• Aucun résultat trouvé

Chapitre 9 - Traitement de l'ONTF drépanocytaire par forage Introduction

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Chapitre 9 - Traitement de l'ONTF drépanocytaire par forage Introduction "

Copied!
8
0
0

Texte intégral

(1)

Chapitre 9 - Traitement de l'ONTF drépanocytaire par forage Introduction

La drépanocytose reste la première étiologie de l’OstéoNécrose de la Tête Fémorale (ONTF) dans les régions à haut risque. Sa fréquence varie entre 8 et 40% chez les patients drépanocytaires, adolescents ou adultes (Ware et al., 1991;

Mukisi-Mukaza et al., 2000, 2009c). L'évolution imprévisible des lésions de l'ONTF invite les orthopédistes, vivant dans ces régions, à optimiser la prise en charge préventive et thérapeutique. En l'absence de traitement, l’ONTF évolue vers des séquelles dysplasiques et arthrosiques, difficiles à traiter, ces complications ostéo-articulaires apparaissent dès le très jeune âge (Hernigou et al., 1989).

Chez les drépanocytaires les lésions d'ONTF, traitées précocement, peuvent régresser et évoluer vers la guérison (Chung et al., 1978). La littérature rapporte des thérapeutiques allant du traitement médical, associé ou non à une décharge, au traitement chirurgical par forage, au stade précoce (forage simple ou associé à une injection de moelle osseuse ou de protéines morphogéniques), par ostéotomie (Andrianne, 1983; Styles et al., 1996; Catonné, 2002;

Mukisi-Mukaza et al., 2005; Hernigou et al., 2008a) et par arthroplastie totale de hanche (Bishop et al., 1988; Hanker et al., 1988; Homawoo et al., 1991; Moran et al., 1993; Al-Mousawi et al., 2002, 2007; Hammer et al., 2003; Jeong et al., 2005; Hernigou et al., 2008b).

Ces patients supportent mal les interventions chirurgicales lourdes et sont sensibles aux infections. Les résultats incertains du traitement orthopédique et les complications mécaniques ou infectieuses des arthroplasties totales chez l'adulte, le coût des implants prothétiques (Vichinsky et al., 1999), nécessitent l’évaluation du forage simple dans le traitement de l’ostéonécrose drépanocytaire de la tête fémorale.

Matériel et méthode

Les patients

De 1994 à 2008, sur 215 drépanocytaires adultes suivis au CCD en Guadeloupe (CHU de Pointe-à-Pitre), 42 patients (22 SS, 20 SC; 15 hommes, 27 femmes) présentaient une ONTF symptomatique. Les critères d’inclusion sont: des patients adultes, drépanocytaires, avec nécrose douloureuse et évolutive de stade I, II, III (dissection sous-chondrale) selon la classification de Gardeniers, (1993). Les critères d’évaluation étaient: l’amélioration clinique, l’évolution radiologique et le délai d’arthroplastie. Le délai de suivi des patients correspond à la période entre la date du traitement (décharge ou forage) et celle du dernier suivi.

Deux groupes de patients sont étudiés: un groupe non opéré, traité par décharge (16 patients, 23 hanches) et un groupe opéré par forage simple (26 patients, 42 hanches). Le groupe non opéré est constitué de patients qui refusaient l’intervention chirurgicale, ou en mauvais état général avec crises nombreuses, hypertension artérielle pulmonaire, insuffisance rénale, ulcère cutané (risque infectieux) ou en post-partum immédiat (critères d'exclusion). La démarche diagnostique est identique pour les 2 groupes:

- lors d’un dépistage systématique des lésions ostéo-articulaires;

- après un bilan annuel ou une crise drépanocytaire;

- après un accouchement ou un épisode douloureux de la hanche.

L’absence des signes radiographiques d’ONTF nécessite le recours à une scintigraphie osseuse, une tomographie simple, une tomodensitométrie (TDM) ou une imagerie par résonance magnétique (IRM; Hernigou et al., 1989; Styles et al., 1996; Mukisi-Mukaza et al., 2000; Catonné, 2002).

