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Action collective et rationalité paysanne dans le delta du fleuve Rouge (Vietnam)

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Academic year: 2021

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Agricultures des deltas

L

e delta du fleuve Rouge est un milieu auquel l’ancienneté de la civi­ lisation rizicole, la densité de po p u ­ lation et la dynam ique des change­ ments politiques confèrent des caractéris­ tiques extrêmes. Ces dernières posent néces­ sairement à l’intervenant en milieu rural, chercheur ou développeur, des problèmes m éth o d o lo g iq u es particuliers. O u tre la richesse, la complexité et la rapide évolution des techniques, le caractère social des pra­ tiques des paysans du fleuve Rouge est tel qu’il impose de s’interroger sur la manière de le prendre en compte dans les activités de recherche et de développement. Bien que le nombre d ’activités réalisées effectivement en com m un par les agriculteurs se soit pro­ gressivement réduit depuis l’application du C ontrat n° 100 (1981), cet article m ontre que l’interdépendance des activités des uns et des autres est excessivement forte et que, de ce fait, nom bre d ’entre elles doivent être concertées, m êm e si leur réalisation reste à la charge de chacun. O n désignera ci-après, sous l’expression d ’action collective, les acti­ vités à caractère professionnel réalisées en com m un ou de manière concertée dans un

Dô Hai D a n g : P r o g r a m m e fleu v e R o u g e, GRET/INSA, 254C, Tô 32, P h u o n g h i ê n , D ong Da, Hanoi, V ietnam .

F. Dreyfus : CNEARC, 1101 a v e n u e Agropolis, BP 5098, 34033 Montpellier c ed e x 01, France. Tirés à p a rt : F. D reyfus

Cahiers Agricultures 1997 ; 6 : 393-8 Agriculture et développement 1997 ; 15 : 75-80

Action collective et rationalité

paysanne dans le delta du fleuve

Rouge (Vietnam)

Dô Hai Dang, Fabrice Dreyfus

cadre institutionnalisé, formalisé ou non. C et article identifiera les fondem ents de l’action collective et en évaluera les enjeux dans le cadre d ’un village d u delta du fleu­ ve Rouge. Sur cette base, il essaiera d ’en déduire les questions que cela pose aux intervenants chargés d ’y soutenir les pro­ cessus d ’innovation. Les deux encadrés pré­ sentés o n t été choisis parce qu’ils illustrent avec force la problém atique de l’action col­ lective et parce que la succession des idées qui y sont exprimées se prête particulière­ m en t bien au déroulem ent de la réflexion sur ce thème. Il s’agit d ’extraits d’entretiens enregistrés qui ont été menés à M. T., un vil­ lage du delta du fleuve Rouge au cours de l’été 1996, lors de la première phase d ’une recherche en socio-anthropologie sur l’in ­ novation entendue com m e « entrée pos­ sible des phénomènes de changement social et de développement » [1]. Le thèm e en était « Les conditions et les mécanismes de l’innovation paysanne en riziculture dans le delta du fleuve Rouge ». Ce travail s’insérait dans le programme Village, coordonné par l’Ecole française d’Extrêm e-Orient, anten­ ne de H anoi (EFEO) et le C entre national des sciences sociales et h u m ain es du Vietnam (CNSSH), avec la participation du Programme fleuve Rouge (PFR, ministère français des Affaires étrangères/GRET/Institut n ational des sciences agronom iques du Vietnam) et du C entre national d ’études agronom iques des régions chaudes (CNEARC). Ces extraits ne sont pas repré­ sentatifs, au sens statistique du terme, de catégories sociales ou socio-économiques. Le premier est tiré d ’une conversation réunis­ sant quatre paysans de différentes conditions et n’aborde que les aspects les plus évidents

de l’action collective sur lesquels le consen­ sus est acquis. Q u an t au second, il présen­ te au contraire le point de vue volontaire­ m ent spécifique d ’une personne. Ils o n t été traduits au plus proche de la langue parlée qui peut être parfois très elliptique, d ’autant plus que ce d o n t on parle est banal et sup­ posé connu de tous. Leur interprétation n’a donc été possible que grâce à la connais­ sance de l’ensemble des entretiens qui ont été menés dans ce village et à une présence quasi perm anente sur le terrain pendant laquelle o n t été utilisés différents outils d’enquête et d ’analyse anthropologique [2]. Ces entretiens m ontrent com m ent et dans quelles conditions la participation volontaire devient obligatoire au niveau d ’une structure d ’action collective com m e la coopérative et com m ent cette obligation peut être réap­ propriée par un individu pour imposer sa façon de faire et de penser aux autres. En effet, depuis la Résolution n° 10 (avril 1988) et l’application conséquente du C ontrat 10, les paysans du delta du fleuve Rouge sont redevenus maîtres de leur exploita­ tion. D ans les textes, ils sont désormais libres de gérer individuellem ent toutes les opérations sur leurs terres. En réalité, de nombreuses activités sont toujours réali­ sées collectivement et il ne semble pas qu’il puisse en être autrem ent. C ependant, les pratiques collectives peuvent être plus ou moins contraignantes selon la situation par­ ticulière de chacun, ce qui génère des points de vue contradictoires p o r ta n t sur les manières de faire. Auparavant, ces inévi­ tables contradictions se résolvaient dans un cadre institutionnel formalisé avec un fonc­ tio n n em en t hiérarchique clair, la chaîne d ’au to rité d escen d an t du bureau de la

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Encadré 1

Trung : Maintenant, si je ne rentre pas à la coop, ça ne peut pas aller non plus. Tout le montre y rentre, il n'y a pas de raison que je n'y rentre pas. Ça fait qu'à force d'être to ut le tem ps à la queue les uns derrière les autres, ça ne résou­ dra rien du tout.

