• Aucun résultat trouvé

La prise en charge antalgique du travail et de l'accouchement par l'analgésie péridurale : enquête sociologique sur la position des sages-femmes face à ce dispositif

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "La prise en charge antalgique du travail et de l'accouchement par l'analgésie péridurale : enquête sociologique sur la position des sages-femmes face à ce dispositif"

Copied!
72
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: dumas-01919548

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01919548

Submitted on 12 Nov 2018

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

La prise en charge antalgique du travail et de l’accouchement par l’analgésie péridurale : enquête sociologique sur la position des sages-femmes face à ce

dispositif

Sarah Mellouk

To cite this version:

Sarah Mellouk. La prise en charge antalgique du travail et de l’accouchement par l’analgésie péridu- rale : enquête sociologique sur la position des sages-femmes face à ce dispositif. Gynécologie et ob- stétrique. 2018. �dumas-01919548�

(2)

I

UNIVERSITE DE VERSAILLES SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES

UFR DES SCIENCES DE LA SANTE SIMONE VEIL

Département de maïeutique

MEMOIRE DE DIPLOME D’ETAT DE SAGE-FEMME

DE L’UNIVERSITE DE VERSAILLES SAINT–QUENTIN–EN-YVELINES

DISCIPLINE / SPECIALITE : Maïeutique

Présenté par :

Sarah MELLOUK

En vue de l’obtention duDiplôme d’Etat de sage-femme

La prise en charge antalgique du travail et de

l'accouchement par l'analgésie péridurale

Enquête sociologique sur la position des sages-femmes face à ce dispositif

Soutenu le : Jeudi 28 juin 2018

DIRECTRICE DE MEMOIRE

Mme Aurélie Racioppi Sage-femme Doctorante en sociologie

JURY

Mme Elodie Prot Sage-femme enseignante, UVSQ Mme Sophie Prudhomme Sage-femme enseignante, UVSQ Mme Hélène Malmanche Doctorante en sociologie

Numéro national d’étudiant : 2504075177V

(3)

II

Avertissement

Ce mémoire est le fruit d’un travail approuvé par le jury de soutenance et réalisé dans le but d’obtenir le diplôme d’Etat de sage-femme. Ce document est mis à disposition de l’ensemble de la communauté universitaire élargie.

Il est soumis à la propriété intellectuelle de l’auteur. Ceci implique une obligation de citation et de référencement lors de l’utilisation de ce document.

D’autre part, toute contrefaçon, plagiat, reproduction illicite expose son auteur à des poursuites pénales.

(4)

III

Remerciements

Mes plus sincères remerciements :

A Aurélie Racioppi pour sa gentillesse, sa disponibilité, sa réactivité ainsi que ses conseils et remarques précieuses qui ont permis l'écriture de ce mémoire.

A l'ensemble de l'équipe pédagogique pour votre bienveillance et votre accompagnement durant ces années d'études.

Aux sages-femmes qui ont accepté de participer à cette étude.

A mes parents, pour avoir fait de moi ce que je suis, pour vos encouragements et votre aide si précieuse. Merci de m'avoir toujours poussée à donner le meilleur de moi-même.

A mes frères et ma sœur, pour leur participation à l'élaboration de ce mémoire et leur relecture, mais surtout pour leur bonne humeur et leur soutien moral.

Une pensée pour les autres et plus particulièrement à mes cousins Sohayb et Walid.

Et enfin à Amine, pour son soutien sans faille et son réconfort dans les moments difficiles, mais aussi pour sa présence, son affection et sa tendresse au quotidien.

(5)

IV

Table des matières

AVERTISSEMENT II

REMERCIEMENTS III

TABLE DES MATIÈRES IV

LISTE DES ANNEXES VII

LEXIQUE VIII

TITRE ET RÉSUMÉ IX

TITLE AND ABSTRACT XI

INTRODUCTION 1

I. CONTEXTE 3

I.1 Brève histoire de la prise en charge des douleurs de l'accouchement 3

I.1.1 Les gaz anesthésiants 4

I.1.2 L'accouchement sans douleur 4

I.1.3 L'analgésie péridurale 5

I.2 La médicalisation de la naissance 6

I.2.1 La transformation des acteurs de la naissance 6

I.2.2 De la maison à la maternité 10

I.2.3 Le développement des maternités 10

I.2.4 La technicisation de la naissance 11

I.3 La problématique de l'analgésie péridurale 11

I.3.1 L'anesthésie péridurale 11

I.3.2 Logique du risque, logique de l'organisation 12

(6)

V

I.3.3 Modification de la pratique des sages-femmes 14

II. MATÉRIEL ET MÉTHODES 17

II.1 Objectifs et hypothèses 17

II.2 Type d'étude 17

II.3 Outil méthodologique et déroulement de l'étude 17

II.4 Participants 18

II.5 Variables retenues 18

II.6 Stratégies d'analyse 18

II.7 Considérations éthiques et réglementaires 19

III. RÉSULTATS 20

III.1 Les caractéristiques des sages-femmes interrogées. 20

III.2 Le métier de sage-femme 21

III.2.1 Sage-femme : une vocation ? 21

III.2.2 Les missions de la sage-femme 23

III.2.3 Les aspects positifs et négatifs du métier 24

III.3 Les sages-femmes et l'accompagnement 27

III.4 Les sages-femmes et l'autonomie. 28

III.5 Les sages-femmes et l'analgésie péridurale en pratique. 30

III.5.1 Les rôles attribués à la péridurale 30

III.5.2 Les aspects négatifs de l'analgésie péridurale 32

III.6 Un accompagnement différent : la pratique des sages-femmes en salle de naissance 32

III.7 Les freins à l'accompagnement des femmes sans analgésie péridurale 35

III.7.1 La charge de travail 35

III.7.2 La peur du risque 36

III.7.3 Le manque de préparation à l'accouchement 36

III.7.4 Une société anti-douleur 37

III.7.5 Un manque de moyens 38

III.8 La perception des sages-femmes sur la technicité 38

III.8.1 De nouvelles compétences 38

III.8.2 La technicité en pratique 39

(7)

VI

IV. DISCUSSION 40

IV.1 Analyse des résultats 40

IV.1.1 L'accompagnement versus la surmédicalisation et la rationalisation des soins. 40

IV.1.2 L'identité et l'autonomie remisent en question. 43

IV.2 Perspectives 46

IV.2.1 Préparation à l'accouchement et réaménagement des salles de naissance 46

IV.2.2 L'avenir dans les maisons de naissance ? 47

IV.3 Limites, biais et forces de l'étude 49

CONCLUSION 50

BIBLIOGRAPHIE 51

ANNEXES 56

(8)

VII

Liste des annexes

Annexe I : Photographie du mannequin de Madame du Coudray. ... 57 Annexe II : La Roue Roma ... 58 Annexe III : Trame de l'entretien ………..…59

(9)

VIII

Lexique

ASD : Accouchement sans douleur APD : Analgésie péridurale

PCEA : Patient Controlled Epidural Analgesia ou analgésie contrôlée par le patient OMS : Organisation Mondiale de la Santé

INSERM : Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale IRDES : Institut de Recherche et Documentation en Economie de la Santé CNGOF : Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français.

