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Le concept de vulnérabilité : reconnaissance et imposition d’une condition floue

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Communication non-publiée, Séminaire La vulnérabilité, Laboratoire Pacte, Equipe Justice sociale Conférence d’ouverture, 14 octobre 2016

Le concept de vulnérabilité :

reconnaissance et imposition d’une condition floue

Marlène Jouan

INTRODUCTION

Cf. le constat qui ouvrait mon court texte de présentation : le concept de vulnérabilité est incontestablement « à la mode », suffisamment souple et imprécis pour que ses usages savants et institutionnels s’appliquent aujourd’hui à des situations et à des populations très variées et toujours plus nombreuses. A la mesure de cette extension des usages du concept, la carrière académique de la

« vulnérabilité », qui a débuté à la fin des années 1990, est florissante et même fulgurante, comme l’illustre la courbe de ses occurrences répertoriées dans Google Scholar entre 1970 et 2014 (Brodiez-Dolino, 2016) [PP] :

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A titre d’exemple, le nombre croissant des populations considérées comme « vulnérables » en éthique de la recherche biomédicale (l’éthique de la recherche des sciences du vivant et de la médecine qui recourt à l’expérimentation sur des sujets humains) est particulièrement révélateur (Hurst, 2008) [PP] :

N.B. : Belmont Report (United States Department of Health, Education, and Welfare, « Principes éthiques et lignes de conduite pour la protection des sujets humains de la recherche », 1979) ; 45 CFR 46 (Code of Federal Regulations, United States Departement of Health & Human Services,

« Protection of Human Subjects », 1974) ; Declaration of Helsinki (Ethical Principles for MEdical Research Involving Human Subjects, World Medical Association, 1964/2000) ; CIOMS (Council for International Organizations of Medical Sciences, International Ethical Guidelines for Biomedical Research Involving Human Subjects, 2002) ; ICH tripartite guidelines (International Council for

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Harmonisation of Technical Requirements for Pharmaceuticals for Human Use, Guideline for Good Clinical Practice, 1996).

J’ai retenu cet exemple car, bien que rarement mentionné dans les travaux français sur la notion de vulnérabilité, l’éthique de la recherche biomédicale fut un domaine pionnier pour l’usage catégoriel et normatif de cette notion, et cela en application du principe de justice (les autres principes étant le principe de respect de l’autonomie et le principe de bienveillance). A ce titre c’est un domaine privilégié pour observer l’inflation de cet usage et, proportionnellement à cette inflation, la multiplication des critères, sans principe organisateur évident, permettant de diagnostiquer une vulnérabilité, c’est-à-dire ici un risque d’exploitation, qui est de moins en moins spécifique. Pour une illustration plus récente, on peut se référer par exemple au droit européen de l’asile et plus précisément à l’article 21 de la directive « Accueil » de 2013 [PP] :

Dans leur droit national transposant la présente directive, les États membres tiennent compte de la situation particulière des personnes vulnérables, telles que les mineurs, les mineurs non accompagnés, les handicapés, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d’enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes ayant des maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, par exemple les victimes de mutilation génitale féminine.

L’expression « telles que » (supprimées dans la traduction en droit français de la direction, cf. loi sur l’asile du 29 juillet 2015) indique clairement que la liste de ces personnes vulnérables, ici identifiées objectivement à raison de leurs besoins supposés particuliers, n’est pas figéee, et que le champ d’application de la directive reste donc ouvert (Pétin, 2015). Mais d’autres domaines d’application de la notion, qui historiquement ont parfois emprunté des couloirs géographiques différents (américains, européens, français), doivent bien sûr être cités comme autant de marqueurs de sa plasticité et de sa « montée en généralité » (recensions plus ou moins convergentes de ces domaines dans Brodiez-Dolino, 2016 ; Ferrarrese, 2011 ; Have, 2016) [PP] :

• Le droit civil et pénal, où la vulnérabilité définit à la fois un régime juridique spécifique dans lequel entre toutes les personnes mineures mais aussi les personnes majeures qui peuvent présenter un danger pour elles-mêmes ; et une circonstance aggravante voire un élément constitutif pour les crimes et délits à l’égard de ces personnes et, au-delà, des personnes en situation de faiblesse physique et/ou psychique ;

• Les politiques publiques et l’action sociale, où la vulnérabilité concerne aussi bien la petite enfance, l’adolescence, le grand âge, que les personnes en situation de handicap et les usagers du

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système de soin, mais aussi les toxicomanes, les sans domicile fixe, les chômeurs, les demandeurs d’asile – toutes celles et tous ceux qui s’inscrivent dans les dispositifs de protection, d’aide et d’accompagnement par l’Etat-providence ou « solidaire » ;

• En relation étroite avec ces dernières, d’une part les sciences médico-psychologiques, où le concept de vulnérabilité est monté en puissance en remplaçant celui de la pathologie et de la déficience et en s’alliant à celui de « résilience » ; d’autre part les sciences sociales et particulièrement la sociologie, où le vocabulaire de la vulnérabilité, associé à celui de la fragilité et de la précarité, s’est substitué à celui de l’exclusion pour appréhender la pauvreté et la marginalité ;

• Dans la logique de la « société du risque » qui commande à la fois la mesure statistique de cette vulnérabilité et son usage critique à l’égard des nouvelles « épreuves » auxquelles le capitalisme soumet les individus et les collectifs, l’ensemble des disciplines et des institutions, notamment internationales, qui s’attachent à l’analyse, au traitement et à la prévention des phénomènes de

« crises » et de « catastrophes », allant de l’économie du développement à la géopolitique en passant par l’écologie et l’épidémiologie ;

• Egalement dans le sillage de la mondialisation et parallèlement au développement du concept de

« sécurité humaine », les motifs de la violence, de la guerre et du terrorisme (y compris du bio- et du cyberterrorisme), constituent enfin le terrain le plus récent, postérieur au 11 septembre 2001, de l’application du concept de vulnérabilité – terrain sur lequel, comme sur le précédent d’ailleurs, il a remplacé la catégorie de « victime ».

Une telle prolifération et dissémination du concept pose bien sûr question. Cf. Ferrarrese, 2016 : « il faudra un jour nous demander pourquoi il semble que nous ayons tous, en ce moment, besoin du concept de vulnérabilité » [PP]. Dès maintenant, on peut aussi se demander pourquoi nous avons tous, en ce moment, l’air d’être vulnérables ou en passe de le devenir, puisque c’est bien ce qui se profile à l’horizon de l’actuelle logique d’extension des usages catégoriels du concept.

