, de cirrhoses et de cancers du foie, n’est plus à faire dans le monde entier.

Les nourrissons sont actuellement bien vaccinés, avec un taux de couverture à 2 ans de 88,1 % en 2015, mais le taux de couverture des adolescents est beau- coup trop faible et stagne depuis plus de Figure 1

Evolution de l’incidence des méningites à Haemophilus influenzae chez les enfants de moins de cinq ans, en France métropolitaine, de 1991 à 2015 (Epibac, Santé publique France)

35

1-2 ans 3-4 ans

30 25 20 15 10 5

0

1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015

< 1 an Vaccination Hib (Taux/100 000)

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novembre 2017 dix ans : de l’ordre de 45 %. Autrement

dit, moins d’un adolescent français sur deux est protégé au moment de l’expo- sition au risque. Il est fondamental de

« rattraper » la vaccination de ces jeunes. C’est le premier vaccin anti-can- cer mis à notre disposition.

On ne peut faire autrement que de reve- nir sur la polémique franco-française.

Sa raison essentielle est que la France est le seul pays à avoir vacciné massive- ment (25 millions de personnes ont été vaccinées entre 1994 et 2000) dans la tranche d’âge correspondant à la révéla- tion des maladies auto-immunes, en particulier de la sclérose en plaques (SEP). Il est indispensable de distin- guer, lorsque deux événements (ici le vaccin et la SEP) se succèdent dans le temps, la coïncidence et la relation de cause à effet. Seules des études de bon- ne qualité comparant la fréquence ou l’incidence de la SEP dans les popula- tions vaccinées et non vaccinées à la re- cherche d’une différence statistique- ment significative permettent d’évaluer ce risque. Sur une dizaine d’études réa- lisées chez l’adulte et trois réalisées chez l’enfant, une seule a montré une augmentation significative [3, 4], mais avec une particularité méthodologique qui a fait dire à l’OMS et aux sociétés sa- vantes qu’il n’y avait pas lieu de re- mettre en cause le rapport bénéfice- risque de ce vaccin. Des études plus ré- centes ont confirmé l’absence de dé- monstration d’augmentation du risque, que ce soit après une vaccination contre l’hépatite B ou après une vaccination anti-HPV [5].

Dans l’hypothèse où un lien existerait (ce qui n’est pas démontré), une étude française a évalué le rapport bénéfice- risque : la vaccination de 800 000 pré- adolescents âgés de 10 à 12 ans expose- rait à 1,1 cas supplémentaire de SEP tout en évitant jusqu’à 21 cas d’hépatite fulminante et 49 cas de cirrhoses. L’ur- gence est ici de rattraper la vaccination des adolescents.

VACCIN PNEUMOCOCCIQUE CONJUGUÉ

Le concept de vaccin conjugué vu avec

le vaccin Haemophilus b s’applique au pneumocoque, mais le problème est plus compliqué du fait que plus de 90 sérotypes de pneumocoque ont été identifiés.

La couverture vaccinale a été longue à devenir satisfaisante en raison d’indica- tions trop compliquées lorsque le vaccin a été disponible. Il faut rappeler ici que le principal facteur de risque d’infection invasive à pneumocoque est l’âge infé- rieur à 2 ans : tous les enfants de moins de 2 ans doivent donc pouvoir en béné- ficier. Ce qui est le cas, puisque 91,1 % des enfants de 2 ans avaient reçu une vaccination complète en 2015.

Les résultats obtenus sont les suivants :on observe une diminution des infec- tions invasives à pneumocoque de 51 % chez les enfants de moins de 2 ans entre 2003 et 2015 (données Santé Publique France, réseau Epibac) ;

l’observatoire des méningites bacté- riennes de l’enfant montre une diminu- tion de 62 % chez les moins de 2 ans entre 2002 et 2014 ;

la diminution des infections invasives à pneumocoque est statistiquement si- gnificative dans toutes les tranches d’âge, en particulier chez les plus de 65 ans, autre tranche d’âge à risque d’infections graves à pneumocoque ;chez l’enfant, les pneumonies radio- logiquement définies vues aux urgences pédiatriques de huit hôpitaux répartis sur le territoire national ont diminué de 38 % depuis la mise à disposition de Prevenar 13®;

les pneumonies pour lesquelles il est possible d’affirmer qu’elles sont dues au pneumocoque ont diminué de 77 %, de même que les pleuropneumopathies, pour lesquelles le premier germe en cause est le pneumocoque[6].

