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Compréhension des mécanismes d'actionneur des pommes de pin pour améliorer les performances des biocomposites hygromorphes

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-01623672

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Submitted on 25 Oct 2017

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Compréhension des mécanismes d’actionneur des pommes de pin pour améliorer les performances des

biocomposites hygromorphes

Antoine Le Duigou, Johnny Beaugrand, Mickael Castro

To cite this version:

Antoine Le Duigou, Johnny Beaugrand, Mickael Castro. Compréhension des mécanismes d’actionneur

des pommes de pin pour améliorer les performances des biocomposites hygromorphes. Journées Na-

tionales sur les Composites 2017, École des Ponts ParisTech (ENPC), Jun 2017, 77455 Champs-sur-

Marne, France. �hal-01623672�

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Compréhension des mécanismes d’actionnement des pommes de pin pour améliorer les performances des biocomposites hygromorphes

Actuation mechanism of pine cone scale to evidence further development for hygromorph biocomposites

Antoine Le Duigou1, Johnny Beaugrand2,3 et Mickael Castro1

1Composite material group, Univ-Bretagne Sud, FRE CNRS 3744, IRDL, F 56100 Lorient, France

2 UMR FARE, INRA, Université de Reims Champagne-Ardenne, 51686, Reims, France

3Biopolymères Interactions Assemblages (BIA), INRA, rue de la Géraudière, F-44316 Nantes, France

*Corresponding Author E-mail: antoine.le-duigou@univ-ubs.fr

Résumé

L’écaille de pomme pin est notre modèle pour établir une démarche de bioinspiration. Il s’agit d’un actionneur hygromorphe dont la réponse est déclenchée par une variation d’humidité et donc de teneur en eau au sein des tissus. Sa compréhension (microstructure, actionnement et durabilité) permettra de transférer les principes acquis vers les biocomposites hygromorphes.

L’observation d’une écaille montre une structure hiérarchique complexe incluant différentes zones (charnière, corps et apophyse) et différents tissus (fibres sclérenchymes et sclérides) organisés à la manière d’un bilame ou d’un stratifié à empilement asymétrique.

Soumis à une variation d’humidité, l’expansion hygroscopique différentielle des tissus, liée à l’architecture hiérarchique (de la paroi aux tissus puis à l’empilement), provoque un moment fléchissant. En réalité, les écailles présentent une double courbure avec la présence d’un point de bifurcation à une humidité relative d’environ 30%.

Soumis à un environnement naturel (variations d’humidité continuelles), les pommes de pin subissent une fatigue hygro- mécanique traduit par une baisse de leurs propriétés interlaminaires et par une réduction de l’amplitude de leur réponse.

Pourtant, elles conservent une capacité d’actionnement étonnante. Après analyses morphologique et microstructurale des écailles, l’hypothèse de l’influence de la double courbure et donc de l’état de contrainte au sein des écailles sur la durabilité apparaît prometteuse.

Abstract

Pine cone scales is our model to establish a biosinspiration approach. Actually they could be considered as hygromorph actuators whose response (opening/closure) is triggered by a moisture gradient. Understanding their behavior will enable to transfer fundamental principle towards hygromorph bicomposites.

A pine cone scale is composed of a complex hierarchical structure including different zones (hinge, corps and apophyse) and different tissues (fibre sclerenchyma and sclerides) organized as a bilayer or asymmetrical laminate.

When a moisture variation occurs, differential hygroscopic expansion between tissues, due to their own hierarchical microstructure at the cell-wall scale, implies a bending moment. In reality, pine cone scales exhibit a double curvature with a bifurcation point at a dedicated relative humidity, RH= 30%.

A natural environment yields to continuous moisture variation. Thus, pine cone scale could undergo a hygro-mechanical fatigue process which reduces interlaminar properties and actuation response. However, they keep an amazing actuation ability despite ageing phenomenon. Through morphological and microstructural analysis, the hypothesis of the influence of double curvature and stress state inside the scale on actuation and durability appears relevant.