Evaluation de la douleur

Les signes cliniques d’appel de l’ONTF drépanocytaire sont caractérisés par la douleur, surtout éveillée à la rotation interne de la hanche, la boiterie associée ou non à la limitation de la mobilité articulaire. L’intensité de la douleur est évaluée selon une réglette d’Echelle d’éValuation Numérique (EVN) avant et après forage.

L’intensité de la douleur est définie par la cote 1 "indolore" (EVN = 0), cote 2 "modérée" (EVN  à 50), soulagée par les antalgiques du palier I ou IIa, cote 3 "intense" (de 50 à 100) douleur soulagée par les antidouleurs du pallier IIb et III. Evaluer la douleur chez ces patients hyperalgiques est difficile, certains ont tendance à la sous-évaluer, d’autres à la surévaluer. Pour rendre plus fiable l’EVN, il est nécessaire de la corréler avec la prise d’antalgiques selon 3 paliers afin d'en préciser l’intensité (Huskisson, 1974; Ballas, 1990):

- palier I : antalgiques périphériques non opioïdes (paracétamol; anti-inflammatoires);

- palier II : antalgiques centraux opioïdes faibles (IIa) et moyens (IIb);

- palier III : antalgiques centraux opioïdes forts (morphiniques);

La douleur de la hanche est évaluée avant le traitement, Score Douleur pré (SDpré), décharge ou forage à 6 semaines après traitement, Score Douleur post-forage (SDpost). Les évaluations ultérieures de la douleur sont comprises dans le score de Merle d'Aubigné (PMA) qui envisage également l’évaluation du périmètre de marche et la mobilité articulaire (Merle d’Aubigné, 1970). Le score est noté très bon (18-17), bon (16-15), passable (14-13), médiocre (12-9) et mauvais (inférieur à 9).

(2)

Imagerie

L’exploration de l’ONTF est réalisée par des techniques non invasives selon un algorithme défini dans notre centre:

radiologie standard, scintigraphie osseuse au diphosphonate marqué au 99mTc, TomoDensitoMétrie (TDM) et imagerie par résonance magnétique (IRM; Mitchell et al., 1986; Rao et al., 1988; Mukisi-Mukaza et al., 2000). La classification de l’ONTF drépanocytaire utilisée est celle de l'ARCO (Gardeniers, 1993). La scintigraphie et l’IRM sont les examens de choix pour le diagnostic de l’ONTF au stade I ou pré-radiologique. L’IRM permet de préciser l’ostéonécrose au stade II (fig. 9-1).

Figure 9-1: ONTF bilatérale stade II (A, RX standard) traduite par une ostéocondensation bilatérale plus marquée à droite et confirmée à l’IRM (B)

La radiographie de face et de faux profil est un examen de base mettant en évidence les modifications de la trame, de la sphéricité et de la congruence articulaire (fig. 9-2A, B, C):

- dissection sous-chondrale (A);

- rupture uni ou bipolaire sans perte de la sphéricité, image en coquille d’oeuf (B);

- rupture bipolaire avec enfoncement et perte définitive de la sphéricité de la tête fémorale (C).

Figure 9-2A, B, C: A) double contour de la sphéricité de la tête fémorale B) stade III, image en coquille d’œuf

C) stade III avec perte définitive de la sphéricité fémorale

Les images de guérisons sont caractérisées par des images non évolutives de sclérose ou d’ostéocondensation. La TDM révèle des lésions évolutives malgré la présence d’images fréquentes de sclérose dans la drépanocytose au stade II. Elle permet de distinguer la gravité des lésions du stade III. L’IRM (la TDM) permet de calculer l'indice de Koo, extension de la zone nécrotique considérée comme critère de gravité (Koo et al., 1995; Rose-Pittet et al., 1988). Nous considérons deux groupes de lésions: le groupe 1 avec (indice de Koo de 0-30°) et le groupe 2 (indice de Koo supérieur à 30°).

