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Études et politique : les effets de la carrière étudiante sur la socialisation politique

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Études et politique : les effets de la carrière étudiante

sur la socialisation politique

Sébastien Michon

To cite this version:

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Université Marc Bloch Strasbourg 2

ÉCOLE DOCTORALE DES HUMANITÉS

Conflits identités cultures

Centre de recherches et d’études en sciences sociales

Doctorat de sociologie

Études et politique : les effets de la carrière

étudiante sur la socialisation politique

Sébastien Michon

Thèse dirigée par Christian de Montlibert, professeur de sociologie à

l’Université Marc Bloch Strasbourg 2

Soutenue le 12 décembre 2006

Jury :

Mme Anne Muxel, directrice de recherche au CNRS (CEVIPOF-FNSP)

M. Maurice Blanc, professeur de sociologie à l’Université Strasbourg 2

M. Bertrand Geay, professeur de sociologie à l’Université de Picardie

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Remerciements

Merci à Christian de Montlibert pour sa confiance et ses critiques.

Merci à Anne Muxel, Bertrand Geay, Didier Georgakakis, Gérard Mauger pour leur participation au jury.

Merci également à Maurice Blanc pour sa participation au jury et pour ses conseils dispensés à l’une ou l’autre occasion.

Un grand merci à Jacqueline Igersheim, non seulement pour sa formation à l’analyse des correspondances multiples et au logiciel SAS, mais aussi pour son soutien dans mes activités d’enseignement.

Une pensée pour le Centre de recherches et d’études en sciences sociales (CRESS EA 1334) qui a hébergé cette thèse, pour le Groupe de sociologie politique européenne (GSPE-PRISME, CNRS UMR 7012) qui m’a permis de développer mes « autres » sujets de recherche sur les eurodéputés et leurs collaborateurs, et pour la Faculté des sciences sociales de l’Université Marc Bloch de Strasbourg qui me donne la possibilité, depuis quelques années, d’apprendre mon métier d’enseignant.

Merci à Yves Déloye d’avoir pris quelques minutes pour regarder l’un de mes questionnaires et me signaler quelques références bibliographiques, à Lucie Bargel et Karel Yon pour la communication de leurs travaux, à Gaylord Mochel pour sa lecture de plusieurs chapitres. Merci à Antoine, Christophe, Delphine, Éric, Grégory, Jean-Philippe, Julien, Marie, Martin, Matthieu, Nicolas, Romain, Saïda, Samir, Willy, que ce soit pour nos discussions, leurs informations ou leurs encouragements à différents moments de cette recherche.

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Sommaire

Sommaire ... 5

Introduction générale... 7

Les effets de l’expérience étudiante : un angle mort des recherches sur la socialisation politique... 9

Une sociologie des carrières étudiantes : approche dispositionnaliste et interactionniste18 Une pluralité de méthodes... 32

Partie I : Études et politisation... 51

Chapitre I : Héritage et adhésion au jeu scolaire... 53

I. La politisation en héritage ... 56

A. Des étudiants « héritiers » ... 57

B. La politisation parentale plus clivante... 80

II. Études, culture et politisation ... 92

A. Dissonances politiques et distinction scolaire... 92

B. Formation de dispositions à la politisation : l’action de la carrière scolaire .... 98

Chapitre II : La politisation par le contexte d’études ... 113

I. Activation de dispositions en sciences humaines et sociales ... 117

A. Sciences humaines et sociales versus sciences et techniques ... 119

B. L’activation des dispositions héritées fonction du contexte d’études ... 126

C. Des dispositions culturelles sous la contrainte du type d’études ... 136

II. Formation d’une compétence politique au sein de contextes d’études favorables 141 A. Enseignements et groupe des pairs : des intermédiaires de politisation ... 143

B. Le métier politisé d’étudiant à l’IEP de Strasbourg ... 160

Partie II : Études et orientation politique ... 179

Chapitre III : L’action du contexte étudiant sur l’orientation politique ... 181

I. « Pas de chrysanthèmes » pour les variables de l’héritage ... 187

A. Des ressources économiques clivantes... 187

B. Prégnance des identifications parentales... 193

II. Changements d’identifications politiques en sociologie et sciences politiques ... 205

A. Effet de contexte... 206

B. Action des enseignements ... 218

Chapitre IV : Opposition politique et changements d’opinions politiques : la carrière étudiante productrice de crises identitaires et de contextes hétérogènes ... 227

I. Des dispositions au changement ... 232

A. Promotion culturelle et politisation ... 233

B. Tourner le dos à l’héritage ... 242

II. Changements dans les études, changements d’identification politique : études de cas ……….260

A. De l’extrême droite à l’abstention : les changements d’arènes d’un repenti . 261 B. Le gaullisme comme sortie de crise (identitaire) ... 271

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6

Partie III : Études et militantisme ... 297

Chapitre V : Des dispositions au militantisme ... 299

I. Prédispositions militantes... 307

A. Le militantisme en héritage ... 307

B. Les logiques du recrutement militant : un espace de positions ... 317

II. Autonomisation et construction de dispositions à l’engagement ... 331

A. Effets de génération et effets de scolarisation ... 332

B. Des engagements pré-universitaires... 347

Chapitre VI : Les entrées en militantisme : variations de contextes au cours de la carrière étudiante ... 359

I. Effets des contextes politiques et scolaires ... 363

A. Le rôle d’un événement : le 21 avril 2002 ... 364

B. Un contexte d’études favorable... 377

II. Déplacements scolaires et sociaux ... 389

A. Une réponse aux contraintes de la mobilité étudiante... 390

B. Des positions en porte-à-faux... 409

Chapitre VII : Le cursus parallèle des étudiants militants : apprentissage, reconstruction identitaire, lutte contre un déclassement ... 429

I. Le militantisme : une formation parallèle ... 433

A. Un apprentissage politique ... 434

B. Espace de formation et dispositions à l’apprentissage ... 453

II. La professionnalisation politique : effets de carrières... 474

A. Les effets de la carrière militante ... 476

B. La politique comme refuge ... 488

Conclusion... 497

Bibliographie ... 507

Annexes ... 533

Liste des tableaux ... 752

Liste des figures ... 764

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Introduction générale

N’est-il pas commun de dire que les étudiants de sociologie sont de gauche et les étudiants de droit de droite ? La période d’études n’est-elle pas régulièrement présentée comme favorable à la politisation, à la réflexion, à l’engagement, à la mobilisation ? Représentations héritées de Mai 1968 ? Sans doute. Il est vrai qu’en France, études et politique sont fréquemment associées aux « événements de Mai ». Les imaginaires attachés à cette période, chargés d’une nostalgie d’un passé magnifié, sont encore très présents. En attestent les slogans réactivés lors des mobilisations des dernières années qui rassemblaient de nombreux étudiants. Que ce soit lors de l’entre-deux tours de la présidentielle de 2002 suite à la présence de J.-M. Le Pen au deuxième tour de l’élection présidentielle, ou au printemps 2006 suite à la mise en place du Contrat première embauche (CPE), certains journalistes, commentateurs, personnalités politiques, militants ou autres, ont tour à tour évoqué « la naissance d’une génération politique » ou « un nouveau Mai 68 ». On pourrait multiplier les intuitions et les remarques, voire consacrer une thèse aux effets socialisateurs des mouvements étudiants depuis Mai 68, à l’histoire du militantisme étudiant, ou encore aux variations de politisation des étudiants selon les générations. Tel n’est pas notre choix.Si l’on met fréquemment en relation études et politique avec Mai 681, nous considérons que c’est là

réduire trop largement la focale. Cette thèse de sociologie politique et de sociologie de l’éducation a pour objectif d’étudier les effets socialisateurs des études supérieures sur le rapport à la politique. Nous souhaitons participer à une meilleure compréhension des processus de socialisation politique, contribuer à la connaissance de la socialisation de l’enseignement supérieur dans un contexte de transformation de ses publics, compléter les

1 Pour différents travaux relatifs à Mai 1968, voir entre autres Touraine (Alain), Le mouvement de mai ou le

communisme utopique, Paris, Éd. du Seuil, 1968 ; le n°39 de la revue Pouvoirs en 1986 ; Bertaux (Daniel),

Linhart (Danièle), Le Wita (Béatrice), « Mai 68 et la formation de générations politiques en France », Le

Mouvement social, n°143, 1988, p. 75-89 ; Mauger (Gérard), « Gauchisme, contre-culture et néo-libéralisme :

(9)

8

travaux sur ce sujet, et mettre en place une grille théorique adaptée à la réalité des études supérieures en France.