CIANE : Collectif Interassociatif Autour De La Naissance

(10)

IX

Titre et résumé

La prise en charge antalgique du travail et de l'accouchement par l'analgésie péridurale.

Enquête sociologique sur la position des sages-femmes face à ce dispositif

La naissance s'est aujourd'hui entourée d'un cadre médical et institutionnalisé, où l’analgésie péridurale joue un rôle majeur dans la prévention des soins et la rationalisation de l'activité. Nous nous sommes intéressés au point de vue des sages-femmes concernant ce nouveau mode de prise en charge des parturientes.

Objectifs : Comprendre d'un point de vue sociologique comment les sages-femmes perçoivent le dispositif d'analgésie péridurale. Il s'agit de comprendre comment cet outil modifie leurs pratiques, la perception qu'elles ont de leur métier et leur identité professionnelle.

Matériel et méthodes : Etude non interventionnelle, descriptive, qualitative et multicentrique basée sur l'analyse d'entretiens directs semi-directifs.

Résultats : La majorité des sages-femmes ont un point de vue positif sur l'analgésie péridurale. Elles ne considèrent pas moins accompagner les parturientes sous péridurale mais proposent un accompagnement différent et réussissent à trouver un équilibre entre les compétences techniques et le relationnel. Le principal frein à l'accompagnement des femmes ne souhaitant pas recourir à cette méthode analgésique est le manque de moyens matériels et organisationnels. Le modèle une femme/ une sage femme est l'idéal évoqué par la plupart des sages-femmes interrogées. Elles réclament également plus de reconnaissance professionnelle et une revalorisation de leurs compétences auprès des professionnels de santé et de la population générale.

(11)

X

Mots-clés : Sage-femme, analgésie péridurale, accompagnement, technicité, autonomie

(12)

XI

Title and Abstract

Analgesic management of labor and delivery with epidural analgesia

Sociological survey on the position of midwives in this setting.

Birth has today been framed by a medical and institutionalized framework, where the epidural plays a major role in the awarness of care and the rationalization of the activity. We’re questionning ourselves from the midwives' point of view about this new care for parturients.

Objective: Understand from a sociological point of view how midwives detect the method of epidural analgesia. It is about understanding how this tool changes their practices, their perception of their work and their professional identity.

Methods : Material and methods: Non-interventional, descriptive, qualitative and multicentric study based on the analysis of direct semi-directive interviews.

Results : Most of midwives have a positive image on epidural analgesia. They do not consider less to care of the parturients under epidural but offer a different care and manage to find a balance between technical competences and relational. The main obstacle to supporting women who do not wish to resort to this analgesic method is the lack of time of material and organizational resources. The model one woman/ one midwife is the ideal evoked by most of the midwives interviewed. They also demand more professional recognition and a revaluation of their skills among health professionals and the general population.

Keywords : Midwife, epidural analgesia, caring, technicality, autonomy

(13)

1

Introduction

Pendant des millénaires, l'accouchement est longtemps resté un évènement pratiqué dans la plus stricte intimité dans le foyer des femmes, celles-ci étant accompagnées par les matrones. Depuis plusieurs siècles pourtant, nous avons assisté à une mutation. La naissance s'est aujourd'hui entourée d'un cadre médical et institutionnalisé, conséquence de plusieurs siècles d'innovations techniques et de transformations autour des acteurs de la naissance. Notamment, la profession sage- femme émerge dans la deuxième moitié du 18ème siècle et se professionnalise progressivement, comme nous le verrons plus en détail dans la partie "contexte".

Aujourd'hui reconnue comme profession médicale, les compétences des sages-femmes sont cependant limitées par la physiologie et sont définies par le Code de la Santé Publique. Leur rôle est basé sur le besoin ancestral des femmes à être accompagnées pendant leur accouchement, mais aussi pendant leurs différentes périodes de leur vie sexuelle et reproductive. Ainsi, il s'étend maintenant du suivi gynécologique des femmes jusqu'au suivi de grossesse, de l'accouchement et du post partum. Plusieurs auteurs comme B. Jacques, J. Gelis ou encore P.

Cresbon nous démontrent dans leurs ouvrages que cette notion d'accompagnement est perçue par les professionnelles comme une compétence intrinsèque aux sages- femmes [1, 2, 3]. Elle a cependant été bouleversée par la médicalisation de la naissance et notamment par l'arrivée de l'analgésie péridurale dans les salles de naissance. En effet, accompagner les parturientes d'aujourd'hui, c'est accompagner 80% de femmes bénéficiant d'une analgésie péridurale [4]. De plus, cet outil permet, entre autres, la prise en charge de plusieurs patientes en simultané, ce qui impacte fortement les pratiques d'accompagnement des sages-femmes.

Les sages-femmes hospitalières d'aujourd'hui sont donc soumises à deux logiques paradoxales, si ce n'est contradictoires, qui modèlent à la fois leurs pratiques et leur identité professionnelle.

(14)

2

- Une logique d'accompagnement et de soutien psychologique des parturientes dans ce grand évènement qu'est la naissance.

- Une logique médicale et médico-technique permettant d'assurer un maximum de sécurité aux patientes.

Ce sont ces logiques contradictoires et les reconfigurations de leur identité professionnelle qui en découlent qui nous ont amenées à nous intéresser à ce que pensent les sages-femmes d'une technique telle que la péridurale. En effet, nombreuses sont les études qui ont analysé le profil des femmes souhaitant accoucher sans péridurale, leurs motivations et les moyens mis en œuvre pour soulager la douleur du travail et de l'accouchement. Cependant, peu d'études s'intéressent à la vision des sages-femmes sur ce dispositif qui a bouleversé leurs pratiques.

L'objectif de ce travail sera donc de mettre à jour ces différentes formes de reconfigurations et d'en expliquer les logiques sous-jacentes en s'appuyant sur les trajectoires professionnelles des sages-femmes interrogées ainsi que sur leurs représentations.