Indications opératoires

La persistance de la douleur de hanche et l'évolutivité des lésions, mises en évidence par la répétition à 6 semaines de l’IRM et de la TDM, constituent l'indication du traitement par forage-biopsie simple. Une préparation préopératoire complète se fait en concertation avec les médecins, anesthésistes et "drépanocytologues".

Evaluation clinique

L'évaluation algo-fonctionnelle est réalisée à 6 semaines pour la douleur, à 1 an pour l’évolution fonctionnelle de Merle d'Aubigné (1970). Chaque patient bénéficie, d'un suivi radiologique, incluant une TDM en cas de nécroses douloureuses persistantes; à 6 semaines, 3 et 6 mois, et ensuite tous les ans, pour évaluer l’évolution des lésions.

(3)

Technique chirurgicale

La tarière classique de Ficat et al. (1977), pas plus que le trocart de Mazabraud (Hernigou et al., 2008a) n'ont été utilisés, vu la dureté de la corticale au point d’introduction dans le massif trochantérien et la sclérose de la tête fémorale chez le drépanocytaire. Une tarière spécifique en acier inoxydable (Carpenter 455) de 8 mm de diamètre extérieur a été mise au point dans le service en collaboration avec la firme GEXFIX® (Suisse).

Il s’agit d’un trocart creux modulaire composé de deux pièces: une partie coupante de 80 mm avec fenêtres latérales et des rallonges possibles de 40, 80 ou 100 mm. Une clé de serrage sépare la tarière de la rallonge et un chasse-greffon permet d’extraire la carotte osseuse pour l’étude histologique (fig. 9-3).

Figure 9-3: un chasse-greffon (1)

une clé de serrage et desserrage de la tarière à la rallonge (2) une rallonge creuse de 100 mm, une tarière MMN-GEXFIX®

de 8mm de  et 100 mm de longueur (3), 80 (4) ou 40 (5)

Le forage-biopsique est réalisé par le même opérateur, sur table orthopédique, en décubitus dorsal, avec amplificateur de brillance assurant une vision de face et de profil de la hanche. Le forage est percutané, utilisant la tarière MMN- GEXFIX®, montée sur moteur. Il permet un forage cervico-céphalique de 8 mm et le recueil d’une carotte biopsique de 6 mm de diamètre. Ce forage unique, sous-chondral, respecte l'intégrité du cartilage céphalique (fig. 9-4).

L’intervention est réalisée sous anesthésie générale ou rachidienne. Un forage bilatéral peut être réalisé au cours de la même intervention. Un drainage de 24 heures, une mobilisation et une kinésithérapie respiratoire précoce, un traitement anti-thrombotique et une décharge de 6 semaines sont recommandés.

Figure 9-4: forage, par voie sous-cutanée (A), position de la tarière et aiguille de prise de pression (B) réalisant un tunnel respectant l'intégrité du cartilage céphalique (C)

Résultats

Nous présentons les résultats pour les deux groupes:

- non opéré (16 patients, tab. 9-1; 23 hanches, tab. 9-2);

- opéré (26 patients, tab. 9-1; 42 hanches, tab. 9-2).

Ils sont statistiquement comparables (âge, sexe, génotype, latéralité des lésions; tab. 9-1). Les résultats sont basés sur l’évaluation de la douleur (EVN), la fonction articulaire par le score de Merle d'Aubigné (1970), la progression des lésions radiographiques et scannographiques et le délai de reprise par prothèse.

