N° d’ordre NNT : N003
THESE de DOCTORAT DE L’UNIVERSITE DE LYON
opérée au sein de
Ecole normale supérieure de Lyon
Ecole Doctorale N° 340
Biologie Moléculaire Intégrative et Cellulaire Spécialité de doctorat :
Sciences de la vie
Soutenue publiquement le 24/03/2016, par :
Mlle Wallis Nahaboo
Elongation du fuseau mitotique dans l’embryon de C.
elegans : caractérisation d'une Nouvelle Force de propulsion
Devant le jury composé de
:
Prof. Arezki Boudaoud Laboratoire de Reproduction et Développement des Plantes
Président
Dr. François Nédélec European Molecular Biology Laboratory Rapporteur
Dr. Julien Dumont Institut Jacques Monod Rapporteur
Dr. Matthieu Piel Institut Curie Examinateur
Dr. Marie Delattre Laboratoire de Biologie et Modélisation de la Cellule
Directeur de thèse
[…] pour grandes que soient les merveilles de la nature, elles sont toujours explicables par des raisons physiques.
Jules Verne, Voyage au centre de la terre
Remerciement
Tout d’abord, je tiens à remercier les membres de mon jury de thèse, Prof. Arezki Boudaoud, Dr. Julien Dumont, Dr. François Nédélec et Dr. Matthieu Piel, pour avoir accepté de juger mon travail de thèse.
Je souhaite remercier de tout cœur ma directrice de thèse, Dr. Marie Delattre qui m’a formée pendant toutes ces années. J’ai adoré travailler avec toi et j’espère que cela ne sera pas la dernière fois. Tu as su me remonter le moral dans les mauvaises périodes (au hasard, lors des nombreux rejets des éditeurs), et tu as su alimenter ma force de travail en me donnant avec tes fameuses listes Je souligne notamment ton côté pédagogue dont j’ai grandement profité. Je me rappelle lors de nos Journal Club où tu m’expliquais avec patience les fondamentaux et les règles de la biologie face à ma naïveté de physicienne. Je te dois la grande majorité de mes connaissances en biologie. Je te suis aussi reconnaissante pour m’avoir fait de plus en plus confiance pendant ces années me permettant, je pense, de développer ma personnalité en tant que chercheuse. Je veux aussi te dire que ta bonne humeur, ta diplomatie, et ton humour sont les clés de la bonne ambiance et de la solidarité qui règnent dans ton équipe. Grâce à toi, je ne fais pas partie des thésards qui ne veulent plus entendre parler de la recherche publique. Grâce à toi je suis devenue la chercheuse que je suis maintenant.
Je tiens à remercier les deux membres de mon Comité de Suivi de Thèse, Dr. Julie Plastino et Dr. Cendrine Moskalenko. Vos commentaires sur mon projet de thèse ont toujours été fructueux. Je vous remercie aussi de m’avoir aidée dans mon orientation de choix de post doctorat. Julie, même si nos rencontres ont été assez rares, je te remercie pour ton enthousiasme et ta bonne humeur. Cendrine, j’ai eu la chance d’interagir plus souvent avec toi et je tenais à te dire que tu as grandement joué dans ma vie professionnelle. Je me rappelle de notre première rencontre où grâce à ta générosité tu m’as conseillé des labos pour une thèse. Tu as toujours été présente pour boire un café et parler de l’avenir quand j’avais besoin de conseils. J’ai aussi beaucoup apprécié ton enthousiasme pour les microtubules ! Merci à toutes les deux de m’avoir tant conseillée durant cette thèse que cela soit pour la recherche de thèse et de post-doctorat, ou simplement pour la science.
Je remercie aussi Oliver Thorn-Seshold et Gosia Borowiak de m’avoir donné l’opportunité de travailler sur les molécules photoconvertibles. J’ai adoré collaborer avec vous deux. Je vous remercie de votre patience, de votre aide, de votre disponibilité, de votre optimisme et surtout de votre engouement pour chaque expérience réalisée. Avec vous, tout est « super » et « génial » et cela rend le travail extrêmement agréable même si les expériences sont parfois capricieuses! J’espère pouvoir continuer à travailler avec vous par la suite.
Je remercie aussi toute l’équipe de PLATIM, Christophe Chamot, Claire Lionet et Elodie Chatre. C’est grâce à vous que les microscopes et les lasers d’ablations fonctionnent, en d’autres termes c’est grâce à vous que j’ai pu réaliser toutes ces expériences sur ces pauvres embryons. Je vous remercie de votre patience et de votre aide lorsque les microscopes (ou moi-même) faisaient des siennes.
Je remercie aussi Prof. Kathrin Gieseler, Dr. Cendrine Moskalenko (encore !), Dr.
Martin Castelnovo, et toute l’équipe d’enseignement du département de biologie de l’ENS Lyon. Grâce à vous j’ai eu l’opportunité de donner des cours magistraux, des TDs et des TPs en biologie et en biophysique. Je garde un très bon souvenir de ces trois années de monitorat.
Par contre, je ne vous remercie pas car « grâce » à vous j’ai eu mon premier coup de vieux : à 22 ans se faire appeler « Madame » par un étudiant de 2 ans votre cadet : on sent que l’on rentre dans la vie active! Mais un des meilleurs souvenirs est d’avoir assisté à l’émerveillement d’étudiants en physique lorsqu’ils découvrent la biologie lors des TPs et d’avoir ainsi transmis ma fascination de la biologie.
Moins sérieusement, je tiens à remercier vivement les membres de l’équipe de Marie Delattre, plus facilement appelés les Delattre ! Merci à Aurore-Cécile, Caroline, Manon, Mélissa et Soizic, et aux différents stagiaires qui m’ont vue sourire ou galérer pendant cette thèse. Je ne peux citer tous les bons moments passés ensemble, cela ferait encore l’objet d’une thèse et je vous avoue que je vais attendre un peu J. Cependant, je vous assure que je ne citerai pas les mauvais moments pour une simple et bonne raison c’est que je n’en trouve pas ! Je peux vous dire que j’ai adoré faire des pauses papotage dans des bureaux surchauffés ou non, dehors au soleil, faire des pauses « goûter » (entre 9h et 18h car c’est connu il y a pas d’heure pour le goûter), aller boire des verres ensemble pour fêter quelque chose (ou non)... Je tiens à remercier en particulier Caroline pour avoir été ma co-bureau pendant ces 3 ans et demi, dont nos conversations quotidiennes vont réellement me manquer. J’espère que je serai dans ton top des meilleurs co-bureaux, en tout cas pour moi tu l’es.
