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Les prospérités du vice Michel Husson,

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Les prospérités du vice

Michel Husson, Regards, juin 2006

Malgré les discours catégoriques sur les bienfaits du libéralisme, sa mise en œuvre se heurte à toute une série d’obstacles et de désaveux. On pense bien sûr au point d’arrêt mis en France au processus de déconstruction du droit du travail, mais on peut trouver d’autres exemples dans les pays voisins.

L’Allemagne, la principale économie européenne, est aujourd’hui enferrée dans une double contradiction qui découle de ses orientations libérales. Le blocage absolu des salaires instauré par le gouvernement rouge-vert a certes permis de rétablir la compétitivité, et les exportations ont augmenté de 30 % entre 2000 et 2005. Mais la demande intérieure, plombée par cette austérité salariale, a reculé dans le même temps de 2 %. Les réformes du marché du travail ont conduit à des créations d’emplois précaires qui n’ont pas réussi à compenser les baisses d’emplois standard et les réductions d’effectifs dans les services publics.

Le sentiment d’insécurité suscité par ces « réformes » a conduit à une progression du taux d’épargne qui est venue peser encore plus sur la croissance.

La seconde contradiction découle des choix budgétaires du gouvernement de grande coalition qui a décidé d’augmenter la TVA. Une telle mesure est présentée par certains comme un moyen de se protéger de la mondialisation, à l’échelle d’un pays ou de l’Europe. Et elle va effectivement renchérir le prix des importations sans toucher à celui des exportations, tout en dégageant des recettes supplémentaires qui permettront à l’Allemagne de se rapprocher des critères édictés par le Pacte de stabilité. Mais il n’y a pas de miracle : ce surcroît d’impôt va rogner le pouvoir d’achat des salariés et mettre fin rapidement à l’esquisse de reprise économique. Bref, l’excellent élève allemand, qui applique fidèlement les recettes libérales, n’est pas prêt de sortir de la langueur économique et du chômage de masse. Ce n’est donc pas un hasard si le débat sur l’introduction d’un salaire minimum bat son plein en Allemagne.

Au Royaume-Uni, la mobilisation des fonctionnaires, ainsi que les pitoyables résultats du parti travailliste aux dernières élections, ont conduit le gouvernement à revenir en arrière sur le dossier des retraites et à rétablir l’indexation des pensions sur les salaires et non plus sur les prix. Certes, cette mesure n’interviendrait qu’en 2012 et serait compensée par une augmentation de l'âge de la retraite de 65 à 66 ans d'ici 2020, mais elle représente néanmoins un double constat d’échec. La finance n’a pas tenu ses promesses et le repli de la Bourse a conduit à une faillite virtuelle de nombreux fonds de pension. Et la baisse du taux de remplacement assuré par les retraites publiques, qui avait déjà chuté de 20 % à 13 % au cours de la dernière décennie, devenait socialement insoutenable.

En Espagne, l’accord que Zapatero est en train de finaliser avec les syndicats fait le pari douteux que l’assouplissement des CDI permettra de réduire la proportion de salariés sur contrats de travail temporaires (34 %). Mais ses considérants récusent le postulat libéral selon lequel la flexibilité permet d’améliorer la productivité et la compétitivité.

Voilà autant de remises en causes implicites que l’on peut rapprocher d’une contribution récente de Patrick Artus, l’économiste en chef d’Ixis (ex-Caisse des dépôts). Corrélations statistiques à l’appui, il montre que le « vice » l’emporte sur la « vertu » (1). Ce sont en effet les pays où l’augmentation des coûts de production, de l'endettement, des déficits extérieurs et des prix de l'immobilier a été la plus forte qui ont le mieux réussi à faire reculer le chômage et à créer des emplois. En sens inverse, les pays « vertueux », ceux qui ont fait des efforts particuliers en matière d'innovation, de productivité ou d'exportation, ont enregistré de mauvais résultats sur le front de l’emploi. Une personne rationnelle pourrait se demander s’il ne faut pas remettre en cause le précepte de l’évangile qui fait de la progression des salaires un vice. Mais telle n’est pas la logique de l’économiste orthodoxe, qui conclut autrement : « il faut donc attendre plus de 10 ans pour obtenir les bénéfices associés à la vertu ». Et combien de temps faudra-t-il aux gardiens du temple pour abandonner leur croyance obstinée dans le dogme ?

(1) Patrick Artus, « Quelles semblent être les meilleures stratégies pour réduire le chômage ? Un hommage au vice et à la patience », Flash n°2006-134, mars 2006. http://hussonet.free.fr/cdc6134.pdf

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