Chu : Mais si on rentre pas, qu'est-ce que ça fait ?

Trung : Je ne sais pas ce que ça fait, mais je sais seulement que...

Quach : Il ne savent pas non plus com m ent faire, mais ces messieurs disent que l'eau, si on n'a pas de contrat avec eux, ces messieurs prendront 30 000 dôngs/sào par exemple.

Bao : C'est toujours com m e ça à la campagne, petit oncle [désignation fa m i­ lière d'un plus jeune], on se réveille, on ouvre un œil et on voit son voisin, n'est- ce pas ? Alors il n'y pas de raison...

Trung : Les gens sont com m e ça, eh ben toi aussi t'es pareil !

Bao : En plus, c'est pas possible que tout le quartier soit assis ici et que ce mon­ sieur soit seul à ne pas être mem bre de la coopérative.

Trung : Oui.

Bao : Ça ferait que du point de vue moral, du point de vue de la conscience, il ne serait pas à l'aise.

Trung : Et deuxièmem ent, je dis par exemple que l'eau, ils la prennent pour tous les champs, vous qui êtes le seul à ne pas être membre de la coopérati­ ve, vous n'allez quand même pas surélever les diguettes, alors si l'eau rentre dans votre parcelle, ils disent que pour ce type-là qui a cotisé ses actions pour 50 000 dôngs, ce sera 7 000 dôngs/sao, c'est tout, mais vous qui n'avez pas coti­ sé, je dois percevoir de vous, 10, 15, 15 000 dôngs. Comme ça, vous êtes déjà m ort. C'est pourquoi....

Bao : Si vous êtes au milieu du quartier de rizières, com m ent est-ce que vous ferez vos propres rigoles pour faire passer l'eau à travers les parcelles des autres ?

Trung : C'est com m e ça qu'on s'oblige les uns les autres.

Bao : Ou bien le tracteur par exemple, hein...

Trung : De volontaire aussi, ça devient obligatoire.

Huynh : Maintenant c'est moderne. On achète le moteur, on achète les tuyaux et on pompe directem ent dans le fleuve.

Quach : Pomper, ils fo nt aussi payer... * 1 sào équivaut à 360 m 2.

coopérative à la brigade de production puis au coopérateur. Dans le nouveau contexte créé par la Rénovation, ce n’est plus aussi manifeste. Les contradictions doivent enco­ re être gérées et résolues, mais à des niveaux différents que par le passé, en mobilisant d’autres ressources que les seules ressources institutionnelles sur lesquelles s’appuyaient auparavant les décideurs.

L'action collective,

une nécessité

incontournable

\1 encadré 1 souligne, lors d’une conversation

réunissant quatre paysans dont les deux principaux protagonistes, Trung et Bao, ont 60 et 55 ans, les contraintes qui les poussent à adhérer à la coopérative de leur village

L’ex-coopérative agricole de M. T. a désor­ mais un nouveau nom, la Coopérative de services agricoles, sans que cela ait affecté son aire de compétence. En effet, sa taille se confond toujours avec celle du village. Ce changement de nom traduit en fait un changement de statut et de fonctions. D ’une institution de gestion économique, sub­ ventionnée par l’Etat, la coopérative devient une organisation de prestation de services aux paysans qui doit s’autogérer sur le plan financier. Pour les paysans, ce changement signifie que la participation à la coopérati­ ve dépend de leur volonté propre qui se matérialise par une cotisation de 50 000 dôngs (~ 25 FF). Adhérer ou non à cette nouvelle organisation, c’est ce thème qu’aborde le fragment de débat présenté ici : « Maintenant, si je ne rentre pas à la coop, ça ne peut pas aller non plus [...]. Ça fait qu’à force d’être tout le temps à la queue les uns derrière les autres, ça ne résoudra rien du tout. » Trung exprime par là l’impossi­ bilité de ne pas être adhérent à la coopéra­ tive en même temps qu’un scepticisme de l’efficacité d’une action collective (« d’être à la queue les uns derrière les autres »). Qu’il veuille parler là d’un effet de mode, du mimétisme ou de l’entraînement collectif, peu importe, il nous présente une problé­ matique de l’action collective dans ce villa­ ge, telle qu’il la conçoit : action « indis­ pensable » mais « inefficace ». Le reste du discours de Trung (qui n’est pas présenté ici) nous fournit les éléments pour le caractéri­ ser comme un paysan prompt à l’innova­ tion. En matière technique, il change sou­ vent de variétés de riz et est même parfois à l’origine de l’entrée de « nouvelles »

semences dans le village. En matière de ges­ tion, il diversifie ses activités et s’est lancé dans le petit commerce d’intrants pour lequel il entre d’ailleurs en concurrence directe, parfois très dure (dumping, diffu­ sion de fausses informations), avec la coopé­ rative qui propose aussi ce genre de ser­ vices. De son point de vue, qui a peut-être à voir avec ce conflit d’intérêts, l’action col­ lective est inefficace. Cependant, il faut noter que ce thème n’est plus repris ulté­ rieurement alors que l’autre élément de la contradiction, le caractère obligatoire de l’adhésion, est largement développé. Il semble donc que le consensus sur l’identi­ fication des contraintes qui poussent à l’ac­ tion collective soit plus immédiat que celui portant sur l’évaluation des résultats de celle-ci. Les personnes présentes lors de cette conversation ne partagent pas forcé­ ment le point de vue de Trung. Pour des rai­