2 3 4 1

5

(4)

Tableau 9-1: population (âge, sexe, génotypes, latéralité des lésions) Non Opérés (N = 16) Opérés (N = 26) p

Age 36,5 ± 6,5 ans 30,3 ± 2,8 ans p = 0,09

Sexe

Hommes Femmes

5 (31,2%) 11 (68,8%)

10 (38,5%) 16 (61,5%)

p = 0,2 p = 0,3 Génotypes

SS SC

8 (50%) 8 (50%)

14 (53,8%) 12 (46,2%)

p = 0,2 p = 0,4 Latéralité

Unilatérale Bilatéralité

9 (56,2%) 7 (43,8%)

12 (52,3%) 15 (57,7%)

p = 0,5 p = 0,08

Seize patients drépanocytaires non opérés: 8 (50%) SS, 8 SC; 5 hommes (31,2%), 11 femmes (68,8%, NS); 7 lésions bilatérales (43,8%), 9 unilatérales (56,2%, NS). L'âge moyen des 16 patients non opérés est 36,5 ± 6,5 ans. Ils présentent 23 hanches atteintes: 5 au stade I, 12 au stade II et 6 au stade III (tab. 9-2). Vingt-six patients drépanocytaires opérés: 14 SS (53,8%), 12 SC (46,2%, NS); 10 hommes (38,5%) et 16 femmes (61,5%, NS) sont traités pour douleur persistante de hanche, au vu de lésions évolutives à l’imagerie (RX, TDM ou IRM), répétée au moins deux fois. Quinze lésions sont bilatérales (57,7%), 12 unilatérales (52,3%, NS). L’âge moyen est de 30,3 ± 2,8 ans. Nous observons 10 hanches au stade I, 13 au stade II et 19 au stade III.

Pour l’ensemble des hanches aux différents stades, le délai entre le diagnostic et le traitement est de 6 ± 2 mois. La durée moyenne d’hospitalisation est de 5 jours (max. 6, min. 4), la durée du suivi de 11,3 ± 1,8 ans. En comparant les deux groupes, la différence de délai de diagnostic est plus court dans le groupe non opéré (2,5 ± 0,5 mois) que dans le groupe opéré (6 ± 2 mois, p < 0, 001). La durée du suivi chez les non opérés est plus long (13,4 ± 0,5 ans) que chez les opérés (11,3 ± 1,8 ans, p = 0,03).

Tableau 9-2: stade des lésions au diagnostic Non Opérés Opérés p Stade au diagnostic

I II III

5 (21,7%) 12 (52,2%) 6 (26,1%)

10 (23,8%) 13 (31,0%) 19 (45,3%)

p = 0,2

Nombre de hanches 23 42

Evaluation de la douleur

Dans le groupe des 23 hanches non opérées, avant décharge, la douleur est cotée 2 pour 15 hanches (65,2%), et 3 pour 8 hanches (34,8%). Après décharge, elle persiste pour 14 hanches (60,9%) cotées à 2; elle est cotée 3 pour 9 hanches (39,1%). Aucune amélioration n'est observée, nécessitant des antalgiques du palier IIb et III (p = 0,8; tab. 9-3).

Tableau 9-3: évaluation de la douleur (hanches non opérées)

Avant décharge Après décharge Cotation 1 (EVN: 0)

Cotation 2 (EVN: 0-50) Cotation 3 (EVN: 50-100)

- 15 (65,2%) 8 (34,8%)

- 14 (60,9%) 9 (39,1%)

Pour les 42 hanches opérées, la douleur est cotée 2 pour 24 hanches (57,1%), cotée 3 pour 18 hanches (42,9%), avant le forage. Après, elle est cotée 1 (douleur absente) pour 28 hanches (66,7%), 2 pour 11 hanches (26,2%) et 3 pour 3 hanches (7,1%, tab. 9-4). Tous stades confondus, la diminution de la douleur postopératoire est constante, allant de l’indolence à la douleur modérée pour 39 hanches sur 42 (92,8%), nécessitant des antalgiques du palier I, IIa (93%, p

< 0,0001; tab. 9-4).

Tableau 9-4: évaluation de la douleur avant et après forage Avant forage Après forage Cotation 1 (EVN: 0)

Cotation 2 (EVN: 0-50) Cotation 3 (EVN: 0-100)

- 24 (57,2%) 18 (42,9%)

28 (66,7%) 11 (26,2%) 3 ( 7,1%)

(5)

Score de Merle d'Aubigné-Postel

En absence de prise en charge chirurgicale, sur 23 hanches, le score PMA révèle une amélioration pour 8 hanches à un an (34,8%), 9 hanches à 3 ans (39,1%, passent de 15 à 18). Le score reste "passable à mauvais" (14 à < 9) pour 15 hanches à 1 an (65,2%), et pour 14 hanches à 3 ans (60,9%). Il est statistiquement inchangé entre l’évaluation avant et après traitement conservateur, à un ou trois ans (p = 0,3).