Dans une première partie, nous retracerons l'histoire de la prise en charge antalgique de l'accouchement et plus largement celle de la médicalisation de la naissance. Nous décrirons également l'évolution des acteurs de la naissance et en particulier l'émergence de la profession de sage-femme. Dans cette partie, nous exposerons également les problématiques engendrées par l'analgésie péridurale, notamment pour ces professionnelles. La deuxième partie sera consacrée à l'analyse des résultats de notre enquête sociologique. Enfin, nous discuterons des principaux résultats obtenus, des perspectives ainsi que des limites et forces de notre étude.

(15)

3

I. Contexte

I.1 Brève histoire de la prise en charge des douleurs de l'accouchement

De tous temps, l'accouchement a été une épreuve douloureuse pour la femme. Toutes les sociétés à travers les siècles ont tenté d'atténuer ces souffrances : plantes médicinales, remèdes empiriques, invocations et rituels [5] …

A l'ère judéo-chrétienne, au Moyen Age, la perception de la douleur est largement influencée par le Christianisme. Le célèbre adage biblique (Génèse 3 : 16) déclare

"Tu enfanteras dans la douleur", justifiant le rachat de la faute originelle : l'idée de la douleur comme principe rédempteur des pêchés est très présente [6]. Au fil des siècles, le sens et l'utilité que donne la société à la douleur évoluent : le rapport à la douleur se transforme selon le changement des mentalités et les avancées scientifiques [6]. Longtemps considérée comme secondaire par rapport à la maladie ou encore comme corollaire inévitable, la douleur était ignorée et restait le fardeau personnel des patients. Au cours du siècle des Lumières, le sujet de la douleur est rediscuté : pour certains la douleur est utile à la guérison et doit donc s'exprimer, pour d'autres elle est néfaste et doit être supprimée [6]. De nos jours la connaissance des mécanismes physiopathologiques générateurs de douleur permet de ne plus considérer celle-ci comme inéluctable et elle devient une priorité de Santé Publique.

Elle fait désormais partie intégrante des soins et les soignants ont pour devoir de prendre en charge la douleur de leur patient [7]. Le code de la Santé Publique indique que "toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée" [8].

La peur de souffrir s'est donc emparée de notre société. Ainsi, nous sommes aujourd'hui dans une ère anti-doloriste où les produits analgésiques sont banalisés et

(16)

4

où la majorité des individus recherche des modes de soulagement simples et efficaces.

I.1.1 Les gaz anesthésiants

C'est au XIXème siècle que les techniques pour soulager les douleurs de l'accouchement se développent. A cette époque, on utilise le protoxyde d'azote, d'abord utilisé pour les extractions dentaires. Puis, l'éther est utilisé par James Young Simpson en 1847 pour les accouchements difficiles. Vient ensuite le chloroforme, utilisé en chirurgie puis en obstétrique [9]. Bien que controversée par l'Eglise, cette technique se répand finalement grâce notamment à son utilisation en 1853 par Sir John Snow qui en administre à la Reine Victoria pour son huitième accouchement, introduisant ainsi l'expression "l'anesthésie à la Reine" [10].

I.1.2 L'accouchement sans douleur

Au début des années 1950, se développe l'accouchement sans douleur (ASD) appelé aussi la psychoprophylaxie. Cette méthode d'origine soviétique, repose sur la conviction que l'accouchement est un acte physiologique. Elle est introduite en France par le Dr Lamaze, accoucheur à la maternité de la Polyclinique des Métallurgistes (Maternité des Bluets). Celle-ci part du postulat que la passivité des femmes ainsi que leur ignorance des processus mis en jeu lors du travail et de l'accouchement amènent la soumission, la peur et donc la douleur. Ainsi, elle consiste à éduquer la femme en lui enseignant le savoir anatomique et physiologique de l'accouchement [11]. La femme alors préparée peut désormais contrôler son accouchement et en être active. A l'aide d'exercices de respiration, de massages, de marche, d'hypnose, de postures, les femmes reprennent confiance dans leur capacité à mettre au monde leur bébé. Cette méthode quoique controversée, sera associée à des valeurs féministes. Elle sera approuvée par le pape Pie XII, levant alors les réticences des milieux catholiques générant ainsi le succès de cette méthode [12].

Cependant, elle s'essoufflera au cours des années 1970. En effet, si certains ont vu dans cette méthode une grande avancée pour l'émancipation féminine,

(17)

5

d'autres la critiquent et la dénoncent comme une escroquerie. Les femmes sont déçues et considèrent que les promesses de l'accouchement sans douleur ne sont pas tenues. Certaines proclament que l'ASD néglige la douleur de l'accouchement et visent seulement à discipliner les femmes [11].

I.1.3 L'analgésie péridurale

L'analgésie péridurale est une technique d'anesthésie loco-régionale consistant à introduire dans l'espace péridural un cathéter, permettant la diffusion d'un d'anesthésique local, souvent associé à un dérivé morphinique. Elle permet donc la diminution ou la suppression de la douleur en préservant la proprioception et la motricité. C'est donc une technique analgésique et non anesthésique [13].

Ce sont deux médecins français, Sicard et Cathelin qui effectuent à la fin du XIXème siècle les premières rachianesthésies, d'abord à la cocaïne puis avec de nouveaux dérivés morphiniques. Ces découvertes permettent l'essor de l'analgésie obstétricale sous la forme des anesthésies locales et loco-régionales, dont l'application la plus courante est la péridurale.

La première analgésie péridurale lombaire utilisée pour un accouchement date de 1921. Cette technique tombe néanmoins peu à peu dans l'oubli en France, alors qu'elle se développe aux Etats Unis [14].

C'est dans les années 1970 que l’analgésie péridurale prend sa place dans les maternités françaises. D'abord utilisée lors des accouchements à risque de césarienne et d'extractions instrumentales, elle est ensuite généralisée à toutes les parturientes. L’analgésie péridurale se présente comme un élément de confort et comme une garantie de sécurité pour la mère et l'enfant. S'inscrivant dans le plan de périnatalité de lutte contre la douleur de 1994, elle est remboursée à 100% par la Sécurité Sociale cette même année. Cette mesure prise par Simone Veil, s'inscrit comme une victoire des femmes accédant enfin à un droit fondamental, celui du soulagement de la douleur de l'accouchement [15].