Mots Clés : Actionneur hygromorphe, bioinspiration, microstructure Keywords : Hygromoph actuator, bioinspiration, microstructure

1. Introduction

Outil d’innovation, de conception et même potentiellement d’éco-conception, la bio-inspiration

impose un changement de paradigme par rapport aux méthodes d’ingénieries et de recherche

conventionnelles. Elle impose l’observation, la compréhension de systèmes naturels, l’extraction

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2

d’informations fondamentales puis leurs transferts vers l’objet ou le système en développement. La bioinspiration est actuellement considérée comme un outil stratégique d’un développement économique durable par le conseil économique, social et environnemental (CESE)[1].

D’un point de vue purement sémantique, les actionneurs hygromorphes sont des systèmes végétaux à microstructure architecturée, anisotrope, de type bilame. Leur réponse, mouvement ou effort, est déclenchée par le gradient d’humidité qui génère un gonflement différentiel entre les tissus [2][3]. Le mouvement ou déploiement des actionneurs hygromorphes s’effectue principalement pour assurer la dissémination des graines. Dans le cas d’une pomme de pin, l’ouverture s’effectue par temps sec où le transport des graines par le vent sera efficace [4]. Contrairement aux systèmes synthétiques, les tissus végétaux sont capables d’assurer à la fois un rôle d’actionneur et de soutien mécanique. Ils peuvent alors développer un grand déplacement et une force élevée, le tout associé à une masse réduite [5].

Parmi les actionneurs hygromorphes naturels les plus étudiés, on retrouve par exemple l’écaille de pomme de pin [2][6][7][8][9][10], les épis de blé (T. turgidum ssp.)[11], la plante de la résurrection (Selaginella lepidophylla)[12], certaines succulentes (D nakurense)[13]….

Pour les écailles de pomme de pin, les travaux disponibles dans la littérature proposent une description simple de leur microstructure assimilable à un bilame [2]. Des travaux récents évoquent la complexité de la réponse avec l‘apparition d’une courbure transversale et d’une bifurcation à une humidité donnée [9]. La durabilité de ces actionneurs a été évoquée par Poppinga et al. [10] sans pour autant relier les paramètres microstructuraux à l’actionnement.

Le mouvement des actionneurs hygromophes est souvent considéré comme lent (plusieurs dizaines de minutes), limité par le transport de l’eau dans leur microstructure poreuse [2][14]. On les distingue alors des actionneurs actifs dont le mouvement est déclenché par un stimulus électrique impliquant une variation de pression osmotique combinée à une instabilité mécanique (flambement) comme pour Dionaea muscipula [15] par exemple. La vitesse de ces actionneurs est sans commune mesure avec les actionneurs passifs. L’extrapolation de ces systèmes par bioinspiration conduit la plupart du temps au développement d’actionneurs électro-actifs. Les travaux présentés ici se focalisent uniquement sur les actionneurs passifs pour des raisons de simplicité et de robustesse. Leur description et leur compréhension seront étudiés en vue de transférer les concepts pertinents pour le développement de biocomposites aux nouvelles fonctionnalités de type ‘morphing’.

L’objectif de ce travail est de mieux appréhender la microstructure d’écailles sélectionnées avec précaution, en combinant les observations par des analyses biochimiques. L’accent est ensuite mis sur l’identification des mécanismes de dégradations des écailles notamment dans la zone interlaminaire, par des tests de cisaillement sur poutres courtes sur des éprouvettes plus ou vieillies.

Comprendre ce phénomène permettra de lever des verrous concernant la conception d’actionneurs hygromorphes dans lesquels cette zone est critique.

2. Matériaux et méthodes 2.1. Matériaux

Des pommes de pin

(Pinus pinaster)

sont prélevées sur le même arbre et la même branche à des intervalles de temps réguliers afin obtenir des échantillons plus ou moins vieillis naturellement. De ces échantillons, les écailles de la partie centrale des pommes de pin sont conservées pour réduire la variabilité [6] de la réponse. Pour chaque pomme de pin, le lot d’écailles est subdivisé en deux groupes : test de la réponse d’actionnement et test des propriétés interlaminaires (ILSS).