Je voudrais également remercier les membres du LBMC et des autres laboratoires de Lyon avec qui j’ai pu interagir durant ma thèse. Je pourrais tous vous citer mais je vous remercie de vos sourires dans les couloirs, de vos aides et vos intérêts sur mes projets, et de nos échanges scientifiques (ou non). Je voudrais remercier en particulier les personnes qui ont animé ma vie de thésarde au cours de ces années: Axel, Chloé, Claire, Clémence, Coraline, Corentin, Delphine, Fabien, Flore, Florent, Jérôme, Lama, Magali, Marion Herbette, Marion Louveaux, Pauline, Sonia, Thibaut, Vincent (pas de jaloux, c’est classé par ordre alphabétique)
Je tiens à remercier mes amis qui ont pu voir mon évolution au cours de cette thèse Bénédicte, Adé, Sophie, Marine, Clio, Géraldine, Leslie, Christophe, Anthony, Xavier, Julien
et plein d’autres ! Je vous remercie de m’avoir fait vivre hors de ma thèse. Je vous remercie des nombreux weekends à droite à gauche en France ou à l’étranger. Je vous souligne également votre patience lorsque par sympathie vous écoutiez jusqu’au bout (enfin je crois) ma réponse à la question « c’est sur quoi ta thèse ? ». J’espère que vous avez bien compris que j’étudiais les forces permettant la séparation des chromosomes. Si vous avez simplement retenue que je masacrais des vers de terre je prendrai aussi cela comme une réussite personnelle J. Je remercie aussi mes amis du club du badminton de Bron (B.E.B), en particulier Magalie et Sarah qui m’ont vu progresser tout le long de ma thèse. Grâce à vous j’ai pu taper du volant après de grosses journées de labo pour décompresser. J’ai aussi adoré passer les soirées à rire sur les terrains et à partager des moments toujours sympas avec vous ! J’espère que l’on se reverra vite au cours d’un tournoi.
On rentre maintenant dans le club très select de la famille Nahaboo ! Je tiens à remercier ma sœur, mes parents (et aussi la main et Rihanna!) de m’avoir soutenue durant cette thèse. Je remercie en particulier ma sœur car je sais que je pourrai toujours compter sur elle quoiqu’il arrive. 2016 : grosse année pour les Nahaboo J. Je remercie aussi mes grands- parents, Charles Bustos et Jeanne Nahaboo pour m’avoir toujours témoigné de l’estime à mon égard. Je remercie aussi mon grand-père Khalid Nahaboo pour m’avoir donné envie de faire de la biologie. Même si tu ne peux lire cela je sais que tu aurais été plus que fier de moi aujourd’hui.
Enfin je tiens à remercier Jean-Charles Larrieu. On dit toujours le meilleur pour la fin et je rajouterai que je sais que tu es le seul qui aura la patience de m’écouter parler ou lire jusqu’au bout. Même si nos conditions de vie n’étaient pas évidentes durant ces trois ans et demi je voudrai juste dire : « on l’a fait !». Je ne te remercierai jamais assez pour m’avoir soutenue dans mon projet professionnel, de m’avoir réconfortée quand ces éditeurs diaboliques jouaient avec mon moral, de m’avoir encouragée à faire un post doctorat malgré les difficultés de la recherche académique, et de m’avoir épaulée et comprise durant les coups de bourre et de m’avoir dit « stop » quand j’étais un peu trop … comment dire….
« stressée ». Je ne te remercierai jamais assez d’avoir simplement été là pour moi et de m’aimer pour ce que je suis.
Sommaire
REMERCIEMENT ...
SOMMAIRE ...
TABLES DES ILLUSTRATIONS ...
TABLES DES TABLEAUX ...
I. CHAPITRE 1 : INTRODUCTION ... 1
I.A. LE CONTEXTE SCIENTIFIQUE ... 1
I.A.1 La division cellulaire dans un contexte évolutif ... 1
I.A.2 Les objectifs de thèse ... 2
I.B. LE NEMATODE C. ELEGANS ET SON EMBRYON ... 3
I.B.1 C. elegans : un ver comme modèle ... 3
I.B.2 Les outils génétiques ... 6
I.B.3 L’embryon précoce de C. elegans ... 7
I.B.4 Une approche biophysique possible ... 10
I.B.5 Conclusion sur l’organisme C. elegans et son embryon ... 11
I.C. LES MICROTUBULES ET LE FUSEAU MITOTIQUE ... 11
I.C.1 L’architecture et l’activité d’un microtubule ... 11
I.C.2 Les protéines et les molécules influençant les microtubules ... 16
I.C.2.a. Les moteurs moléculaires ... 16
I.C.2.b. Les molécules influençant la dynamique des microtubules ... 20
I.C.3 Les microtubules, générateurs de forces mécaniques ... 22
I.C.4 Le fuseau mitotique ... 24
I.D. LA DIVISION CELLULAIRE ... 26
I.D.1 Le cycle cellulaire ... 26
I.D.2 La métaphase ... 27
I.D.2.a. La métaphase chez les eucaryotes ... 27
I.D.2.b. La métaphase chez C. elegans ... 35