(18)

6

I.2 La médicalisation de la naissance

Aujourd'hui, la majorité des naissances s'effectue à l'hôpital (moins de 1% des accouchements ont lieu à domicile) et il semble que cela soit évident, à la fois pour la majorité des femmes et des couples attendant un enfant et pour la plupart des professionnels. Cela relève d'une approche particulière de la naissance, spécifique à la France, qui place le risque potentiel rattaché à la grossesse et à l'accouchement au centre de la prise en charge. Cela implique l'utilisation de moyens de surveillance, de dépistages et de techniques visant à anticiper et contrôler ce risque, la péridurale faisant partie intégrante de ces moyens. Cette organisation de la naissance est la conséquence d'évolutions progressives qui ont lieu entre le XVIème et le XIXème siècle : la professionnalisation des matrones, l'émergence du métier de sage-femme (nous verrons ces évolutions historiques plus en détails par la suite), l'apparition des hommes accoucheurs au chevet des parturientes puis la création des maternités.

I.2.1 La transformation des acteurs de la naissance I.2.1.1 De la matrone à la sage-femme

Pendant des milliers d'années, les femmes ont accouché à la maison, dans un espace clos et familier, dans le lieu habituel de vie, assistées par un entourage exclusivement féminin et dirigé par la matrone au centre. Jusqu'au XVIIIème siècle, la pratique de l'accouchement était un art réservé à ces dernières.

Souvent analphabètes, elles apprennent le métier avec les plus âgées. Ce sont des femmes ayant donné preuve de leur fécondité : avoir été au moins une fois mère est la condition principale. Par ailleurs, une nombreuse progéniture qualifie d'autant plus la matrone pour cette fonction. Elles ont la plupart du temps passé l'âge d'enfanter, afin d'être libre de leurs mouvements. Elles sont nommées par le curé et les femmes du village, après avoir eu la chance de mener à bien deux ou trois accouchements successifs. Les matrones s'occupent des accouchements, mais

(19)

7

aussi des toilettes mortuaires [16]. Cependant, A partir du XVIème siècle, celles-ci font l'objet de critiques virulentes et sont mises peu à peu de côté. Elles sont soupçonnées par les hommes d’Eglise de pratiquer des avortements, des infanticides, des abandons d'enfants et même de la sorcellerie. Puis, à partir des années 1750, c'est leur manque d'instruction qui est remis en cause, notamment par les médecins « barbiers-chirurgiens », qui de leurs côtés souhaitent revaloriser leur corps et prendre une place auprès des parturientes en augmentant leur activité [14].

C’est pourquoi une rapide formation est engagée par le pouvoir royal. La toute première école d'accouchement apparaît dans les années 1630, à la maternité de l'Hôtel Dieu de Paris. Dans les années 1750, Madame Le Boursier du Coudray (formée à l'Hôtel Dieu), diffusera l'enseignement de l'art de l'accouchement grâce à son mannequin de démonstration (annexe 1) au-delà des grandes villes pour le rendre accessible aux autres matrones et sages-femmes. Elle sera la première sage- femme à enseigner l’art de l’accouchement. Elle formera également nombre de chirurgiens [17]. A la suite de cela, des cours seront étendus à toute la France entre 1759 à 1783. L'Etat promeut ainsi le remplacement de la matrone par la sage- femme, formée à l'école de l'art, afin d'instaurer un contrôle dans l'univers des couches. Dans les villes, les matrones sont donc remplacées par les sages-femmes bénéficiant d'une instruction et recrutées par les municipalités pour venir prêter secours aux femmes pauvres. Ces dernières deviennent alors les gardiennes d'un contrôle moral et social. Cependant, les matrones continuent d'exercer dans la France rurale et pratiquent illégalement des accouchements, alors que cet exercice est passible d’amendes et de prison. Une coexistence entre les sages-femmes diplômées et les matrones persistera jusqu’en 1860 [3].

I.2.1.2 L'avènement des accoucheurs

Dès le XVIIème siècle, les médecins accoucheurs, issus du corps des chirurgiens, purent progressivement prendre part aux accouchements. Ils sont d'abord appelés pour les manœuvres difficiles, puis commencent peu à peu à rédiger des traités d'obstétriques et participent aux accouchements, même ordinaires. Ils

(20)

8

introduisent dans le même temps de nouveaux instruments, tels que les leviers ou les forceps.

Peu à peu, les "maîtres chirurgiens" s'intéressent de plus en plus à l'art de l'accouchement. Ambroise Paré, Jacques Guillemeau puis plus tard François Mauriceau sont des exemples de figures qui font peu à peu de l'obstétrique une spécialité à part entière. A partir de cette époque, les chirurgiens commencent à supplémenter les sages-femmes auprès des parturientes. C'est avec l'avènement des forceps (fin du XVIIème) et de la césarienne que les chirurgiens obtiennent le monopole de la pratique de l'obstétrique. Les sages-femmes, elles, devaient déjà faire appel à un accoucheur lorsque l'accouchement se présentait mal [2].

Maintenant, l'accoucheur devient le plus compétent en matière d'accouchement aux yeux des femmes des milieux aisés, celui-ci ayant acquis reconnaissance et prestige auprès de l'aristocratie et de la haute bourgeoisie.

Ils imposent alors la position sur le dos. Celle-ci, plus convenable pour un homme (par rapport aux positions plus courantes telles que la position accroupie ou le quatre-pattes dans lesquelles les femmes accouchaient naturellement) leur permet de réaliser des manœuvres et d'employer leurs instruments plus facilement [10].

Le déclin des sages-femmes commence à partir de 1982, avec la création du corps des accoucheurs. Elles se voient interdire l'utilisation des instruments cette même année [18].

I.2.1.3 L'évolution de la formation au métier de sage-femme

Madame La Chapelle crée la première école de sage-femme en 1802. A partir de 1803, les sages-femmes doivent suivre des cours théoriques et des cours de pratique dans les hôpitaux. Leur formation dure un an. Elles sont nombreuses et autonomes dans leur exercice et se déplacent au domicile des parturientes. Ces nouvelles diplômées, plus jeunes et plus aisées, remplacent peu à peu les matrones dans les campagnes.

La formation sage-femme passe ensuite à 3 ans en 1943. Elles sont désormais officiellement reconnues à travers la délivrance d'un diplôme d'Etat pour valider le cursus. Mais cette mesure instaure également une première année

(21)

9

commune avec les études d'infirmières, créant la confusion entre le caractère médical de la profession sage-femme et celui paramédical de la profession infirmière.

Cette année commune sera supprimée en 1973. En 1985, une année d'étude est ajoutée à la formation qui passe alors à 4 ans [19]. La profession s'ouvre aux hommes avec la loi du 19 mai 1982, supprimant ainsi la nécessité de qualités féminines requises pour l'exercice du métier [20].

