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ESPACE SOCIAL ET CLASSES SOCIALES CHEZ PIERRE BOURDIEU

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ESPACE SOCIAL ET CLASSES SOCIALES CHEZ PIERRE BOURDIEU

Rémi Lenoir

Publications de la Sorbonne | Sociétés & Représentations

2004/1 - n° 17 pages 385 à 396

ISSN 1262-2966

Article disponible en ligne à l'adresse:

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http://www.cairn.info/revue-societes-et-representations-2004-1-page-385.htm

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Pour citer cet article :

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Lenoir Rémi, « Espace social et classes sociales chez Pierre Bourdieu »,

Sociétés & Représentations, 2004/1 n° 17, p. 385-396. DOI : 10.3917/sr.017.0385

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ELONPIERREBOURDIEU, les problèmes de classification que connaît toute forme de production symbolique, surtout le mode de pensée scientifique, ne se posent jamais de manière aussi conflictuelle qu’à propos des classes sociales parce qu’ils donnent le mieux à voir les affinités entre les théories de la connaissance et les théories politiques. En effet, à une conception empiriste et réaliste des classes (les classes sociales existent dans la réalité, la science ne fait que les constater et les mesurer) correspond une théorie de l’action politique de type objec- tiviste et scientiste (les classes existent, le parti ne fait que révéler la masse à elle-même). À une théorie constructiviste des classes (il n’y a d’objets perçus que par un acte de construction) s’accorde une conception de l’action politique de type spontanéiste à forte coloration subjectiviste (la classe n’existe qu’à l’état mobilisé). La première conception, objectiviste, conçoit les classes en termes plutôt de condition, la seconde, volontariste, plutôt en termes de conscience de classe. La première sera plutôt une représentation de savant, la seconde plutôt une vision de militant. C’est dire que, pour Pierre Bourdieu, la position que l’on prend sur le problème des classes dépend pour une bonne part de la position que l’on occupe dans la structure des classes1.

Propriétés de condition et propriétés de position dans l’espace social

Mais, avant de traiter ce qui importait le plus à l’auteur de La Distinction, les classes

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SPACE SOCIAL ET CLASSES SOCIALES CHEZ

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OURDIEU

par Remi Lenoir

1. Pierre Bourdieu, « Espace social et genèse des “classes” », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 52- 53, 1984, pp. 3-14.

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sociales comme dimension des luttes symboliques de classement2, Pierre Bourdieu s’est d’abord intéressé moins aux propriétés de classe en tant que signes de distinction, sous la forme d’un capital symbolique capable d’assurer ce qu’il appelait une rente de distinc- tion, qu’à ce que les classes devaient aux relations qu’elles entretenaient avec les autres classes dans l’espace social. Dès ses premiers travaux il critique, en effet, l’appréhension

« réaliste » des classes sociales. Il s’agissait de tirer parti du fait que toute classe sociale doit une partie de ses propriétés à la position qu’elle occupe dans une structure sociale (comme une partie dans un tout), ces propriétés devant, selon la logique structuraliste, que Pierre Bourdieu pousse jusqu’au bout, être relativement indépendantes de ses propriétés intrinsèques, celles que la classe tient à ses conditions matérielles d’existence3. Cette opposition entre propriétés de position et propriétés de situation ou de condition, Pierre Bourdieu l’utilisera pour définir l’objet de l’ouvrage qu’il a dirigé, La Misère du monde, en distinguant la misère de condition et la misère de position sur laquelle les études qu’il a réunies alors mettront plus particulièrement l’accent4.

Sans doute la distinction de ces deux types de propriétés de classe est-elle pour une part artificielle ne serait-ce que parce que la situation de classe, comme le fait la théorie marxiste, peut aussi se définir comme une position dans le système des rapports de produc- tion et surtout parce que, selon Pierre Bourdieu, la situation de classe définit la marge de variationgénéralement mais inégalement étroite, qui est laissée aux propriétés de position.

Dès cette première esquisse systématique de ce qui constitue au début des années Soixante une analyse structuraliste des classes sociales, Pierre Bourdieu met en cause la conception substantialiste de la notion de classe, tel qu’elle avait cours en France dans la plupart des travaux historiques et sociologiques alors dominés par le marxisme et la sociologie empirique. C’est par un recours systématique à la méthode comparative qu’il éprouve la fécondité heuristique de cette distinction qui vise à restituer à la notion de structure – c’est- à-dire de totalité hiérarchisée – toute sa force théorique et qui est au principe de la perti- nence de toute comparaison entre systèmes sociaux. Le rapprochement de cas isolés du contexte historique et social dans lequel ils sont insérés, sans parler des appariements purement nominaux, sont un des dangers des transferts inconsidérés des schèmes descrip- tifs et explicatifs d’une société à une autre ou d’une époque à une autre de la même société.