Pour les philosophes, dont je n’ai pas encore parlé mais qui ne sont pas en reste sur le sujet, cette universalisation de la vulnérabilité n’est pourtant pas franchement surprenante. En effet, loin d’être le point d’aboutissement de cette logique, elle lui est en réalité sous-jacente : le concept de vulnérabilité dit quelque chose de ce que nous sommes essentiellement, originellement ou constitutivement en tant qu’êtres humains, et à cet égard, sa capacité d’adaptation à des situations et des populations aussi diverses voire hétérogènes serait symptomatique de la reconnaissance, tard venue, de cette condition partagée et irréductible [PP]. Que nous ne soyons pas tous, ou pas encore

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tous identifiés ou labellisés comme vulnérables est alors sinon anecdotique, du moins secondaire par rapport au fait que nous sommes fondamentalement tous vulnérables, quand bien même nous ne faisons pas toujours et pas tous de la même façon l’expérience de cette vulnérabilité, et quand bien même certains auraient les moyens de croire et de faire croire en leur invulnérabilité. Allons plus loin : cette vulnérabilité, pour être commune à tous les humains, ne leur est pas spécifique et peut être étendue aux non humains : les animaux, mais aussi le vivant et la nature dans son ensemble, qui à travers les façons dont les blessons, les maltraitons et les exploitons, ont le pouvoir de nous rappeler ou de nous révéler notre propre vulnérabilité (Laugier, 2012 ; Pelluchon, 2011) [PP]. Il n’y a pas jusqu’à la réalité elle-même que l’on ne puisse dire vulnérable, non seulement parce que nous pouvons, par négligence, erreur ou déni, passer à côté d’elle mais aussi parce qu’elle peut se dérober à nos efforts de perception et de compréhension, et encore parce que toute confiance en la réalité peut être sapée, si bien qu’elle ne nous apparaît plus que sous la forme d’une « inquiétante étrangeté ».

Certes, ce dernier usage du concept de vulnérabilité peut sembler métaphorique et marginal, surtout propre à exciter l’imagination débridée des philosophes et plus précisément des métaphysiciens. De fait, on y retrouve une réminiscence de l’ontologie grecque à laquelle s’ordonnait hiérarchiquement la catégorie du pathos, désignant la capacité de toute réalité (sauf des plus éminentes d’entre elles) à subir ou à être affectée et altérée par l’action d’un être extérieur.

Mais même sans aller jusque là, on comprend que l’usage anthropologique et universalisant du concept de vulnérabilité, conjointement à sa propagation « virale » à des personnes et des populations dont la vulnérabilité est alors censée poser problème, suscite un certain scepticisme voire de franches critiques. Sa portée étant manifestement indéfinie, son sens manipulé et manipulable à l’envi, on a ainsi qualifié le concept de vulnérabilité de « concept mou » ou

« nébuleux », de « notion floue », de « notion-éponge » ou encore de « concept valise » [PP], dont on ne voit plus bien quel pourrait être l’apport ou la pertinence heuristique, pragmatique et critique.

Cf. Henk ten Have, 2016 : la « vulnérabilité » fonctionne comme un « signal d’alerte » (warning sign) sollicitant notre attention, produisant des attentes normatives, générant des obligations, invitant à l’action [PP]. Dans un contexte de « surpopulation des vulnérables » diminuant de facto l’intensité du signal, non seulement cette fonction paraît ne plus être opératoire, mais on doit également mettre en doute sa légitimité et envisager la perversité des protections spéciales qu’elle appelle. Le concept de vulnérabilité a donc été soupçonné presque aussi rapidement qu’il a été plébiscité, au point que certains recommandent de l’abandonner purement et simplement (Levine et al, 2004 ; Thomas, 2008) [PP].

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La première ironie de l’histoire, c’est que l’on a pu recommander la même mesure drastique, qui revient à jeter le bébé avec l’eau du bain, à l’égard du concept vis-à-vis duquel il se présente sinon comme un substitut du moins comme un concurrent, à savoir celui d’autonomie, dont la définition suscite d’ailleurs, et depuis fort longtemps, au moins autant de perplexité et de controverses. La seconde ironie, c’est que sur un plan moral et surtout politique, cette mesure est justifiée peu ou prou par la même raison, à savoir qu’un concept initialement porteur d’une promesse, celle de contribuer à une transformation du monde et à l’avènement de plus de justice, au mieux se révèlerait impuissant, et au pire produirait et dissimulerait de nouvelles formes d’injustice.

Cette similitude de destin justifie sans doute mon intervention de ce jour puisque, l’honnêteté m’oblige à le dire, mes recherches ont d’abord et principalement porté sur le concept d’autonomie, et m’ont amenée dans un second temps seulement, et beaucoup plus récemment, à m’intéresser à celui de vulnérabilité, dont je ne suis pas à proprement parler spécialiste. Je ne vais donc pas me faire l’avocate d’une définition et d’une théorie précises de la vulnérabilité. Comme je l’avais annoncé, je vais plutôt exposer quelques éléments d’analyse et de réflexion, issus de la littérature philosophique et plus spécialement féministe ou d’inspiration féministe, qui d’une part pourront éclairer les conflits entre les différents usages ou les conditions d’application de ce concept, et qui d’autre part interrogent sa capacité à politiser versus dépolitiser les processus de production et de reproduction des inégalités qu’il est censé dévoiler et permettre d’enrayer. [PP]

I. LAVULNÉRABILITÉCONTRELAUTONOMIE [PP]

1. Contester le paradigme dominant [PP]

Je commence par ce que certains et certaines parmi vous considèreront sans doute comme un truisme – ce qui serait, à tout prendre, mieux que d’y suspecter l’effet d’une déformation intellectuelle de ma part – à savoir qu’on ne comprend pas grand chose à l’engouement actuel pour le concept de vulnérabilité si l’on n’y voit pas la contestation de l’idéal d’autonomie, qui fonde le paradigme aujourd’hui dominant de la justice et de la vie bonne ainsi que les principes et les impératifs moraux qui l’alimentent. Cette contestation peut prendre (au moins) trois formes sur lesquelles j’aurai l’occasion de revenir [PP] : (1) en hostilité radicale avec cet idéal d’autonomie, le concept de vulnérabilité propose un autre paradigme qui se substituerait à celui-ci ; (2) dans une perspective réformiste, le concept de vulnérabilité permet d’explorer les impasses et les impensés de

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ce paradigme mais sans pour autant en sortir ou le rejeter ; (3) de façon plus sournoise, le concept de vulnérabilité constituerait plutôt l’envers du paradigme dominant, qu’il porterait à son paroxysme sans le déstabiliser ni le modifier substantiellement. Mais dans tous les cas, le concept de vulnérabilité se construit et se légitime dans un rapport critique avec ce paradigme, c’est-à-dire avec les outils théoriques et institutionnels au moyen desquels nous avons pris, dans la tradition volontariste du contrat social, l’habitude de penser et de combattre l’injustice conçue comme une privation, une restriction ou une violation indues de l’autonomie des individus. A l’exemple et dans le sillage des ouvrages pionniers de Carol Gilligan (In a Different Voice, 1982), de Robert Goodin (Protecting the Vulnerable, 1985) et de Martha Nussbaum (The Fragility of Goodness, 1986/2001) [PP], toutes les théories et conceptions philosophiques qui font de la vulnérabilité le cœur même de la morale et de la politique plutôt qu’une éventualité ou un accident dont il faudrait tenir compte après coup et malgré tout, c’est-à-dire qui font de la vulnérabilité un problème moral et politique à part entière ou sui generis qui engage les institutions de base de la société et chacun de ses membres – toutes ces théories, aussi différentes voire divergentes soient-elles par ailleurs, s’inscrivent dans ce rapport critique et le revendiquent.