Malgré la complexification des études, l'élargissement de leur champ de compétences et l'équité de sexe, la sage-femme perd de son exclusivité auprès des parturientes. En effet, avec la médicalisation de la naissance et l'émergence de nouvelles professions autour de celle-ci (infirmière, auxiliaires puéricultrices, obstétriciens, anesthésistes, assistantes sociales…), la sage-femme prend petit à petit la place d'auxiliaire. L'expansion des techniques et la place laissée de plus en plus grande à la pathologie entraînent une dépendance des sages-femmes envers les obstétriciens.

Le XXIème siècle lui sera marqué par de grandes réformes. A partir de 2003, les sages-femmes sont recrutées parmi les étudiants en première année de médecine et la formation dure 5 ans. Les écoles se rapprochent progressivement des universités. Dans le même temps, les compétences des sages-femmes évoluent. En 2004, la loi de Santé Publique redonne aux sages-femmes la possibilité de déclarer la grossesse, de pratiquer l'examen post natal, de prescrire certains contraceptifs, de réaliser certaines vaccinations, de prescrire des examens pour la surveillance des grossesses normales ou encore de prescrire des médicaments inscrit sur une liste fixée par le Ministère de la Santé [21] : la place de la sage-femme est remise en question. Désormais, la sage-femme moderne travaille principalement en milieu hospitalier, possède des compétences médicales élargies et dispose de nouvelles techniques pour la prise en charge des patientes. Cependant, celles-ci restent liées à des protocoles et des habitudes de service laissant ainsi une autonomie seulement relative aux sages-femmes.

(22)

10

I.2.2 De la maison à la maternité

I.2.2.1 Le développement des maternités

Au XVIIème siècle, la mortalité en couches concerne 1 à 2% des accouchements. Ce taux pouvant s'élever jusqu'à plus de la moitié à certaines périodes et dans certains lieux [16].

Pendant que se généralise le recours aux hommes auprès des parturientes, les maternités se développent en France. Cependant le taux de mortalité dû aux fièvres puerpérales est effrayant. Jusqu'au milieu du XIXème siècle, les maternités restent réservées aux femmes les plus miséreuses, les plus pauvres et les plus seules. Ce n'est qu'avec les travaux de Semmelweis, de Lister puis de Pasteur que les pratiques d'asepsie, d'antisepsie et de stérilisation vont permettent de faire chuter la mortalité dans les maternités. A la fin du XIXème siècle, la modernisation des maternités se développe, la sécurité et le confort sont améliorés.

Au XIXème siècle, c'est donc le développement de l'obstétrique, de l'anesthésie et de l'hygiène qui bouleverse le monde de la naissance. De nouvelles structures hospitalières sont ainsi crées afin d'amener le basculement des accouchements à domicile vers le milieu hospitalier, débutant ainsi la médicalisation de l'accouchement [3].

Dans les années 1930, la majorité des naissances dans les grandes villes s'effectuent à l'hôpital. Entre les deux guerres, on assiste à une véritable diminution démographique où l'on observe un déficit des naissances par rapport aux décès [16].

Des mesures sont alors prises par les pouvoirs publics pour encourager les naissances (assurance maternité, consultations de grossesse, prise en charge de l'accouchement…). A la sortie de la Seconde Guerre Mondiale, d'autres droits sont accordés aux femmes (valorisation de l'assurance maternité, création de la Sécurité Social, prolongement du congé maternité…) permettant ainsi la normalisation de l'accouchement à l'hôpital [22].

(23)

11 I.2.2.2 La technicisation de la naissance

Au cours du XXème siècle se développent les techniques de surveillance du travail et de l'accouchement. Dans les années 1950, Emmanuel Friedman invente le partogramme. La prise en charge du travail devient alors active lorsqu'il ne se déroule pas assez rapidement. On introduit donc la rupture artificielle des membranes et l'emploi des ocytociques dans les années 1960. Parallèlement se développe l'échographie obstétricale. En 1980, c'est l'enregistrement toco- cardiographique fœtal qui fait son apparition dans les maternités [23].

Tous ces outils approuvés au moment de leur essor des femmes comme des professionnels de santé contribuent à faire de la naissance l'objet d'une surveillance accrue, se manifestant par l'augmentation des interventions techniques médicales pour une meilleure sécurisation des naissances.

I.3 La problématique de l'analgésie péridurale

I.3.1 L'anesthésie péridurale

Depuis son utilisation obstétricale dans les années 1980, l’analgésie péridurale est l'une des techniques les plus largement utilisées pour faire face à la douleur de l’accouchement. Le recours à l'analgésie péridurale en France est l'un des taux les plus élevé au monde. Son emploi est passé de 3,9 % en 1981 à 66,5 % en 1998 et 81% en 2010 [4].

Il est admis de dire qu'aujourd'hui la péridurale est l'outil le plus efficace et le plus utilisé pour soulager les douleurs du travail et de l'accouchement. De nos jours, les doses sont assez bien adaptées pour créer, dans la majorité des cas, une bonne analgésie sans supprimer les sensations de l'accouchement et l'état de conscience de la parturiente n'est pas altéré. Ainsi, la parturiente est censée, grâce à cette technique, être "installée en acteur autonome, rationnel et maître de ses décisions"

[24]. Elle est supposée être pleinement consciente de son environnement, des choix qui lui sont proposés et des informations qui lui sont délivrées. Celle-ci peut vivre pleinement l'arrivée au monde de son nouvel enfant sans se trouver totalement

(24)

12

absorbée par une douleur intense. La plupart des patientes adhèrent donc à ce mode d'analgésie afin d'accueillir leur nouveau-né, désireuses de ne plus subir les douleurs, à leurs yeux effrayantes et/ou inutiles de l'accouchement. Mais comme tout acte médical, la péridurale possède aussi son lot d'effets indésirables. D'une part, on peut parfois assister à un échec, une insuffisance d'efficacité ou une asymétrie d'analgésie. La péridurale peut aussi induire des hypotensions maternelles (facteur de morbidité fœtale par diminution du débit sanguin utérin), des lombalgies au point de ponction et plus rarement des complications neurologiques [25].

D'autre part, elle peut également avoir des effets sur le travail et l'accouchement. Une étude publiée dans la Cochrane en 2012 démontre que l'analgésie péridurale est responsable de travails plus longs (deuxième phase allongée), que le risque de césarienne ainsi que le risque d'extractions instrumentales sont augmentés et que le recours au travail dirigé par ocytocine est plus important. Elle souligne aussi que la péridurale peut provoquer des blocs moteurs, des problèmes de rétention urinaire et l'augmentation de fièvres maternelles au cours du travail [26].