La comparaison ne peut s’effectuer qu’entre structures homologues ou entre parties struc- turellement homologues de ces structures. À cet égard, Pierre Bourdieu critique aussi bien

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2. Et des effets symboliques qu’elles exercent dès qu’elles sont publiquement reconnues, fut-ce sur le mode de la méconnaissance (la méconnaissance de la vérité des rapports de classe fait partie intégrante de la vérité de ces rapports). Cf. Pierre Bourdieu, Le Sens pratique, Paris, Minuit, 1980, pp. 233-244.

3. Pierre Bourdieu, « Condition de classe et position de classe »Archives européennes de sociologie, t. VII, 1966, n° 2, pp. 201-229.

4. Pierre Bourdieu (dir.), La Misère du monde, Paris, Le Seuil, 1993.

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Karl Marx que Max Weber qui assignent à chaque classe ou à chaque groupe de statut, des propriétés trans-historiques ou trans-culturelles. Le fait d’ignorer qu’une classe reçoit du système de ses relations avec les autres classes une part de ses propriétés peut conduire à opérer de fausses identifications et à manquer des analogies réelles.

Selon Pierre Bourdieu, il ressort quatre propriétés générales qui découlent de l’approche structurale des classes sociales. D’abord, on observe des propriétés semblables entre des classes sociales qui occupent des positions homologues dans des structures sociales différentes. Pierre Bourdieu fait ici référence à des multiples travaux dont ceux de Max Weber et de Werner Sombart qui ont montré que le ressentiment, déguisé, sous des dehors de l’indignation morale, est historiquement associé à une position inférieure dans les structures sociales, notamment à l’appartenance à une position comme celle des classes moyennes dans un état déterminé d’une formation sociale. Ainsi, en France, la bourgeoisie est, sous ce rapport, à l’aristocratie au XVIIe siècle ce que sont les classes moyennes à la bourgeoisie au XXesiècle : ethos ascétique au moins dans leur phase ascen- dante. De même, de nombreuses analyses établissent qu’à des situations de classes homologues correspondent des catégories sociales ayant des propriétés semblables alors que les structures sociales peuvent être différentes. Par exemple, l’insécurité économique, associée, entre autres choses, à l’irrégularité des revenus et à l’instabilité de l’emploi empêchent les sous-prolétaires de constituer un corps cohérent de revendications écono- miques et sociales5. Ensuite, la force des propositions de type structural varie selon la position des classes sociales. Celle-ci définit la marge, généralement étroite, qui est laissée aux propriétés de position. À cet égard, les propriétés des classes moyennes, à l’inverse de celles des sous-prolétaires, sont moins complètement déterminées par la situation et plus par leur position entre classes dominantes et classes dominées6. Enfin, la position d’un groupe dans la structure sociale ne peut être seulement définie d’un point de vue stric- tement statique car le point de la trajectoire, que saisit une coupe synchronique, enferme la pente du trajet social du groupe, c’est-à-dire du devenir de sa position.

Il reste que les différences de fait, qu’elles tiennent à la position ou à la situation de la classe, se transmuent en signes distinctifs, en distinctions signifiantes, bref en distinctions symboliques, car la logique de la structure sociale est celle de la distinction et des luttes de classement qui lui sont associée et qui sera l’objet de La Distinction. Mais les observations évoquées jusqu’à présent rappellent que les conditions de possibilité économiques et sociales de la transmutation symbolique des différences de position et de situation de classe varient selon la position que les classes elles-mêmes occupent dans l’espace social.

5. Pierre Bourdieu, « La hantise du chômage chez l’ouvrier algérien », Sociologie du travail, n° 4, 1962, pp. 313-331.

6. Pierre Bourdieu, Un Art moyen. Essai sur les usages sociaux de la photographie, Paris, Minuit, 1965.

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Théorie des classes comme enjeu de luttes: l’effet de théorie.

Pierre Bourdieu disait souvent que la question des classes était traitée selon une opposi- tion théologique entre les théories pures et totalement abstraites (« la grande théorie »), qui ne reposent sur aucune donnée empirique, et des théories de la stratification sociale, qui reposent sur des travaux empiriques mais qui n’ont de théorie que le nom7. Pourquoi le débat sur les classes sociales est-il un débat interminable? Parce qu’il y a trop d’enjeux: il est tellement central dans le cas de la sociologie que les intérêts stratégiques (intellectuels et politiques) associés à l’intention de s’approprier cet objet particulier qu’on appelle classe définie d’une certaine façon, rend comme impossible la constitution scientifique de cet objet qui est la lutte à propos de la définition de la lutte des classes. Car, avant tout, il y a une lutte entre spécialistes des sciences sociales à propos de la lutte des classes.