2.2. Méthodes expérimentales

2.2.1. Cinétiques de diffusion d’eau

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3

Les différentes éprouvettes ont été initialement conditionnées dans une salle climatisée, à 50%

d’humidité relative et à température ambiante (23°C). Elles ont ensuite été immergées dans de l’eau distillée à température ambiante jusqu’à ce que la saturation soit atteinte. Au cours du vieillissement humide, un suivi gravimétrique régulier a permis de tracer l’évolution de la teneur en eau (Eq.1).

100

0 0

×

= − m

m

Mt m

t (Eq. 1)

2.2.2 Composition biochimique

Huit écailles de pomme de pin ont été disséquées pour séparer les parties ‘ zone charnière’ des parties

‘corps principal’ (cf Fig 3) pour être regroupées dans deux lots qui ont ensuite été broyés (à approximativement 200 µm) afin d’homogénéiser biochimiquement le lot et gommer l’effet d’une potentielle variabilité inter écaille. Les polymères polyosidiques (sucres) comme la cellulose (homopolymère linaire de glucose) et les hémicelluloses et pectines (heteropolymères ramifiés et hydrophiles) ont ensuite été quantifiés par hydrolyse à l’acide sulfurique concentré suivit d’une détermination par chromatographie HPLC (high pressure liquid chromatography) [16]. En parallèle, les lignines (polyphénols en 3D hydrophobe), après les polyosides seconde famille en masse de polymère constitutif des écailles, ont été quantifiés par la technique de référence ‘Klason’ [17]qui est une approche de dégradation séquentielle par des solvants de drasticité croissante.

2.2.3. Mesure de l’angle d’actionnement

La variation d’angle liée au mécanisme d’actionnement est estimée périodiquement lors de l’immersion en eau desionisée d’écailles par analyse d’images d’un échantillon encastrée (d’une profondeur de 10 mm) (Fig 1).

Fig. 1 Photographie d’une écaille de pomme de pin (Pinus Pinaster) extraite du tiers milieu (b) et mouvement d’une écaille induite par une variation de RH (immersion). Les flèches rouges représentent la variation d’angle lors de l’immersion

Au moins 5 écailles sont étudiées et la variation d’angle moyennée. Le logiciel d’analyse d’images utilisé est ImagJ® (National Institutes of Health, USA).

2.2.4. Propriétés interlaminaires

Les tests interlaminaires ou flexion sur poutres courtes sont effectués sur la zone de charnière respectant la norme ISO 178-1975. L’hypothèse géométrique sur le rapport d’épaisseurs est posée : t

fibres sclérenchymes

/t

sclérides

= 0.5 sur l’ensemble de la longueur de l’écaille et L

charnière

= 10 x h

slérides

. Seules les propriétés à rupture sont évaluées, car les essais ne permettent pas de mesurer précisément la déformation et donc d’accéder à un module de cisaillement.

3. Résultats et discussion

(5)

4

3.1. Etude de la microstructure

3.1.1 Echelle globale

Les écailles sont sélectionnées suivant leur zone de prélèvement dans la pomme de pin (Fig. 2a). Pour ce travail, les écailles sont prélevées dans la zone médiane afin de réduire les sources d’incertitudes liées aux variations de conditions de croissance.

Fig. 2 Photographie d’une pomme de pin (Pinus pinaster) (a), d’une écaille de pomme de pin (Pinus Pinaster) extraite du tiers milieu (b) et mouvement d’une écaille induite par une variation de RH (immersion). Le rectangle rouge représente la zone charnière

En première approche, une écaille de pomme de pin possède deux zones distinctes, le corps principal, et une zone particulière pilotant visiblement la réponse, nommée la zone « charnière » (en rouge sur la fig. 2b et c). Des analyses de compositions biochimiques exprimées en % de la matière sèche d’écaille, réalisées en différenciant la charnière du reste de l’écaille montrent une différence notable notamment en terme de lignine, d’hémicelluloses et de pectines (Tab. 1).