Qu’est-ce qui ne va donc pas dans ce paradigme et qui justifie qu’on en change ou qu’on le modifie en profondeur ? Je résume en 4 points les différentes objections qui lui sont spécifiquement adressées depuis le défi lancé par le concept de vulnérabilité [PP] et qui, le plus souvent, visent la théorie libérale de la justice élaborée par John Rawls (1971), dont on a pu dire qu’elle constituait la charte de la social-démocratie moderne [PP].

• Ce paradigme est solidaire d’une conception trop étroite des finalités de l’action politique : il ne peut entendre et satisfaire que les revendications ou les attentes normatives qui s’expriment en termes de droits et d’équité dans la distribution des biens, et exempte ainsi l’Etat et les pouvoirs publics de leur responsabilité à l’égard de nombreuses inégalités symboliques et matérielles (Fineman, 2008 ; Honneth, 2000)

• Ce paradigme est insuffisamment inclusif : il laisse beaucoup de monde, trop de monde, sur le seuil ou à la périphérie de la communauté morale et politique, d’une part en réduisant au silence ceux de ses membres qui n’ont pas, n’ont plus ou n’auront jamais les compétences requises pour prétendre à l’auto-détermination de leur genre de vie et de leur vision du bien ; d’autre part en plaçant hors champ de nos responsabilités et de nos obligations les personnes (humaines et non- humaines) qui ne sont pas d’ores et déjà membres de cette communauté (Nussbaum 2007 ; Goodin, 1986)

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• Ce paradigme est ontologiquement inconsistant, car il néglige les conditions et les composantes sociales de cette auto-détermination elle-même, à savoir : les relations interpersonnelles et ressources économiques et sociales qui contribuent au développement des compétences nécessaires à l’autonomie ; les contraintes sociales qui façonnent nos désirs et croyances et qui pèsent sur le contenu de nos choix ; les dynamiques intersubjectives et institutionnelles qui soutiennent les différentes dimensions d’un rapport pratique positif à soi-même (Anderson et Honneth, 2005 ; Mackenzie, 2014)

• Ce paradigme est épistémiquement déficient : il sous-estime voire ignore la masse des activités sociales, que l’on peut rassembler au titre du travail de care, mobilisée pour assurer l’indépendance des plus privilégiés et leur permettre d’afficher publiquement leur autonomie, et ce faisant il invisibilise les structures de domination et de subordination qui organisent la distribution de ces activités dans la société (Kittay, 1999 ; Tronto, 2009)

Maintenant, toutes ces difficultés peuvent être reconduite à une seule [PP] : le paradigme dominant est arrimé à une anthropologie inadéquate, à une conception de l’être ou du sujet humain qui repose sur une idéalisation et une dénégation de ce que nous sommes. Cette anthropologie nous est parfaitement familière : c’est celle que nous a léguée la philosophie des Lumières et qui, même arrachée à ses illusoires assises métaphysiques, même « décentrée » à la mesure des enseignements des sciences humaines, continue d’alimenter jusqu’aux figures « post-modernes » de l’identité et de la subjectivité et de sanctionner la trajectoire et la participation sociale des individus. On peut néanmoins rappeler les attributs principaux de celui dont les revendications morales et politiques sont, d’après cette anthropologie que certaines ont dénoncée comme étant « codée au masculin », seules audibles et légitimes : il est rationnel, indépendant ou auto-suffisant, souverain sur soi et maître de son existence. Réciproquement, sa corporéité ou son incarnation ne le limite en rien, il choisit ses relations car il n’a essentiellement besoin d’aucune d’elle, il dispose de ses émotions et de ses sentiments et ceux-ci ne sont en tout état de cause que des appendices à son projet de vie, il contrôle la nature qui l’entoure et qui le sert (Hoffmaster, 2006). Contrairement à ce qu’on pourrait croire et à ce qu’on lit parfois, il n’est pas pour autant invulnérable, indisponible à la blessure et à la souffrance et non exposé à la menace de quelque dommage que ce soit, imputable à la mauvaise fortune ou à l’action délibérée d’autrui [PP]. Si c’était le cas, les droits et les impératifs moraux qui fondent le paradigme dominant seraient eux-mêmes sans objet. Mais cette vulnérabilité empirique est de l’ordre de ce que les philosophes appellent une « qualité seconde » : elle est contingente, elle est fondamentalement un obstacle à l’autonomie qui définit de droit notre condition et dont nous ne

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pouvons déchoir que de façon malheureuse voire honteuse, elle est dépourvue de toute signification et implication normatives par elle-même. [PP] Les mêmes droits et impératifs moraux construisent ainsi cette vulnérabilité comme un mal non nécessaire.

2. Reconnaître et réévaluer la vulnérabilité

Comme vous vous en doutez, c’est précisément ce statut de la vulnérabilité qui est remis en cause, et même complètement renversé, dans les propositions théoriques qui dénoncent dans le sujet autonome ainsi conçu une fiction ou un mythe qui tout à la fois occulte, enjolive et appauvrit ce qu’être humain veut dire. [PP] Remplacer ce sujet autonome ou pseudo-autonome par un sujet vulnérable, ou du moins doubler ce sujet autonome d’un sujet vulnérable, implique alors deux choses :

(1) D’une part, la correction d’une erreur de méthode : si nous voulons pallier les insuffisances du paradigme dominant et résoudre les problèmes face auxquels il est impuissant, il faut nous appuyer non pas sur une construction idéale mais sur ce que nous révèle l’ordinaire de notre expérience concrète, et en particulier sur les aspects de cette expérience ou sur l’expérience de celles et ceux qui s’éloignent apparemment le plus de cette construction idéale. Comme l’écrit Joan Tronto (2009), si nous voulons élaborer de meilleures théories morales et politiques il nous faut d’abord « changer d’hypothèses sur les humains », et plus précisément reconnaître et assumer le fait que la vulnérabilité, loin d’être une exception, est en réalité le lot de toutes et tous, la condition à la fois originelle et ultime à laquelle même les plus autonomes n’échappent pas, un invariant anthropologique, le dénominateur commun de toutes les formes humaines de vie. Un réquisit que l’on peut formuler de la façon suivante [PP] : au modèle du self-made man il nous faut préférer la figure de « l’enfant d’une mère » (Kittay, 1999).