S’agissant de la lutte des classes sociales, Pierre Bourdieu se situe toujours par rapport à Marx. Selon lui, Marx, et en cela il est d’accord avec lui, dit que certains savants ne sont plus dans le monde social mais ne font que le regarder: le travail scientifique permettrait d’être à la verticale du monde dont on fait partie. Une des conditions de ce décollage à la verticale est bien, comme le pense Marx, de « prendre conscience ». Ainsi, le savant se donne des chances d’être en survol par rapport à la position à partir de laquelle il objective.

Affirmer que le problème des classes sociales est un enjeu de luttes entre les spécialistes du monde social (tous les gens qui ont à faire avec le monde social) permet de construire les classes comme un enjeu de luttes, en particulier à l’intérieur du champ scientifique. Mais, pour que le travail sociologique ne s’arrête pas là, le sociologue doit aussi objectiver le travail d’objectivation8. Pierre Bourdieu observe le paradoxe suivant, qui le démarque de Marx: dans quelle mesure la théorie marxiste de classes ne fait-elle pas partie de la réalité objective des classe9? Il est paradoxal que Marx ait créé la théorie des classes la plus puissante politiquement sans faire entrer dans sa théorie du monde social la politique, c’est- à-dire le pouvoir de la théorie. Le pouvoir de la théorie chez Pierre Bourdieu est le pouvoir de voir et de faire voir (theoreinsignifie en grec ancien ce qui fait voir). Il y a des choses qui n’existent activement que quand on possède la théorie: quand il s’agit du monde social, le fait d’avoir la théorie qui fait voir change ce qu’on voit. Aussi la théorie peut-elle devenir une force sociale entre les mains de gens qui ont le pouvoir d’imposer cette façon de voir.

De sorte que faire une théorie des classes sociales sans y faire entrer la théorie des classes sociales comme constitutive de la réalité qu’on décrit, est incomplet.

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7. Pierre Bourdieu, Question de sociologie, Paris, Minuit, 1984, pp. 53-56.

8. Cf.Pierre Bourdieu, Science et réflexivité, Paris, Raisons d’Agir Édition, 2002.

9. Pierre Bourdieu, « Capital symbolique et classes sociales », L’Arc, n° 72, 1978, pp. 13-19.

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À la fin du Capital, Marx cherche à appréhender les classes qui sont dans la réalité. Mais, en fait, sans le savoir, il ne fait pas, selon Pierre Bourdieu, que cela: les classes qu’il analyse ne peuvent exister comme telles dans la réalité que quand on réussit à transformer en force sociale une vision du monde constituée selon la théorie des classes, quand la théorie de la lutte des classes devient une force sociale à travers des partis qui en font leur ligne théorique, politique.

Et quand la lutte politique est une lutte pour changer le monde social, en changeant la façon de penser le monde social, la théorie des classes devient une force réelle sous la forme de milliers de cerveaux structurés selon cette théorie et percevant la réalité à travers elle. Sans doute, la théorie de la lutte de classes ne peut exercer d’effet théorique que parce qu’elle est objectivement fondée dans la réalité. Elle pourrait être vraie, comme la théorie de la gravitation de Newton. Mais dans les sciences sociales le fait de dire la vérité de ce qui se passe fait, comme Pierre Bourdieu aimait le répéter, que ce qui est dit se passe désormais autrement, dès le moment où un ensemble de gens organisés pour ont la possibilité, grâce à la pédagogie, l’action et le pouvoir, de contraindre la conscience des acteurs sociaux, de savoir que le monde social est divisé en classes. À ce moment-là, il y a un effet de théoriequi fait qu’on peut dire que les classes sociales existent.

En ce sens, avant Marx, les classes n’existaient pas au sens où elles existent depuis Marx.

De même que la notion de gravitation n’existait pas comme elle existe depuis Newton. Mais à la différence que, dans le cas de la gravitation, ça ne change rien au mouvement des planètes, alors que dans le cas de la société, cela rend possible le changement social. C’est un paradoxe que la théorie marxiste ne fasse aucune place à cet effet, que la pratique elle-même des partis qui se réclament du marxisme confirme. Autrement dit, il y a dans la pratique des partis qui se réclament du marxisme quelque chose qui n’est pas impliqué dans la théorie au nom de laquelle cette pratique se pratique, c’est-à-dire la politique. Ainsi, la théorie marxiste ne fait pas de place à la politique, au moins dans ses formes les plus économistes. On l’aura compris, une classe, selon Pierre Bourdieu, est un groupe mobilisé par et pour la défense de ses intérêts et ne peut parvenir à l’existence sociale qu’au terme d’un travail collectif de construction inséparablement théorique et pratique. Mais ceci n’est possible que si les agents qui se rassemblent sont proches dans ce qu’il appelle l’espace social.