Tab. 1 Composition biochimique des écailles

Zone de charnière Corps principal Cellulose 35.4 ± 1.6 % 30.3 ± 0.7 % Hémicelluloses 22.1 ± 0.6 % 17.8 ± 0.3 % Lignine 29.9 ± 0.3 % 39.4 ± 0.3 % Pectines 1.26 ± 0.1 % 0.94 ± 0.1 %

On note que la zone de charnière est beaucoup plus riche en polyoside (58 versus 49 %) et appauvrit en lignine (un tiers de moins) que le corps principal de l’écaille. On peut s’attendre de fait à une plus grande capacité d’interactions avec l’eau dans la zone de charnière puisqu’elle est particulièrement riche en hémicelluloses et pectines riches en groupement hydroxyles ‘hydrophiles’ susceptibles de fixer des molécules d’eau. De plus, la moins grande proportion de lignine ‘hydrophobe’, même si avec 29% c’est, de fait, un tissu assez lignifié, semble souligner cette adaptation de la nature à disposer de propriétés graduelles au sein de l’écaille en terme d’hygroscopie.

3.1.2 Echelle des tissus/fibres

L’observation de la section d’une écaille à partir d’une coupe transversale effectuée dans la zone de charnière (Fig. 4a) montre qu’en première approximation, la microstructure d’une écaille peut être assimilable à un bilame nano-structuré ou à un stratifié asymétrique (Fig 3b). Il s’agit d’ailleurs de l’hypothèse très majoritairement développée dans la littérature. La zone de transition (interphase) entre couches est très peu discutée malgré son rôle central dans le transfert de charge hygroscopique et donc dans la réponse des écailles. Les écailles sont constituées de deux types de tissus organisés

Apophyse

Charnière Corps principal

(a) (b) (c)

(6)

5

sous forme de faisceaux de fibres, i.e. les fibres sclérenchymes (environ 35%) et les sclérides (environ 65%) (Fig. 3a). Cette répartition change sensiblement suivant la localisation des écailles sur la pomme de pin [6].

Fig. 3 Section d’une écaille de pomme prélevée dans la zone charnière (a), représentation schématique de la constitution d’un bilame hygromorphe (b) [18]

Evaluée à l’aide de microtomographie et d’outils de CAO (Fig 4a et b), le rapport des épaisseurs des tissus (sclérides et sclérenchymes) varie suivant l’axe longitudinal L de l’écaille (Fig. 4c et d), mais finalement peu selon l’axe transverse (non montrée ici). Il existe donc une singularité géométrique au niveau de l’apophyse (extrémité de l’écaille) dont le rôle reste encore inconnu.

Les propriétés hygro-élastiques de ces deux tissus diffèrent fortement (E

fibre

= 4.53± 0.9 GPa, E

sclérides

= 0.86 ± 0.05 GPa, β

fibre

= 0.06 ± 0.05 ε/RH et β

sclérides

= 0.20 ± 0.04 ε/RH) [8]. Les fibres sclérenchymes apportent la rigidité à l’écaille et seront considérées comme la phase passive alors que les sclérides, de par leur forte expansion hygroscopique seront considérées comme la phase active du bilame (Fig. 3b). Quelques précautions sont à prendre face à ces seules valeurs disponibles dans la littérature. Tout d’abord, ces valeurs représentent à priori les propriétés suivant l’axe longitudinal de l’écaille pour une humidité et une concentration en eau qui demeurent inconnues [8]. Ces tissus, pouvant être assimilés à des fibres de bois, ont un comportement isotrope transverse. Ceci laisse donc penser que les écailles devraient être assimilées à un bilame à double courbure.