(2) D’autre part, une modification du sens et de la valeur de la vulnérabilité [PP]. Dans le paradigme dominant, cette vulnérabilité est toujours définie par rapport à la norme d’autonomie, en creux et en négatif de celle-ci, sur le mode de l’absence, du défaut ou de la perte, et comme ce qui empêche ou entrave la possibilité de réaliser certaines fins ou d’obtenir certains biens. Cf. l’association, dans ses usages courants et experts, du terme « vulnérable » à la faiblesse, la passivité, l’incapacité, la privation, la déficience, l’impuissance voire la pathologie, dans tous les cas l’indice d’un échec probable, passé ou à venir. C’est donc une condition que l’on cherche à éviter, dont on cherche à se distinguer et à se défendre : il est toujours mieux que les vulnérables, ce soient les autres, et que l’on ait pour soi l’immunité. Le

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déni de notre propre vulnérabilité se redouble alors de la stigmatisation indue d’une condition qui est pourtant, en soi, axiologiquement neutre et qui, précisément parce qu’elle nous expose à l’altérité en général et interpersonnelle en particulier, génère potentiellement au moins autant de biens que de maux, et mérite donc tout autant d’être cultivée qu’elle n’appelle des mesures préventives ou dissuasives.

Cf. Cole (2016) [PP] : « De façon générale, la littérature [contemporaine sur la vulnérabilité]

s’efforce de réévaluer et même de normaliser la vulnérabilité comme une caractéristique partagée, constitutive et liante [connective] de notre existence, qui comprend non seulement la susceptibilité au dommage mais aussi la réceptivité à des formes positives d’intersubjectivité ».

A partir de là, on comprend qu’il faut distinguer deux plans d’application du concept de vulnérabilité [PP] :

(1) Le fait de notre vulnérabilité : une vie invulnérable n’est tout simplement pas une vie humaine, ce qui veut dire d’une part que si jamais une telle vie est possible ou existe quelque part, elle concerne un autre genre d’être que le nôtre, et d’autre part que toutes les théories morales et politiques qui négligent cette caractéristique anthropologique manquent leur cible. Il faut en tirer la conséquence suivante : à l’échelle de la société aucune dichotomie entre les individus

« vulnérables » et les individus « autonomes » n’est tenable, et réciproquement à l’échelle de l’individu, aucun principe de tiers exclu entre l’autonomie et la vulnérabilité n’est applicable.

Autrement dit : non seulement la vulnérabilité ne peut servir à fonder aucun partage des êtres humains, mais au sein même de l’individu les attributs qui sont en cause dans sa vulnérabilité avérée ne sont pas antinomiques avec ceux auxquels il doit la possibilité de son autonomie. Au contraire : ces attributs se supposent les uns les autres. [PP] Cf. Ricœur (1995) : le complexe de l’autonomie et de la vulnérabilité est seulement paradoxal car « les deux termes se composent entre eux : l’autonomie est celle d’un être fragile, vulnérable » ; elle ne peut se penser et se déployer que contre et donc à partir de sa vulnérabilité. En bref, notre finitude fait le lit de nos capacités, y compris les plus prisées. Les philosophies morales et politiques de la vulnérabilité relèvent ainsi de ce que Jean-Louis Genard (2009) qualifie d’ « anthropologies conjonctives » par contraste avec les « anthropologies disjonctives » : elles concilient les deux pôles due ce que Michel Foucault appelait le « doublet empirico-transcendantal » déployé par Kant, en substituant à une logique du tout ou rien une logique du plus ou moins.

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(2) La valeur de notre vulnérabilité [PP] : une vie vulnérable n’est pas par définition une

« mauvaise vie » ou même seulement une vie « problématique », qui devrait à ce titre faire l’objet d’une prise en considération et/ou d’une prise en charge particulière. Ce type d’évaluation morale de la vulnérabilité, qui l’articule systématiquement à la sémantique victimologique du risque à pallier ou affronter, de la menace à écarter ou contenir, du dommage à prévenir ou repousser, appréhende a priori la condition ou l’expérience de la vulnérabilité comme un phénomène négatif. Par conséquent, quand bien même elle reconnaîtrait qu’il est impossible de nous affranchir de notre vulnérabilité, elle n’estime pas moins que cela serait souhaitable, et que si cette possibilité nous était miraculeusement offerte (c’est d’ailleurs un scénario qui relève de moins en moins de la science-fiction), il faudrait la saisir. Les philosophies de la vulnérabilité n’affirment cependant pas, a contrario, que la vulnérabilité est un bien en soi : la prise de risques ou l’exposition à divers dommages n’y sont pas considérés comme des constituants per se de la vie bonne. Il s’agit plutôt de souligner l’ambivalence normative de la vulnérabilité, ce qui revient, par rapport au paradigme dominant, à mettre au jour sa positivité. En quoi consiste-t-elle ? Dans les biens qui, si nous étions invulnérables, soit nous demeureraient inaccessibles soit ne pourraient plus êtres considérés comme des biens du tout. L’obtention de ces biens suppose en effet que nous acceptions de nous mettre à la merci de ce qui ne dépend pas de nous : ainsi de l’expérience de l’amour, ou encore de celle de la confiance, qui à la fois sollicitent et accroissent notre vulnérabilité (Gilson, 2014 ; Goodin, 1985 ; Nussbaum, 2001 ; Straehle, 2016). [PP] Si nous considérons que ces expériences non seulement valent la peine d’être vécues, mais qu’elles nous ouvrent des possibilités décisives et

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irremplaçables d’orientation pratique et de réalisation de nous-mêmes, alors nous ne pouvons pas, dans le même temps, pathologiser par principe la vulnérabilité, et nous devons aussi reconnaître que certaines vulnérabilités, loin de diminuer ou d’entraver notre autonomie, contribuent à la promouvoir et à la renforcer.

3. Problème : comment politiser la vulnérabilité (I) ? [PP]

Un problème, que certainement vous avez vu venir, se pose immédiatement : on voit mal, avec cette conceptualisation de la vulnérabilité, comment élaborer et défendre un usage critique du concept ; on ne voit même plus du tout, en réalité, comment le concept de vulnérabilité pourrait avoir une fonction politique qui permettrait de proposer une alternative consistante, sur un plan théorique et pratique, au paradigme dominant. Si concevoir la vulnérabilité exclusivement en termes de dommage et/ou de tort est réducteur, si sa dimension d’ouverture et d’hospitalité au monde et à autrui est tout aussi essentielle, il n’en demeure en effet pas moins que la vulnérabilité contient aussi la possibilité de l’autonomie compromise, de l’abandon au mauvais sort, de l’atteinte destructrice. Autrement dit, les modalités nécessairement données, acceptables voire bénéfiques de notre disposition ou de notre exposition à la blessure ne sauraient faire oublier ses modalités contingentes les plus délétères et insupportables, dont l’avènement et la négativité peut être imputable tant à l’action qu’à l’inaction des autres. C’est d’ailleurs d’abord en se focalisant sur celles-ci, auxquelles il faudrait remédier ou qu’il faudrait éradiquer, que les philosophies de la vulnérabilité ont initialement mis en cause les défaillances du paradigme dominant.