I.D.3 L’anaphase ... 36
I.D.3.a. L’anaphase chez les eucaryotes ... 36
I.D.3.b. L’anaphase chez C. elegans ... 44
I.D.4 La télophase ... 51
I.E. LA MICROSCOPIE ET L’ABLATION LASER ... 54
I.E.1 Microscopie du vivant avec le Spinning Disk confocal ... 54
I.E.2 La microchirurgie laser ... 56
I.F. PLAN EXPERIMENTAL ... 58
II. CHAPITRE 2 : MATERIELS ET METHODES ... 62
II.A. MANIPULATION DES NEMATODES C. ELEGANS EN LABORATOIRE ... 62
II.A.1 Maintenance des lignées ... 62
II.A.2 Lignées utilisées ... 64
II.A.3 Inactivation de gène par ARNi chez C. elegans ... 66
II.B. PHOTOSTATINS, COLCHICINE ET TAXOL ... 68
II.C. MICROSCOPIE ... 69
II.C.1 Montage des vers pour la microscopie du vivant ... 69
II.C.2 Acquisition des films au Spinning Disk ... 70
II.C.3 La microchirurgie laser ... 71
II.C.4 Dépolymérisation instantanée des microtubules ... 73
II.C.5 In/activation de Photostatins sous le confocal LSM710 ... 73
II.D. ANALYSE D’IMAGES ... 75
II.D.1 Analyse des positions des centrosomes et des chromosomes ... 75
II.D.2 Calcul de la force active initiale ... 77
II.D.3 Analyse de la dynamique des microtubules via l’extrémité en croissance ... 78
II.D.3.a. Détection d’EBP-‐2 dans l’embryon de C. elegans au centre du fuseau mitotique ... 78
II.D.3.b. Détection EB3 dans les cellules Hela sous l’influence de PST ... 79
III. CHAPITRE 3: CARACTERISATION D’UNE FORCE DE PROPULSION AU CENTRE DU FUSEAU MITOTIQUE ... 82
III.A. CONTEXTE SCIENTIFIQUE ... 82
III.B. « CHROMATIDS SEGREGATE WITHOUT CENTROSOMES DURING CAENORHABDITIS ELEGANS MITOSIS IN A RAN-‐ AND CLASP-‐DEPENDENT MANNER » ... 82
III.C. EXPERIENCES NON PUBLIEES SUR LA CARACTERISATION DE LA FORCE DE PROPULSION ... 100
III.C.1 Validation des OICDS ... 100
III.C.1.a. Localisation des kinétochores après OICD ... 100
III.C.1.b. La force de propulsion est-‐elle dépendante du centrosome détruit ? ... 100
III.C.2 Le frein SPD-‐1 est-‐il indirectement lié aux freins kinésine-‐5 et RanGDP? ... 101
III.C.3 Autres gènes candidats pouvant influencer la nouvelle force de propulsion ... 103
III.C.3.a. Inactivation du complexe centralspindlin et de SPD-‐1 en l’absence de centrosome ... 103
III.C.3.b. Autres gènes candidats : ptrn-‐1, isw-‐1 et tpxl-‐1 ... 107
III.C.3.c. Rôles potentiels des kinésines dans une force de propulsion et alternative à l’OICD ... 108
III.C.4 Le mécanisme de la force de propulsion ... 111
III.C.4.a. Repousse des microtubules via la température ... 112
III.C.4.b. Suivi des comètes d’EBP-‐2 après OICD ... 112
III.C.4.c. Force initiale de séparation des chromosomes ... 114
III.C.5 La force de propulsion dans d’autres cellules ... 117
III.C.5.a. Effet de RanGTP sur l’élongation du fuseau méiotique de C. elegans ... 118
III.C.5.b. Destruction de centrosomes dans la cellule EMS ... 119
III.C.6 « Nuclei rescue » ... 120
III.D. DISCUSSION GENERALE SUR LA NOUVELLE FORCE DE PROPULSION ... 123
IV. CHAPITRE 4: CARACTERISATION DES PHOTOSTATINS ... 128
IV.A. CONTEXTE BIOLOGIQUE ... 128
IV.B. « PHOTOSWITCHABLE INHIBITORS OF MICROTUBULE DYNAMICS OPTICALLY CONTROL MITOSIS AND CELL DEATH » ... 129
IV.C. INACTIVATION SUBCELLULAIRE DES MICROTUBULES ... 150
IV.C.1 Introduction ... 150
IV.C.2 Utilisation de PST-‐2 dans l’embryon précoce de C. elegans ... 150
V. CHAPITRE 5 : PERSPECTIVES ... 155
VI. BIBLIOGRAPHIE ... 158
VII. ANNEXE ... 174
VII.A. PROGRAMMES MATLAB POUR LE PROJET DE CARACTERISATION D’UNE FORCE DE PROPULSION .. 174
VII.B. PROGRAMMES MATLAB : QUANTIFICATION DE LA DYNAMIQUE DES MICROTUBULES EN PRESENCE DE PST… ... 175
VII.C. PROGRAMMES MATLAB: AUTRES PROJETS DE L’EQUIPE ... 176
ABSTRACT ... 177
RESUME ... 178
Tables des illustrations
FIGURE 1: IMAGE REPRESENTANT LA PREMIERE DIVISION CELLULAIRE DE 4 ESPECES DE NEMATODES EN DIC ... 2
FIGURE 2: ANATOMIE D ‘UN VERS ADULTE C. ELEGANS EN DIC. ... 5
FIGURE 3: CYCLE DU NEMATODE C. ELEGANS. ... 5
FIGURE 4: SCHEMA REPRESENTANT L’INACTIVATION DE GENES PAR INGESTION DE BACTERIES EXPRIMANT LE DOUBLE BRIN D’ARN. ... 7
FIGURE 5: SCHEMA REPRESENTANT L’APPAREIL DE REPRODUCTION DU VERS ADULTE C. ELEGANS. ... 8
FIGURE 6: ENTREE DU SPERMATOZOÏDES. ... 8
FIGURE 7: IMAGES EN DIC D’UN EMBRYON C. ELEGANS APRES LA FECONDATION. ... 9
FIGURE 8: EMBRYOGENESE DE C. ELEGANS. ... 10
FIGURE 9: LES FILAMENTS DU CYTOSQUELETTE. ... 12
FIGURE 10: ARCHITECTURE ET ASSEMBLAGE D’UN MICROTUBULE. ... 13
FIGURE 11: LES CONFORMATION DES LATTICES. ... 13