sons qui ne transparaissent pas ici, elles sont peut-être plus sensibles aux avantages que présente l’adhésion. En effet, les services proposés par la coopérative sont divers. Parmi eux, il faut citer l’approvisionnement en intrants agricoles et en semences, éven­ tuellement sous forme d’avances sur récol­ te, et la location de tracteurs (encadré 2). D ’autres services relèvent de l’assistance sociale comme dans le cas où la coopérati­ ve aide les adhérents en difficulté, en cas de mauvaise récolte, en appuyant leur deman­ de d’emprunt de paddy à des taux bonifiés. Ces services présentent ainsi un certain nombre d’avantages matériels dont les pay­ sans doivent tenir compte dans leur déci­ sion. Cependant, de manière récurrente, c’est le thème de l’eau qui apparaît dans la conversation. Il faut dire que, étant donné que le réseau hydraulique aménagé en mailles ne peut être géré individuellement,

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la coopérative de service de M . T. détient toujours le monopole du service d ’irrigation et de drainage : « ... ces messieurs disent que l’eau, si on a pas de contrat avec eux, ces messieurs prendront 30 000 dôngs/sao par exemple. [...] ils disent que pour ce type-là qui a cotisé ses actions pour 50 000 dôngs, ce sera 7 000 dôngs/sao, c’est tout, mais vous qui n’avez pas cotisé, je dois perce­ voir de vous, 10, 15, 15 000 dôngs. Com me ça, vous êtes déjà mort. »

Les prix de l’eau sont donnés à titre d ’exemple par les paysans qui o n t participé à la discussion. C ependant, malgré leur caractère fictif, ils expriment l’idée que l’ad­ hésion perm et de bénéficier, à un tarif sup­ posé préférentiel, du service de la coopéra­ tive en matière d ’approvisionnem ent en eau d ’irrigation (nous n’avons pas rencontré de paysans n’ayant pas adhéré, il est donc difficile de savoir précisément comment ils seraient traités). A leurs yeux, la différence entre le prix préférentiel appliqué aux adhé­ rents et le prix appliqué aux non-adhérents doit être considérable pour que l’idée de la « m ort » leur vienne à l’esprit. C ependant, il est évident q u ’il ne s’agit pas ici de la m ort physique, du voyage dans l’au-delà. Il faut te m p érer une telle n o tio n qui, au Vietnam , revient très fréquem m ent dans le langage courant et dans des contextes très différents. En général, elle désigne une idée de perte, de catastrophe, u n état d ’inactivité.

Le mode de vie est un autre facteur explicatif évoqué dans la discussion. « Bao : C ’est tou­ jours com me çà à la campagne, petit oncle, on se réveille, on ouvre un œil et on voit son voisin, n’est-ce pas ? Alors il n’y pas de rai­ son... Trung : Les gens sont com m e ça, eh ben toi aussi t’es pareil. » Ce fragment d’en­ tretien m ontre clairem ent l’idée de l’im ­ possibilité de s’isoler à la campagne, mais aussi d’être différent. Bao évoque d ’abord un milieu de vie constitué d’une population de forte densité ayant adopté un type d ’ha­ bitat très regroupé, favorable aux contacts entre les gens. Presque sim ultaném ent, il révèle aussi l’om niprésence du voisinage comme témoin et juge de ce que l’on fait. Le déroulement de la discussion est intéressant dans la mesure où Bao n’a pas encore ter­ miné sa phrase, qui exprime le constat d’une situation, que Trung en a tiré la conséquence dans une tirade qui exprime non plus le point de vue d ’un individu mais une norme. Il s’agit d ’une façon de voir et/ou de faire, produit d ’une réflexion com m une qui est aussi une form e d ’action collective, qui apporte aux individus une certaine sécurité opératoire et dont le respect témoigne de l’appartenance à l’unité sociale qui l’a pro­

duite [3]. La façon quasi instantanée et ins­ tinctive dont cette norme est évoquée met en évidence le fait qu’elle est déjà intériorisée par Trung mais aussi par ses interlocuteurs qui l’ap p ro u v e n t sans problèm e : on est ensemble, donc on est pareil ; on est pareil, donc on est ensemble. Q ue se passe-il alors si l’on est différent des autres ?