(10)

sociologie et science politique, que ce soit de la part de nos pairs ou des enseignants. Plus nombreuses, mais néanmoins quelque peu différentes dans ces deux arènes. Car nous avons rapidement perçu un rapport à la politique plus convenu en science politique qu’en sociologie. Nous suscitions parfois de la perplexité auprès de certains étudiants en science politique lorsque nous énoncions des arguments, pourtant communs au sein de la communauté des étudiants de sociologie. C’est à partir de là que nous avons mené notre recherche. Comment appréhender les rapports entre études et politique ? Quelle est l’action de l’expérience étudiante sur les comportements politiques ? Quels effets les études supérieures ont-elles sur la socialisation politique ?

Les effets de l’expérience étudiante : un angle mort des recherches sur la socialisation politique

Ce n’est pas tant sur l’influence des études ou de l’école que sur les effets et les limites des caractéristiques sociales et familiales que portent la plupart des recherches sur les comportements politiques2.

Les rapports entre position sociale et vote ont tout d’abord été mis en avant. Dès 1944,

The people’s choice, enquête dirigée par P. Lazarsfeld à l’Université de Columbia, établit que

le vote est un comportement non pas individuel mais réglé par des normes collectives : « Une personne pense politiquement comme elle est socialement. Les caractéristiques sociales déterminent les préférences politiques3 ». Les membres des catégories sociales peu favorisées,

catholiques, qui résident en zone urbaine, votent plus fréquemment pour les Démocrates. Ceux au statut social élevé, protestants, qui habitent en zone rurale préfèrent les candidats Républicains. Les études sur les comportements politiques des français trouvent par la suite des résultats assez proches, G. Michelat et M. Simon notamment. En s’intéressant au poids

2

Le but n’est pas ici d’être exhaustif. Il s’agit seulement de donner quelques repères au lecteur, et de mettre en perspective notre problématique par rapport à la littérature. Pour un traitement plus complet, voir notamment Mayer (Nonna), Perrineau (Pascal), Les comportements politiques, Paris, Armand Colin, 1992 ; Ihl (Olivier), Le

vote, Paris, Montchrestien, 1996 ; Matonti (Frédérique), Le comportement politique des français, Paris, Armand

Colin, 1998.

3 Lazarsfeld (Paul), Berelson (Bernard), Gaudet (Hazel), The People’s Choice, New York, Columbia University

(11)

10

explicatif de différentes variables sociologiques4, ils soulignent que le vote à droite est corrélé

aux éléments de patrimoine détenu, à la pratique religieuse, et à l’âge5.

Les caractéristiques sociales clivent également la participation politique – que ce soit la participation électorale, l’inscription sur les listes, l’intérêt politique ou le sentiment de compétence politique6

. Par exemple, dans les années 1960, A. Lancelot étudie l’abstention en France7

. S’inspirant des travaux de É. Durkheim sur le suicide, notamment du concept d’anomie8, il considère la participation comme un acte de conformité sociale et suppose

qu’une faible intégration à la communauté conduit à l’abstention, contrairement à une forte intégration. L’abstention caractérise « les rôles sociaux subordonnés ». Les catégories sociales dominantes se distinguent au contraire par leur intérêt politique et leur fréquence de vote. Un autre type d’interprétation s’attache à expliquer l’étroitesse du public politisé. P. Bourdieu évoque une coupure entre gouvernants et gouvernés, et l’existence d’un champ politique constitué de professionnels de la politique9. Non seulement une élite monopolise l’accès à la

profession politique10, mais la propension à s’intéresser au fonctionnement du champ

politique, à participer à la politique ou à exprimer une opinion n’est pas distribuée au hasard de la population, et reflète assez largement la stratification sociale des sociétés. En ce sens, D. Gaxie, qui reprend dans Le cens caché des éléments de réflexion de P. Bourdieu11, constate

des inégalités principalement dues au milieu social d’origine et au niveau de diplôme12.

4

Michelat (Guy), Simon (Michel), Classe, religion, et comportement politique, Paris, Presses de Sciences Po, 1977 ; Michelat (Guy), Simon (Michel), « Déterminations socio-économiques, organisation symbolique et comportement électoral », Revue française de sociologie, XXVI, 1985, p. 32-69.

5

Résultats confirmés par la suite, voir Boy (Daniel), Mayer (Nonna) (dir.), « Que reste-t-il des variables lourdes ? », in Boy (Daniel), Mayer (Nonna) (dir.), L’électeur a ses raisons, Paris, Presses de Sciences Po, 1997, p. 101-138.

6 Pour des définitions de la participation politique, voir Lancelot (Alain), Les attitudes politiques, Paris, PUF,

1974 ; Memmi (Dominique), « L’engagement politique », in Grawitz (Madeleine), Leca (Jean) (dir.), Traité de

science politique, tome III, Paris, PUF, 1985, p. 43-70 ; Leca (Jean), « Réflexions sur la participation politique

des citoyens en France », in Mény (Yves) (dir.), Idéologies, partis politiques et groupes sociaux, Paris, Presses de la FNSP, 1989, p. 43-70 ; Mayer (Nonna), Perrineau (Pascal), Les comportements politiques, op. cit. ; Braud (Philippe), Sociologie politique, Paris, LGDJ, 1992.

7

Lancelot (Alain), L’abstentionnisme électoral en France, Paris, Armand Colin, 1968.

8 Durkheim (Émile), Le suicide. Étude de sociologie, Paris, PUF, 1986, 10ème tirage (1897).

9 Bourdieu (Pierre), « La représentation politique, éléments pour une théorie du champ politique », Actes de la

Recherche en Sciences Sociales, n°36-37, 1981, p. 3-24.

10 En ce sens, voir Gaxie (Daniel), Les professionnels de la politique, Paris, PUF, 1973.

11 Voir en ce sens, Bourdieu (Pierre), « Questions de politique », Actes de la Recherche en Sciences Sociales,

n°16, 1977, p. 55-89.