FIGURE 12: CYCLE DYNAMIQUE D’UN MICROTUBULE. ... 14
FIGURE 13: IMAGES DE MICROTUBULES PAR AFM EN PRESENCE DE GDP, GTP OU DE TAXOL. ... 15
FIGURE 14: SCHEMA REPRESENTANT LA DYNEINE. ... 17
FIGURE 15: MECANISME DE LA DYNEINE.. ... 17
FIGURE 16: SCHEMA REPRESENTANT UNE KINESINE-‐N SUR UN MICROTUBULE. ... 18
FIGURE 17: LE MÉCANISME DE LA KINÉSINE. ... 19
FIGURE 18: SCHEMA DES SITES DE LIAISON DES MOLECULES TAXOL ET COLCHICINE. ... 20
FIGURE 19: LES FORCES GENEREES PAR LES MICROTUBULES. ... 23
FIGURE 20: DIFFERENTES FORCES GENEREES PAR GLISSEMENT DES MICROTUBULES DANS DES FAISCEAUX. ... 24
FIGURE 21: SCHEMA D’UN FUSEAU MITOTIQUE ET DE SES FORCES DURANT L’ANAPHASE. ... 26
FIGURE 22: SCHEMA DU CYCLE CELLULAIRE. ... 27
FIGURE 23: SCHEMA EXPLICATIF DU FONCTIONNEMENT DE RAN ET SON ACTION DANS LA NUCLEATION DES MICROTUBULES ... 29
FIGURE 24 : SCHEMAS SIMPLIFIES DE L’INTERACTION ENTRE L’ADN ET LE MICROTUBULE A L’AIDE DU KINETOCHORE..31
FIGURE 25 : SCHEMA EXPLICATIF DE L’INTERACTION ENTRE DAM1 (A) (ANNEAU ROSE) ET SKA1 (B) (PROTEINE ORANGE) ... 32
FIGURE 26: TRANSITION METAPHASE-‐ANAPHASE. ... 35
FIGURE 27: METAPHASE D’UN EMBRYON DE C. ELEGANS. ... 36
FIGURE 28: SCHEMA DES ANAPHASES A ET B ... 36
FIGURE 29: SCHEMA DE PRINCIPE DE L’ANAPHASE A (POLEWARD FLUX ET PAC-‐MAN) VIA LES KINEISNES-‐13 ET L’ACTION DE LA PROTEINES SKA1. ... 38
FIGURE 30: LA KINESINE 5. ... 41
FIGURE 31: SCHEMA DE LOCALISATION ET DES INTERACTIONS DE LA MAP-‐65/ASE1/PRC1/SPD-‐1 DANS UN FAISCEAU DE MICROTUBULES ANTIPARALLELES. ... 42
FIGURE 32: SCHEMA DE PRINCIPE DES GENERATEURS DE FORCES DYNEINE -‐ LIN-‐5 -‐ GPR-‐1/2 -‐ GΑ, AU CORTEX SUR LE MICROTUBULES. ... 43
FIGURE 33: SCHEMA RECAPITULATIF DES DIFFERENTES FORCES POUVANT ETRE IMPLIQUEES DURANT L’ANAPHASE ... 44
FIGURE 34: ANAPHASE DANS L’EMBRYON PRECOCE DE C. ELEGANS ... 45
FIGURE 35: MOUVEMENTS DES CENTROSOMES DANS L’EMBRYON PRECOCE DE C. ELEGANS. ... 45
FIGURE 36: SCHEMA EXPLICATIF DU MODELE BIOPHYSIQUE DES OSCILLATIONS TRANSVERSES DU FUSEAU MITOTIQUE DANS L’EMBRYON PRECOCE DE C. ELEGANS.. ... 48
FIGURE 37: SCHEMA RESUMANT LES FORCES MECANIQUES PRESENTES EN ANAPHASE DANS L’EMBRYON PRECOCE DE C. ELEGANS ... 49
FIGURE 38: LA MEIOSE DE L’EMBRYON DE C. ELEGANS.. ... 50
FIGURE 39 : MODELES PROPOSES PAR (DUMONT ET AL., 2010)(A) ET (MUSCAT ET AL., 2015) (B) DE LA SEGREGATION DES CHROMOSOMES EN MEIOSE CHEZ C. ELEGANS ... 51
FIGURE 40: MECANISMES CELLULAIRES PERMETTANT LA CONSTRICTION COMPLETE DU SILLON DE CLIVAGE VIA RHOA (A) ET RAC (B). ... 52
FIGURE 41: SCHEMA REPRESENTANT LA DYNAMIQUES DES DEUX SIGNAUX INITIALISANT LE SILLON DE CLIVAGE. ... 53
FIGURE 42: TELOPHASE DE L’EMBRYON DE C. ELEGANS. ... 54
FIGURE 43: SCHEMA EXPLIQUANT LE PRINCIPE DE LA FLUORESCENCE POUR LA GFP ET LE PHOTOBLANCHIMENT. ... 55
FIGURE 44: PRINCIPE DES MICROSCOPES CONFOCAUX. ... 56
FIGURE 45: SCHEMA EXPLIQUANT COMMENT LA MATIERE EST DETRUITE AU NIVEAU ATOMIQUE ... 57
FIGURE 46: SCHEMA DES NIVEAUX D’ENERGIE POUR LE LASER BIPHOTON A 800 NM COMPARE A UN LASER NON PULSE A 400 NM ... 58
FIGURE 47: SCHEMA RESUMANT LES DIFFERENTS PROBLEMATIQUES DE THESE ... 60
FIGURE 48: IMAGES REPRESENTANT LES LIGNEES ANA065 (A) ET ANA054 (B). ... 65
FIGURE 49: SCHEMA EXPLICATIF D'UN CROISSEMENT CHEZ C. ELEGANS.. ... 66
FIGURE 50: PROTOCOLE OICD.. ... 72
FIGURE 51: IMAGES REPRESENTANT DES EMBRYONS APRES OICD PAR DEUX TYPES DE MICROCHIRURGIE LASER. ... 73
FIGURE 52: SCHEMA DETAILLANT LE PROTOCOLE D’IN/ACTIVATION LOCALE DE PST-‐1.. ... 74
FIGURE 53: EXPLICATION DU SUIVI DES CENTROSOMES ET DES CHROMOSOMES AUTOMATIQUEMENT AVEC MATLAB. .... 76
FIGURE 54: SCHEMA DES ENTREES ET SORTIES DES PROGRAMMES MATLAB. ... 77
FIGURE 55: PRINCIPE DE LA MACRO ROTATION DEVELOPPE PAR P-‐G. BRUN. ... 79
FIGURE 56: SCHEMA RESUMANT LA BALANCE DES FORCES DANS L’EMBRYON PRECOCE DE C. ELEGANS. ... 83
FIGURE 57: LOCALISATION DES KINETOCHORES APRES OICD. ... 100
FIGURE 58: DETRUIRE LE CENTROSOME ANTERIEUR OU POSTERIEUR N’INFLUENCE PAS LA FORCE DE PROPULSION. S . 101 FIGURE 59: LOCALISATION DE SPD-‐1 EN ANAPHASE. ... 102
FIGURE 60: LA ZONE DE LOCALISATION DE SPD-‐1 AU CENTRE DU FUSEAU EST PLUS IMPORTANTE EN L’ABSENCE DE BMK-‐1. ... 102
FIGURE 61: LA DOUBLE INACTIVATION DE CYK-‐4 ET SPD-‐1 NE SUPPRIME PAS LA SEPARATION DES CHROMOSOMES. 104 FIGURE 62: LE PHENOTYPE SPD-‐1(OJ5) EST PLUS PENETRANT QUE CELUI DE SPD-‐1(ARNI). ... 104
FIGURE 63: HYPOTHESES DE L’ACTIVITE DES PROTEINES DU FUSEAU CENTRAL DANS LES DIFFERENTES CONDITIONS EXPERIMENTALES ... 106