Or, cela suppose que l’uniformisation de la vulnérabilité n’implique pas son uniformisation : comme l’ont fait entendre certaines voix des éthiques du care et Disability studies (Damamme, 2012), il faut pouvoir rendre compte du fait qu’une vulnérabilité universellement partagée n’est pas pour autant une vulnérabilité également partagée par tous, non seulement quantitativement mais aussi qualitativement. Mais en prenant comme point de départ ou porte d’entrée dans le politique une condition qui nous égalise, celle d’une vulnérabilité constitutive commune, ne se condamne-t- on pas à effacer la vulnérabilité radicale de certains, ainsi que la différence entre la vulnérabilité seulement potentielle des uns (la susceptibilité au dommage) et la vulnérabilité bien actuelle endurée par les autres (Kittay 1999) ? [PP] Le concept de vulnérabilité est ainsi chargé de deux missions qui paraissent au moins mutuellement en tension : d’une part décrire ce que nous sommes

« de toute façon », c’est-à-dire toujours déjà vulnérables ; d’autre part diagnostiquer « ce qui ne va pas » dans les façons dont certaines individus et certains groupes sont rendus plus vulnérables, et

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cela par différence avec d’autres individus et d’autres groupes dont la vulnérabilité soit ne pose pas de problèmes soit est prise en charge d’une façon telle que ces problèmes trouvent une solution qui permet de l’oublier ou d’en faire une expérience positive. En bref, la contribution du concept de vulnérabilité à une meilleure compréhension et résolution des questions de justice sociale est tout sauf évidente – ce qui m’amène au second et dernier moment de mon intervention.

II. VULNÉRABILITÉETJUSTICESOCIALE [PP]

1. Vertus politiques de la vulnérabilité constitutive

Commençons par élaborer cette tension en considérant les vertus politiques de la vulnérabilité constitutive ou anthropologiquement déterminée par rapport à la notion catégorielle de vulnérabilité, celle qui s’applique à des individus ou des populations spécifiques, avant de faire le point sur les difficultés qu’elle soulève ou ne résout pas. Je les rassemble sous deux titres.

[PP] Une grande partie des critiques adressées au concept de vulnérabilité tel qu’il est utilisé dans les politiques et l’action sociale, mais aussi en bioéthique par exemple, ciblent les effets de stérétotypisation et d’objectivation ou de réification des individus qui sont ainsi catégorisés, i.e.

considérés de droit comme vulnérables. Ces critiques mettent en cause la critériologie essentialiste mobilisée pour cibler celles et ceux qui entrent dans cette catégorie, ainsi que le caractère paternaliste des institutions et des interventions qui, sous convert de protection de ces individus, leur nie a priori des capacités d’agir essentielles : la capacité à consentir ainsi qu’à protéger leurs intérêts, i.e. à se protéger eux-mêmes des dommages et/ou des torts dont ils sont spécialement ou distinctivement susceptibles. L’usage anthropologique du concept vulnérabilité contourne clairement ces difficultés. En désignant une condition plutôt qu’un statut ou une identité, plus exactement une condition transversale à tout statut et à toute identité, il permet de dégager des permutations fluides de degrés et de contextes ainsi que des temporalités variables ou changeantes de vulnérabilité pour les individus, mais cela toujours sur le fond de leur interdépendance permanente (Cole, 2016).

La position d’un auteur comme Robert Goodin (1985) peut paraître tomber sous le coup de ces critiques addressées à l’usage catégoriel du concept de vulnérabilité [PP] : le titre même de son

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ouvrage, Protecting the Vulnerable, le suggère. Goodin défend pourtant une conception relationnelle de la vulnérabilité qui non seulement interdit d’en faire une propriété individuelle ou collective, mais qui se comprend en termes de susceptibilité à l’abandon plutôt qu’à la blessure (Ferrarese, 2009 ; Garrau, 2011) : d’une part on est toujours vulnérable à quelqu’un en particulier et jamais dans l’absolu, d’autre part et plus exactement, on est toujours vulnérable à l’action (celle d’un pilote d’avion) mais aussi à l’inaction (celle d’un ami riche) de ce quelqu’un. Comme l’indique cette fois le sous-titre de l’ouvrage, A Reanalysis of Our Social Responsibilities, cette vulnérabilité relationnelle est ce qui justifie une extension de nos responsabilités sociales au-delà celles qui sont reconnues dans le « modèle de la volonté » adopté par le paradigme dominant, au- delà donc de celles qui dépendent d’un lien particulier d’attachement ou d’une communauté d’appartenance : ma responsabilité est engagée dès lors que je perçois un besoin et que je suis en mesure d’y apporter une réponse. Or nous avons tous des besoins fondamentaux, et nous partageons même l’idée d’un droit à ce que ces besoins fondamentaux soient satisfaits.

• A partir de là apparaît une seconde vertu politique du concept de vulnérabilité constitutive par rapport à son usage catégoriel tourné vers les destinataires de la protection, à savoir : poser la question générale de celles et ceux qui pourvoient quotidiennement à nos besoins ordinaires, pour montrer que la vulnérabilité ne tombe pas sub specie aeternitatis ou par hasard sur les individus.

Au contraire, elle tient aux modes d’organisation, de distribution et de reconnaissance ou plutôt de méconnaissance sociales des professions et des activités dont certains bénéficient plus que d’autres. C’est dans cette perspective que les éthiques du care envisagent ce que Eva Feder Kittay (1999) appelle le « travail de la dépendance », c’est-à-dire « le travail qui consiste à s’occuper des autres dans leur condition de vulnérabilité – care ». En fait, c’est l’ensemble de la division du travail de reproduction sociale, c’est-à-dire celui qui pemet à nos sociétés de durer et de continuer, qui est concerné. Cf. la définition du care proposée par Joan Tronto (2008), désenchâssée des seules activités de soin aux personnes : « une activité générique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre ‘monde’, de façon que nous puissions y vivre aussi bien que possible. Ce monde comprend nos corps, nous-mêmes et notre environnement, tous éléments que nous cherchons à relier en un réseau complexe, en soutien à la vie ». La vulnérabilité constitutive, celle de chacun d’entre nous mais aussi de la société dont nous sommes membres, fait par là oeuvre de « subversion politique » (Gaille & Laugier, 2011), car elle nous révèle les processus et positions de pouvoir en cause dans l’attribution inégale des responsabilités

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de care, qui échoient systématiquement à certains groupes et qui impliquent l’occultation de la vulnérabilité et de la vulnérabilisation des individus qui l’assument.