12

(12)

Outre la position sociale, le rôle de la famille est mis en exergue, notamment pour le vote. Selon P. Lazarsfeld et ses collaborateurs, la famille crée un « climat d’influence politique13

». Ils constatent une homogénéité politique de la famille qui peut s’étendre sur plusieurs générations14

. De même pour les représentants du paradigme de Michigan, qui s’inscrivent en rupture avec l’approche « béhavioriste » de Columbia en insistant sur la signification du vote. Campbell, Converse, Miller et Stokes consacrent leur ouvrage, The

American Voter, à démontrer la prégnance des identifications partisanes à l’un des deux

grands partis – l’électeur a tendance à toujours voter pour le même parti –, et la proximité des préférences politiques des enfants avec leurs parents15. Les identifications forgées dès

l’enfance sont le plus souvent transmises par les parents. En accordant une importance décisive à la famille comme instance de socialisation, plusieurs auteurs poursuivent ensuite à leur manière ce questionnement à partir d’enquêtes auprès d’enfants16. Ainsi, pour Hyman :

« Les orientations politiques individuelles sont essentiellement le produit de la socialisation familiale17 ». La famille forme un lieu d’inculcation de préceptes, d’échanges, de

familiarisation avec des objets politiques, des pratiques politiques – à commencer par le vote et le suivi de l’actualité –, des représentations, un vocabulaire, et des connaissances sur l’espace politique, un lieu « où se façonnent et se transmettent les valeurs et les modèles culturels entre les générations […] à partir desquels tout citoyen va établir ses liens élémentaires au monde politique18 ».

Dispositions explicatives des comportements politiques, la position sociale et les comportements politiques familiaux font néanmoins l’objet de quelques réserves, dès les années 1950 et 1960, lorsque A. Downs19 transpose le modèle de « l’homo oeconomicus » au

domaine de la politique. Il présente la démocratie comme un marché et l’électeur comme un consommateur, rationnel et calculateur. Le choix politique est, sur le modèle d’un choix

13 Lazarsfeld (Paul), Berelson (Bernard), Gaudet (Hazel), The people’s choice, op. cit., p. 145. 14 Ibid., p. 142.

15 Campbell (Angus), Converse (Philip E.), Miller (E. Warren), Stokes (Donald E.), The American Voter, New

York, Wiley and Sons, 1960.

16

Voir Hyman (Herbert), Political socialization. A study in the psychology of political behaviour, Glencoe, The free Press, 1959 ; Greenstein (F.I.), Children and Politics, New Haven, Yale University Press, 1965 ; Hess (R.D.), Torney (J.), The development of political attitudes in children, Chicago, Aldine Publishing Company, 1967 ; Easton (D.), Dennis (J.), Children in the Political System, New York, McGraw-Hill, 1969.

17 Hyman (Herbert), Political socialization, op. cit., p. 85.

18 Muxel (Anne), L’expérience politique des jeunes, Paris, Presses de Sciences Po, 2001.

19 Downs (Anthony), An Economic Theory of Democracy, New York, Harper, 1957 ; Downs (Anthony),

(13)

12

économique, le fruit d’un calcul rationnel. Chaque électeur maximise ses préférences en fonction de son utilité20. En fait, « l’approche économique du vote développe l’idée que les

attitudes acquises durant l’enfance sont toujours susceptibles de changer21

». Les critiques s’étendent particulièrement dans les années 1970, lorsque la notion de génération22

, opposée à la famille23

, s’impose24

. Au regard des mouvements protestataires de la deuxième moitié des années 1960, les auteurs de The changing American voter jugent le paradigme de Michigan trop déterministe25. Dans cet ouvrage d’inspiration plus rationnelle, ils relèvent une crise des

identifications partisanes qu’illustrent, l’accroissement du nombre de ceux qui refusent de se déclarer Républicain ou Démocrate, la moindre efficacité de la transmission de l’héritage familial (les électeurs votent moins systématiquement comme leurs parents), et la plus faible corrélation entre l’appartenance sociale et les préférences partisanes26. Deux principales

explications à ces changements de comportements. D’une part, des facteurs démographiques, notamment le renouvellement des générations qui modifie le corps électoral. D’autre part, l’émergence de nouveaux enjeux (les « issues »27), plus proches de l’électeur, tels que la

guerre du Vietnam, le Watergate, les droits civils, les conflits raciaux, ou le chômage. Les électeurs deviennent plus compétents et comprennent mieux les programmes et les issues28.

Plusieurs auteurs, dont R. Inglehart29, interprètent alors cette hausse de la compétence comme

20 En ce sens, voir Tullock (Gordon), Le Marché politique. Analyse économique des processus politiques, Paris,

Economica, 1978.

21

Ihl (Olivier), « Socialisation et événements politiques », Revue française de science politique, vol.52, n°2-3, 2002, p. 125-144.

22 Pour un ensemble de réflexions sur les générations : Crête (Jean), Favre (Pierre) (dir.), Générations et

politique, Laval et Paris, Les presses de l’Université de Laval et Economica, 1989.

23

Voir notamment Rosenmayr (Leopold), « Nouvelles orientations théoriques de la sociologie de la jeunesse »,

Revue internationale des sciences sociales, vol.24, n°2, 1972, p. 227-270.

24 Sur ce point, voir l’exposé argumenté et critique de Vincent Tournier, La politique en héritage ? Socialisation,

famille et politique : bilan critique et analyse empirique, Thèse pour le doctorat de science politique, Université

Grenoble 2, 1997, p. 330-343.

25 Nie (N.H.), Verba (S.), Petrocik (J.R.), The changing American voter, Cambridge, Massachusetts, Harvard

University Press, 1976.

26 Pour le cas français voir Lavau (Georges), « L’électeur devient-il individualiste ? », in Birnbaum (Pierre),

Leca (Jean) (dir.), Sur l’individualisme, Paris, PFNSP, 1986, p. 301-329 ; Habert (Philippe), Lancelot (Alain), « L’émergence d’un nouvel électeur », in Habert (Philippe), Ysmal (Colette), Élections législatives, 1988 :

résultats, analyses et commentaires, Paris, Le Figaro-Études politiques, juin 1988, p. 16-23.

27 Pour une définition, cf. Grunberg (Gérard), « L’instabilité du comportement électoral », in Gaxie (Daniel)

(dir.), Explication du vote, un bilan des études électorales en France, Paris, PFNSP, 1989, p. 418-446, p. 420.

28 En ce sens voir également Himmelveit (H.T.), Humphreys (P.), Jaeger (M.), How voters decide, London,

Academic Press, 1981.

29 Inglehart (Ronald), The Silent Revolution. Changing values and political styles among western publics,

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une conséquence de l’extension de la scolarisation, l’accroissement du niveau culturel étant corrélatif d’une prise de distance avec l’héritage familial. Si de nombreuses limites sont ensuite formulées à l’égard du modèle du vote sur enjeux, notamment l’enquête The

Changing American Voter30

– l’étude de Nie, Verba, Petrocik repose sur une analyse secondaire des sondages du Survey Research Center, qui a plusieurs fois modifié la formulation des questions –, un élément attire notre attention : les limites de la reproduction des comportements familiaux laissent entrevoir d’autres vecteurs de socialisation politique31.

Plus précisément, la scolarisation pourrait agir sur les pratiques politiques et les transformer. Le niveau d’études constitue, certes, une variable décisive dans la plupart des études sur l’explication des comportements politiques, que ce soit par ses liens avec la position sociale ou parce qu’elle favorise une prise de distance avec l’héritage. Mais rares sont les recherches à s’être intéressées plus largement aux effets de la scolarisation. C’était pourtant une problématique centrale de la science politique naissante32. Au début du vingtième siècle,

dans le Tableau politique de la France de l’Ouest, A. Siegfried interprète la fréquence des identifications à droite dans les écoles privées comme un moyen pour le clergé d’exercer son emprise sur les consciences33. P. Bois nuance ce constat plusieurs années après. Il préfère y

voir un effet plutôt qu’une cause : « La présence des écoles religieuses est sans doute une cause, mais c’est encore plus sûrement un effet : elles sont installées dans les régions où elles sont sûres de trouver une clientèle34 ». Par la suite, les études sur la socialisation politique

traitent peu de l’action de l’école. Comme le précise V. Tournier35, H. Hyman oublie l’école,

30

Sur ce débat, voir entre autres Gaxie (Daniel), « Mort et résurrection du paradigme de Michigan », Revue

française de science politique, vol.32, n°2, 1982, p. 251-269 ; Blondiaux (Loïc), « Mort et résurrection de

l’électeur rationnel. Les métamorphoses d’une problématique incertaine », Revue française de science politique, vol.46, n°5, 1996, p. 753-791.