FIGURE 64: INACTIVATION DE TPXL-‐1, ISW-‐1, ET PTRN-‐1. ... 108
FIGURE 65: INACTIVATION DES KINESINES-‐14 DANS UN CONTEXTE OU LES FORCES CORTICALES SONT REDUITES. ... 109
FIGURE 66: EMBRYONS Gα MUTANTES. ... 110
FIGURE 67: INACTIVATION GENETIQUE DES FORCES CORTICALES. ... 111
FIGURE 68: DETECTION DES COMETES EBP-‐2 AU CENTRE DU FUSEAU MITOTIQUE. ... 113
FIGURE 69: KYMOGRAPHES DE LA DYNAMIQUE DES MICROTUBULES AU CENTRE DU FUSEAU MITOTIQUE. ... 114
FIGURE 70: LES FORCES ACTIVES INITIALES. ... 116
FIGURE 71: EFFET DE RANGTP SUR L’ELONGATION DU FUSEAU MEIOTIQUE. ... 118
FIGURE 72: OICD DANS UNE CELLULE EMS. ... 119
FIGURE 73: « NUCLEI RESCUE ». ... 121
FIGURE 74 : SCHEMA EXPLICATIF DES HYPOTHESES SUR LA NATURE DE LA NOUVELLE FORCE DE PROPULSION. ... 125
FIGURE 75 : SCHEMA DE LA STRATEGIE UTILISEE POUR ACTIVER PST DE MANIERE SUBCELLULAIRE ET LOCALE DANS LES EMBRYONS DE C. ELEGANS. ... 130
FIGURE 76 : SCHEMA EXPLICATIF DE DEPOLYMERISATION DES MICROTUBULES ASTRAUX. ... 151
FIGURE 77 : ALTERATIONS DES OSCILLATIONS AVEC PST-‐2 ACTIF.. ... 151
FIGURE 78 : ROTATION DU FUSEAU MITOTIQUE DANS LA CELLULE AB AVEC PST-‐2 ACTIF. I. ... 152
FIGURE 79 : DIVISION SYMETRIQUE DE P0 GRACE A PST-‐2 ACTIF.. ... 152
FIGURE 80: LES MOLÉCULES SIR DANS DES EMBRYONS PERMÉABILISÉS DE C. ELEGANS. ... 156
Tables des tableaux
TABLEAU 1: LISTE DES KINESINES CHEZ C. ELEGANS.. ... 19
TABLEAU 2 : LISTE DES EFFECTEURS DE RAN LIES AUX MICROTUBULES. ... 29
TABLEAU 3 : LISTE DES LIGNEES C.ELEGANS UTILISEES.. ... 64
TABLEAU 4: LISTE DES ARNI UTILISES ... 68
TABLEAU 5: PARAMETRES D’ACQUISITION SUR LE SPINNING DISK SANS ABLATION LASER ... 70
TABLEAU 6: PARAMETRES DU PROGRAMME UTRACK POUR LA DETECTION DE COMETES EB DANS L’EMBRYON DE C. ELEGANS ... 78
TABLEAU 7: PARAMETRES DU PROGRAMME UTRACK POUR LA DETECTION DE COMETES EB DANS LES CELLULES HELA . 80 TABLEAU 8: TABLEAU RECAPITULATIF DES CONDITIONS OU LA « NUCLEI RESCUE » A ETE OBSERVEE ... 122
TABLEAU 9: LISTE DES PROGRAMMES MATLAB DEVELOPPES POUR LE PROJET « CARACTERISATION D’UNE FORCE DE PROPULSION ». ... 175
TABLEAU 10: LISTE DES PROGRAMMES MATLAB DEVELOPPES POUR LE PROJET « PHOTOSTATINS » ... 175
TABLEAU 11: LISTE DES PROGRAMMES MATLAB DEVELOPPES POUR D’AUTRES PROJETS DE L’EQUIPE ... 176
INTRODUCTION
1
I. Chapitre 1 : Introduction
I.A. Le contexte scientifique
I.A.1 La division cellulaire dans un contexte évolutif
La division cellulaire, comme d’autres fonctions cellulaires essentielles, est un processus très conservé au cours de l’évolution. La question qui intéresse mon équipe d’accueil est de comprendre comment, malgré des millions d’années d’évolution, de tels processus cellulaires peuvent rester inchangés. Comment les mutations qui se sont obligatoirement accumulées dans les génomes, n’ont pas conduit à des changements de phénotypes ? Est-ce que des changements dans les mécanismes sous-jacents ont été possibles, sans pour autant affecter le produit final (par exemple la division cellulaire), et si oui quels types de changements ont été possibles ? Pour tenter de répondre à ces questions sur la dynamique évolutive des processus cellulaires, mon équipe d’accueil a choisi d’étudier la première division embryonnaire des nématodes. Dans de très nombreuses espèces, dont l’espèce modèle Caenorhabditis elegans (C. elegans), la première division embryonnaire est asymétrique et donne naissance à deux cellules de taille et de destinée différentes. Ceci est dû au positionnement asymétrique du fuseau mitotique, la structure qui porte les chromosomes. Les mouvements du fuseau mitotique pendant cette première division embryonnaire sont très bien connus et très stéréotypés dans l’espèce C. elegans. Ils reflètent l’action des forces mécaniques agissant sur le fuseau afin de le déplacer.
Des membres de mon équipe ont imagé en microscopie DIC (Differential Interference Contraste) les premières divisions cellulaires de plus d’une quarantaine d’espèces de nématodes. Ils ont remarqué qu’en fonction des espèces, le fuseau mitotique se positionne à chaque fois asymétriquement alors qu’il s’allonge plus ou moins vite, plus ou moins loin, et qu’il oscille avec différentes amplitudes et fréquences (Figure 1) (Valfort et al. in preparation). Les mécanismes de positionnement, d’élongation et d’oscillations du fuseau mitotique sont dépendants de forces mécaniques générées par les microtubules.