« Bao : En plus, c’est pas possible que tout le quartier soit assis ici et que ce m onsieur soit seul à ne pas être m em bre de la coopé­ rative [...]. Ç a ferait que du p oint de vue moral, du point de vue de la conscience, il ne serait pas à l’aise. » Le fait d ’être différent est une fois de plus conçu com m e quelque chose de déraisonnable, d ’anorm al. La différence m et l’individu concerné mal à l’aise face à la collectivité à tel p oint qu’un proverbe vietnam ien d it : « M ieux vaut m ourir tous ensemble que de vivre to u t seul. » Mais le sentim ent de différence ne tom be pas du ciel. Si un individu a ce sen­ timent, c’est parce que la collectivité lui a fait ressentir sa différence. Le fait de se sentir mal à l’aise n’est rien d ’autre que la conséquence de la sanction collective, im plicite mais pesante. En évo q u an t la m orale et la conscience, Bao révèle com m ent les condi­ tions matérielles de production et d ’habitat se traduisent dans les valeurs sociales fon­ dam entales du groupe. Etre com m e les autres, c’est donc une des raisons qui pous­ sent les paysans à adhérer à la coopérative. Par ailleurs, la configuration du parcellaire, son m o rcellem en t et son im b ric atio n extrêmes accroissent encore l’impossibilité d ’envisager des solutions individuelles. « T ru n g : E t d euxièm em ent, je dis par exemple que l’eau, ils la prennent pour tous les champs, vous qui êtes le seul à ne pas être m em b re de la coopérative, vous n’allez quand même pas surélever les diguettes... » L’irrigation implique la mise en marche des pom pes et l’usage des canaux collectifs conçus pour de grandes surfaces, leur utili­ sation ne p erm et pas de rép o n d re aux besoins individuels des paysans. C et état de chose m et un non-adhérent à la coopé­ rative devant un double choix : soit il accep­ te le système de prix différencié, soit il empêche l’eau de rentrer dans ses parcelles de culture en surélevant les diguettes des parcelles. O r toute culture a besoin d ’eau. Alors, m êm e si ce paysan no n adhérent optait pour la seconde possibilité, il devrait q uand même trouver une autre solution. Pourrait-il faire passer de l’eau dans ses par­ celles par des rigoles qu ’il creuserait lui- mêm e ? La réponse est p lutôt négative : « Bao : Si vous êtes au milieu du quartier de rizières, com m ent est-ce que vous ferez vos propres rigoles pour faire passer l’eau à tra­

vers les parcelles des autres ? » Pourrait-il peu t-ê tre p o m p e r l’eau d irec te m en t du « fleuve » ? De toute façon, l’eau est payan­ te car si elle arrive au village, c’est en passant par des canaux collectifs. Alors, si un indi­ vidu veut en avoir p our ses cultures sans la payer plus cher que les autres, il n’a en réa­ lité qu’une seule possibilité, adhérer à la coopérative.

Ainsi, l’action collective est indispensable et inévitable. C ’est p o u r cette raison que, reprenant ainsi les termes de Trung, l’ad­ hésion à la coopérative, en principe volon­ taire, devient obligatoire.

L'action collective, un

enjeu d'importance

dans les stratégies

individuelles

11 s’agit ici de montrer com ment l’action col­ lective est mise en œuvre au niveau d ’un groupe de paysans, à travers l’entretien réa­ lisé auprès d ’une fem m e m em bre de ce groupe, et com m ent cette dernière a trans­ form é les contraintes collectives en res­ sources personnelles p o u r résoudre ses propres contraintes (encadré 2).

Le d é b u t de l’e n tre tie n (jusqu’à L uong Quang) présente un aperçu de l’activité de dialogue au sein d ’un groupe de rizière. A M. T, des groupes dits « groupes de rizières » o n t été formés au m om ent de l’attribution des terres aux paysans en 1993. Il y en eut sept pour chacun des cinq quartiers du vil­ lage, réunissant chacun de quatorze à vingt familles. Chaque groupe a reçu ainsi des lots de rizières dans différents endroits du terroir agricole du village. Ces lots o n t été par la suite subdivisés en parcelles qui furent redis­ tribuées aux familles paysannes membres du groupe selon leur nom bre de bouches à nourrir et cela de façon à ce que, autant que possible, ces familles aient des parcelles dans tous les lots attribués au groupe. Par conséquent, ces familles, en général « voi­ sines » dans le village, sont aussi « voisines » dans les champs. En réalité, une fois les parcelles attribuées, ces groupes o n t perdu toute existence officielle mais les paysans font toujours référence à eux dans leur dis­ cours. La question qui se pose est de savoir pour quelles raisons une telle activité de dialogue s’instaure au sein de ce groupe. O n a vu, dans la première partie de l’article, que l’action collective est, en raison de dif­ férentes contraintes, inévitable. La partici­ pation à l’action collective au niveau de la

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Encadré 2

Chu : Le groupe [...], votre groupe qui travaille les rizières, est-ce qu'on y dis­ cute du travail ou pas ?

Hoa : Oui, on discute de tout. Par exemple comme repiquer le riz dans tel quar­ tier de rizière, on se dit : « Je sème cette variété-là, celle-là, celle-là, dans ce lot qui est bas, il faut semer cette variété-là, si c'est haut, Il faut semer ceci. » Ou pour repiquer, c'est pareil. Repiquer sur les terres basses, alors on se dit de semer [...] de repiquer [...] au printemps, eh bien on repique le DT10, en sai­ son, on repique Q4 ou Luong Quang. Si c'est perdu, tout le monde perd. Dans ce groupe, si c'est perdu, c'est tout le monde qui perd. Mais y compris la loca­ tion du tracteur, c'est com m e ça, hein ! C'est que, louer un tracteur, les autres groupes en dessous là-bas, eh bien, on v o it qu'il y a des gens qui travaillent avec le buffle, les autres à la machine, c'est pour ça que si le type qui travaille avec le buffle a fait déjà rentrer le buffle, alors pour le type au tracteur c'est le m alheur parce que collectivement, on ne laboure pas pour une ou deux familles. C'est pour ça que ce groupe, moi aussi. [..] avant [...] parce que mon mari était dans les tracteurs, com m e ça, je connais les petits oncles qui conduisent, alors ici on dit [...] dans mon groupe, on dit que Mme Hoa a l'idée de louer une machine, alors elle loue pour to ut le monde, com m e ça, to ut le groupe travaille ensemble, je sème com m e sème to ut le groupe, pour l'eau, ça facilite. Comme ça, je loue la machine pour to u t le groupe.