Analyse de la stratification sociale et causalité structurale

En effet, selon Pierre Bourdieu, la sociologie doit construire non des classes mais des espaces sociaux à l’intérieur desquels peuvent être découpées des classes, mais qui n’ont d’existence que sur le papier, même si les divisions opérées par le chercheur, comme c’est le cas dans La Distinction,correspondent bien à des différences réelles dans les domaines les plus différents10.

10.Cf.Pierre Bourdieu, La Distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Minuit, 1979.

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Toutes les sociétés peuvent être constituées comme des espaces sociaux, c’est-à-dire des struc- tures de différences. La tâche du sociologue est de construire les principes générateurs qui sont au fondement de ces différences dans l’objectivité et qui peuvent varier selon les lieux et les moments. Quels sont ces principes? S’il y a des divergences, selon les théoriciens, sur le principe ou le critère de stratification, certains se fondant uniquement sur les revenus ou la catégorie socio-professionnelle tandis que d’autres ne prennent en compte que des indices de prestige de la profession, il existe, en revanche, un accord profond entre eux sur le fait que l’on puisse trouver un critère, un principe unique de hiérarchisation, et qu’il soit possible, de ce fait, d’établir une hiérarchie unique. Pierre Bourdieu trouve chez Weber une mise en question de l’ambition de découvrir un principe d’une hiérarchie sociale unique.

Selon lui, l’opposition wéberienne entre classe et groupe de statut (stand) correspondait à l’opposition entre les sociétés traditionnelles ou préindustrielles dans lesquelles le principe de différenciation était plutôt de l’ordre de la qualité que de celui des différences écono- miques et les sociétés de type capitaliste dans lesquelles le principe fondamental de différen- ciation est plutôt à rechercher du côté des différences économiques. Selon Pierre Bourdieu, l’analyse wéberienne ne prend toute sa force que si l’on considère qu’il ne s’agit pas simple- ment d’une distinction entre deux concepts, plus ou moins adéquats à deux types de sociétés, mais que cette distinction vaut inégalement pour toutes les sociétés et pour les diffé- rentes « couches » qui constituent les diverses sociétés; autrement dit, la distinction wéberienne entre stand et classe est un des outils conceptuels les plus utiles pour penser tout principe de stratification sociale, le problème le plus difficile à résoudre étant celui de définir le rapport qui s’établit dans la réalité entre ces deux principes de stratification.

Pierre Bourdieu se réfère ici aux travaux de Gerhard Lenski. Dès que l’on prend en compte différents critères comme, par exemple, le revenu, la profession, le niveau d’ins- truction, l’ethnie, la religion, pour mesurer la position sociale d’un individu, d’une famille ou d’un groupe, se pose le problème de la cohérence entre les positions établies – selon les différents types de critères, un même individu pouvant occuper une position élevée sur une échelle et très basse sur une autre. L’interrogation fondamentale consiste alors à se demander dans quelle mesure et selon quel processus s’établit la compatibilité (ou l’incompatibilité) entre les différentes positions qu’un même individu occupe sur les différentes hiérarchies. À un raisonnement en termes d’échelle verticale, Gerhard Lenski substitue une problématique de type horizontal afin de trouver les relations qui existent entre les différentes positions sur les diverses échelles, la question fondamentale étant l’analyse du degré de cohérence entre les différentes positions sur ces dernières11.

Ayant posé le problème en ces termes, Gerhard Lenski est amené à se poser des questions

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11. La problématique de Gerhard Lenski consiste à rechercher l’effet spécifique de la structure des facteurs (quels que soient ces facteurs) et de la configuration des décalages : quelle est l’interrelation entre les

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de structure. Ainsi, par exemple, un individu peut avoir un faible taux de cristallisation de deux façons; il peut avoir de hauts revenus et un bas niveau d’instruction, ou, inversement, il peut avoir un haut niveau d’instruction et des revenus très bas. Lenski constate que, grosso modo, il y a un effet autonome du faible degré de cristallisation quel que soit le sens dans lequel se produit la dénivellation. Ce qui contredit l’intuition première: les individus à fort niveau de diplômes et à faibles revenus (les professeurs) n’ont pas une propension à la marginalité plus forte que les individus à très hauts revenus et à faible niveau de diplôme (« les parvenus »).