Après forage, l’évaluation du score PMA des 42 hanches montre une stabilisation, voire une amélioration de la fonction articulaire: coté de 15 à 18 (très bon à bon) à 1 an pour 28 hanches (66,7%), une dégradation (14 à < 9) pour 14 hanches (33,3%). A 3 ans, 30 hanches (71,4%) ont un score de 15 à 18, 12 hanches (28,6%) ont un score (14 à < 9).

L’amélioration est statistiquement très significative après forage et au cours du suivi (p < 0,0001).

Evolution des lésions de nécrose

Dans le groupe traité par décharge (23 hanches): 5 (21,7%) au stade I, 12 (52,2%) au stade II et 6 (26,1%) au stade III (tab. 9-2). L’évolution des lésions est:

- stade I ( 5 cas) : 2 ( 40%) sont stables, 3 (60%) se dégradent vers le stade III;

- stade II (12 cas) : 3 ( 25%) sont stables, 6 (50%) se dégradent au stade III et 3 (25%) au stade IV;

- stade III ( 6 cas) : 6 (100%) se dégradent au stade IV (fig. 9-5 A,B,C).

L’évolution est favorable pour 5 hanches sur 23 (21,7%) Le test du χ2 ne révèle aucune amélioration après traitement conservateur (p = 0,3). Neuf hanches (39,1%) au stade IV, ont bénéficié d’une arthroplastie après 2,6 ± 2,4 ans (p = 0,9, fig. 9-5).

Dans le groupe des 42 hanches traitées par forage, présentant une nécrose douloureuse et évolutive, 10 hanches (23,8%) sont au stade I, 13 (31%) au stade II et 19 (45,3%) au stade III (tab. 9-2). Tous stades confondus, le délai du diagnostic est de 6 ± 2 mois.

Figure 9-5: 670527MT, patient SS de 26 ans: ONTF bilatérale au stade III avec rupture unilatérale et affaissement céphalique (A), évolution arthrosique des têtes fémorales après forage à 3 ans (B), prothèse totale à droite à 8 ans post-forage (C)

L’évolution des lésions après forage est:

- stade I (10 cas) : inchangés et stables;

- stade II (13 cas) : inchangés et stables;

- stade III (19 cas) : 2 (10,5%) s’améliorent, 4 (21%) hanches restent au même stade, 13 hanches (68,5%) au stade III évoluent vers l’arthrose (stade IV).

Vingt-neuf hanches sur 42 (69%) évoluent favorablement, le bénéfice du forage étant significatif (p < 0,0001, fig. 9- 6). Dix hanches arthrosiques (23,8%) étaient réopérées, bénéficiant d’une arthroplastie uni ou bilatérale après un délai de 7,4 ± 2,7 ans (p = 0,007).

Evaluation suivant l’indice de Koo

En plus des stades d’ONTF, l’indice de Koo (1995) évalue la gravité et l’évolution des lésions de nécrose dans les deux groupes. Pour les hanches mises en décharge, l’indice de Koo est calculé en groupant les stades I-II et III-IV lors du diagnostic. Il est inférieur à 30° pour 12 hanches aux stades I-II (52,3%) et une aux stades III-IV (4,3%); il est supérieur à 30° pour 5 hanches aux stades I-II (21,7%) et 5 aux stades III ou IV (21,7%).