coopérative est « obligatoire », notamment pour la gestion de l’eau qui doit passer nécessairement par cette structure collec­ tive. Or, l’eau qui arrive dans les parcelles de culture pose d’autres contraintes aux pay­ sans. En effet, pour eux, de l’eau dépend toute une série d’opérations de culture : préparation du sol, date de semis ou de repiquage et, donc, choix des variétés. C ’est sur le calendrier de la mise en eau et des irri­ gations, décidé au niveau de la coopérative, que les paysans calquent la gestion de leurs cultures. La coopérative fournit un autre ser­ vice aux paysans en leur transmettant des conseils émanant du Service agricole de la province (proposition d’une gamme variée de variétés de riz en fonction du type de sol, du cycle de croissance, conseil sur les dates de semis et de repiquage...). Etant donné que « l’eau, ils la prennent pour tous les champs » (encadré 1), pour un groupe de rizières, les contraintes liées à l’eau ne se posent pas seulement pour un individu mais pour tous les membres du groupe. De ce fait, la gestion des cultures par rapport à ces contraintes peut être l’affaire person­ nelle de chaque paysan, maître de ses terres et de ses productions, mais une action indi­ viduelle peut présenter autant de risques pour l’individu que pour tout le groupe. En matière phytosanitaire par exemple, l’utili­ sation par un individu d’une variété à cycle différent de celles utilisées par les autres dans le groupe peut, d’une part, accroître les risques d’insectes et de maladies sur sa par­ celle et, d’autre part, transformer cette der­ nière en un foyer pathogène pour les autres.

L’affaire personnelle devient ainsi l’affaire collective qui demande donc à être traitée à ce niveau. Non seulement plus risquée, l’action individuelle se révèle souvent coû­ teuse. Ainsi, pratiquer le semis direct tandis que les autres font du repiquage demande à l’individu qui veut semer un surplus de travail pour diminuer le niveau de l’eau dans sa parcelle parce que le semis direct ne demande pas autant d’eau que le repiquage. C ’est pour ces différentes raisons que les membres du groupe dont fait partie Hoa, conscients de ces risques personnels et col­ lectifs, discutent entre eux du choix de variétés.

De plus, la coopération des membres du groupe de Hoa ne se manifeste pas seule­ ment dans une telle discussion mais aussi dans l’utilisation du tracteur pour les travaux du sol : « Dans mon groupe, on dit que Mme Hoa a l’idée de louer une machine, alors elle loue pour tout le monde, comme ça, tout le groupe travaille ensemble, je sème comme sème tout le groupe, pour l’eau, ça facilite. Com m e ça, je loue la machine pour tout le groupe. » Dans cette affaire de location du tracteur, l’analyse du discours de Hoa montre qu’elle joue un rôle déterminant. En effet, outre qu’elle est sou­ mise aux contraintes collectives, elle a aussi les siennes, propres à son exploitation. En effet, son mari n’est pas agriculteur, il travaille à l’extérieur du village (« Mon mari était dans les tracteurs »). Elle se charge donc de tous les travaux agricoles, sauf de la préparation de sol, car travailler avec le buffle est un travail fatiguant et souvent

réservé aux hommes. Elle a donc le choix entre louer un laboureur avec un buffle ou faire travailler ses terres à la machine. Selon les calculs de son mari, il est plus écono­ mique de louer une machine qu’un labou­ reur. Hoa est de cet avis. Ce n’est pas for­ cément le cas des autres membres du groupe. Certains au contraire, plus contraints en trésorerie, peuvent avoir intérêt à valoriser la main-d’œuvre familiale disponible. Le problème qui se pose donc à Hoa, c’est que la décision de travailler au tracteur ne dépend pas que d’elle. En effet, comme elle le signale, « on voit qu’il y a des gens qui travaillent avec le buffle, les autres à la machine, c’est pour ça que si le type qui tra­ vaille avec le buffle a fait déjà rentrer le buffle, alors pour le type au tracteur c’est le malheur parce que collectivement, on ne laboure pas pour une ou deux familles » (la taille des parcelles varie de 50 à 600 m 2, le m orcellem ent s’accentuant dans les meilleures terres). Le tracteur ne peut pas manœuvrer sur une seule parcelle et de plus, pour atteindre une parcelle donnée, il doit en traverser d’autres. Les diguettes doi­ vent donc être détruites puis remontées après le passage de l’engin. L’utilisation du tracteur doit donc être décidée collective­ ment par tout le groupe, ce qui nécessite « l’intégration des comportements » de tous les membres du groupe [4j. Cela implique donc pour Hoa de convaincre tous les autres membres de son groupe d’utiliser la machi­ ne pour les travaux du sol. Pour cela, elle s’appuie sur deux éléments : la contrainte collective liée à l’eau et sa connaissance des conducteurs de tracteur. En effet, pour elle, ces deux éléments constituent ses principaux atouts. D ’une part, l’argument selon lequel « pour l’eau, ça facilite » touche la contrain­ te collective essentielle évoquée plus haut : l’eau et, avec elle, la gestion des cultures. Labourer ensemble, c’est être prêts ensemble quand l’eau arrive et cela permet ensuite à tous de dérouler un itinéraire technique compatible avec le calendrier de l’eau. Cependant, cet argument seul n’est pas suf­ fisant. La preuve en est que l’utilisation du tracteur proposée par la coopérative, qui intervient en tant qu’intermédiaire auprès de la station de tracteurs pour la location des engins, n’est pas généralisée à tout le villa­ ge Ainsi, pour convaincre les membres de son groupe, Hoa a recours à son second atout, son réseau de relations personnelles : « [...] parce que mon mari était dans les trac­ teurs, comme ça, je connais les petits oncles qui conduisent [...]. » Cette connaissance personnelle des conducteurs de tracteurs joue un rôle important pour Hoa. En effet, au Vietnam, le recours au réseau de relations