Dans le même temps, cette oeuvre de « subversion politique » paraît empêchée « à la source » pour ainsi dire, par le projet même d’anthropologisation de la vulnérabilité. En effet, ce projet porte clairement avec lui le risque d’une naturalisation de la vulnérabilité, et paraît donc encourager une restriction plutôt qu’une extension de nos responsabilités dans sa prévention et sa prise en charge. Cf. Ferrarase (2016) : « Comment un phénomène inéradicable, universel, relevant de la nature humaine, pourrait-il faire l’objet d’une critique et être le ressort d’une émancipation ? Comment l’idée d’une vulnérabilité humaine fondamentale pourrait-elle nous aider à rendre compte des formes socialement produites de vulnérabilité ? » Suggérant que nous sommes tous, au fond, « logés à la même enseigne », elle semble reléguer celles-ci au second plan, leur donner le statut d’un épiphénomène certes négatif mais dont la cause profonde est en dernière instance hors de notre contrôle. Autrement dit, elle ne parvient pas à remettre en cause l’organisation existante de la vulnérabilité. Bref : si elle est théoriquement intéressante, l’idée de vulnérabilité anthropologique serait stérile sur le plan pratique car elle ne permet pas de faire l’étiologie des vulnérabilités différenciées ; elle ne tient donc pas sa promesse en tant que cadre conceptuel permettant de lutter contre les inégalités. Au pire, elle est purement et simplement idéologique.

2. Deux sources de vulnérabilité

Bien évidemment, ses partisans sont conscients de ces difficultés : comment assumer la vulnérabilité anthropologique tout en rendant visible la production d’une vulnérabilité à la fois négative et différenciée, et justifier les réponses politiques qu’il faut y apporter ? Comment, autrement dit, élaborer un usage normatif et critique de la vulnérabilité qui toutefois ne démente pas la pertinence de son sens descriptif ? La solution consisterait à distinguer, dans ce concept, plusieurs

« couches » (Luna, 2009) : si la première ou la plus élémentaire d’entre elles renvoie à la structure même de notre existence, les autres sont quant à elles fonction de la « situation » interpersonnelle, sociale et institutionnelle dans laquelle se déploie cette structure, c’est-à-dire de la façon dont elle s’y trouve tolérée, corrigée ou réprimée, mais aussi soutenue ou exploitée. C’est en tout cas dans cette perspective que la plupart des philosophies de la vulnérabilité conceptualisent, sur le fond

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d’une distinction transversale entre vulnérabilité potentielle et vulnérabilité actuelle ou actualisée, deux sources de vulnérabilité. Sans entrer dans les détails mais pour donner quelques exemples :

Martha Nussbaum : distinction entre d’une part la vulnérabilité qui résulte de la « structure même de la vie humaine » ou d’une « mystérieuse nécessité de la nature », et d’autre part la vulnérabilité qui résulte d’ « arrangements politiques défectueux », qui est donc contingente et réversible.

Distinction, autrement dit, entre d’une part une première vulnérabilité naturelle, toujours déjà donnée avec les limites de l’équipement biologique du corps humain et les besoins et capacités dont il est porteur ; et d’autre part une seconde vulnérabilité sociale, qui advient ou se manifeste lorsque ces besoins ne sont pas pris en charge, ou lorsque le développement ou le maintien de ces capacités n’est pas soutenu, par les interventions institutionnelles appropriées et les ressources matérielles (économiques et sociales) nécessaires à l’accomplissement d’une vie authentiquement humaine.

Axel Honneth : distinction entre d’une part la vulnérabilité qui résulte d’une d’une dépendance structurelle de l’identité et de l’intégrité du sujet à la reconnaissance d’autrui (perception + approbation), et d’autre part la vulnérabilité qui résulte du refus ou du déni de cette reconnaissance ou bien d’une reconnaissance faussée, qui ne permet pas au sujet d’élaborer un rapport positif à lui-même (selon les trois dimensions de la confiance en soi, du respect de soi et de l’estime de soi). Je souligne en passant trois points de contraste avec la conception de Nussbaum : la vulnérabilité première ou constitutive est au moins autant psychique que corporelle

; elle est aussi elle-même relationnelle ou sociale et donc historique ; quand à la vulnérabilité seconde elle n’advient pas seulement par défaut ou absence de social mais est produite par des rapports sociaux qui vulnérabilisent positivement le sujet.

Judith Butler : distinction entre deux concepts de vulnérabilité ou indifféremment de précarité : d’une part un concept existentiel (precariousnes) et d’autre part un concept politique (precarity).

Si le concept existentiel de vulnérabilité met en avant notre corps ou notre vie corporelle comme site ontologique de notre exposition à blessure et à la destruction, ce site ontologique est toutefois aussi immédiatement social car notre corps est ce par quoi nous attachés aux autres, dépendants des autres, constitués par les autres. Ce concept renvoie ainsi à une « dépossession constitutive », un « assujettisement » primordial « à nos relations aux autres », à un être toujours déjà hors de soi c’est-à-dire livré aux autres. Quant au concept politique de vulnérabilité, il renvoie à la méconnaissance, l’exploitation et l’intensification de cette vulnérabilité originelle par des arrangements sociaux, économiques et politiques qui la distribuent ou l’allouent ainsi de façon

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différenciée, qui exposent certaines vies davantages que d’autres, pouvant aller jusqu’à la privation complète des possibilités d’une vie humaine vivable.

Catriona Mackenzie : distinction entre d’une part une vulnérabilité inhérente, intrinsèque à la condition humaine, qui vient de notre nature à la fois corporelle et sociale, de notre dépendance aux autres pour la satisfaction de nos besoins les plus fondamentaux, et d’autre part une vulnérabilité situationnelle, qui trouve sa source dans l’environnement ou le contexte interpersonnel et institutionnel dans lequel nous évoluons. Au sein de cette vulnérabilité socialement induite, sont moralement inacceptables les vulnérabilités dites « pathogènes », qui résultent de relations et d’arrangements politiques dysfonctionnels non seulement lorsqu’ils exploitent directement notre vulnérabilité inhérente, mais aussi lorsque les réponses qu’ils lui apportent ont paradoxalement pour effet de l’exacerber et ainsi d’augmenter le sentiment d’impuissance généré par la vulnérabilité qui appelle initialement une réponse légitime.

Je m’arrête là pour les illustrations des deux sources de vulnérabilité que l’on peut trouver dans la littérature philosophique contemporaine. Ces théories diffèrent dans leur façon de justifier le statut constitutif ou fondamental de la vulnérabilité, mais leurs efforts pour faire émerger sur le fond de celle-ci les vulnérabilités socialement produites impliquent un dénominateur commun, à savoir : ne pas rejeter l’idéal d’autonomie qui sous-tend le paradigme libéral que pourtant elles contestent.