Par ailleurs, une étude israélienne sur les otites moyennes aiguës a montré une diminution globale des otites chez les moins de 2 ans, une diminution des otites à pneumocoque [7] et en particu- lier des otites compliquées [8].

On ne peut pas attendre d’un vaccin di- rigé contre 13 sérotypes d’une bactérie qui en compte plus de 90 une dispari- tion des infections à pneumocoque, et

ce n’est pas l’objectif, mais on a diminué les infections les plus graves dues aux sérotypes les plus fréquents.

L’adulte à risque peut désormais bénéfi- cier de ces vaccins.

VACCIN CONTRE LA ROUGEOLE La rougeole n’a pas disparu dans notre pays, dans lequel trois vagues épidé- miques survenues entre 2008 et 2011 ont été responsables de 24 000 cas dé- clarés, 1 500 pneumopathies graves, 34 complications neurologiques (31 en- céphalites, 1 myélite, 2 Guillain-Barré) et 10 décès (figure 2). La seule cause de cette persistance est l’insuffisance de la couverture vaccinale. La rougeole est une des maladies les plus contagieuses.

La contagiosité s’apprécie par la mesure du coefficient de reproduction, qui éva- lue le nombre de nouveaux cas d’une maladie quand on introduit cette mala- die dans une population non immune : ce coefficient est de 17 pour la rougeo- le. On peut le comparer à celui de la grippe, qui est de 2.

Plus une maladie est contagieuse, plus la couverture vaccinale doit être élevée pour interrompre la circulation du vi- rus, c’est-à-dire éliminer la maladie. Les conditions d’élimination de la rougeole sont deux doses de vaccin (la deuxième dose est un rattrapage et non un rappel) et une couverture vaccinale de 95 %.

Ces chiffres ne sont pas que théoriques.

Les pays du nord de l’Europe, qui ont at- teint ces chiffres depuis quinze ans, n’ont plus que des rougeoles importées.

La couverture vaccinale à 2 ans en France est en 2015 de 90,4 % pour une dose et de 78,4 % pour deux doses, couverture insuffisante pour éliminer la rougeole.

L’examen de l’état vaccinal des sujets ayant contracté la rougeole lors des trois vagues épidémiques montre que 80 % n’avaient reçu aucune dose et 15 % qu’une dose ; 5 % avaient reçu deux doses. C’est la définition d’un vac- cin efficace à 95 %. Le virus continue à circuler en Europe. Entre le 1erjanvier 2016 et le 26 mai 2017, 6 619 cas ont été déclarés en Roumanie, responsables de 29 décès. En Italie, 3 074 cas ont été déclarés depuis le 1erjanvier 2017. Les

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novembre 2017 virus ne connaissent pas les frontières,

et l’une des conséquences de cette pro- pagation est la réaugmentation du nombre de cas en France : 387 cas dé- clarés pour l’année 2017, responsables de 31 pneumopathies graves, de 2 cas d’encéphalite et de 1 décès.

Il est fondamental de réaliser les objec- tifs de couverture vaccinale, les sujets les plus à risque étant les adultes non vaccinés (rappelons que les recomman- dations sont deux doses à tous les sujets nés depuis 1980) et aussi les enfants de moins de un an, trop jeunes pour être vaccinés.

VACCIN CONTRE LA RUBÉOLE La rubéole n’est dangereuse que chez la femme enceinte non immunisée, mais elle peut alors être responsable de drames, évitables par la vaccination. Le risque de malformations congénitales est très élevé, entre 70 et 100 % si la primo-infection maternelle survient avant 11 semaines d’aménorrhée (SA), et le risque de fœtopathie est de 15 à 80 % si elle survient entre 12 et 18 SA.