Le principe d’économie qui commande souvent la production sociologique conduit généralement à laisser échapper les phénomènes les plus importants. Ainsi, par exemple, l’idée qui vient à l’esprit pour économiser le grand nombre de colonnes utilisées pour coder les catégories socioprofessionnelles et les autres variables de base visant à caracté- riser la structure sociale est le plus souvent de construire un indice à la manière de Williams Lloyd Warner qui est obtenu à partir des moyennes obtenues par des individus dans les différentes catégories12. Pourtant, il suffit d’avoir l’esprit un peu « structuraliste » pour voir que ce type d’indice constitué par sommation de moyennes est peu satisfaisant dans la mesure où il laisse échapper la structure de la constellation des facteurs.

D’autres auteurs, comme Herbert Blumer, posent le problème de la recherche de relations de causalité entre variables dépendantes et variables indépendantes : l’analyse multivariée procède à une coupe synchronique et cherche les relations entre variables. À quelles conditions l’analyse multivariée est-elle possible et légitime et quelles sont les limites de sa légitimité, s’il est vrai qu’elle opère toujours ce type d’abstraction qui consiste à procéder par coupes synchroniques ? Ainsi, on se trouve fréquemment en présence du cas ou une variable x n’agit sur la variable y que si une variable z est présente : on dit alors que la relation entre x et y est conditionnelle. En réalité, ce type de réflexion est aussi opposé à une réflexion de type structural dans la mesure où, dans l’exemple cité, on considère trois variables pour poser la question de savoir si ce qui agit sur la variable dépendante est réellement une variable, oubliant du même coup que ce qui exerce son action peut être en fait une relations entre deux variables13.

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différentes positions d’un individu ? Pour cela, Gerhard Lenski construit un indice permettant de chiffrer le degré de cohérence des positions des individus (ou d’un groupe) dans les différentes hiérar- chies : il se demande s’il y a une relation entre un certain type de structure de la constellation de positions et les opinions politiques, l’hypothèse étant que plus le degré de cohérence des différentes positions est faible, plus les individus caractérisés par cette constellation peu cohérente sont inclinés à une position politique libérale. Cf. Gerhard Lenski, « Status Crystallization : a Non-Vertical Dimension of Social Status », American sociological Review, n° 19, vol. 4, August 1954, pp. 405-413.

12.Cf.Williams Lloyd Warner (dir.), Democracy in Jonesville : A study in Quality and Inequality, New York, Evanston, Harpers and Row, 1949.

13. L’analyse multivariée que l’on présentait dans les années Cinquante comme le nec plus ultraméthodologique,

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Cependant l’analyse multivariée peut être utilisée comme un cas particulier d’un type d’analyse structurale qui chercherait non l’efficacité de telle variable indépendante sur telle variable dépendante mais l’efficacité d’une constellation de variables sur une variable dépendante que par la médiation de l’ensemble des autres variables, i.e. par la médiation de la structure de la constellation de variables14. En fait, selon Pierre Bourdieu, il faut poser le problème de la causalité en terme de « causalité structurale » dans la mesure où c’est toujours une constellation de variables qui agit. Si l’on considère par exemple cinq ou six facteurs, on obtiendra chaque fois une constellation particulière de facteurs qui, tout en restant les mêmes, auront des poids relatifs différents : (i.e.un même facteur dans deux structures différentes pourra avoir deux poids différents) : par exemple, le facteur « étudiant salarié » peut avoir des significations et des efficacités causales tout à fait différentes selon la constellation de facteurs dans laquelle il est inséré.

Ce facteur n’a pas une efficacité causale « en soi » (substantialisme) mais possède une efficacité proportionnée à son poids dans une certaine structure15.

L’efficacité explicative d’un facteur semble liée à la position que ce facteur occupe dans une certaine structure de facteurs (ie.au poids relatif qu’il a dans cette structure).

Autrement dit, il existe toujours un facteur prédominant dans toute structure, ce qui ne signifie pas pour autant que ce facteur soit indépendant des autres facteurs qui consti- tuent avec lui la configuration des facteurs agissant sur une variable donnée. Pour revenir à l’analyse de la stratification sociale, on pourrait dire, pour simplifier que deux types de représentations de la stratification s’opposent, une représentation horizontale et une représentation verticale et unilinéaire. Si ces deux représentations sont abstraites, c’est

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n’est pas autre chose que la logique analytique à la Stuart MiIl. Cf.Jean-Michel Chapoulie, « Un type d’explication en sociologie : les systèmes de variables en relations causales », Revue française de socio- logie, vol. X, n° 3, juill.-sept. 1969, pp. 333-351.