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personnelles est une pratique courante et constitue une garantie de la qualité du ser­ vice attendu ou du produit cherché. De nom breux paysans passent par ce type de réseau, p ar exem ple p o u r acheter des semences. Ils espèrent ainsi ne pas « se faire avoir » sur le marché, c’est-à-dire obtenir des semences de bonne qualité au juste prix. Ainsi, la connaissance personnelle qu’a Hoa des conducteurs signifie pour son groupe une possibilité de contrôle personnel du travail et, donc, une garantie de la qualité des travaux du sol. D ’ailleurs, H oa attend le mêm e service que les autres membres du groupe, elle a donc intérêt à s’assurer de la qualité du travail dans son propre intérêt, qui est intim em ent lié à celui du groupe.

L'action collective et

l'appui à l'innovation

Les dialogues des deux encadrés m ontrent que, pour des raisons socio-culturelles, agro­ nom iques au tan t q u ’historiques, l’action collective est obligatoire et qu’elle se produit à différents niveaux. Formalisée à l’éche­ lon du village au sein de la coopérative, elle existe au niveau des groupes de rizières auxquels on continue à faire référence mal­ gré la cessation de leur fonction originelle (la répartition d u foncier). Elle se manifeste dans les dom aines interdépendants de la gestion de l’eau, de la m écanisation et du calendrier cu ltu ral (variétés, dates de semis...). O n peut aisément supposer qu’il en va de même p our la protection phyto- sanitaire et pour la troisième culture qui s’intercale entre le riz de saison (fin juin- octobre/novembre) et le riz de printem ps (février-juin). Dans tous ces domaines, les actions individuelles sont étroitement condi­ tionnées par celles d ’autrui et, en consé­ quence, les choix individuels sont indisso­ ciables des choix collectifs. O n a vu que l’emploi du tracteur correspondait à la situa­ tion de Hoa. Il est vraisemblable que tous les membres du groupe ne se trouvent pas dans la m êm e situation. Celui qui a une nom breuse famille et une trésorerie diffi­ cile, ou encore celui qui a acheté pénible­ m ent u n buffle qu’il am ortit en travaillant chez les autres n’a peut-être pas le même in térêt p o u r la m écanisation. P ourtant, leur p oint de vue n’a pas prévalu et, si H oa dit vrai, ils font travailler leur terre par le tracteur.

L’agronome qui s’intéresse à l’unité de pro­ d u c tio n com m e à u n systèm e clos aux limites nettes risque de ne pas percevoir la rationalité du paysan qui fait un choix appa­

rem m ent contraire à ses intérêts. Il semble donc indispensable, pour comprendre cette rationalité, de repérer l’unité sociale perti­ n en te dans laquelle le choix individuel prend son sens, dans le cadre de laquelle les pratiques doivent s’interpréter. D e même, c’est au sein de cette même unité que peu­ v en t s’in te rp ré te r les co n tra in te s ou les atouts de l’innovation, conçue com m e la transformation par les producteurs de leurs façons de faire en réponse au changem ent dans leur environnem ent, voire en antici­ pation sur celui-ci.

Ces unités peuvent être différentes selon l’objectif de celui qui cherche à les identi­ fier. Ainsi, le zootechnicien s’intéresse à une activité d o n t les contraintes sont dif­ férentes et où l’action collective prend des formes autres que celles de l’agriculture. Les unités sociales dans lesquelles les pra­ tiques d’élevage prennent leur sens ne cor­ re sp o n d ro n t d o n c pas fo rc ém e n t aux g roupes de rizières, m êm e si chaque m em bre de ces groupes a certainem ent un porc à la maison. De même, p our le tech­ nicien qui s’intéresse aux pratiques de trans­ formation des produits, activité dans laquel­ le l’action collective est parfois difficile­ m en t perceptible et où le secret est quel­ quefois de rigueur, l’unité sociale p erti­ nente aura encore u n autre contour. Dans ces deux cas, l’action collective peut ne pas se révéler dans une concertation/négocia- tion identifiable à propos d ’une activité précise mais se manifester seulem ent dans les normes et les connaissances élaborées po u r l’action, plus ou m oins consciem ­ m ent, au travers d u dialogue technique entre pairs [5], membres de l’unité à iden­ tifier (phénom ène à l’œuvre dans tous les domaines d ’activité technique). Dans tous les cas, les unités sociales pertinentes pré­ sentent les points com m uns de réunir, le plus souvent inform ellement, des gens qui o n t une activité professionnelle com mune, des pairs, et qui sont « à proxim ité de dia­ logue », ce qui est la condition minimale de l’action collective.