2
Figure 1: Image représentant la première division cellulaire de 4 espèces de nématodes en DIC. Nous remarquons que les divisions ne se sont pas identiques. La zone lisse correspond au fuseau mitotique et aux
noyaux et la zone granuleuse correspond au cytoplasme.
Ces observations montrent que bien que la fonction cellulaire soit extrêmement conservée (division asymétrique), les mécanismes sous-jacents (dynamique du fuseau) divergent en fonction des espèces. Ces résultats suggèrent aussi que des changements dans les forces connues chez C. elegans pour influencer les mouvements du fuseau ne seraient pas suffisants pour expliquer les mouvements observés entre espèces. La variété des dynamiques du fuseau mitotique suggère que la balance des forces mécaniques n’est pas conservée entre les espèces. Pour comprendre les changements évolutifs et entreprendre une approche comparative, il était nécessaire de pouvoir d’abord décrire la balance des forces dans l’espèce C. elegans.
Les déplacements du fuseau mitotique dans l’embryon de C. elegans sont dominés par des forces de traction corticales, agissant sur les microtubules astraux. Avec ma formation en biophysique, j‘ai cherché à savoir pendant ma thèse si le fuseau central, la région qui connecte les deux centrosomes, pouvait également générer une force mécanique pendant la mitose, ou se comportait comme un élément passif.
I.A.2 Les objectifs de thèse
Dans un premier temps, j’ai cherché à savoir si des forces mécaniques, indépendantes des forces corticales, contribuaient à la dynamique du fuseau mitotique. Par microchirurgie laser, j’ai montré l’existence d’une force de propulsion interne au fuseau mitotique permettant la séparation des chromosomes en mitose, agissant indépendamment des centrosomes et de l’activité des microtubules kinétochoriens. En combinant l’inactivation de gènes et la microchirurgie laser, j’ai caractérisé cette force de propulsion comme étant
3
dépendante, entre autre, de deux protéines favorisant la polymérisation des microtubules, CLASP et RanGTP.
Afin de comprendre comment cette force de propulsion est produite, nous avons été amenés à collaborer avec des biochimistes de l’équipe du Dr. D. Trauner, à Munich, spécialistes des molécules photoactivables. Cette équipe avait développé une molécule photoconvertible, Photostatin, permettant la dépolymérisation des microtubules de manière locale et réversible à la lumière. J’ai utilisé l’embryon de C. elegans pour caractériser cette molécule. Nous avons montré que Photostatins induit le dépolymérisation de manière non invasive, locale et réversible des microtubules in vivo.
Chacun de mes projets de thèse a été validé par une publication :
- identifier et caractériser une force de propulsion interne au fuseau mitotique de C.
elegans, en combinant les approches biophysiques et génétiques (Nahaboo et al., MBoC, 2015)
- caractériser une nouvelle molécule photoactivable, Photostatin, qui contrôle la dynamique des microtubules de manière locale et réversible (Borowiak et al., Cell, 2015).
Dans mon manuscrit, je décrirai en introduction les avantages du modèle C. elegans et de son embryon. Je parlerai ensuite des propriétés des microtubules et du fuseau mitotique avant de faire un état de l’art de la division cellulaire chez les eucaryotes et en particulier chez C. elegans. Je finirai mon introduction avec une partie expliquant les techniques de microscopie et de microchirurgie laser que j’ai utilisées en routine durant ma thèse. Les différents résultats obtenus seront expliqués et discutés dans les chapitres suivants en présence des articles publiés. Les travaux non publiés associés à chacun des projets seront également décrits. Je finirai avec des perspectives de ces projets à long terme.
I.B. Le nématode C. elegans et son embryon
I.B.1 C. elegans : un ver comme modèle
Caenorhabditis elegans (C. elegans) est un animal modèle de laboratoire établit en 1974 par Sydney Brenner, (Brenner, 1974). Il a depuis été extrêmement utilisé sur diverses thématiques, comme la neurologie, l’étude de l’apoptose, le développement et la division cellulaire. Sydney Brenner a obtenu le prix Nobel de physiologie en 2002 avec John E.
Sulston et Robert Horvitz pour ses travaux sur C. elegans et leurs contributions majeures. C.
elegans est un ver rond, non segmenté appartenant à l’embranchement des nématodes.
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A l’état sauvage, C. elegans vit dans les fruits en décomposition (Frézal and Félix, 2015). Il possède différentes particularités qui le rendent très intéressant pour l’étude en laboratoire, spécialement car :
- il est petit (1 mm à taille adulte) requérant peu d’espace (Figure 2).
- il possède un temps de vie court, de 2 à 3 semaines. Son temps de génération n’est que de 3 jours.
- il se cultive entre 16 et 25 °C et il se nourrit de bactéries Escherichia Coli.
- il peut rentrer en phase de « dormance » pendant plusieurs mois lorsque les conditions environnementales ne sont pas favorables. Il est extrêmement résistant. Il supporte la congélation à -80 °C, et pour l’anecdote, en 2003, il a été retrouvé dans les
débris de la fusée Columbia détruite au décollage
(http://news.bbc.co.uk/2/hi/science/nature/2992123.stm).
- il est transparent permettant une visualisation des différents organes et structures à l’intérieur du ver (Figure 2). Son embryon est aussi transparent permettant la visualisation du noyau et du fuseau mitotique en optique DIC lors de la division cellulaire.
- son lignage cellulaire est invariant permettant de suivre le développement larvaire et la formation des organes. Au stade adulte, le ver C. elegans possède très précisément 959 cellules somatiques.
- il est hermaphrodite autofécondant avec des mâles facultatifs. Cette particularité est très avantageuse notamment pour la génétique car il est possible de faire des croisements, et il est très simple d’obtenir des animaux homozygotes par l’autofécondation. Un ver a une descendance d’environ 200 vers qui sont les clones du parent.
- son génome est séquencé avec un peu plus de 19 000 gènes très bien annotés. De nombreux outils génétiques sont disponibles et simples à mettre en œuvre comme l’ARN interférant (ARNi) ou la transgénèse.
- il possède un système nerveux et des muscles. Il est constitué d’un pharynx, un intestin, un utérus, et deux gonades. Les gonades sont composées de deux spermathèques et d’une partie distale où les cellules germinales femelles sont produites dans un syncytium. Le syncitium permet l’injection d’ADN, d’ARN ou des protéines qui pourront être incorporés aux ovocytes en formation (Figure 2). En simplifiant, la moitié de son corps est occupé par le système de reproduction afin de produire des embryons à la chaîne. Cela est très intéressant pour notre étude sur l’embryon précoce car nous pouvons travailler sur un nombre d’échantillon important.