Fig 4 Géométrie globale et détails de la microstructure d’une écaille de pomme de pin (a-b), evolution du rapport d’épaisseur entre tissus (c-d)

Fibre sclérenchyme

sclérides

(a) (b)

(b)

Position (mm)

5 10 15 20 25 30 35 40 45

m = ep/ea

0.0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8

(a)

(c)

L (d)

T L

T

(7)

6

3.1.3 Echelle des parois

Enfin, l’échelle inférieure de la microstructure hiérarchique est celle de la paroi et in fine de ces constituants. Dawson et al. [8] évoquent une fraction de cellulose d’environ 20% et le reste d’hémicelluloses, de pectines et des lignines (≈ 80%). Les analyses biochimiques sur l’ensemble de l’écaille, démontrent une différence notable notamment en terme de cellulose et d’hémicelluloses (tableau 5). Ces dernières valeurs sont proches de celles observées pour les fibres de bois (tension ou compression) rapportés dans les travaux de Joffre et al. [19].

Au-delà de la composition biochimique, la microstructure des fibres et de la paroi S2 conditionne les propriétés hygro-élastiques. Les parois sont constituées d’une matrice hydrogel (hémicelluloses, pectines et lignines) dont le gonflement est modulé par la fraction de cellulose et son angle d’enroulement (MFA) le long de la fibre. Ainsi les fibres sclérenchymes possèdent un angle microfibrillaire d’environ 30 ± 2° et 74 ± 5° pour les sclérides [8].

Les observations au MEB mettent également en avant que les fibres sclérenchymes et sclérides possèdent un taux de remplissage différent. Les fibres sclérenchymes sont composées de parois épaisses à l’inverse des sclérides. Outre le rapport rigidité/masse, ce milieu poreux favorise le transport de l’eau par capillarité [2][14].

3.2 Mécanisme d’actionnement

La réponse d’un actionneur hygromorphe est déclenchée par un gradient d’humidité. Ce dernier provoque le gonflement des différents tissus qui engendre la courbure de l’écaille. Rarement étudiée dans la littérature, la zone de transition entre couches se doit d’être de qualité suffisante afin de réduire le délaminage et permettre le développement de force et de déformation hors-plan [20].

Immergées, la réponse de l’écaille s’opère en deux étapes avec une variation d’angle (angle formé par la différence de positions des écailles entre l’état à RH=50% et l’immersion) rapide suivie d’une stabilisation. La Fig. 5a montre l’évolution de la réponse d’écailles prélevées au milieu de différentes pommes de pin. Le temps de réponse médian est d’environ 100 minutes. Toutefois, une dispersion importante est constatée tant au niveau de la cinétique que de l’amplitude maximale liée à l’âge des pommes de pin. Des précautions sont donc nécessaires quant à leur sélection et leur caractérisation.

Le transport de l’eau au sein des écailles pilote leur réponse (Fig 5b).

Fig 5 Evolution de la variation d’angle avec le temps d’immersion (a) et évolution en fonction de la prise de masse (b)

Entre 0 et 10%, une période de latence est constatée suivi par une relation quasi-linéaire entre la variation d’angle et la teneur en eau (entre 10 et 20%) (Fig 5b). Dans cette gamme de temps, l’eau absorbée provoque un gonflement des parois, un gonflement différentiel entre tissus et donc la réponse de l’écaille. Ensuite, l’écaille continue à absorber de l’eau sans pour autant induire une réponse supplémentaire (Fig. 5b). Ce phénomène, peu étudié dans la littérature, peut être lié à la modification du transport de l’eau au sein du milieu poreux lié au gonflement des parois ou à des potentiels endommagements.

Temps immersion (min)

0 100 200 300 400 500 600

Variation Anglepaisseur /mm)

0 20 40 60 80 100 120 140 160 180

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11

Prise de masse (%)

0 20 40 60 80

Variation d'angle (°/mm)

0 20 40 60 80 100 120 140 160

I II III

(a (b

(8)

7

La prédiction de la réponse des écailles est effectuée en l’assimilant à un bilame hygroscopique.