14. Par exemple, une étude sur la natalité découvre un ensemble de facteurs rattachés par des relations plus ou moins fortes au taux de fécondité d’une population en sorte que si l’on essaie d’isoler successivement les différentes variables, voire de neutraliser une variable et d’examiner ce qui se passe on se trouve renvoyé à l’infini. Le rapport de causalité ne peut se comprendre que si l’on voit que l’on a une constel- lation de variables qui sont toutes dans des rapports définis et qui entretiennent avec la variable à expli- quer des rapports médiatisés par les autres variables. Cf.Pierre Bourdieu « La fin d’un malthusianisme » in Le Partage des bénéfices : expansion et inégalités en France, Paris, Minuit, 1966, pp. 136-154.

15. La réflexion de type structural ne vaut pas seulement pour une analyse de la causalité et de l’explica- tion, mais plus généralement, on constate qu’un même facteur peut avoir des sens différents dans des structures sociales de facteurs sociaux différents : par exemple le fait d’avoir une chambre indépendante n’a pas le même sens selon qu’il s’agit d’une jeune fille du XVIe arrondissement de Paris, qui veut avoir

« sa liberté » ou d’un fils de paysan qui fait ses études dans la capitale, ou encore, le fait de redoubler n’a pas le même sens selon qu’il s’agit d’un redoublement « de luxe » ou d’un redoublement forcé ; ou enfin, on sait qu’il existe des disciplines qui sont des disciplines de relégation pour les uns et des disci- plines refuges pour les autres, etc.

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parce qu’elles refusent toutes les deux le schéma de type structural qui permet de raisonner dans l’ordre horizontal sans pour autant se condamner à un relativisme absolu (partir, au hasard, de n’importe quel facteur de la constellation). En fait, parce qu’il existe un facteur prédominant, on comprend que, contrairement aux interprétations configu- rationnistes, il n’est pas possible de mettre, par exemple, sur le même plan la façon d’emmailloter les enfants avec la culture du maïs16.

Pierre Bourdieu prend le cas d’un Abram Kardiner déterministe et mécaniste pour qui la structure familiale puis la façon d’emmailloter les enfants et les idéologies se déduisent du mode de production et un Abram Kardiner relativiste et configurationniste pour qui tout est dans tout, la façon de cultiver le riz chez les Tanala et la façon d’emmailloter les enfants étant mis sur le même plan dans la mesure où ce qui était cause peut devenir effet. Parce que refusant l’analyse en terme de causalité structurale, il est amené simultanément à concevoir une causalité mécaniste et une causalité circulaire et généralisée. S’agissant de problème de stratification sociale, on retrouve cette alternative dans laquelle tombe toujours la sociologie parce que ce sont deux formes de sociologies naïves: l’alternative entre un schéma d’expli- cation unidimensionnelle par la position dans une hiérarchie unidimensionnelle et une attitude relativiste vers laquelle tend une problématique de type warnerienne17.

Une réflexion en termes d’analyse structurale permet de conserver ce qu’apporte la réflexion de type horizontal (ie. l’effet causal) propre tenant non pas à l’action de la somme des facteurs – ce qu’accorderait volontiers l’analyse multivariée – mais la struc- ture des relations entre ces facteurs qui est irréductible à la somme de ces facteurs, tout en retenant de l’approche de type verticale que tous les facteurs constitutifs d’une constellation ne sont pas également efficaces pour l’explication dans la mesure où ils n’ont pas le même efficacité causale. En réintroduisant la notion de poids fonctionnel, on conserve à la fois l’idée que chaque facteur dépend de la structure des facteurs et que certains facteurs contribuent à la structuration de cette structure18.

16.Cf.Pierre Bourdieu et Alain Darbel avec Dominique Schnapper, l’Amour de l’Art, Paris, Minuit, 1966, pp. 35-66

17. Partant de la constatation suivant laquelle, selon le critère de stratification retenu (idée que les individus se font de leur position dans la hiérarchie sociale, revenu, prestige, mode de vie, etc.) la position dans la hiérarchie sociale varie, William Lloyd Warner est conduit, non pas à dire que la stratification n’existe pas, mais que c’est tellement compliqué qu’il vaut mieux considérer que toutes les hiérarchies possibles se valent. Cf. William Lloyd Warner, Marchia Meeker, Kenneth Feels, Socials Class in America: a Manual of Procedure for the Measurement of Social Status,New York and Evanston, Harper and Row, 1960.