I.3.2 Logique du risque, logique de l'organisation

En France, l'APD s'inscrit dans une logique de maîtrise et d'anticipation du risque. En effet, l'obstétrique française s'est construite autour d'une vision de l'accouchement comme processus physiologique mais comportant un risque potentiel pour la mère et l'enfant, celui-ci pouvant basculer à tout moment et de façon tout à fait imprévisible dans la pathologie [27]. Ce risque n'est jamais totalement écarté tant que l'enfant n'est pas né. Ainsi, tout accouchement est risqué, même lorsque la grossesse s'est déroulée normalement.

En réalité, la péridurale répond aujourd'hui à deux logiques : celle du risque et celle de l'organisation.

En premier lieu, la péridurale offre aux professionnels une plus grande liberté d'action, tant dans le diagnostic des complications que dans leur prise en charge.

(25)

13

C'est ce que D. Carricaburu nomme la rationalisation de l'activité formelle [28]. Ainsi, la péridurale représente une sécurité car elle évite la réalisation d'une anesthésie générale particulièrement risquée chez la femme enceinte en cas de nécessité d'anesthésie (césarienne etc…), amène à réaliser plus facilement des gestes invasifs et permet de contenir le risque et de réagir rapidement au moment de l'accouchement [23]. C'est pourquoi le choix d'avoir recours ou non à une analgésie péridurale peut paraître, aux yeux de certains soignants, secondaire comparativement à la sécurité que ce dispositif permet pour l'accouchement. C'est également pour cette raison que la consultation pré anesthésique en vue d'une analgésie péridurale est rendue obligatoire par le décret du 9 octobre 1998 sur la périnatalité. Celle-ci s'adresse à toutes les patientes, même celles qui ne souhaitent pas, a priori, d'analgésie péridurale [29].

D'autre part, l'autre grand avantage de la péridurale pour les professionnels est ce qu'appelle D. Carricaburu la rationalisation de l'activité matérielle. Elle permet d'organiser les évènements et de coordonner le travail entre les différents professionnels de santé [28]. En effet, une femme bénéficiant d'une analgésie péridurale ne peut pas se lever de son lit et est constamment monitorée. Sa surveillance en devient alors facilitée car le personnel est averti en cas d'incident par les alarmes des moniteurs. Si l'analgésie péridurale fonctionne correctement, elle n'aurait pas (ou peu) besoin de soutien pour gérer la douleur. Elle peut discuter tranquillement avec la personne qui l'accompagne, lire ou se reposer. A l'inverse, une patiente sans péridurale demande une présence quasi constante de son conjoint ou de la personne l'accompagnant, mais aussi une grande disponibilité du personnel soignant, en particulier de la sage-femme. La parturiente peut attendre de celle-ci un investissement plus grand, avec des gestes et des paroles qui l'aideront à gérer la douleur.

La prise en charge des femmes en salle de naissance est donc systématiquement rationalisée, ceci résultant non seulement de la sécurisation des soins et de la médicalisation de la naissance mais aussi de l'augmentation de la charge de travail, associée à la diminution des coûts structurels et à l'augmentation des tailles des services de naissance. La péridurale permet d'augmenter la vitesse

(26)

14

d'exécution des actes médicaux et la surveillance par les appareils de monitorage permet aux sages-femmes de prendre en charge plusieurs femmes en même temps.

I.3.3 Modification de la pratique des sages-femmes

Ainsi, l'utilisation massive de l'analgésie péridurale à partir des années 80 a profondément modifié la pratique des sages-femmes. La douleur qu'était obligée de supporter chaque femme en couche peut aujourd'hui être supprimée ou fortement diminuée, si tel est son choix et si les conditions sont réunies. La sage-femme était confrontée inévitablement à la souffrance des parturientes alors que de nos jours (sauf situations particulières), celles-ci peuvent choisir d'être analgésiées ou non. Si certaines femmes évoquent dès le début de grossesse le souhait d'avoir recours à une péridurale, d'autres "craquent" une fois le travail débuté. Mais il existe aussi un grand nombre de femmes refusant d'accoucher avec ce dispositif ou qui essayent d'en retarder le recours le plus possible. Il suffit de consulter des forums de discussions sur internet, d'assister aux cours de préparation à la naissance ou à des consultations de suivi de grossesse pour se rendre compte que cette question est centrale dans les préoccupations des femmes enceintes et que les femmes désireuses d'accoucher sans analgésie péridurale sont de plus en plus nombreuses.

Par exemple, AMJ. Horta démontre dans son mémoire que les femmes ne souhaitant pas de péridurale expliquent leur choix par la volonté de vivre leur accouchement de la manière la plus naturelle possible [30]. Elles expriment donc l'envie d'un accouchement plus traditionnel, naturel et non surmédicalisé. Cela fait partie des thèmes centraux dans les débats actuels qui remettent en cause cette médicalisation de l'accouchement et les enjeux de pouvoir entre soignant et soigné. Selon une étude de l'INSERM (L'Institut national de la Santé et de la Recherche Médicale) de 2010, un quart (26%) des femmes avait déclaré pendant leur grossesse ne pas vouloir de péridurale et 52% d'entre elles l'ont finalement reçue. L'étude démontre que ces résultats sont plus expliqués par l'organisation des soins au cours du travail qui va amener à la pose de péridurale plutôt que par le profil de la femme [31].

(27)

15

Dans le même esprit, certaines femmes expriment un attrait pour les maternités plus petites à dimension humaine, où les sages-femmes sont davantage disponibles.

En effet, si la péridurale efface la composante somatique de la douleur, elle n'a aucun rôle sur l'importante composante psychologique de l'accouchement. Or, l'accompagnement des patientes dans la gestion de leur douleur tient une place centrale dans les représentations que les sages-femmes ont de leur profession.

Comme le montre P. Clave dans son mémoire, la majorité des sages-femmes reconnaissent une part psychologique à la douleur, qu'elles assimilent à la peur, à l'angoisse. La peur de la douleur, de l'accouchement, de l'hôpital, mais aussi la peur de (re)devenir mère [32]. L'accouchement est l'aboutissement d'un chemin, d'une transformation amenant à la confrontation avec un bébé qui devient réalité.

L'intensité de ce bouleversement psychique varie d'une femme à l'autre, en fonction de son environnement, de son état d'esprit, de son histoire et des contacts qu'elle a eu avec l'équipe soignante. Par conséquent, comme l'exprime une sage-femme interrogée par P. Clave, certains professionnels regrettent qu'avec les femmes sous analgésie, l'accompagnement ne soit plus au centre de leur pratique. Elle nous dit :

"Une part du métier de sage-femme serait tronquée, car elles [les sages-femmes] ne seraient plus là pour apprendre à gérer la douleur" [24].