Reyssat et al. [2] ont proposé de modifier la théorie des poutres bilames de Timoshenko [21] en substituant l’expansion thermique par l’expansion hygroscopique. Les valeurs déterminées sont dans une gamme acceptable lorsque confrontées aux valeurs expérimentales. Toutefois, la géométrie prise en compte est très simplifiée et seule la courbure longitudinale est considérée. Des travaux très récents [9] ont mis en évidence la présence d’une courbure transverse, confirmant notre hypothèse, évoluant avec l’humidité relative.

3.3 Interactions entre tissus et mécanismes de dégradation

L’ouverture et la fermeture d’une pomme de pin ont un objectif de dissémination des graines qui représente normalement un laps de temps relativement court. Mais combien de fois pourra-t-elle s’ouvrir/se fermer sans une baisse de ses propriétés ? Se dégradera-t-elle sous l’effet d’une fatigue hygromécanique ? Les bilames synthétiques sont connus pour être sensibles au délaminage, qu’en est-il des écailles ?

Des travaux récents [4] ont mis en avant que des pommes de pin fossilisées datant de 11 à 16 millions d’années répondaient toujours à une variation d’humidité grâce au processus de carbonification.

Même si leur réponse est nettement plus faible qu’une pomme de pin récente, l’observation est extrêmement encourageante pour imaginer développer des actionneurs hygromorphes résilients où la maintenance ne serait pas une problématique. Les mécanismes de dégradation et les relations avec la microstructure se sont pas établies.

La Fig 6a présente le faciès de rupture de l’écaille par délaminage entre couches de sclérides et fibres sclérenchymes. Ceci confirme que l’essai de flexion sur poutre courte permet la caractérisation de cette zone. Il est néanmoins possible d’observer des résidus de sclérides sur les fibres sclérenchymes, illustrant donc une rupture partiellement cohésive (Fig. 6b).

Fig 6 Faciès de rupture montrant le délaminage entre tissus (a), la rupture cohésive au sein des sclérides (b).

Une vaste gamme de propriétés interlaminaires à l’état sec, de 2.6 ± 1.2 MPa à 41 ± 2.2 MPa (Fig.

7a), est obtenue ce qui témoigne de l’apparition d’un phénomène d’endommagements des écailles.

La dégradation des écailles est suivie par des analyses biochimiques sur deux lots extrêmes, numéro 8 (ILSS =33.05 ± 4.0 MPa) et 11 (ILSS = 6.9 ± 3.0 MPa). Le corps principal est très peu affecté par le vieillissement alors que la partie « charnière » subit une perte d’environ 10% des hémicelluloses.

Des isothermes de sorption effectués sur ces deux lots d’écailles montrent une capacité de sorption légèrement supérieure pour le lot aux propriétés les plus faibles, ce qui corrobore les hypothèses de dégradation hygro-mécanique et d’une modification biochimique.

Les tests effectués sur écailles saturées en eau montrent une baisse drastique des propriétés interlaminaires de l’ordre de 60 % par rapport à l’état sec (RH = 50%) (Fig. 7a).

Malgré la dispersion des résultats, on peut constater une relation entre l’ILSS et la réponse des écailles. Plus l’écaille possède des propriétés interlaminaires élevées, plus sa réponse (variation d’angle) est ample (Fig 7b).

(a) (b)

(9)

8

Fig 7 Propriétés interlaminaires d’écailles conditionnées à 50% RH saturés (immersion) suivant un classement croissant (a), évolution de la variation d’angle en fonction des propriétés interlaminaires des écailles à 50% RH (b)

Les écailles possédant une interphase faible, et donc vieillies, auront une réponse nettement plus rapide que leurs homologues (Fig. 8). Ce type d’observation est typique d’une dégradation induite par fatigue hygro-mécanique.