Ce n’est pas le cas de toutes les théories de la vulnérabilité et notamment de toutes les théories féministes de la vulnérabilité, dont certaines revendiquent au contraire, comme je vous l’avais annoncé, un abandon complet de cet idéal et de ce paradigme. On en trouve un exemple chez Martha Albertson Fineman (2004, 2008), qui logiquement refuse de disperser ou de décomposer la vulnérabilité : la différenciation des vulnérabilités serait une « ruse du libéralisme » pour maintenir ou reconduire la dichotomie des vulnérables et des invulnérables. Pour ces théories, non seulement les descriptions de l’agentivité humaine en termes d’autonomie ou de vulnérabilité sont incompatibles entre elles, mais en outre l’idéal d’autonomie ne permet pas, et même empêche, une évaluation objective et critique des processus sociaux, structurels et institutionnels, qui sont en cause dans le fait que certains et certaines sont voués à occuper une « position de vulnérabilité », qui est alors toujours aussi une position du « subalternité », et à ne jamais atteindre ou faire l’expérience de cet idéal. Pour le dire vite, l’idéal d’autonomie ne peut que servir les intérêts des privilégiés ou des dominants : sa fonction, sinon par définition du moins historiquement advenue, est nécessairement idéologique, de conservation voire de légitimation de l’injustice et de l’inégalité.

Inversement, les théories que je vous ai présentées estiment qu’un concept de vulnérabilité

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détaché de l’idéal d’autonomie sape ses propres ambitions morales et politiques : alors qu’un usage non-critique du concept de vulnérabilité conduit à l’ignorance voire au renforcement de certaines injustices et inégalités, son usage critique, à l’œuvre dans le diagnostic des sources sociales et politiques de la vulnérabilité ainsi que dans la légitimation des revendications qu’elles génèrent, est impossible sans en appeler à l’autonomie. C’est pourquoi, si nous voulons « défaire » ou transformer le monde tel qu’il est il n’y a pas à choisir entre les deux : il faut plutôt défendre et configurer un concept d’autonomie qui intégre les intuitions épistémiques et les attentes normatives rassemblées sous le titre de vulnérabilité, comme le proposent par exemple les théories de l’ « autonomie relationnelle » (Jouan & Laugier, 2009 ; Mackenzie & Stoljar, 2000 ; Nedelsky, 2011).

3. Problèmes : comment politiser la vulnérabilité (II) ?

Cette solution, solidaire donc de la distinction entre deux sources de vulnérabilité, n’est toutefois pas sans soulever de nouvelles difficultés : j’en retiendrai deux (il y en aurait d’autres) qui dessinent, à mon sens, les lignes d’un programme de recherche qui viserait aujourd’hui à faire assumer au concept de vulnérabilité un rôle substantiel dans la politisation des injustices et des inégalités sociales.

(1) Une conjonction ambivalente

Le concept d’autonomie relationnelle que je viens d’évoquer s’intègre parfaitement, sur un plan descriptif et normatif, aux nouvelles coordonnées de l’ « anthropologie conjonctive », dont je parlais plus tôt, mises en avant par Jean-Louis Genard. Or, on peut douter de la radicalité critique de la réconciliation des deux pôles qui étaient auparavant tenus pour exclusifs l’une de l’autre. Car si cette réconciliation nous dit à juste titre que l’autonomie s’exerce toujours en condition de vulnérabilité et depuis cette condition, si elle fait par conséquent des vulnérabilités spéciales le miroir grossissant et révélateur d’une vulnérabilité normale, elle a aussi pour effet d’intégrer l’ensemble des personnes vulnérables dans la logique normative de l’autonomie qui définit plus que jamais « l’état de grandeur » dans la cité capitaliste contemporaine (Boltanski & Chiapello, 1999).

Si tout le monde, même les plus fragiles, même les moins bien lotis par le sort, même les les plus faibles, les plus susceptibles au dommage et au tort, est néanmoins capable d’être ou devenir

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autonome et au fond l’est toujours déjà un peu, alors tout le monde doit pouvoir trouver sa place dans le « grand récit » de l’auto-détermination.

Ce récit fait depuis déjà assez longtemps de chacun de nous l’acteur responsable de sa propre vie. Depuis moins longtemps, il anime aussi, en particulier, les politiques publiques et l’action sociale à destination des plus vulnérables, que l’on définissait auparavant en termes de dépendance et de protection et dont on attend aujourd’hui qu’ils entrent dans une démarche de production, de gestion et d’accomplissement de soi. Cf. le précédent du « modèle social » par contraste avec le modèle individuel ou médical du handicap : de même que, dans la Classification Internationale du Fonctionnement, du Handicap et de la Santé (CIF) adoptée en 2001 par l’OMS, la possibilité et la nécessité de transformer les capacités partagées par tous en « performance d’activité » ne fait plus question, la catégorie de la vulnérabilité ne fournit plus alors d’antidote à un idéal d’autonomie qui fonctionne à la fois comme une force productive et comme un opérateur de consensus, mais justifie l’enrôlement de toutes et tous dans un processus d’autonomisation qui rend chacun coupable de ses échecs et de la situation d’insécurité dans laquelle il se trouve ou se maintient : n’a-t-il pas eu sa chance comme les autres ? (Jouan, 2013)

Il est pour le moins intéressant de constater que la critique dont le concept de vulnérabilité fait ainsi l’objet en sciences sociales, avec une sévérité particulièrement décapante chez Hélène Thomas (2008, 2010) par exemple, reprend alors littéralement les termes de celle que l’on avait déjà adressée, quelques années plus tôt puis parallèlement et dans le même champ, à celui d’autonomie.

Le vocabulaire de la vulnérabilité, qui est censé s’y opposer et le contester, signale et sanctionne en fait le même phénomène, à savoir « un contexte sociétal d’incertitudes et de report de responsabilité où la société n’est plus tant à concevoir comme un univers de contrôle normatif des conduites de ses membres, que comme un contexte d’épreuves et d’évaluations permanentes auxquelles doivent faire face les individus » (Ferrarese, 2011, p. 29), dans lequel chacun de nous est sommé de démontrer sa capacité de « résilience ». Envers ou alter ego de celui d’autonomie, son usage incite ainsi tout autant, mais de façon plus insidieuse, à frapper les plus démunis d’une « double peine » (Duvoux, 2012) c’est-à-dire à « blâmer la victime », en suggérant « sa participation, passive voire active, à ce qui va l’emporter » (ibid.). Plus radicalement, il incite même à la disparition des victimes.