L'indice de Koo traduit l’importance de l’atteinte nécrotique pour les hanches opérées aux stades I-II, il est inférieur à 30° pour 12 hanches (28,5%) et supérieur à 30° pour 11 hanches (26,1%). Aux stades III-IV, il est inférieur à 30° pour 6 (14,2%) hanches, supérieur pour 13 (30,9%). Lors du dernier bilan un indice supérieur à 30° est un facteur de gravité. Il signe une nette dégradation dans le groupe non opéré que dans le groupe opéré (p = 0,002). En absence de la décompression (groupe non opéré), cette zone nécrotique; soumise à une surcharge anormale et une hyperpression interne, s’étend par aggravation des phénomènes ischémiques et des micro-fractures (Koo et al., 1995; Rose-Pittet et al., 1988).

A B C

A B C

(6)

C

Figure 9-6: 651008FR, patiente homozygote SS, 33 ans, ONTF bilatérale au stade III, fracture sous-chondrale (TDM A, B), évolution radiologique favorable après forage des têtes à 9 ans (C)

Satisfaction des patients

La morbidité est nulle dans notre série (absence d’hématome, d’infection, de fracture du col initiée par l’orifice du forage). Dans le groupe des patients non opérés: 3 sur 16 (18,7%) sont "très satisfaits à satisfaits", 13 sur 16 (81,3%) sont "peu ou insatisfaits". Dans le groupe des patients opérés, 15 sur 26 (57,7%) patients sont "très satisfaits (T) ou satisfaits (S)", 11 (42,3%) sont "peu (P) ou insatisfaits (I)". La différence est significative en faveur des patients ayant bénéficié du forage (p = 0,02; tab. 9-5).

Tableau 9-5: satisfaction des patients

T + S P + I N

Non opérés Opérés

3 (18,7%) 15 (57,7%)

13 (81,3%) 11 (42,3%)

26 42

Discussion

La différence de délai de suivi des deux groupes (13,4 ± 0,5 ans pour les non opérés; 11,3 ± 1,8 ans pour les opérés), n’est pas significative, ce qui vérifie l'homogénéité des échantillons et permet de comparer les résultats des deux groupes.

L’ONTF s’accompagnant de phénomènes de stase et d’hyperpression intracapitale, responsables de la douleur. La décompression obtenue par le forage expliquerait l’effet antalgique et l’amélioration de la fonction articulaire dans le groupe opéré (p < 0,0001).

Evolution des lésions de nécrose

Le délai de diagnostic de l’ONTF dans les deux groupes serait expliqué par la sous-évaluation des signes d’appel de douleur de hanche ou par l’accessibilité aux examens complémentaires (TDM, IRM) des patients, par la répétition de ces examens à la recherche d’évolutivité des lésions. Par ailleurs, la drépanocytose, maladie de la douleur, rend difficile le diagnostic différentiel de la douleur de "crise drépanocytaire" ou de "la nécrose débutante de hanche"

(Ballas, 1990). Des examens complémentaires répétés définissent le caractère évolutif des lésions de nécrose. La notion d’évolutivité reste capitale dans la définition de l’ONTF drépanocytaire et l’indication du forage (Mukisi- Mukaza et al., 2000). Le délai de diagnostic entre les deux groupes est de 3,5 mois (p < 0,001). Le délai plus court dans le groupe non opéré serait le fait de l’accessibilité plus facile aux examens complémentaires (TDM ou IRM), pour ces patients aux antécédents médicaux chargés, aux hospitalisations fréquentes, ou en post-partum.

(7)

Le forage simple apporte une amélioration des lésions de nécrose supérieure à l’abstention chirurgicale (Bellot et al., 2005). L’ONTF opérée aux stades I et II reste stable après forage sans nécessiter d’arthroplastie (échec du forage, p = 0,0001). En plus de l’indolence apportée par la décompression, le bénéfice de forage se manifeste par l’allongement du délai avant arthroplastie (différence de 4,8 ans, p < 0,01) en faveur du groupe opéré, différence significative qui confirmait l’intérêt de la technique de forage (tab. 9-6, Mukisi-Mukaza et al., 2009c).