Fig 8 Evolution de la vitesse d’actionnement en fonction de la contrainte de cisaillement interlaminaire pour différentes écailles de pommes de pin

La zone interlaminaire est une zone de dégradation privilégiée. La baisse des propriétés interlaminaires réduit l’amplitude de réponse des écailles, ce qui rejoint les observations de Poppinga et al. [4]. Toutefois, un très faible ILSS (quelques MPa) permet tout de même d’actionner les écailles (Fig 7b). La problématique peut se résumer ainsi : Quels sont les mécanismes (mécanique ou géométrique) permettant d’assurer la fonction de l’écaille sur une durée de temps élevée avec des propriétés interlaminaires aussi faibles ?

D’un côté, l’analyse de la microstructure et de la géométrie d’une écaille a mis en avant une zone charnière pilotant la variation d’angle et possédant une composition biochimique distincte du reste de l’écaille. Une autre singularité concerne l’apophyse (extrémité de l’écaille). La réaction de cette zone est moindre alors que sa composition biochimique varie également (plus de lignine). Son rôle devra être appréhendé.

De l’autre côté, les propriétés hygro-élastiques des fibres ne sont pas connues. Toutefois, leur empilement produit une réponse plus complexe qu’une simple courbure, i.e. une double courbure avec bifurcation à une humidité donnée

[9]

. L’analyse de l’état de contrainte au sein de l’écaille

ILSS (MPa)

0 10 20 30 40 50

Actuation speed (°.min-1)

0 2 4 6 8 10 12 14

50% RH Loi de puissance Numero d'écaille

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13

Interlaminar Shear Strength (MPa)

0 10 20 30 40 50

ILLS 50% RH ILSS SATURE

InterLaminar Shear Strength (MPa)

0 10 20 30 40 50

Variation Angle (°)

0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200

50% RH Log Fit

(b) (a)

(10)

9

permettra d’infirmer ou de confirmer le rôle de cette architecture sur la réponse de l’écaille et donc d’envisager s’en servir comme source d’inspiration pour concevoir des actionneurs hygromorphes durables.

4. Conclusion

L’écaille de pomme pin est, dans un premier temps, notre modèle pour établir une démarche de bioinspiration. Il s’agit d’un actionneur hygromorphe dont la réponse est déclenchée par une variation d’humidité et donc de teneur en eau au sein des tissus.

Tout d’abord un protocole rigoureux de sélection a été mis en place. Les pommes de pin sont sélectionnées sur le même arbre, la même branche et les écailles prélevées dans la zone médiane des pommes de pin.

L’observation d’une écaille montre une structure hiérarchique complexe incluant différentes zones (charnière, corps et apophyse) et différents tissus (fibres sclérenchymes et sclérales) organisés à la manière d’un bilame (ou laminé asymétrique). Suivant l’axe longitudinal des écailles, la répartition des tissus ainsi que la composition biochimique varient.

Soumis à une variation d’humidité, l’expansion hygroscopique différentielle des tissus, liée à l’architecture de leurs parois, provoque un moment fléchissant par l’intermédiaire d’un transfert de charge par la zone interlaminaire (puis par les lamelles mitoyennes).

Assimilable à une poutre bilame, les propriétés interlaminaires (ILSS) des écailles sont caractérisées par des essais de flexion sur poutre courte.

Soumis à un environnement naturel (variation d’humidité continuelle), les pommes de pin subissent une fatigue hygro-mécanique qui réduit leurs propriétés interlaminaires et leur amplitude de leur réponse. Toutefois, malgré des ILSS, dans certains cas très faibles, les écailles continuent de se mouvoir.

L’analyse de la géométrie des écailles et de leur microstructure engendre l’hypothèse suivante : l’anisotropie des tissus, la double courbure et donc de l’état de contrainte au sein des écailles permettrait d’assure la fonction primaire de l’écaille malgré la dégradation.

L’étape suivante sera donc l’estimation des propriétés élastiques des fibres constitutives des sclérides et des fibres sclérenchymes par modélisation numérique et méthode inverse.

Références

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