31 Tournier (Vincent), « École publique, école privée, le clivage oublié. Le rôle des facteurs politiques et

religieux dans le choix de l’école et les effets du contexte scolaire sur la socialisation politique des lycéens français », Revue française de science politique, vol.47, n°5, 1997, p. 560-588.

32

Nous désignons au singulier la discipline scientifique qu’est la science politique, et au pluriel le cursus de sciences politiques effectuée dans les Instituts d’Études Politiques qui comporte, outre des enseignements de science politique, des enseignements de droit, d’économie, d’histoire, etc.

33 Siegfried (André), Tableau politique de la France de l’Ouest sous la IIIème République, Paris, Armand Colin et

PFNSP, 2ème éd., 1964 (1ère éd. 1913), p. 398-400. Sur ce point, même si ce n’est pas la même perspective que A. Siegfried, voir Déloye (Yves), La citoyenneté au miroir de l’école républicaine et de ses contestations : politique

et religion en France XIX-XXe siècle, Thèse pour le doctorat de science politique, Université Paris I, 1991. Dans

sa thèse, il relève une opposition entre une citoyenneté républicaine inculquée par l’école publique et un modèle de citoyenneté diffusé dans les écoles libres dans lequel prédomine le catholicocentrisme, avec une correspondance avec le clivage droite/gauche.

34 Bois (Paul), Paysans de l’Ouest : des structures économiques et sociales aux options politiques depuis

l’époque révolutionnaire dans la Sarthe, Le Mans, Imprimerie Maurice Vilaire, 1960, p. 109.

35

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14

F. Greenstein l’évoque à peine et, en France, A. Percheron, à qui l’on doit de nombreux travaux sur les enfants et les adolescents, ne s’y intéresse que sur les marges. C’est dans un article sur les « pouvoirs de l’école », qu’elle met en avant la formation technique sur les questions politiques qu’on y acquiert, sans toutefois développer son propos36

. Elle reprend en fait une étude américaine des années 1970, selon laquelle la socialisation politique parentale demeure prépondérante sur celle des enseignants37

. Les recherches américaines sur ce sujet sont effectivement plus nombreuses. Outre Jennings, Langton et Niemi, deux références un peu plus anciennes sont à relever. G. Almond et S. Verba, d’une part, signalent l’influence d’un enseignement explicite sur le sentiment de compétence politique38. R. Hess et J. Torney,

d’autre part, évoquent le rôle de l’école sur l’acquisition de connaissances, le développement du sentiment de l’efficacité politique, le sens de l’engagement et de la responsabilité politique, et donc le développement de la vie civique39. C’est ainsi que D. Gaxie qui fait

référence à ces derniers travaux ne néglige pas complètement les enseignements. Il souligne dans le Cens caché que : « L’école permet d’acquérir une disposition à s’intéresser aux problèmes politiques en même temps que les instruments intellectuels nécessaires à leur compréhension40 ». Grâce à un enseignement plus axé sur « les savoirs nécessaires à

l’acquisition d’une compétence politique », il serait possible de « compenser le handicap culturel de ceux qui ne peuvent se familiariser avec l’univers politique en dehors de l’école41 ». Il faudrait que les enseignements assurent « une présentation systématique des

forces politiques, de leur histoire, de leur organisation, de leur programme, de leurs prises de position sur les principaux enjeux, et surtout de leur idéologie42 ». Mais ces aspects ne sont

pas davantage explorés dans le cadre d’enquêtes approfondies. Même les recherches les plus récentes, à l’attention marquée pour les socialisations secondaires, les réseaux sociaux (familiaux, professionnels, amicaux, culturels, communautaires, confessionnels, associatifs,

36 Percheron (Annick), « L’école en porte-à-faux. Réalités et limites des pouvoirs de l’école dans la socialisation

politique », Pouvoirs, n°30, 1984, p. 15-29.

37 Jennings (Kent), Langton (Kenneth), Niemi (Richard), « Effects of the High school civics curriculum », in

Jennings (M.K.), Niemi (Richard) (ed.), The Political Character of Adolescence: The Influence of Families and

Schools, Princeton, Princeton University Press, 1974, p. 181-206.

38

Almond (Gabriel), Verba (Sidney), The civic culture. Political attitudes and democracy in five nations, Princeton, Princeton University Press, 1963, p. 370.

39 Hess (Robert), Torney (Judith), The development of political attitudes in children, op. cit. 40 Gaxie (Daniel), Le cens caché, op. cit., p. 168.

41

Ibid., p. 173.

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syndicaux, etc.) et les aspects conjoncturels (situations de crise, de guerre, de mobilisation, etc.)43, ne traitent pas de l’influence de la scolarité.

En conséquence, les chercheurs se sont plus intéressés à la position sociale et à la famille qu’à l’école, et les rares travaux sur les liens entre politique et scolarisation restreignent l’influence de l’école à celle des enseignements politiques44

. La thèse de V. Tournier fait un peu figure d’exception. À partir d’une enquête par questionnaire, il conclut à l’action du contexte scolaire sur les comportements politiques des lycéens, en mettant en avant le rôle du groupe des pairs45. On pourra toutefois regretter qu’il interroge peu la relation

avec le capital scolaire et ce que peut représenter la scolarité pour des jeunes, c’est-à-dire un facteur d’ascension sociale, un vecteur de distance avec l’héritage. Questionnement pour lequel une enquête quantitative n’est pas, il est vrai, la plus appropriée.

Force est de constater qu’outre le peu d’intérêt pour les effets de la scolarisation sur la socialisation politique, ce sont les enfants et les adolescents qui ont le plus attiré l’attention des chercheurs. Les étudiants ont certes fait l’objet de quelques enquêtes qui portent surtout sur l’influence ou non du contexte d’études par le biais du type d’études. Toutefois, elles présentent certaines limites. S. Lipset, dans les années 1960, signale par exemple la plus grande proportion d’activistes au sein des filières de sciences humaines et sociales. Si le lien entre enseignements et politisation lui paraît évident, Y. Delsaut quelques années plus tard, avance une limite à cette interprétation en mettant en exergue les variations des propriétés sociales et scolaires des étudiants suivant les filières d’études, et les limites de la seule variable filière46. Cette enquête qui interpelle sur la nécessité de ne pas occulter l’origine

sociale et le capital scolaire, y compris auprès d’un groupe en construction comme les étudiants, porte néanmoins davantage sur l’activisme et les revendications concernant l’Université que sur les identifications politiques et la politisation. Elle ne prend pas non plus en compte la socialisation politique au sein de la structure familiale, variable pourtant décisive. Plus proches dans le temps, deux enquêtes avant tout quantitatives sont consacrées

43

Joignant (Alfredo), « La socialisation politique : stratégies d’analyse, enjeux théoriques et nouveaux agendas de recherche », Revue française de science politique, vol.47, n°5, 1997, p. 535-559 ; le n°2-3 du volume 52 de la

Revue française de science politique en 2002 « Dimensions de la socialisation politique », avec en particulier :

Gaxie (Daniel), « Appréhender le politique à l’aune des expériences sociales », Revue française de science

politique, vol.52, n°2-3, 2002, p. 145-178 ; Ihl (Olivier), « Socialisation et événements politiques », art. cit.