En ce qui concerne les productions végé­ tales, l’observation (tour de plaine) suffit à repérer les com m unautés de pratiques [6] et, com plétée par un questionnaire simple appliqué à u n échantillon raisonné, elle perm et souvent une première identifica­ tion de la nature des liens qui rassemblent les praticiens. Cependant, des agents impli­ qués dans des processus de recherche-action et/ou dans des activités d ’aide à la décision, y com pris la vulgarisation ou l’appui à l’émergence de groupes de crédit solidaire, ne peuvent s’arrêter à ce simple repérage. Il leur faut com prendre com m ent fonction­

nent ces unités sociales, com m ent s’y pren­ n e n t les décisions, quels sont les enjeux autour desquels interagissent les personnes appartenant à ces unités ainsi que les effets recherchés ou inattendus par ces personnes dans ces relations d ’interaction. A ce stade, il est nécessaire de faire appel à d ’autres outils comme l’analyse de réseau [7], l’ana­ lyse de discours [8] et l’analyse des straté­ gies d ’acteurs. Il en va de m êm e pour les activités non repérables « à l’œil » (élevage porcin, fabrication de produits agro-ali­ mentaires, tontines, etc.). En schématisant la morphologie des liens du dialogue tech­ nique [9] et en analysant les points de vue des acteurs, on doit pouvoir comprendre les conflits et les négociations générés par les différences de points de vue au sein de l’u n ité identifiée. Ainsi, dans le cas du groupe de rizières, l’étude du réseau indi­ viduel de relations et de la position de H oa dans le réseau collectif peut m ettre en évi­ dence une situation spécifique (éventuel­ lem ent liée à son appartenance à l’U nion des femmes, organisation de masse autre­ fois très influente) qui lui procure « l’in ­ fluence » nécessaire pour « appuyer » les argum ents qu’elle développe et finir par convaincre. C ’est le sens d u travail de recherche entrepris à M . T. qui tente ainsi d ’appliquer au contexte du fleuve Rouge des m éthodes d ’analyse déjà utilisées en milieu rural français dans le cas du Groupe professionnel local [10]. Ces recherches sont orientées vers l’action et leur but est de perm ettre l’élaboration de modalités d ’ap­ pui à la prise de décision collective [11] et de proposer des solutions de rem place­ m ent aux m éthodes de recherche et aux types de vulgarisation qui s’essoufflent à suivre le rythm e du changem ent et de l’in­ novation paysanne [12]. ■

Références

1. O liv ie r d e S a rd a n JP. A n thropo lo gie et dévelop­ pement. Essai en socio-anthropologie du change­

m e nt social. P a ris/M arse ille : Karthala, 1995 ; 221 p.

2. O li v ie r d e S a r d a n JP. La p o l i ti q u e d u t e r ra in s u r la p r o d u c t i o n d e s d o n n é e s e n a n t h r o p o l o g i e .

Enquête 1 9 9 5 ; 1 : 7 1 - 1 0 9 .

3. D a rre JP. Les d ia lo g u e s e n t re ag ric u lte u rs , é tu d e c o m p a r a t i v e d a n s d e u x v illa g e s fra n ç a is . Langage

et Société 1 9 8 5 ; 3 3 : 4 3 - 6 3 .

4. C r o z ie r M , F r ie d b e r g E. L'acteur et le système.

Les contraintes de l'action collective. Paris : S e u il,

1 9 9 2 ; 5 0 0 p.

5. D a rr e JP. La p r o d u c ti o n d e c o n n a is s a n c e s d a n s les g ro u p e s lo cau x d 'a g ricu lteu rs. Agriscope 1986 ; 7 : 2 4 - 3 5 .

6. C h if f o le a u Y, D r e y f u s F. P r a t iq u e s rizico les et d y n a m i q u e s s o c ia le s d a n s la p la i n e d e s j o n c s :

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é l é m e n t s c l é s p o u r u n e n o u v e l l e v u l g a r i ­ s a t i o n . A g r ic u ltu r e s e t d é v e lo p p e m e n t 1 9 9 7 ; 15 : 1 1 1 - 1 8 .

7. D e g e n n e A , Forse M . Les réseaux sociaux. Paris : A . C o lin , 1 9 9 4 ; 2 6 3 p.

8. D a r r e JP. L 'in v e n tio n de la p ra tiq u e . P a ris : K a rth a la , 1 9 9 6 ; 1 9 4 p.

Action collective et rationalité paysanne dans le delta du fleuve Rouge (Vietnam)

A la lumière de deux extraits d'entretiens recueillis au cours d'enquêtes m icro-sociologiques dans un villa ge du delta du fle u ve Rouge, l'a rtic le m e t en é vid e n ce l'in é lu c ta b ilité de l'a c tio n co lle c tiv e en matière de riziculture. Les fa cte u rs agro nomiq ues a u ta n t que so c io lo g iq u e s e t cu ltu re ls , liés à la proxim ité des p a rc e lle s ou de l'habitat, p ou sse n t ies p r o d u c te u r s à s 'a s s o c i e r f o r m e ll e m e n t au sein de la co op é ra tive ou in fo rm e lle m e n t au sein de groupes de rizières pour pouvoir su rm on te r les contrainte s qu’ ils re n c o n tre n t dans le domaine de la gestio n de l’ eau, du tra v a il du sol ou du c a le n ­ drie r cultural. La nécessaire inscription des choix in d ivid u e ls dans les ch o ix c o lle c tifs am ène les p ro d u c te u rs à c h e rc h e r la m e illeu re a d é q u atio n possible entre ces derniers et leur propre point de vue, ré s u lta n t de le u r situ a tio n p a rtic u liè re . La m o bilis a tio n des ré s e a u x ind ivid u e ls p e u t se rvir ce tte stra té g ie : l'in te rv e n a n t en m ilieu rural qui c h e rc h e à co m p re n d re la ra tio n a lité paysa n n e e t à appuyer les processus d’innovation se doit de re p é re r les c o n to u rs e t de co m p re n d re le fo n c ­ tio n n e m e n t des unité s so c ia le s p ertin e n te s dans lesq u e lle s les p ro d u c te u rs n é g o c ie n t e t é la b o ­ re nt les so lutions collectives en riziculture comme dans les a u tre s d o m a ine s d'activ ité s.