Tableau 9-6: comparaison d’évolution post-forage simple

*hanches des patients drépanocytaires, **hanches des patients non drépanocytaires

L’expérience du forage pour un même stade d'une ONTF non drépanocytaire, reste modeste. Bellot et al. (2005) rapportent 32 cas d’ONTF traités par forage simple chez 25 patients (7 cas bilatéraux): 15 lésions au stade I, 13 au stade II, 3 au stade III et 1 au stade IV. Douze cas (38,7%) ont évolué favorablement et 19 (61,3%) ont nécessité la mise en place d'une prothèse de hanche (un cas perdu de vue). Le recul moyen dans le groupe des succès est de 82 mois (26 à 176 mois) et le délai moyen de survenue des échecs de 11 mois (1 à 38 mois, tab. 9-6).

Dans notre série de hanches opérées, 29 hanches sur 42 (69,1%) ont une évolution favorable (tab. 9-6). L’arthroplastie a été nécessaire dans 10 cas (23,8%), alors que dans la série de Bellot et al. (2005), elle est de 12 cas sur 31 (30,7%).

Nous avons comparé les patients drépanocytaires opérés et non opérés (succès, échecs, PTH), les bons résultats sont plus fréquents chez les opérés (p = 0003). Considérant la mise en place d’une PTH comme un échec, le degré de la signification est supérieur (p = 0,0002; tab. 9-6).

L’effet bénéfique du forage dans notre étude est confirmé par un délai plus long avant la pose d’une arthroplastie. Il est de 7,4 ± 2,7 ans, de 1 à 4 ans pour Bellot et al. (2005). Ce délai plus long permet une meilleure acceptation d’une ré-intervention par les patients drépanocytaires, souvent angoissés par l'intervention à risque qu’est l’arthroplastie.

L’évolution favorable des lésions d’ONTF drépanocytaire est observée par Styles et al. (1996). Sur 13 hanches, surtout pour les stades II et III, avec un recul de 3 à 5 ans: 11 (84,6%) sont améliorées après forage (tab. 9-6). Deux études américaines donnent des résultats contradictoires sur l’efficacité du forage. Celle de Styles (1966) qui observe une évolution favorable après forage et celle Neumayr et al. (2006) qui ne relèvent pas de différence significative entre hanches forées et traitées par physiothérapie. Cette dernière étude s’intéresse plus à une population jeune qu’adulte pour laquelle le traitement orthopédique reste efficace et favorable (âge moyen: 10 ans).

Deux observations au stade III (une ostéochondrite de la tête fémorale et une nécrose avec dissection sous-chondrale sans perte de sphéricité) ont été améliorées (fig. 9-7A, B). Cette réversibilité après traitement a été rapportée (Hernigou et al. (1997).

Figure 9-7: 780309MF, patient SS de 16 ans: ONTF au stade III traitée par forage (A);

évolution favorable avec reconstruction de la tête à droite à 3 ans (B)

Le tunnel de forage, sert d’exutoire en réalisant une décompression dans la tête fémorale (Arlet et al., 1968a; Mukisi- Mukaza et al., 2009). Il favorise la colonisation d’un tissu conjonctif, favorable à une néo-vascularisation de la tête par les vaisseaux de la région péri-trochantérienne. Cette théorie (Arlet et al., 1968b) expliquerait la réparation des lésions osseuses observées. Les images de d'ostéocondensation sont considérées comme stades de guérison cicatricielle de nécrose médullaire, traduisant une ONTF non évolutive. Elles sont la conséquence d’ischémies répétitives.

N Succès Echecs PTH Délai de PTH

Notre série (non opérés)* 23 5 (21,7%) 18 (78,3%) 10 (43,5%) 3,5 ± 3,4 ans Notre série (opérés)* 42 29 (69,1%) 13 (30,9%) 10 (23,8%) 7,4 ± 2,7 ans

Styles et al., 1966 (opérés)* 13 11 (84,6%) 2 (15,4%) - -

Bellot et al., 2005 (opérés)** 31 12 (38,7%) 19 (61,3%) 12 (30,7%) ≈1 à 4 ans

(8)

Evaluation suivant l’indice de Koo

L’indice de Koo est un facteur significatif d’une dégradation des lésions, plus significatif dans le groupe non opéré que dans notre groupe opéré. L’échec de forage est évalué par une reprise par prothèse et son délai (Bellot et al., 2005). En absence d'une IRM, on peut calculer sur radiographie standard la gravité et la localisation à l’aide de l’indice de de Kerboul (Hernigou et al., 2000).