18. Soit l’exemple de la constellation des facteurs qui expliquent la réussite dans l’enseignement supérieur;

on peut trouver pêle-mêle, comme facteurs, le fait de ne pas travailler, l’âge, la catégorie socioprofes- sionnelle (CSP) des parents. Or, indépendamment de toute relation cachée entre ces facteurs et la CSP des parents, on peut penser que ce dernier facteur, bien que ne pouvant agir que si d’autres facteurs sont présents, reste le facteur prééminent, en sorte que lorsqu’on le prend comme principe d’analyse, on risque

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Ce type de réflexion n’était pas nouveau dans le schéma général de la théorie de Pierre Bourdieu. On pense à celui que propose Maurice Merleau-Ponty dont le livre La Structure du comportement a beaucoup influencé Pierre Bourdieu, à propos de certains types d’explication réflexologique : la réaction d’un sujet ne peut s’expliquer par l’action d’une addition de stimulimais par référence à la structure de la configuration concrète de ces stimuli. Les stimulin’agissent pas coup par coup et chacun pour son compte. Il s’agit toujours d’un ensemble de stimuli entretenant entre eux un certain type de relations qui définit la structure de ces stimuli19.

Espace social et classes sociales: la distinction

Selon Pierre Bourdieu, dans les sociétés les plus développées, deux principes permet- tent de répartir des groupes en fonction de leur position dans les distributions statis- tiques. Deux principes parmi les plus efficients – ils ne sont pas les seuls – sont le capital économique et le capital culturel. Ce sont des principes qui se veulent explicatifs en ce sens qu’ils s’attachent à des propriétés socialement déterminantes qui permettent de distinguer et de rassembler des agents aussi semblables que possible (et donc aussi diffé- rents que possible des membres des autres classes). De sorte que les agents, ainsi classés, ont d’autant plus en commun qu’ils sont proches selon leur position dans cet espace et d’autant moins qu’ils sont plus éloignés.

L’espace des classes sociales est construit selon trois dimensions. La première est celle du volume global du capital que les agents détiennent sous ses différentes espèces. La seconde est la structure du capital, c’est-à-dire le poids relatif des différentes espèces de capital, économique et culturel, dans le volume total de leur capital. À chacun des pôles correspondant des catégories socioprofessionnelles, même si les positions ainsi définies par le diagramme que Pierre Bourdieu a construit, dans La Distinction, (pp. 140-141) ne s’y réduisent pas. Elles y sont à titre indicatif et à titre d’indicateurs. Dans la première dimension de l’espace social les détenteurs d’un fort volume de capital global, comme les patrons, les membres des professions libérales et les professeurs d’université s’opposent aux plus démunis des différentes espèces de capital comme les ouvriers sans qualification et les salariés agricoles. La deuxième dimension est le poids relatif du capital économique et du capital culturel dans l’ensemble du patrimoine : sous ce rapport, les professeurs, plus riches relativement en capital culturel qu’en capital économique, s’opposent aux

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moins de manquer la structure des phénomènes qu’en partant d’un facteur qui, tout en participant de la même constellation, aurait un poids fonctionnel infinitésimal, comme le fait d’être interne ou externe.

19. Maurice Merleau-Ponty, La Structure du comportement, Paris, Puf, 1953.

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patrons plus riches relativement en capital économique qu’en capital culturel. La troisième dimension est celle de la trajectoire sociale, c’est-à-dire l’évolution dans le temps du volume et de la structure du capital.

À ces positions dans l’espace social correspondent des pratiques que l’analyse des données permet d’établir de sorte que tout se passe comme si l’espace des positions sociales se retraduisaient sous la forme d’un espace de dispositions incorporées (de goûts, de désir, d’affinités, de biens possédés) et de prises de positions (opinions, représenta- tions). À chaque classe est attachée une classe d’habitus produits par les conditionne- ments et les signaux sociaux associés à la condition correspondante. Selon Pierre Bourdieu l’habitus est le principe qui rend compte de l’unité de style qui unit des pratiques et les biens d’une classe d’agents ; qui retraduit en caractéristiques intrinsèques et relationnelles en propriétés attachées aux positions définies les unes par rapport aux autres. L’habitusest au principe d’un ensemble unitaire de choix de personnes, de biens, de pratiques dans tous les secteurs de la vie sociale. Derrière l’idée d’appartenance de classe (si cette expression a un sens), il y a, en effet, l’hypothèse de la cohérence des attitudes. Ainsi, les classes que l’on distingue en découpant des régions de l’espace social, rassemblent des agents aussi homogènes que possible non seulement du point de vue de leurs conditions d’existence mais aussi du point de vue de leurs pratiques culturelles, de leurs consommations, de leurs opinions politiques, etc.