9. D a rre JP, Le G u e n R, L e m e ry B. C h a n g e m e n t te c h ­ n iq u e et stru ctu re p ro fessio n n elle locale en ag ricu l­ ture. Economie Rurale 1989 ; 192-1 9 3 : 115-22. 10. G E R D A L . P r o g r a m m e du g r o u p e . Cahiers du

GERDAL 1 9 8 4 ; 1 ; 3 0 p.

11. R u a u l t C. L 'in ve n tio n c o lle ctive de l'action .

Pa ris : L 'H a r m a tt a n , 1 9 9 6 ; 2 5 5 p. 12. D re y fu s F. V i e t n a m : a n e w ro le f o r e x t e n s i o n ? W h e n f a r m e r s a r e m o r e i n n o v a t i v e t h a n r e s e a r ­ c h e r s , w h a t s h o u l d e x t e n s i o n d o ? The R ural Extension B ulletin 1 9 9 6 ; 9 : 7 -1 1 . >

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Collective action and farmer's rationality in Red River delta (Vietnam)

The very old history o f human settlement and rice cultivation in Red River Delta has progressively build a very specific w ay o f life as w ell as an ori­ ginal farming system. This specificity has to be taken in account by whoever has to analyse far­ mer's practices or to back innovation processes. Intrica cy o f rice plots and proxim ity o f houses create numerous opportunities for social interac­ tions up to the point that, in many cases, Collective A ctio n is even unavoidable. The firs t piece o f conversation between farmers which is presented in this article show s h o w w a te r managem ent constraints as well as cultural norms turn voluntary adhesion in compulsory cooperative membership. But Collective A ction is not only to be seen within an institutional framework and at the cooperative and village level. The second piece o f interview shows that it exists a t a low er level, in an informal way, in that case the rice field group, and is as una­ voidable as a t the cooperative level. A t this level, Collective Action is also described as necessary in various activities such as land preparation, rice varieties selection, cropping calendar manage­ ment and others. Thus, it appears also that indivi­ dual choices cannot be understood w ithout ana­ lysing the collective level o f decision. Each mem­ ber of the group has his own point o f view according to his own situation about w hat has to be done and strive to make it prevail over the others. So, in negotiating to establish a collective decision, the stakes are high and one has to summon up all kind o f re sources to convince. Among those resources, social relations can play an important role and explain the success or the leadership o f one amongst the others. Based on this analysis, our paper argues that whoever has to deal with farmer's rationality needs to identify the relevant social units within which the farmer's choices are understandable and to analyse the functioning o f those units. Researchers in agronomy, animal hus­ bandry and farm technology, but also all kinds o f development and extension agents, need to deli­ neate those relevant units where Collective Action takes place. In agriculture as it is the case with rice cultivation, observation o f farming practices may enable agronomists to take a first grasp a t those units but whenever Collective A ction is no t easi­ ly seen, when it is revealed only through norms and member's knowledge for action designed through dia logica I flows, m icro-sociology and anthropolo­ gy provide a set o f tools and methods, i.e. net­ work analysis, discourse analysis, actor's strate­ gy analysis, which have already proved useful in the french rural setting. Delineating relevant social units and understanding their functioning is even­ tually meant to design new methods o f research and intervention in agriculture in order to keep abreast o f farmer's innovation.

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Hoat dông tâp the và tinh hop lÿ

trong cách làm cüa nông dân

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dông bàng Sông Hong (Viêt Nam).

Dira vào hai d o a n hôi thoai trich ttf c àc cu ôc diëu tra xâ hôi hoc tai mot thôn th u ô c dông bàng S ô n g Hong, bài viêt này cho thâ'y hoat dô n g tâp th é trong can h tác lúa c àn thiê't nhtf th é nào .O o an hôi thoai thtf nhâ't chï ra ràng khi nông d â n can h tâc g à n nh au và sông cüng gàn nhau, mot s ô vâ'n dè vè nông hoc cüng nhu1 vè xà hôi và vàn h o â nay sinh ttf dó d â buôc ho phâi kê't h o p vôi nhau mot các h chính thú’c trong c d chê' h o p tâc xà h o â c mot c âc h không chính thú’c trong c âc n hôm ruông nhàm khâc p huc nhtfng khô khàn trong q u â n lÿ ntfôc, làm dâ't h o â c lich thôi vu.Stf cân thiê't phâi g à n câc quyê't dinh do c â nh ân Itfa ch o n vôi c â c quyê't dinh do tâp thé Itfa chon khiê'n ngtfdi nông d â n phâi tim c âc h du n g h o à c h ü n g m çt câch tôt nhat tùy th eo ttfng ho àn cân h riêng c ü a mînh. D oan thtf hai cho thâ'y vêc huy dô n g câc q u a n hê c â n h â n cô th é p h u c vu tôt cho chien ItfOc này nhtf thê' nào. Nhtf vây, ngtfdi làm c ông tâc p h át trien m uôn tim hiéu tính h o p lÿ trong cách làm c ü a ngtfdi nông dân và hô tro cho tiên trinh doi mói s á n g tao phâi xác dinh dtfdc giôi h a n và hiéu dtfdc hoat dô n g c ü a c ác d o n vj xâ hpi m à d dó ngtfdi nông d â n thtfdng ItfOng và xây dtfng câc giâi p h à p tâ p th é cho c an h tác lúa cüng nhtf cho c ác hoat dô n g khâc.

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