Satisfaction des patients

L’existence d’un long délai avant une éventuelle arthroplastie, pourrait expliquer la satisfaction des patients du groupe opéré et permettrait une meilleure acceptation d’une ré-intervention par les patients drépanocytaires souvent angoissés face aux risques d’une intervention majeure (Barrett et al., 1988).

Conclusion

La décision opératoire reste difficile. Elle dépend de l'âge, des antécédents, de l’acceptation du patient et des résultats des examens qui précisent le stade de la nécrose, son étendue et son évolutivité. La littérature plaide en faveur de l’efficacité du forage dans le traitement de nécrose.

L’évolution radiologique et clinique montre qu'un forage réalisé aux stades précoces permet un arrêt de l’évolution vers une arthrose handicapante, avec une efficacité certaine pour l’ONTF au stade I et II. Il garde une efficacité limitée, tant dans l’immédiat qu’à long terme pour l’ONTF au stade III. Le stade avancé et l’extension de la nécrose qui constituent les critères de pronostic d’évolution après forage doivent être bien décrits.

L'intervention, bien conduite, nécessite une courte hospitalisation, sans morbidité particulière, respectant l’intégrité de la hanche en cas d’une nouvelle intervention. Elle est considérée comme un succès si elle permet de reporter l’arthroplastie de quelques années.

La technique de forage simple, garde sa place dans le traitement de l’ONTF drépanocytaire. Elle est réalisable dans les régions sous équipées où la drépanocytose et ses complications ostéo-articulaires sont fréquentes. En l’absence d’IRM (diagnostic de l’ONTF pré-radiologique ou stade I), les médecins et les chirurgiens peuvent recourir à la tomographie simple ou la TDM. La manométrie pour prise de pression osseuse dans le massif trochantérien fémoral, indépendamment d’une intervention chirurgicale, réalisable sous anesthésie locale permet de confirmer le diagnostic d’ostéonécrose, au stade précoce. Ces trois explorations complémentaires (prise de pression osseuse, tomographie ou TDM) permettent de poser le diagnostic et de traiter efficacement par forage ces lésions de nécrose drépanocytaire avant la perte de sphéricité ou la survenue d’une dissection sous-chondrale.

Références

Documents relatifs

Enfin, l’étude de la politique monétaire jette un nouvel éclairage sur la position des États-Unis dans le monde et dans les relations internationales : l’ouvrage fait

Partager des informations et confronter des expériences qui ont déjà démontré leur pertinence, tels sont les objectifs de la ren- contre régionale «Coopération internationale dans

Ainsi, c’est grâce à cette activité de rétrospection que le lecteur va découvrir des épisodes dont il n'a pas eu connaissance jusqu’à ce moment de lecture (Rachid révèle

Il mit alors une cloche graduée sur le mercure, de manière à emprisonner l’air du ballon, et pour que cette cloche pût tenir seule, et afin de pouvoir noter le volume de

C'est un modèle dans lequel de nombreuses firmes sont en concurrence sur un marché donné, mais dont aucune n'est strictement suiveuse en matière de prix : chacune a une

La gouvernance envisagée pour l’eurozone la place sur une trajectoire de collision frontale avec le modèle social. En fait sans véritable solidarité financière, budgétaire, sociale

Dans un premier cas, l'appel à candidature s'adresse aux associations de protection animale possédant un refuge ou souhaitant créer un refuge pour chats, chiens

En effet, l’autorité publique sollicitée doit vérifier, si elle accorde une subvention au projet, que cette subvention n’excède pas le coût de mise en œuvre du