L’espace social, tel que le conçoit Pierre Bourdieu, est ainsi un systèmede différences, c’est-à-dire un ensemble de propriétés structurellement définies, réparties différentielle- ment selon les classes. Dans cette logique, l’espace social est un espace construit comme une structure de positions définies par la place qu’elles occupent dans la distribution d’une espèce particulière de capital. La notion de « distinction », titre de l’ouvrage portant sur les principes de construction et les mécanismes de reproduction de la société française des années 1970, insiste sur la dimension relationnelle et non sur l’aspect substantif des catégories qui compose l’espace social : les différences, les écarts, les traits distinctifs sont autant de propriétés qui n’existent que dans et par la relation avec d’autres propriétés. On l’a compris, pour Pierre Bourdieu les classes sociales n’existent pas en soi.

Ce que l’observation permet d’établir c’est un espace de différences dans lequel les classes existent en quelque sorte à l’état virtuel, compte tenu de la structure de distribution des différentes espèces de capital qui sont autant d’armes dans les luttes sociales, même si elle n’est pas toujours thématisée. Cette dimension fondamentale de la lutte des classes est la dimension symbolique, que Pierre Bourdieu a plus particulièrement étudiée.

Grâce aux enquêtes statistiques, on peut former des classes aussi homogènes que possible du point de vue des critères pertinents pour construire l’espace dans lequel elles se situent. De sorte que tous les agents qui se trouvent à l’intérieur de cette classe parta- gent un ensemble de propriétés qui sont prédictives de nombreux comportements et

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d’opinions. Mais ces classes statistiques ne sont pas des classes réellement mobilisées. Si bien que, selon Pierre Bourdieu, c’est seulement après Marx et même après la création de partis en mesure d’imposer une vision du monde social organisée selon la théorie de la lutte des classes, que l’on peut parler de classes et de luttes des classes20. Les classes ne sont jamais mobilisées si elles ne sont pas aussi le produit de cette lutte de classements comme lutte proprement symbolique (et politique) pour imposer une vision du monde social et construire les classes selon lesquelles le monde social est susceptible d’être découpé. De sorte que l’existence des classes est un enjeu de luttes autant dans les représentations que dans la réalité. Une classe même mobilisée par et pour la défense de ses intérêts ne peut se constituer en tant que telle qu’au prix et à la suite d’un travail collectif de construction inséparablement théorique et pratique. Mais elle a d’autant plus de chance d’advenir à l’existence et de durer que les agents qui se rassemblent sont proches dans l’espace social.

Le travail symbolique de consécration est nécessaire pour former une classe : imposition de noms, de sigles, de signes de ralliement, manifestations publiques, etc.21. Il a d’autant plus de chances de réussir que les agents sociaux sur lesquels il s’exerce sont plus enclins à se reconnaître dans un même projet du fait de leur proximité dans l’espace des positions sociales et des dispositions et des intérêts associés à ces positions.

L’ambition de Pierre Bourdieu est de construire un modèle universel de la différencia- tion constitutive des espaces sociaux, des principes de domination pouvant changer selon les rapports de forces entre les classes, la valeur relative des espèces de capital mais aussi selon l’état des mécanismes de reproduction de la structure sociale, c’est-à-dire de redistribution du volume et des différentes espèces de capital entre les générations. Pierre Bourdieu fait ici allusion aux espaces sociaux dans lesquels certains groupes s’approprient les biens et les services publics, si bien qu’il est conduit à inventer ce qu’il appelle le « capital politique » pour désigner cette forme de patrimonialisation des ressources collectives qui s’accumulent et se transmettent au travers des appareils des partis, des syndicats et des réseaux de relations – notamment familiales – comme dans les pays soviétiques, voire les pays scandinaves.

Les systèmes de classements sont des produits et, à ce titre, sont des enjeux d’une lutte permanente, ce qui ne peut guère permettre de donner des définitions. En outre, le problème des classes sociales est un des problèmes les plus compliqués à penser puisqu’il s’agit de penser avec ce à quoi on pense, c’est-à-dire d’un point de vue déterminé par le point qu’on occupe dans l’espace social. Mais ceci est un autre problème. ■

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20. Pierre Bourdieu, Ce que parler veut dire: l’économie des échanges symboliques, Paris, Fayard, 1982, pp. 157-161.

21. Pierre Bourdieu, « L’identité et la représentation », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 35, nov.

1980,pp. 63-72.

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