Actuellement, grâce à la vaccination, l’incidence des infections rubéoleuses

en cours de grossesse (surveillées par le réseau Renarub) a beaucoup baissé. Au cours des dix dernières années, le nombre annuel de rubéoles congéni- tales a varié de 0 à 9 et celui de rubéoles congénitales malformatives de 0 à 3.

L’élimination de la rubéole congénitale sera acquise si on atteint 95 % de cou- verture vaccinale avec le vaccin triple.

VACCIN CONTRE LES OREILLONS Le vaccin contre les oreillons est moins performant que les deux vaccins précé- dents, mais son introduction dans le ca- lendrier vaccinal et son intégration au vaccin triple rougeole-oreillons-rubéole (ROR) a fait baisser considérablement le nombre de cas et donc les complica- tions : surdité, orchite, ovarite, ménin- go-encéphalite. La maladie sera plus difficile à éliminer du fait de la durée de protection limitée induite par le vaccin, même après deux doses.

VACCIN CONTRE LE MÉNINGOCOQUE C

Enfin, pour conclure sur les vaccins du calendrier vaccinal jusqu’à 2 ans, le vac- cin conjugué contre le méningocoque C

est un exemple très instructif d’un échec vaccinal dû à la seule insuffisance de couverture vaccinale.

Les recommandations françaises de vac- ciner par une seule dose à l’âge de 1 an et de « rattraper » cette vaccination par une seule dose jusqu’à l’âge de 24 ans, émises en 2009-2010, étaient parfaitement fon- dées et auraient dû être efficaces… à condition d’être appliquées. Choisir une seule injection à partir de 1 an est parfai- tement justifié par ce que l’on connaît de la maturation immunitaire et des expé- riences tirées du vaccin Haemophilus b : une seule dose suffit à partir de l’âge de 1 an pour assurer une protection indivi- duelle de bonne qualité.

La protection des enfants de moins de 1 an, tranche d’âge dans laquelle l’inci- dence est la plus élevée, ne peut être as- surée qu’à condition d’avoir institué une immunité de groupe, c’est-à-dire d’avoir vacciné le « réservoir » (l’adolescent et l’adulte jusqu’à 24 ans). Il faut rappeler en effet que les vaccins conjugués sont actifs sur le portage, en l’occurrence du méningocoque C. Ainsi, la vaccination des sujets jusqu’à 24 ans aurait dû dimi- nuer, voire éliminer, le portage du ger- me, ce qui aurait protégé indirectement les moins de 1 an. Mais il aurait fallu ef- fectivement vacciner : les taux de cou- verture vaccinale vis-à-vis du méningo- coque C étaient en 2016 de 70,9 % à 24 mois, mais de 35,7 % chez les 10- 14 ans, de 25,5 % chez les 15-19 ans et de 10,1 % chez les 20-25 ans (tableau I). Avec ces taux de couverture, il n’est pas possible d’obtenir l’immunité de groupe requise. L’analyse des infections inva- sives à méningocoque C (IIMC) par groupe d’âge après introduction du vac- cin montre une augmentation significa- tive du taux des notifications chez les enfants âgés de moins de 1 an : de 0,88/100 000 en 2010 à 2,43/100 000 en 2014 (figure 3) [9].

Une stratégie semblable a pourtant été appliquée avec succès aux Pays-Bas, la seule différence étant que le rattrapage se faisait jusqu’à l’âge de 18 ans et non de 24 ans. L’incidence des IIMC a baissé dans ce pays de 99 % entre 2001 et 2004 dans la population vaccinée Figure 2

Cas de rougeole déclarés par mois en France de janvier 2008 à mai 2017 (Santé publique France, déclarations obligatoires)

4000

160

Nombre de cas

3500 3000 2500 2000 1500 1000 500 0

2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017

mois et années (date de début des signes)

2008

140 120 100 80 60 40 20

0 2012 2013 2014 2015 2016 2017

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novembre 2017

(2-18 ans) et de 94 % chez les moins de 1 an (non vaccinés), mais le taux de couverture vaccinale globale était de 94 % : CQFD [10].