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Figure 2: Anatomie d ‘un vers adulte C. elegans en DIC. L’image a été adaptée du site web nematode.net. Un ver adulte mesure 1mm de long
La vie d’un nématode commence par une phase embryonnaire, suivie de quatre phases larvaires et enfin d’une phase adulte (Figure 3). A ce dernier stade, le ver a la capacité de procréer et de nouveaux embryons seront générés. L’embryon de C. elegans, mesure 50 µm de long et 30 µm de diamètre. Il est protégé par une coquille formée juste après sa fécondation. Avec sa coquille, l’embryon est totalement autonome, acquérant la capacité de se développer hors de l’utérus. Au bout de 12 h de développement, l’embryon se transforme en larve. Il existe 4 stades larvaires (L1, L2, L3 et L4) correspondant à des tailles de larves et des étapes de développement des appareils reproducteurs différents. Durant les premières phases, les larves, en stades L1 et L2, sont extrêmement petites et leurs organes génitaux ne sont pas encore développés. Au stade L3, les deux gonades et l’utérus sont présents. Au dernier stade, L4, la spermathèque et la vulve se forment. Ainsi au stade adulte, le ver est parfaitement opérationnel pour procréer et générer une nouvelle descendance.
Figure 3: Cycle du nématode C. elegans. Image provenant de wormatlas (http://www.wormatlas.org/hermaphrodite/introduction/Introframeset.html)
6 I.B.2 Les outils génétiques
Il existe différentes techniques de transgénèse pour C. elegans, permettant l’intégration de transgènes d’intérêt (par exemple, un gène codant pour une protéine fusionnée à une protéine fluorescente) dans le génome:
- le bombardement (Praitis et al., 2001). Un plasmide contenant le transgène d’intérêt est lié à des billes d’or qui vont être bombardées sur des milliers de vers à haute pression. Dans certains vers, les billes d’or pénètrent dans un noyau, et libèrent le plasmide qui va alors s’intégrer au génome. Avec cette technique, la quantité et la localisation du transgène dans le génome sont aléatoires.
- le MosCI (Frøkjær-Jensen et al., 2008). Des animaux possédant un transposon de Drosophile, Mos1 (préalablement introduit dans le génome de C. elegans) vont être microinjectés avec : 1) une transposase permettant l’excision de Mos1, 2) le transgène d’intérêt flanqué des régions du génome bordant Mos1. L’excision du transposon entraine une cassure double brin dans le génome et par recombinaison homologue, le transgène est alors intégré. Cette technique permet d’insérer des gènes en une seule copie avec une localisation précise. Elle requiert l’existence de lignées possédant des copies uniques de Mos1.
- le CRSIPR (Doudna and Charpentier, 2014). Cette technique est la plus récente et en théorie peut s’appliquer sur n’importe quelle espèce de nématodes. L’enzyme Cas9, un brin d’ARN, et le transgène d’intérêt flanqué des régions du génome où doit se faire son insertion sont injectés dans la gonade du ver adulte. Le brin d’ARN définit l’endroit dans le génome où l’enzyme Cas9 va effectuer une cassure double brin. Par recombinaison homologue, le transgène d’intérêt sera intégré dans le génome. Cette technique permet d’intégrer des séquences en copie unique dans le génome, à n’importe quel locus choisi.
De nombreuses lignées transgéniques sont déjà disponibles dans la communauté scientifique. Il existe également une grande collection de mutants. Ces lignées sont le plus souvent stockées au Caenorhabditis Genetics Center (CGC, http://cbs.umn.edu/cgc/home) et distribuées sur demande.
Il est possible d’inactiver les gènes par ARNi de manière très efficace et simple chez C. elegans (Timmons and Fire, 1998). Un double brin d’ARN peut être microinjecté dans la gonade syncytiale, ce qui entraine la dégradation de l’ARN endogène de l’animal injecté, mais également souvent dans sa descendance. Ces brins d’ARN peuvent atteindre des tailles de 800 nucléotides, et il n’est donc pas nécessaire de produire des brins de 21 nucléotides, comme pour les expériences dans les cellules humaines par exemple. Étonnamment, le ver va également déclencher une réaction d’interférence à l’ARN si les double brins d’ARN sont simplement ingérés (Kamath et al., 2003). Ces doubles brins vont être libérés dans l’intestin et ils vont diffuser dans les gonades syncitiales. Lors de la formation des ovocytes, le
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cytoplasme provient du cytoplasme de la gonade de la mère où est présent le double brin d‘ARN. Ainsi, les embryons contiennent les doubles brins d’ARN et le mécanisme d’ARNi se déclenche. Une technique très simple consiste donc à nourrir les vers avec des bactéries exprimant le double brin d’ARN, ciblant le gène à inactiver (Figure 4) (II.A.3). Des banques de bactéries contenant plus de 16 000 gènes du génome de C. elegans sont disponibles. Nous possédons la banque de l’équipe Ahringer au laboratoire (Kamath et al., 2003).
Figure 4: Schéma représentant l’inactivation de gènes par ingestion de bactéries exprimant le double brin d’ARN.
I.B.3 L’embryon précoce de C. elegans
Grâce à la transparence du ver, il est possible d’observer facilement la formation et le développement des embryons. L’embryogenèse est extrêmement stéréotypée d’un embryon à un autre, facilitant l’observation des phénotypes par exemple lors de cribles de mutants.
Les ovocytes sont bloqués en méiose I dans la partie proximale de la gonade de C.
elegans, juste avant la fécondation (Figure 5). Les ovocytes passent ensuite dans la spermathèque où ils sont fécondés. A la sortie de la spermathèque, les embryons sont stockés dans l’utérus avant d’être pondus, lorsqu’ils atteignent environ le stade de 40 cellules (Figure 5). La spermathèque est la réserve limitée de spermatozoïdes. Lors de l’accouplement entre un ver hermaphrodite et un ver mâle (facultatif), le mâle injecte ses spermatozoïdes qui vont se localiser dans la spermathèque, en attendant le passage d’un ovocyte. Dans ce cas, l’hermaphrodite aura à la fois ses propres spermatozoïdes et ceux provenant du mâle.