44 Tournier (Vincent), La politique en héritage ?…, Thèse citée. 45 Ibid.

46 Delsaut (Yvette), « Les opinions politiques dans le système des attitudes : les étudiants en lettres et la

(17)

16

dans les années 1990 aux étudiants français47. Si les comptes-rendus de celles-ci valorisent le

contexte scolaire – notamment la filière d’études –, leurs démonstrations respectives ne sont pas totalement convaincantes par rapport à son effet sur l’identité politique. D’une part, elles abordent peu les socialisations primaires dont on vient d’évoquer le poids décisif sur les comportements politiques : les variations suivant le lieu d’études ne sont-elles pas expliquées par des variables exogènes telles que l’origine sociale et/ou les pratiques politiques parentales ? D’autre part, elles ne permettent pas vraiment de comprendre le processus : si action du contexte scolaire il y a, comment se produit-elle, selon quelles logiques ?

Une limite plus générale à ces enquêtes est de ne pas prendre en compte la pluralité de l’expérience étudiante. On ne peut effectivement pas réduire cette dernière à la position scolaire. Certes la filière subsume un ensemble de propriétés socioculturelles et scolaires, et constitue une entrée possible pour interroger le contexte d’études48. Cependant, s’intéresser à

la seule variable filière au moyen d’une enquête quantitative ne permet pas d’appréhender le rôle des acteurs présents en son sein, ni les représentations des étudiants sur leur position et leur parcours. Perspective a priori non dénuée d’intérêt dans un contexte de massification des effectifs, avec l’accès au supérieur d’étudiants primo entrants au sein de leur famille et peu dotés en capital culturel hérité, pour reprendre la terminologie de P. Bourdieu. Deux enquêtes sont néanmoins éclairantes. Celle de T. Newcomb, tout d’abord, au sein d’un college américain à la fin des années 193049. L’auteur observe des changements d’attitudes politiques

d’étudiantes – la population étant exclusivement féminine – qu’il explique par leur ajustement à la « communauté étudiante » formée des élèves et des enseignants50. Cette étude peu connue

en France laisse entrevoir des pistes intéressantes. Elle se limite cependant à un groupe d’étudiantes d’un college américain avec ses caractéristiques propres (éloigné du reste de la ville, effectifs relativement restreints, etc.). Dès lors, peut-on retrouver des résultats proches dans un contexte différent ? Plus récente est l’enquête de Y. Bruneau, qui s’intéresse au processus de politisation frontiste d’un militant au regard de ses dispositions et de son

47 Le Galès (Patrick), « Les étudiants, la politique et la société », in Galland (Olivier) (dir.), Le monde des

étudiants, Paris, PUF, 1995, p. 127-163 ; Le Bart (Christian), Merle (Pierre), La citoyenneté étudiante, intégration, participation, mobilisation, Paris, PUF, 1997.

48 Lahire (Bernard), « Formes de la lecture étudiante et catégories scolaires de l’entendement lectoral », Sociétés

Contemporaines, n°48, 2002, p. 87-107, p. 90.

49

Newcomb (Theodore M.), Personality and social change. Attitude Formation in a Student Community, New York, Dryden Press, 1957 (1st ed. 1943).

50 Pour une présentation des travaux de T. Newcomb, voir Baudelot (Christian), Leclercq (François) (dir.), Les

effets de l’éducation, Rapport à l’intention du PIREF, Paris, La documentation Française, 2005, chapitre 14, p.

(18)

expérience scolaire51. Il y étudie la trajectoire biographique de celui-ci, notamment deux

étapes successives de sa trajectoire scolaire, l’une antérieure à l’obtention du baccalauréat, l’autre postérieure. L’accession au monde étudiant et les échecs scolaires de ce militant primo entrant dans le supérieur au sein de sa famille provoquent sa radicalisation. Des étapes scolaires et des changements de contexte d’études peuvent donc transformer les attitudes politiques. L’étrangeté du monde étudiant dû à la faiblesse du capital culturel hérité et plus largement à l’expérience scolaire, ainsi que la position en porte-à-faux avec l’arène étudiante sont des éléments explicatifs. Sont-ce les seuls à considérer ? D’autres étapes sont-elles significatives ? L’auteur fonde son étude sur la trajectoire d’un militant du Front national. Retrouve-t-on des résultats équivalents auprès d’autres militants ? Auprès de non militants ?

Les recherches à notre disposition laissent un ensemble d’angles morts. Elles ne permettent pas d’établir de manière satisfaisante l’action des études supérieures sur la socialisation politique, et de comprendre ce qui se joue et comment ça se joue. Elles n’interrogent pas davantage le rapport à la politique au regard de la réalité de l’enseignement supérieur en France suite aux différentes « explosions scolaires52 ». Fréquenté par une frange

non négligeable de la population (2 260 812 étudiants en France en 2003-2004), il accueille depuis plusieurs décennies des cohortes de jeunes adultes dans des proportions toujours plus élevées. La « massification » des effectifs s’est accompagnée d’une transformation des publics et de l’accès de « nouveaux étudiants53 ». Pour résumer, on ne sait que peu de choses

sur les effets et les limites, sur le rapport à la politique, du contexte d’études, du type d’études, des enseignants, des enseignements, du groupe des pairs, du déroulement de la scolarité, notamment la manière dont ils l’ont vécue et la vivent, à commencer par les étudiants issus de la « démocratisation scolaire »54

. La socialisation politique au cours de l’expérience étudiante étant susceptible de déterminer de manière durable les pratiques politiques55, comprendre ce qui s’y joue présente un intérêt certain. Quel est l’impact du

51 Bruneau (Yvan), « Un mode d’engagement singulier au Front national. La trajectoire scolaire effective d’un

fils de mineur », Politix, n°57, 2002, p. 183-211.

52 Chauvel (Louis), Le destin des générations, Paris, PUF, 2002, 2ème éd. (1998). 53

Erlich (Valérie), Les nouveaux étudiants, un groupe social en mutation, Paris, Armand Colin, 1998 ; Blöss (Thierry), Erlich (Valérie), « Les nouveaux « acteurs » de la sélection universitaire : les bacheliers technologiques en question », Revue française de sociologie, vol.41, n°4, 2000, p. 747-775 ; Beaud (Stéphane),

80% au bac… et après ? Les enfants de la démocratisation scolaire, Paris, La découverte, 2002.

54

Nous employons cette expression avec des guillemets dans l’ensemble du texte. La démocratisation de l’accès aux études supérieures ne signifie en aucun cas que les inégalités sociales ne persistent pas.

55 Voir les travaux de T. Newcomb qui s’est intéressé à la permanence des changements dus à la communauté

étudiante, sur les comportements ultérieurs, Newcomb (T.M.), Koenig (K.E.), Flacks (R.), Warwick (D.P.),

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18

contexte d’études sur le rapport à la politique ? Comment se manifeste-il ? Dans quelle mesure les étudiants acquièrent-ils des schèmes d’interprétation des faits politiques, et quelle action ont-ils ? En quoi le déroulement de la scolarité intervient-t-il sur le rapport à la politique ? À quel degré, des événements scolaires modifient-ils les pratiques ? Sachant que la mobilité sociale influence les comportements et les attitudes politiques56

, quel est le poids des variables de l’héritage ? Quelles sont leurs limites ? Dans quelles situations, les socialisations primaires sont-elles moins clivantes ? Comment rendre compte des différences avec les parents ? Au regard des situations en porte-à-faux que suscite l’enseignement supérieur57 et

des taux d’accès croissants à l’enseignement supérieur, comment interpréter les écarts par rapport aux parents ?