Pour pallier cet échec, le calendrier vac- cinal français a introduit une injection supplémentaire à l’âge de 5 mois par Neisvac®, de façon à protéger les moins de 1 an (figure 4) [9].

LES AUTRES VACCINS

Les autres vaccins ne seront pas dé- taillés ici dans la mesure où ils n’entrent pas dans les projets d’extension de l’obligation, mais ils viennent compléter la protection offerte à la population.

Le vaccin anti-HPVest un progrès consi- dérable, et ce d’autant plus qu’un vaccin nonavalent devrait être mis à disposi- tion prochainement. C’est le second vaccin anti-cancer après le vaccin contre l’hépatite B. Ce vaccin nonava- lent vise à protéger contre 90 % des cancers du col (et vis-à-vis de 90 % des condylomes), mais il est susceptible de- protéger contre d’autres cancers où les virus HPV sont impliqués : cancers de la vulve et du vagin, et, pour les femmes et les hommes, cancers du canal anal et une proportion importante des cancers du pharynx. La tolérance de ce vaccin est particulièrement surveillée : on vac- cine en effet dans les tranches d’âge de la déclaration des maladies auto-im- munes. Une étude française intéressant plus de 2 250 000 jeunes filles et portant sur 14 maladies auto-immunes est très rassurante. Malgré cela, le taux de cou- verture vaccinale n’est que de 14 % en France ; il est de 42 % aux Etats-Unis, 78 % en Australie, 80 % en Suède, 86 % au Royaume-Uni et 87 % au Portugal.

Rappelons les données en France : chaque année, les HPV sont respon- sables de 31 000 lésions précancéreuses ou cancéreuses, de 3 000 nouveaux cas de cancer du col de l’utérus et de 1 100 décès des suites d’un cancer du col de l’utérus.

Les vaccins anti-méningocoque B. La technique de conjugaison appliquée aux méningocoques A, C, Y et W ne fonc- tionne pas pour le méningocoque B. On Tableau I

Evolution de la couverture vaccinale méningocoque C : proportion de personnes vaccinées depuis janvier 2010 (EGB)

Age 24 mois 3-9 ans 10-14 ans 15-19 ans 20-25 ans

2011. . . 48, 0 % . . . 29,2 % . . . 14,9 %. . . 8,6 % . . . 1,7 % 2012. . . 54,1 %. . . 36,8 % . . . 20,6 %. . . 13,3 % . . . 2,8 % 2013. . . 56,4 %. . . 46,2 % . . . 24,8 %. . . 17,0 % . . . 4,0 % 2014. . . 64,0 %. . . 53,6 % . . . 28,7 %. . . 20,5 % . . . 5,4 % 2015. . . 69,8 %. . . 59,8 % . . . 31,9 %. . . 23,0 % . . . 6,6 % 2016. . . 70,9 %. . . 65,6 % . . . 35,7 %. . . 25,5 % . . . 10,1 %

Figure 3

Taux de notification des infections invasives à méningocoque C, en France, de 2006 à 2016 (Santé publique France, déclarations obligatoires)

Figure 4

Modification de la recommandation du vaccin anti-méningococcique C dans le calendrier vaccinal 2017

1-14 ans 15-24 ans

3,5 3,0 2,5

0,5 0

2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016

1,0 1,5 2,0

< 1 an

(Taux de notification/100 000 habitants)

25 ans

Introduction du vaccin conjugué C (1-24 ans) dans le calendrier vaccinal

(7)

novembre 2017 ne produit pas d’anticorps efficaces contre

le méningocoque B par cette méthode.