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Figure 5: Schéma représentant l’appareil de reproduction du vers adulte C. elegans. Images provenant de http://devbio201415.tumblr.com/
Avant que l’ovocyte ne rentre dans la spermathèque, son noyau se délocalise à l’opposé de la spermathèque. Ainsi, le spermatozoïde rentre dans la majorité des cas dans l’ovocyte, du coté opposé du noyau de l’ovocyte. Le point d’entrée du spermatozoïde définit le côté postérieur de la cellule, car il entraine la polarisation de la cellule (Figure 6) (Goldstein and Hird, 1996). Après fécondation, la méiose de l’ovocyte se termine. Cette méiose se déroule donc du côté antérieur de l’embryon. La polarisation initiale et très précoce de l’embryon juste après la fécondation est une étape cruciale. Cette polarisation va dicter de nombreux autres évènements dans la cellule, notamment le déplacement asymétrique du fuseau mitotique qui va entrainer une première division asymétrique, comme nous le verrons par la suite.
Figure 6: Entrée du spermatozoïdes. A. Image en DIC représentant la fin d’une gonade avec un ovocyte dont le pronoyau s’est déplacé vers le côté antérieur, la spermathèque avec les spermatozoïdes. B. Schéma explicatif de
l’image en DIC (Goldstein and Hird, 1996).
Une fois la méiose terminée, le centrosome apporté par le spermatozoïde se duplique, et les deux centrosomes fils se positionnent de manière opposée autour du pronoyau mâle.
Suite à l’entrée du spermatozoïde, des contractions du cytosquelette sont provoquées et culminent en générant transitoirement un sillon très marqué appelé « le pseudoclivage ».
Le pronoyau femelle, côté antérieur, migre vers le pronoyau mâle, côté postérieur (Figure 7). La migration du pronoyau femelle est due au déplacement du pronoyau le long des microtubules émanant des centrosomes, et à la contraction du réseau d’actine qui génère la formation d’un pseudo-clivage de la membrane (Goldstein et al., 1993). Le complexe formé par les deux pronoyaux associés aux centrosomes migre vers le centre de la cellule tout en
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effectuant une rotation de 90° qui aligne les asters selon l’axe antério-postérieur. Ce mécanisme est appelé « centration/rotation ». Une fois les asters alignés, les membranes nucléaires se rompent et le fuseau mitotique se forme (Figure 7). Au cours de l’anaphase, les asters s’éloignent et subissent des oscillations transverses. L’amplitude des oscillations est proportionnelle au déplacement. Le déplacement de l’aster postérieur étant plus important que celui de l’aster antérieur, il en résulte un déplacement global du fuseau mitotique vers le pôle postérieur. En fin de mitose, le sillon de cytokinèse s’alignant au centre du fuseau mitotique, deux cellules filles de tailles différentes se forment : une grande cellule AB antérieure et une plus petite P1 postérieure (Figure 8).
Figure 7: Images en DIC d’un embryon C. elegans après la fécondation. Les parties lisses représentent les pronoyaux et les centrosomes et les parties granuleuses représentent les granules dans le cytoplasme. Sur ces images, nous observons la rencontre, la migration et la centration des pronoyaux, et la rupture de l’enveloppe
nucléaire (NEBD)
L’embryon est entouré d’une coquille rigide qui contraint les cellules pendant les divisions successives. A chaque division, les cellules diminuent en taille. Ainsi, la première cellule de l’embryon, appelée P0, est la plus grande des cellules de l’embryon de C. elegans (Figure 8). Comme pour le reste du développement de C. elegans, tous les évènements cellulaires sont très stéréotypés dans cette cellule : tailles et mouvements des noyaux, contraction de la membrane, flux du cytoplasme, mouvements du fuseau mitotique etc. Il est donc très simple d’identifier des défauts dans ces processus lorsqu’on analyse des mutants ou des phénotypes ARNi. Ainsi, l’embryon précoce de C. elegans est rapidement devenu un modèle pour la biologie cellulaire où de nombreux processus cellulaires ont pu être décryptés (Gönczy and Rose, 2005).
Après sa division, la cellule P0 donne naissance à deux cellules différentes en taille et en devenir : AB, la plus grande cellule est située du côté antérieur de l’embryon, et P1, la plus petite cellule est située du côté postérieur de l’embryon (Figure 8). La cellule AB se divise au stade suivant en cellules ABa et ABp de manière symétrique, contrairement à la cellule P1 qui se divise en cellules EMS et P2 de manière à nouveau asymétrique. Les cellules ABa et ABp se divisent symétriquement, contrairement aux cellules EMS et P2 qui se divisent asymétriquement. La cellule P2 génère les cellules C et P3. A ce stade seulement la
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cellule P3 se divise asymétriquement générant les cellules D et P4. P4 est la cellule précurseur de la lignée germinale. Un défaut de division cellulaire dans les cellules précoces de l’embryon peut engendrer des anomalies dans la formation d’organes. Par exemple, si la cellule P4 est anormale alors le futur ver peut être stérile.
Figure 8: Embryogenèse de C. elegans. A. Images en DIC du développement d‘un embryon de C. elegans avant la rencontre des pronoyaux jusqu’à la formation de la larve. Images provenant de
http://www.apsnet.org/publications/apsnetfeatures/Pages/Celegans.aspx. B. Le développement cellulaire lors des premiers stades de l’embryogénèse. La division cellulaire de la cellule P0 est asymétrique et donne
naissance aux cellules AB et P1. La cellule postérieure continue de se diviser asymétriquement donnant naissance à la cellule précurseur de la lignée germinale, P4. Schémas inspirés de(Gönczy and Rose, 2005)
I.B.4 Une approche biophysique possible
La microchirurgie laser a été rapidement utilisée chez le nématode C. elegans, pour identifier notamment les interactions entre cellules au cours du développement. Il est possible grâce à la transparence de l’animal et à son lignage cellulaire parfaitement connu, de détruire une cellule, puis de regarder les conséquences de sa disparition sur le développement d’un organe (Kimble and White, 1981), sur le comportement du ver (dans le cas de l’ablation d’un neurone) (Chung et al., 2006), etc. Grâce aux avancées techniques en optique, il est également possible désormais de cibler des structures subcellulaires avec un laser, avec une précision de l’ordre du micromètre. L’embryon 1-cellule de C. elegans, de part sa grande taille, permet ce type d’approche. Il est possible par exemple de révéler la présence de forces subcellulaires induites pas les filaments du cytosquelette en détruisant une partie de ce cytosquelette (Grill et al., 2001; Mayer et al., 2010).