Une sociologie des carrières étudiantes : approche dispositionnaliste et interactionniste

C’est en appréhendant les effets de l’expérience étudiante sur la socialisation politique que l’on peut répondre à ces questions. On considère ici que la socialisation politique, « jamais totale ni terminée58 », est un processus en construction, consécutif des interactions

entre l’individu et la société59, qui ne s’arrête pas avec le passage à l’âge adulte60. La définition

de la socialisation proposée par C. Dubar semble appropriée : « Processus biographique d’incorporation des dispositions sociales issues non seulement de la famille et de la classe d’origine, mais de l’ensemble des systèmes d’action traversés par l’individu au cours de son existence. Elle implique certes une causalité historique de l’avant sur le présent, de l’histoire vécue sur les pratiques actuelles, mais cette causalité est probabiliste : elle exclut toute détermination mécanique61

». Si les étudiants ne sont pas des êtres sans passé62

, la socialisation politique n’est pas seulement liée aux dispositions incorporées lors de l’enfance et l’adolescence, dont les effets porteraient dans tous les contextes traversés par les individus. Elle dépend aussi de la trajectoire biographique et des systèmes d’interaction dans lesquels se

56

Barber (J. A.), Social mobility and voting behavior, Chicago, Rand McNally and Co, 1970.

57

Beaud (Stéphane), 80% au bac… et après ?..., op. cit.

58 Pour reprendre à notre compte l’expression de : Berger (Peter), Luckmann (Thomas), La construction sociale

de la réalité, Paris, Méridiens Klincksieck, 1986.

59

Percheron (Annick), L’univers politique des enfants, Paris, Presses de la FNSP/Armand Colin, 1974, p. 25.

60 Percheron (Annick), « La socialisation politique, défense et illustration », in Grawitz (Madeleine), Leca (Jean),

Traité de science politique, Tome III, op. cit., p. 166-235.

61 Dubar (Claude), La socialisation, Paris, Armand Colin, 2004 (3e éd.) (1991), p. 77. 62

(20)

trouvent les acteurs, les pratiques étant susceptibles de produire et de transformer des perceptions et d’autres pratiques63. Elle se construit à partir d’un ensemble de dispositions

plus ou moins activées en fonction des contextes d’action traversés64

, des contacts et des interactions, des lieux fréquentés, ainsi que des connaissances, des compétences discursives, et des savoir-faire acquis. Les comportements politiques, l’identité politique et le rapport à la politique sont des indicateurs de la socialisation politique.

Pour interroger les effets de la période d’études sur celle-ci, le recours au concept de

carrière étudiante semble heuristique. Le concept de carrière a été introduit par E. Hughes

dans l’étude des professions, afin d’appréhender les étapes d’accès et d’exercice d’une profession comme une suite de changements non seulement objectifs mais aussi subjectifs65.

Ce que résume H. Becker : « dans sa dimension objective, une carrière se compose d’une série de statuts et d’emplois clairement définis, de suites typiques de positions, de réalisation, de responsabilités et même d’aventures. Dans sa dimension subjective, une carrière est faite de changements dans la perspective selon laquelle la personne perçoit son existence comme une totalité et interprète la signification de ses diverses caractéristiques et actions, ainsi que tout ce qui lui arrive66 ». Appliqué à l’expérience étudiante, ce concept permet de considérer

les études comme une somme d’étapes ou de séquences, de prendre en compte la dimension temporelle67, de porter une attention particulière aux processus de l’action, aux variations des

contextes traversés – notamment d’études –, aux changements d’étapes au cours de la scolarité, de cerner les facteurs qui jouent à des moments différenciés des études, et de considérer le sens donné par les étudiants à leurs actions68. En même temps, son usage ne

minimise pas les prédispositions des étudiants, leurs caractéristiques sociales et politiques familiales, à condition bien sûr de ne pas s’intéresser au seul passage à l’acte, et de situer à

63 Pour le cas de la pratique humanitaire, voir Siméant (Johanna), « Un humanitaire « apolitique » ? », in

Lagroye (Jacques) (dir.), La politisation, Paris, Belin, 2003, p. 163-196.

64

Lahire (Bernard), L’homme pluriel…, op. cit.

65 Hughes (Everett), Men and Their Work, New York, The Free Press of Glencoe, 1958.

66 Becker (Howard S.), Outsiders. Études de sociologie de la déviance, Paris, Métailié, 1985 (éd. originale : New

York, The Free Press of Glencoe, 1963), p. 126.

67

Hughes (Everett), Men and Their Work, op. cit. ; Becker (Howard), Outsiders, op. cit.

68

Sur l’usage du concept de carrière pour étudier des pratiques politiques, voir notamment Dubar (Claude), Socialisation politique et identités partisanes : pistes de recherche », in CURAPP, L’identité politique, Paris, PUF, 1994, p. 227-236 ; Agrikoliansky (Éric), « Carrières militantes et vocation à la morale : les militants de la Ligue des droits de l’homme dans les années 1980 », Revue française de science politique, vol.51, n°1-2, 2001, p. 27-46 ; Fillieule (Olivier), « Propositions pour une analyse processuelle de l’engagement individuel », Revue

française de science politique, vol.51, n°1-2, 2001, p. 199-217 ; Lafont (Valérie), « Les jeunes militants du Front

(21)

20

quel moment, dans la trajectoire sociale et scolaire, interviennent les événements69. « La

notion de carrière permet de comprendre comment, à chaque étape de la biographie, les attitudes et comportements sont déterminés par les attitudes et comportements passés et conditionnent à leur tour le champ des possibles à venir70

».

Rendre compte des effets de la carrière étudiante sur la socialisation politique, considérée comme un processus fruit de l’interaction entre une histoire individuelle et un contexte structurel71, consiste à s’intéresser au rapport à la politique des étudiants suivant leurs dispositions, leur position objective dans l’espace des institutions supérieures, l’importance de leur translation en son sein, la manière dont ils se représentent leur parcours et leur position, le contexte d’action tant au niveau scolaire (les acteurs qu’ils rencontrent) que personnel (événements, trajectoire biographique, etc.), ainsi que les changements d’étapes au cours de leurs études. En ce sens, nous entendons aborder le rôle de la carrière étudiante sur la socialisation politique à partir de quatre fils directeurs complémentaires : les dispositions héritées et scolaires, le contexte d’études, les étapes de la carrière étudiante, et les situations de promotion culturelle.

- Dispositions héritées et scolaires

Les étudiants ne sont pas des êtres sans passé72, nous l’avons déjà signalé. On peut dès

lors appréhender la formation de dispositions au moyen de l’habitus, considéré comme générateur et organisateur de pratiques et de représentations politiques. Un « système de dispositions durables, structures structurées prédisposées à fonctionner comme structures structurantes73 ». Compte tenu des travaux précédemment évoqués, qui insistent sur le rôle de

dispositions sociales telles que la position sociale et le capital culturel – pris le plus souvent en tant que niveau d’études –, il convient de circonscrire plus précisément l’habitus de classe des étudiants – composante de l’habitus –, produit de l’intériorisation des conditions

69 Sur la nécessité de considérer le moment dans la trajectoire sociale où interviennent les engagements et les

modifications dans les carrières militantes : Collovald (Annie), « Pour une sociologie des carrières morales », in Collovald (Annie), Lechien (Marie-Hélène), Rozier (Sabine), Willemez (Laurent), L’humanitaire ou le

management des dévouements. Enquête sur un militantisme de « solidarité internationale » en faveur du Tiers-Monde, Rennes, PUR, 2002, p. 177-229.