La reverse vaccinology a permis d’abou- tir à un vaccin protéique dont l’efficaci- té de terrain a été démontrée, principa- lement en Grande-Bretagne : le vaccin Bexsero®. Avec une couverture vaccina- le de 95,5 % pour la première dose et de 88,6 % pour la seconde (à l’âge de 6 mois), l’efficacité est de 82,9 % (IC 95 % : 24,1 - 95,2) [11]. Même si des questions demeurent quant à la durée

de l’immunité et à l’efficacité sur le por- tage, ce vaccin ne peut être qu’un pro- grès, qui devrait permettre de réduire l’incidence des méningites à méningo- coque B, sérotype le plus fréquent sur notre territoire.

Trumemba®, autre vaccin anti-ménin- gocoque B est aussi un vaccin pro- téique, mais il ne comporte qu’une pro- téine de deux sous-familles. Il est desti- né aux adolescents et n’est pas encore commercialisé en France.

On aimerait pouvoir allonger la liste : nouveau BCG, plus efficace ou actif sur la transmission du pathogène, vaccin contre le sida, mais aussi contre Ebola ou le Zika…

Quel intérêt à élargir l’obligation vacci- nale ? La réponse tient en un seul mot : PROTÉGER.

L’auteur déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles (expertise, conseil, conférence, congrès) pour les laboratoires GSK, Sanofi Pasteur, Novartis, Pfizer, AstraZeneca.

Références

[1] TUBIANA S., BELCHIOR E., GUILLOT S. et al. : « Monitoring the impact of vaccination on pertussis in infants using an active hospital-based pediatric surveillance network », Pediatr. Inf. Dis.

J.,2015 ; 34 :814-20.

[2] AMIRTHALINGAM G., ANDREWS N., CAMPBELL H. et al. :

« Effectiveness of maternal pertussis vaccination in England : an observational study », Lancet,2014 ; 384 :1521-8.

[3] GAUDELUS J. : « Vaccin hépatite B et affections aiguës dé- myélinisantes dont la sclérose en plaques », Méd. Enf.,: 2008 ; 28 :418-23.

[4] HERNAN M.A., JICK S.S., OLEK M.J., JICK H. : « Recombinant hepatitis B vaccine and the risk of multiple sclerosis. A prospective

study », Neurology,2004 ; 63 :838-42.

[5] LANGER-GOULD A., QIAN L., TARTOF S.V. et al. : « Vaccines and the risk of multiple sclerosis and other central nervous sys- tem demyelinating diseases », JAMA Neurol.,2014 ; 71 :1506-13.

[6] ANGOULVANT F., LEVY C., GRIMPREL E. et al. : « Early im- pact of 13-valent pneumococcal conjugate vaccine on communi- ty-acquired pneumonia in children », Clin. Infect. Dis.,2014 ; 58 : 918-24.

[7] BEN SHIMOL S., GIVON-LAVI N., LEIBOVITZ E. et al. : « Near- elimination of otitis media caused by 13-valent pneumococcal conjugate vaccine (PCV) serotypes in southern Israel shortly after sequential introduction of 7 valent/13 valent PCV », Clin. Infect.

Dis.,2014 ; 59 :1724-32.

[8] DAGAN R., PELTON S., BAKALETZ L., COHEN R. : « Preven-

tion of early episodes of otitis media by pneumococcal vaccines might reduce progression to complex disease », Lancet Infect.

Dis.,2016 ; 16 :480-92.

[9] HAUT CONSEIL DE LA SANTÉ PUBLIQUE : « Avis relatif à la vaccination antiméningococcique C », 9 décembre 2016, www.hcsp.fr/explore.gi/avisrapportsdomaine?clefr-593.

[10] DE GEEFF S.C., DE MELKER H.E., SPANJAARD L. et al. :

« Protection from routine vaccination at the age of 14 months with meningococcal serogroup C conjugate vaccine in the Ne- therlands », Pediatr. Inf. Dis. J.,2006 ; 25 :79-80.

[11] PARIKH S.R., ANDREWS N.J., BEEBEEJAUN K. et al. : « Effec- tiveness and impact of a reduced infant schedule of 4CMenB vac- cine against group B meningococcal disease in England : a natio- nal observational cohort study », Lancet,2016 ; 388 :2775-82.

Références

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