Cela corrobore les résultats de F-X. Schweyer pour qui le vécu de l'accouchement serait aux dires des sages-femmes sous l'emprise des techniques médicales et moins fonction de leur assistance psychologique. Or, pour beaucoup d'entre-elles, cet accompagnement est une des spécificités de la profession. Elles évoquent également un autre rapport au temps. Elles revendiquent en effet le temps de l'accouchement qu'elles accompagnent de bout en bout. Il s'agit pour elles de l'activité la plus caractéristique de leur profession [15]. Cette notion d'accompagnement est une compétence dévolue et reconnue aux sages-femmes qui s'est développée au fil de leur pratique au chevet des femmes. Les sages-femmes sont supposées être disponibles, assurer une écoute et mener à bien l'accouchement en se conformant le plus possible aux désirs du couple. Pourtant, le contexte actuel de prise en charge de l'accouchement parait rendre difficile cette

(28)

16

forme d'accompagnement individualisé. Ce constat est d'autant plus important qu'il engage l'avenir politique de la pratique des sages-femmes.

Les sages-femmes se retrouvent donc dans une position ambivalente, prises entre les compétences relationnelles et les compétences médicales, entre savoir-être et haute technicité. Elles doivent trouver l'équilibre entre la limitation maximale des risques médicaux (politiques de moyens) et la prise en compte des attentes des parturientes. Comme le résume Y. Kniebehler, elles sont prises entre la tradition d'accompagnement des femmes et la modification de leur pratique par la rationalisation des services et la médicalisation [33]. A un niveau politique, la reconnaissance de la profession semble passer, bien que cela peine à voir le jour et ne fasse pas l’unanimité parmi les professionnelles, par l'accession à un statut médical, du même ordre que celui des médecins (dentistes et pharmaciens).

Cependant, l’évolution de la profession est prise par ces tensions entre dimension psychologique ou d'accompagnement, compétences qui sont peu reconnues et peu valorisées scientifiquement et socialement, et dimension médicale. Autrement dit, comment accéder à une véritable reconnaissance pour les sages-femmes sans perdre de leur spécificité ? Dans ce contexte, l'avènement de techniques telle que la péridurale peut être perçu à la fois comme une menace et comme un moyen d'accéder à cette reconnaissance.

(29)

17

II. Matériel et méthodes

II.1 Objectifs et hypothèses

L'objectif de cette étude est de comprendre, d'un point de vue sociologique, comment les sages-femmes perçoivent le dispositif de l'analgésie péridurale. Il s'agit de comprendre comment cet outil modifie leurs pratiques, la perception qu'elles ont de leur métier et leur identité professionnelle.

Notre première hypothèse est que l'importante utilisation de l'analgésie péridurale est perçue comme une menace pour leur identité professionnelle car elle limite leur rôle d'accompagnement, central à leurs yeux. Cependant, nous supposons également que certaines sages-femmes adoptent la technicité comme faisant partie intégrante de leurs compétences et de leurs missions et comme un moyen de prouver leurs capacités techniques et leurs responsabilités médicales.

II.2 Type d'étude

Nous avons choisi d'effectuer une étude non-interventionnelle, descriptive, qualitative et multicentrique basée sur l'analyse d'entretiens directs semi-directifs.

II.3 Outil méthodologique et déroulement de l'étude

Un guide d'entretien a été élaboré afin d'orienter les échanges et de soutenir l'entretien sans le figer (annexe III). Cette grille a été adaptée en cours d'enquête en fonction des résultats obtenus. Adoptant des termes très larges au début, elle a ensuite été affinée par des questions plus précises devant la pauvreté des premiers entretiens. Les questions ont été pensées à l'avance mais leur ordre et leur pertinence a varié en fonction de l'entretien, afin de le rendre le plus "naturel"

possible. Ainsi, les sages-femmes n'ont pas forcément toutes répondu aux mêmes questions. L'objectif était d'obtenir un discours libre qui correspondait aux

(30)

18

interrogations de la recherche. Nos stages en salle de naissance nous ont permis de recruter facilement des sages-femmes volontaires. Celles-ci se sont montrées très intéressées par la thématique de cette recherche. Après accord par mail des cadres de services, nous nous sommes rendus dans trois maternités de niveaux différents (niveau 1, niveau 2B et niveau 3). Les entretiens ont été réalisés de septembre 2017 à février 2018 durant les horaires de garde des sages-femmes interrogées. 1 entretien à été réalisé à domicile. Cet entretien n'a pas été plus long que ceux réalisés sur les lieux de travail. La durée moyenne des entretiens était de 27 minutes (entre 20 et 44 minutes). Chaque entretien a été enregistré afin de pouvoir le réécouter et le retranscrire le plus fidèlement possible à la réalité. Ils ont été ensuite retranscrits et analysés au cours de la même période. L'analyse des résultats s'est poursuivie jusqu'en avril 2018.

II.4 Participants

Nous voulions au départ de l'étude interroger une quinzaine de professionnels d'âge et de sexe différents. Nous n'avons malheureusement pas réussi à recruter de professionnel masculin et avons donc décidé de limiter l'enquête à 12 entretiens : quatre sages-femmes dans les trois niveaux de maternité différents.

II.5 Variables retenues

Nous avons établi deux critères d'inclusion : - Etre sage-femme hospitalière

- Avoir plus de 3 ans d'expérience professionnelle.

II.6 Stratégies d'analyse

Les thèmes suivants ont été abordés lors de nos entretiens :

(31)

19

- Les motivations qui ont poussé les sages-femmes à exercer ce métier - Leur vision du métier de sage-femme

- Le positionnement des sages-femmes par rapport à l'analgésie péridurale - L'accompagnement des parturientes en salle de naissance

- Le questionnement des sages-femmes sur leur autonomie - Le positionnement des sages-femmes par rapport à la technicité - Le profil des sages-femmes interrogées.

Pour analyser ces entretiens, nous avons dans un premier temps réalisé une étude longitudinale des données. Nous avons regroupé dans une grille d'analyse les idées ou les mots clés évoqués par les sages-femmes sous forme de tableau, avec une ligne pour chaque entretien et une colonne pour chaque thème abordé par le guide d'entretien. Puis nous avons comparé les résultats de chaque entretien entre eux en réalisant une analyse longitudinale de cette même grille d'analyse et en regroupant les réponses semblables pour chaque thème étudié. Certains éléments d'analyse ont été apportés directement dans la partie "Résultats". Ceux nécessitant une analyse plus poussée, ont été traités dans la partie "Discussion".