70 Fillieule (Olivier), « Propositions pour une analyse processuelle de l’engagement individuel », art. cit., p. 201. 71 Voir Strauss (Anselm), La trame de la négociation. Sociologie qualitative et interactionnisme, Paris,

L’Harmattan, textes réunis et présentés par Isabelle Baszanger, 1999 (1ère éd. Social Organization of medical

work, 1985).

72 Sur la perspective dispositionnaliste, voir Lahire (Bernard), Portraits sociologiques. Dispositions et variations

individuelles, Paris, Nathan, 2002.

73

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objectives, et du fait de leur jeune âge – mais pas seulement –, de l’inculcation et de l’apprentissage au cours de l’enfance et l’adolescence. L’habitus de classe renvoie à ce que J.-C. Kaufmann appelle la théorie 1 de l’habitus74

qui privilégie l’étude des différences entre les groupes sociaux. Si P. Bourdieu relève des habitus de classe, c’est parce qu’il y a des « classe(s) de conditions d’existence et de conditionnements identiques ou semblables75

». Les personnes positionnées au sein d’un même groupe social présentent des probabilités plus élevées d’effectuer des expériences communes. L’étude de la position sociale des étudiants est particulière. Non définis par une activité professionnelle, ils ne se positionnent pas directement dans l’espace social. Dans un entre-deux entre la position de leurs parents et leur position future, ils ont toutefois été éduqués dans un contexte familial socialement situé, lié à la position sociale de leurs parents.

Les recherches sur la socialisation politique présentent également la famille comme agent de socialisation déterminant. Constat non contradictoire avec le rôle de la position sociale. Les comportements familiaux étant dépendants de la position sociale des parents, le lien entre le vecteur familial et la trajectoire sociale paraît évident. La prééminence de la classe sociale d’origine est communément admise76. Pour B. Bernstein, c’est la classe sociale

qui détermine le plus profondément les formes de socialisation : « la structure des classes influence le travail et les rôles éducatifs, commande les rapports que les familles peuvent avoir les unes avec les autres, et façonne profondément l’expérience sociale primaire acquise dans la famille. Le système des classes influence profondément la distribution du savoir entre les membres d’une société. Il conditionne le sentiment que l’on peut agir sur le monde77 ». La

catégorisation des modèles d’éducation de P. Bourdieu dans l’article « Avenir de classe et causalité du probable »78

se trouve dans une perspective assez proche. Dès lors, avec des pratiques politiques familiales produit de la trajectoire sociale, les étudiants les plus politisés sont issus des familles les plus politisées qui ont les dispositions sociales les plus favorables, c’est-à-dire un volume important de capital culturel.

Ce lien entre position sociale et politisation familiale est avéré. Cependant, on ne doit pas négliger la pluralité des modes de socialisation et des dispositions préalablement

74 Kaufmann (Jean-Claude), L’invention de soi. Une théorie de l’identité, Paris, Armand Colin, 2004, p. 59. 75

Bourdieu (Pierre), Le sens pratique, Paris, Minuit, 1980, p. 100.

76 Percheron (Annick), Socialisation politique, Paris, Armand Colin, 1993, p. 103. 77 Bernstein (Basil), Langage et classes sociales, Paris, Minuit, 1975, p. 230.

78 Bourdieu (Pierre), « Avenir de classe et causalité du probable », Revue française de sociologie, vol.15, 1974,

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22

incorporées79. Plusieurs études mettent en valeur une indépendance relative de la variable familiale par rapport aux propriétés socioculturelles. F. de Singly par exemple montre que les lectures des étudiants dépendent davantage des pratiques des parents que de l’origine sociale et du niveau de diplôme des parents80

. Concernant la socialisation politique, A. Percheron observe des mécanismes de structuration des normes et des pratiques domestiques et éducatives des parents, ainsi que des processus de transmission des valeurs et attitudes entre parents et enfants81. Et comme le souligne J. Lagroye : « les conceptions politiques peuvent

introduire une différence entre des familles appartenant pourtant aux groupes sociaux favorisés selon que les débats y sont considérés comme légitimes ou illégitimes82 ».

S’intéresser au rapport à la politique des étudiants nécessite de ne pas réduire l’influence de la structure familiale au positionnement dans l’espace social des parents.

Ceci étant, la socialisation politique des étudiants ne s’explique pas uniquement par les variables de l’héritage, que ce soit le capital culturel des parents (le capital culturel hérité) ou le rapport à la politique de ces derniers. B. Lahire établit effectivement que la transmission du capital culturel n’est pas automatique, mais fonction du contexte familial : « Les personnes qui ont les dispositions culturelles susceptibles d’aider l’enfant et, plus généralement, de le socialiser dans un sens scolairement harmonieux, n’ont pas toujours le temps ou les occasions de véritablement produire des effets de socialisation. Ils ne parviennent pas toujours à construire les dispositifs familiaux qui permettraient de « transmettre » certains de leurs savoirs83 ». Tout laisse à penser que la transmission d’un héritage politique au sein de la

structure familiale ne va pas toujours de soi. En d’autres termes, tous les étudiants avec des parents politisés ne sont pas forcément politisés. Il paraît également probable que tous les étudiants politisés n’ont pas des parents politisés, et par extension que l’inculcation et l’assimilation ne s’arrêtent pas à l’enfance. Pour cela, il est nécessaire de ne pas se focaliser sur les seuls variables de l’héritage, notamment sur la dimension héritée du capital culturel des étudiants. Au cours de leur scolarité, les étudiants construisent leur position sociale à

79 Passeron (Jean-Claude), Singly (François de), « Différences dans la différence : socialisation de classe et

socialisation sexuelle », Revue française de science politique, vol.34, n°1, 1984, p. 48-73 ; Lahire (Bernard),

L’homme pluriel, op. cit.

80 Singly (François de), « Savoir hériter : la transmission du goût de la lecture chez les étudiants », in Fraisse

(Emmanuel) (dir.), Les étudiants et la lecture, Paris, PUF, 1993, p. 49-71.

81

Percheron (Annick), « Le domestique et le politique », Revue française de science politique, vol.35, n°5, 1985, p. 840-891.

82 Lagroye (Jacques), Sociologie politique, Paris, Presses de Sciences Po et Dalloz, 1993, p. 375-376.

83 Lahire (Bernard), Tableaux de familles. Heurs et malheurs scolaires en milieux populaires, Paris,

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venir, et développent leur capital culturel, dont le capital scolaire est une composante. Le niveau d’études relativement proche entre les étudiants doit justement permettre d’approfondir la connaissance des effets du capital culturel sur le rapport à la politique, d’autant que le capital culturel ne se réduit pas au capital scolaire, qui ne se réduit pas au niveau d’études.

En conséquence, au regard des recherches existantes, toute étude sur la socialisation politique doit dans un premier temps rendre compte de l’influence des variables de l’héritage sur la socialisation politique, et questionner leur poids respectif sans se limiter à la position sociale héritée – dont la profession et le niveau de diplôme des parents sont des indicateurs. Dans un deuxième temps, il s’agit de discuter des limites d’une explication qui se baserait sur les seules socialisations primaires. La compréhension des pratiques politiques nécessite d’ouvrir l’analyse aux dispositions culturelles et scolaires acquises tout au long de la scolarité, lors des études supérieures mais aussi avant.

- Effets du contexte d’études

Deuxième piste de recherche, les effets du contexte d’études. Une recherche sur la socialisation politique ne peut pas négliger les contextes d’action par rapport à deux dimensions au moins. D’une part, les dispositions préalablement incorporées ne sont pas automatiquement activées. Elles sont « sous condition »84. Elles dépendent du contexte

d’action. D’autre part, si le contexte d’action active les dispositions, il peut aussi favoriser l’acquisition de dispositions. Il est en effet possible d’appréhender « les structures sociales » avec une double dimension : le structurel est toujours à la fois contraignant et habilitant85.