Comme on l’a vu tout à l’heure et comme le rappellent les travaux d’Alyson Cole (2006, 2016), la vulnérabilité a en effet été conceptualisée et réévaluée, ces dernières années, en conjurant la victimisation traditionnelle des vulnérables et la stigmatisation qui s’y rattache. Le défi consistait

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à montrer que, par contraste avec les « victimes » ou celles et ceux que l’on représente comme telles, les personnes vulnérables sont dotées d’une authentique puissance d’agir, quand bien même celle-ci serait empêchée de s’exprimer ou bien ne pourrait s’exprimer que d’une façon non validée par le paradigme dominant. Ce que l’on peut se demander, c’est si cette séparation des vulnérables d’avec les victimes ne signifie pas que les nouvelles éthiques et politiques de la vulnérabilité ont finalement importé, plutôt qu’elles ne l’ont déconstruite, la hiérarchie entre activité et passivité.

Elles cautionneraient alors une sorte de non-droit à être victime de quoi que ce soit, que l’on peut à nouveau apprécier à l’aune du précédent du handicap lorsque la promotion puis l’institutionnalisation du modèle social ont paru interdire l’expression de toute souffrance (Crow, 1996 ; Morris, 2001 ; Wendell, 1996). Cf. Butler (2005) : dans sa prétention indue à l’innocence absolue, la victime ou le « sujet persécuté » niant sa propre violence et l’imputant à l’autre serait le double du sujet souverain qui quant à lui transfère sa propre vulnérabilité sur l’autre.

Alors certes, reconnaître ou mettre au jour l’agentivité cachée dans la vulnérabilité est une chose, adhérer au désir d’invulnérabilité en est une autre. Mais elles ne sont pas non plus sans affinité, et il n’est pas si surprenant de voir qu’un concept de vulnérabilité ainsi « dé-victimisé » a pu, à l’instar de celui d’autonomie, être complètement adapté à l’idéologie néo-libérale dans le bestseller de Brené Brown (2012) issu de sa conférence TED intitulée « Le pouvoir de la vulnérabilité » (2011), dans le top 10 des conférences TED les plus regardées dans le monde – cf. le commentaire de Cole (2016, p. 264) : « homoeconomicus in ‘power feminist’ drag ». Dans tous les cas, on doit s’interroger sur les potentialités inclusives de l’anthropologie de la vulnérabilité, qui loin de les avoir supprimés paraît avoir déplacé ou reporté le fardeau et la honte de la faiblesse et de l’inaction sur une catégorie politiquement inavouable.

(2) La vulnérabilité au prisme du genre

Quant à la seconde difficulté qui nous attend, et sur laquelle je terminerai ma présentation, elle tient à la distinction des deux sources ou des deux couches de la vulnérabilité qui permet théoriquement aux anthropologies de la vulnérabilité de ne pas prêter main forte à la naturalisation de la vulnérabilité, « meurtrière du point de vue politique » (Ferrarese, 2009), c’est-à-dire de rendre compte des vulnérabilités socialement et inégalement produites ou attribuées. Cette distinction explique par là même le « double avantage politique » de la notion de vulnérabilité, qui paraît

« moins stigmatisante que nombre de terminologies antérieures » et corrélativement à même de

« contenter potentiellement tant les partisans des politiques universalisantes que ceux des politiques

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ciblées » (Bordiez-Dolino, 2016). Cette vertu œucuménique ne saurait pourtant faire oublier deux choses : d’une part que « la trajectoire qui va de la reconnaissance de la vulnérabilité constitutive à l’identification et à la correction des inégalités concrètes » (Cole, 2016) reste obscure ; d’autre part que l’on n’a toujours pas trouvé de réponse pratiquement satisfaisante à la question de savoir

« quand exactement un degré de vulnérabilité fait partie de la fragilité de la condition humaine ou quand il est si prononcé que des mécanismes spéciaux de protection sont requis » (Schroeder &

Gefenas, 2009). Serait-ce que le point de départ de la trajectoire est mal assuré, et que la question est mal posée ?

Les contributions d’Estelle Ferrarese le mettent bien en évidence : le problème des taxonomies de la vulnérabilité qui distinguent le fondement anthropologique de notre exposition constitutive à l’altérité, ou de notre susceptibilité inhérente au dommage et au tort, des facteurs sociaux qui l’actualisent ou l’exploitent, est qu’elles semblent confirmer ou reconduire des dualismes ou des dichotomies que la perspective féministe du genre, qui inspire nombre d’entre elles, devrait pourtant avoir rendu caduques. Autrement dit, on doit s’étonner de voir que la distinction entre deux niveaux de réalité, l’un naturel ou structurel, en tout cas donné, et l’autre social et culturel, donc construit – on doit s’étonner de voir que cette distinction, qui dans la perspective du genre est considérée non seulement comme problématique mais comme étant elle- même socialement et culturellement construite, fournisse une solution ou en tout cas les prémisses d’une solution à la politisation de l’injustice sociale. Contre ces taxonomies, une théorie consistante de la vulnérabilité, qui aurait en bonne mémoire la vulnérabilisation historique du corps féminin et réciproquement la féminisation des corps désignés comme vulnérables, devrait analyser les implications de l’interpénétration des deux niveaux de réalité, tenir compte de la production conjointe et circulaire du naturel et du social, et ainsi renoncer, notamment, à faire du corps le site ontologique d’une vulnérabilité première par contraste avec celles qui seraient secondes ou socialement induites (Ferrarase & Boehringer, 2015). Cf. également la question posée par Cole (2016) : « Est-ce que nous disciplinons les vulnérables avant tout par manque de reconnaissance de notre condition partagée et de ses potentialités ? » Ou bien serait-ce plutôt que les mauvais traitements de la plupart des vulnérables dérivent de l’effectivité plus substantielle et complexe de dynamiques symboliques et matérielles de domination ?

Si l’on adopte la seconde branche de l’alternative, si du moins l’on amende la première par la seconde, on est alors amené à défendre un concept de vulnérabilité défini par les trois propositions suivantes : que ce concept suppose toujours un contexte normatif et une évaluation morale chargée de dire ce qui, dans notre exposition et notre susceptibilité, relève ou non de

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l’injustice ; qu’il n’y a de vulnérabilité qu’en situation ie déterminée par les pratiques sociales et les institutions qui en protègent certains et en exposent d’autres ; et enfin que les vulnérabilités ne peuvent être conçues qu’au pluriel et de façon systémique. Ces trois propositions participeraient ensemble de la résolution des tensions entre un usage universel et un usage catégoriel de la vulnérabilité, cela non pas par un déni de notre vulnérabilité commune ni par une homogénéisation des vulnérabilités différenciellement produites, mais par « l’écrasement d’une vulnérabilité sur l’autre ». A l’instar de Philippe Pettit on peut en effet imaginer, et politiquement souhaiter, l’avènement d’une classe unique de vulnérabilité au sens où l’appartenance à un genre, une race, une classe, perdrait la fonction d’indicateur et d’imposition d’une vulnérabilité particulière qui est aujourd’hui la sienne. Ce serait en tout cas peut-être déjà un pas dans la bonne direction.

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Références

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