II.7 Considérations éthiques et réglementaires

Les noms des sages-femmes ainsi que leur lieu d'exercice ont été modifiés afin de garantir leur anonymat. Cette étude étant non-interventionnelle et ne modifiant pas la pratique des soins, n'a pas nécessité d'autorisation particulière, hormis celle des cadres de service nous autorisant à nous rendre en salle de naissance pour recruter les sages-femmes volontaires. Nous avons cependant recueilli le consentement oral de l'ensemble des enquêtés.

(32)

20

III. Résultats

III.1 Les caractéristiques des sages-femmes interrogées.

Nous avons interrogé des sages-femmes travaillant dans trois hôpitaux publics d'Ile-de-France. Deux sages-femmes ont une activité mixte (libérale et hospitalière) et une sage-femme travaille à la fois en niveau 1 et en niveau 3. Voici les caractéristiques des sages-femmes enquêtées, par ordre d'années d'expérience : Mme A, 43 ans : travaille en maternité de niveau 1 depuis quinze ans, vingt-deux années d'expérience. A travaillé dans tous les niveaux de maternité.

Mme B, 40 ans : travaille en maternité de type 3 depuis treize ans, dix-huit années d'expérience. A travaillé dans tous les niveaux de maternité.

Mme C, 37 ans : travaille en maternité de niveau 2 depuis quatorze ans et en libéral depuis cinq ans, quatorze ans d'expérience. A travaillé uniquement en maternité de type 2.

Mme D, 36 ans : travaille en maternité de niveau 3 depuis quatorze ans et en libéral depuis trois mois, quatorze ans d'expérience. A travaillé uniquement en maternité de type 3

Mme E, 33 ans : travaille en maternité de niveau 3, dix ans d'expérience. A travaillé uniquement en maternité de type 3.

Mme F, 32 ans : travaille en maternité de niveau 1, huit ans d'expérience. A travaillé uniquement en maternité de type 1.

(33)

21

Mme G, 30 ans : travaille en maternité de niveau 2, six ans d'expérience. A travaillé uniquement en maternité de type 2.

Mme H, 29 ans : travaille en maternité de niveau 1 depuis deux ans, cinq ans d'expérience. A travaillé dans tous les niveaux de maternité.

Mme I, 28 ans : travaille en maternité de niveau 2, cinq ans d'expérience. A travaillé uniquement en maternité de type 2.

Mme J, 28 ans : travailler en maternité de niveau 2 depuis trois ans, cinq ans d'expérience. A travaillé en maternité de type 3 et 2.

Mme K, 28 ans : travaille en maternité de niveau 1 et en maternité de niveau 3 depuis 2 ans, quatre ans d'expérience. A travaillé dans tous les niveaux de maternité.

Mme L, 27 ans : travaille en maternité de niveau 3, depuis deux ans et demi, trois ans d'expérience. A travaillé dans tous les niveaux de maternité.

III.2 Le métier de sage-femme

III.2.1 Sage-femme : une vocation ?

Notre première question à l'entretien consistait à demander aux sages- femmes comment leur était venue l'idée d'exercer ce métier. Nous entendons très souvent parler d'une "vocation sage-femme". La vocation est définie comme "Une destination privilégiée ou naturelle de quelqu'un, du fait de sa nature, de ses caractéristiques" [34].

De même, la phrase "On ne fait pas sage-femme par hasard" a souvent été exprimée lors de notre parcours scolaire par les sages-femmes rencontrées en stage, par nos enseignants ou encore par les patientes. La vocation suppose que l'on choisi notre métier par passion, comme le dirait Stendhal "La vocation, c'est avoir

(34)

22

pour métier sa passion." Pourtant, pour un certain nombre de sages-femmes interrogées, devenir sage-femme n'a pas été une évidence dès le début. Seule trois sages-femmes souhaitaient exercer ce métier depuis leur enfance. Mme L déclare

" Au collège j'ai su que je voulais faire ça. Depuis toute petite je suis intéressée par la grossesse." (Mme L)

Pour Mme G, être sage-femme était le métier qui répondait le plus à ses attentes :

" Je voulais travailler depuis toujours dans le milieu médical […] je trouvais ça à la fois médical et humain […] J'avais envie de m'occuper à la fois des mamans, à la fois des bébés […] Je trouvais […] qu'on s'occupait plus facilement de la maman et de l'enfant, et même du couple tu vois ? En étant sage-femme." (Mme G)

Et pour Mme J, c'est un choix qui s'est offerte à elle naturellement :

"En fait je m'étais intéressée à ça par ce que j'ai un papa qui est agriculteur, et en fait je faisais… voilà faire les élevages tout ça avec lui, et j'ai adoré. 'Fin j'étais passionnée quoi par la naissance. Et du coup voilà, sage-femme" (Mme J)

Pour quatre autres sages-femmes (Mme E, F, H et K), c'est l'échec au concours de médecine qui les a poussées, par défaut, à prendre la filière sage-femme.

"J'ai fait médecine, et comme je n’avais jamais fait de physique depuis la seconde j'ai eu sage-femme. Et puis après bah, j'ai pris et puis c'est tout.

Puis ça s'est bien passé, je suis restée sage-femme" (Mme H).

Pour Mme A, c'est tout simplement la pression familiale qui l'a amenée à être sage- femme. A la question, elle répondait :

"Bonne question. Faire plaisir à ma mère, qui était infirmière. Oui oui c'est surtout ça à la base." (Mme A)

Ainsi, on peut voir que le choix de la formation relève bien souvent d'un concours de circonstances, et même d'un second choix. Cependant, aucune des

Références

Documents relatifs

It is common practice to evaluate these polar diagrams in the far field because the relative pressure magnitude as a function of reflection angle is

Pour extrapoler ces informations à toute la région (70 km²), et bâtir un modèle hydrogéologique, plusieurs campagnes géotechniques ont été réalisées avec un total d'environ

Exercice 4 Soit (X k ) k>1 une suite de variables aléatoires indépendantes, identiquement distribuées, suivant une loi de. Bernoulli de

Elle entraîna la perte de confiance des investisseurs dans les actifs transformés en titres et n’épargna pas les titres assurantiels, même si le risque catastrophique ne présente

As a second approach, we induced ectopic apoptosis in foot-regenerating tips where the level of injury-induced apoptosis is low, to see whether higher levels of apoptosis would

Background: The freshwater sculpins (genus Cottus) are small, bottom-living fishes widely distributed in North America and Europe. The taxonomy of European species has

Mosaïque détaillée de la face sous le vent de la dune Namib construite à partir de photos prises le 17 décembre (Sol 1196) avec le téléobjectif de la caméra Mastcam de

Cette production de sens sur l’(im)mobilité débouche sur une flexibilité d’esprit, une adaptabilité qui permet à mes intervenant-e-s d’interpréter leur trajectoire et