C’est là s’intéresser à la deuxième dimension de l’habitus86

, qui fait référence à des sous-univers sociaux structurant des habitus spécifiques87

.

Comme le précise F. Dubet : « Ce n’est céder à aucun idéalisme et à aucun romantisme scolaire que de considérer qu’un élève est aussi un sujet confronté à des connaissances, à des modèles culturels, et que son travail proprement intellectuel est aussi une forme de subjectivation, d’appropriation personnelle d’une culture88 ». Les étudiants sont, de

84 Cf. Lahire (Bernard), L’homme pluriel…, op. cit., p. 63 et s., notamment la métaphore du sucre, p. 64-65. 85

Giddens (Anthony), La constitution de la société, trad. franç., Paris, PUF, 1987 (1ère éd. 1984).

86 Kaufmann (Jean-Claude), L’invention de soi…, op. cit.

87 Cf. par exemple l’acquisition du capital militant : Matonti (Frédérique), Poupeau (Franck), « Le capital

militant. Essai de définition », Actes de la recherche en sciences sociales, n°155, 2004, p. 5-11.

88

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24

fait, confrontés à l’organisation scolaire et pédagogique89, au contenu des enseignements90,

mais aussi aux interactions avec les acteurs universitaires91, enseignants et groupes des pairs

dont l’influence à ces âges là n’est pas négligeable92

. Les contextes scolaires, composés d’élèves, d’enseignants et d’enseignements, sont des univers de socialisation dans lesquels les étudiants acquièrent des connaissances, endossent des rôles, développent des manières de faire, d’être et de penser. En lien avec un apprentissage des rôles, on peut évoquer un « métier » pour désigner l’ensemble des pratiques, savoir-faire, savoir-être, croyances, codes et compétences caractéristiques des contextes d’études93. À leur entrée dans le supérieur, les

étudiants découvrent en situation, dans les interactions qu’ils ont avec les élèves et les enseignants, la signification des règles (dites et non dites) et le fonctionnement de l’institution94. Ils doivent s’adapter à de nouveaux réseaux sociaux, en essayant de réduire

l’écart par rapport au groupe de référence (le groupe des pairs) et d’ajuster leurs comportements à celui-ci. L’affiliation à la communauté étudiante repose sur la familiarisation avec les conduites, les routines et les allants de soi de l’enseignement supérieur95. Les étudiants développent des compétences qui leur permettent d’agir dans cet

univers96. Ils procèdent par mimétisme en observant les réactions des autres quant à leurs

manières de faire et d’agir. Autant d’éléments qui leur indiquent, tel un apprentissage réciproque, les conduites à tenir. Pour réussir à l’Université, il faut montrer sa compétence d’étudiant, en ayant appris à manipuler la praticalité des règles fondatrices du travail universitaire : un étudiant fait reconnaître sa compétence en exhibant socialement qu’il est

89 Sur la socialisation silencieuse, voir Lahire (Bernard), L’homme pluriel, op. cit.

90 L’étude des aspects socialisateurs de l’espace universitaire au regard des transformations qui l’affectent

l’illustre, cf. Beaud (Stéphane), 80% au bac… et après ?..., op. cit. Sur le rapport aux savoirs, l’effet du passé scolaire ou du contexte scolaire, voir le n°48 de Sociétés Contemporaines : « La construction sociale des savoirs étudiants », 2002.

91 Coulon (Alain), Le métier d’étudiant. L’entrée dans la vie universitaire, Paris, PUF, 1997. 92

Galland (Olivier), « Socialisation et entrée dans la vie adulte », in Lambert (Yves), Michelat (Guy),

Crépuscule des religions chez les jeunes ?, Paris, L’Harmattan, 1992, p.23-33.

93 Si Alain Coulon conceptualise une approche du métier d’étudiant, notre définition doit beaucoup à la

problématique du métier politique, voir Lagroye (Jacques), « Être du métier », Politix, n°28, 1994, p. 5-15 ; « On ne subit pas son rôle », Politix, n°38, 1997, p. 7-17.

94 Voir Mehan (Hugh), Learning Lessons, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1979. 95 Coulon (Alain), Le métier d’étudiant, op. cit.

96 Pour le parallèle, voir Felouzis (Georges), La condition étudiante. Sociologie des étudiants et de l’université,

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devenu membre97, c’est-à-dire qu’il catégorise désormais le monde de la même façon que la

« communauté universitaire » (cf. collectivity membership98)99.

L’approche du métier d’étudiant telle qu’envisagée par A. Coulon présente plusieurs limites. Outre le fait qu’il néglige le passé des acteurs qui permet pourtant de comprendre les représentations à l’entrée dans le supérieur et l’espace des possibles, il ne prend pas en compte les variations entre les contextes d’études. Accompagnant la croissance des effectifs, depuis les années 1960, les filières d’études se sont multipliées (création de STS, IUT, MST, MSG, DESS, etc.). L’espace des études supérieures, qui regroupe une multitude de contextes, est hétérogène en termes de recrutement social (âge, origine sociale, sexe) et scolaire (passé scolaire, mention au bac, etc.), de la durée des études (filières courtes ou longues), du type d’études (techniques, scientifiques, littéraires, etc.), du type d’activités (connaissances, nombre d’heures de cours, rapport au savoir, etc.), et du devenir professionnel100. Chaque

contexte d’études a ses codes, routines, pratiques et usages qui pèsent sur les comportements des acteurs qui y évoluent. Les connaissances et les compétences acquises y sont variées. Compte tenu de ces différences, le métier d’étudiant ne peut être exactement le même en physique ou en sociologie par exemple. En fait, dans la routine de leurs activités pratiques quotidiennes, les étudiants s’adaptent à leur environnement scolaire et à la communauté des élèves de leur filière – ou tout du moins d’une partie –, afin de pouvoir y évoluer et en devenir membre. Et si la politique n’est pas a priori centrale dans les contextes d’études, il convient de ne pas préjuger de son absence dans tous les enseignements et toutes les discussions, et d’étudier les variations en son sein. V. Tournier, dans sa comparaison entre des lycées du public et du privé, valorise l’intervention du groupe des pairs sur la socialisation politique101

. Nous avons évoqué les travaux de T. Newcomb. On connaît également l’effet du

97

Par définition, un membre est « une personne dotée d’un ensemble de procédures, de méthodes, d’activités, de savoir-faire, qui la rendent capable d’inventer des dispositifs d’adaptation pour donner sens au monde qui l’entoure », Coulon (Alain), L’ethnométhodologie, Paris, PUF, QSJ n°2393, 1996 (1ère éd. 1987), p. 44-45.

98 Sur la notion de « collectivity membership », voir Parsons (Talcott), Eléments pour une sociologie de l’action,

Paris, Plon, 1955 ; Garfinkel (H.), Sachs (H.), « On Formal Structures of Practical Action », in McKinney (J.C.), Tiryakian (E.A.) (eds.), Theoretical Sociology : Perspectives and Developments, New York, Appleton-Century-Crofts, 1970, p. 337-366.

99 Coulon (Alain), Le métier d’étudiant, op. cit. 100

Voir Lahire (Bernard), Les manières d’étudier, Paris, La documentation française, Cahiers de l’OVE n°2, 1997 ; Grignon (Claude) (dir.), Les conditions de vue des étudiants, enquête OVE, Paris, PUF, 2000. Sur les étudiants en médecine et en sociologie, voir Millet (Mathias), Les étudiants et le travail universitaire, Lyon, PUL, 2003.

101

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