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FORMER A GERER UN CONTEXTE DISCURSIF A L'ECOLE PRIMAIRE : QUELLE ARTICULATION ENTRE SAVOIRS DIDACTIQUES ET COMPETENCES PROFESSIONNELLES ?

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FORMER A GERER UN CONTEXTE DISCURSIF A L’ECOLE PRIMAIRE : QUELLE ARTICULATION

ENTRE SAVOIRS DIDACTIQUES ET COMPETENCES PROFESSIONNELLES ?

Pascal Dupont

To cite this version:

Pascal Dupont. FORMER A GERER UN CONTEXTE DISCURSIF A L’ECOLE PRIMAIRE : QUELLE ARTICULATION ENTRE SAVOIRS DIDACTIQUES ET COMPETENCES PROFES- SIONNELLES ?. Savoirs, compétences : Approches comparatives de l’organisation des contenus et des formes de l’étude ; variations et constantes disciplinaires, institutionnelles, culturelles, ARCD, Jan 2013, Marseille, France. �hal-01519163�

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3ème colloque international de l’Association pour des Recherches en Didactiques Comparées.

Marseille du 9 au 13 janvier 2013 – ADEF (Marseille), I3DL (Nice). 1

FORMER A GERER UN CONTEXTE DISCURSIF A L’ECOLE PRIMAIRE :

QUELLE ARTICULATION ENTRE SAVOIRS DIDACTIQUES ET COMPETENCES PROFESSIONNELLES ?

Pascal Dupont

* IUFM, Ecole interne de l’Université Toulouse 2- Le Mirail, UMR EFTS 56, Avenue de l’URSS

31078 Toulouse cedex pascal.dupont@univ-tlse2.fr

Mots-clés : métier d’enseignant, savoirs didactiques, compétences professionnelles, contexte discursif

Résumé.

Les évolutions des sociétés des pays développés conduisent tous les programmes de formation des enseignants à tendre vers une plus grande professionnalisation. L’apparition du terme de compétence, comme facteur de cette professionnalisation, s’est accompagnée de réformes qui se sont traduites en France par la mise en place d’un référentiel de compétences. Nous nous intéressons ici, à partir d’une étude de cas : former à gérer un contexte discursif à l’école primaire, aux conditions de formation pour acquérir savoirs didactiques et compétences professionnelles et à leur nécessaire articulation afin d’identifier des questions professionnelles. Le dispositif de formation présenté, une Unité d’Enseignement « Polyvalence » dans un cursus de master premier degré, s’inscrit dans un schéma de formation en alternance intégratif favorisant les allers-retours entre temps de préparation, d’enseignement, de réflexion et de partage, pour affiner la conception des séances et l’analyse entre pairs des pratiques. Il s’agit de faire émerger les questions professionnelles auxquelles sont confrontés directement les étudiants et de s’interroger sur les savoirs didactiques à mobiliser et les compétences nécessaires pour construire des réponses dans une dynamique de formation contribuant à la professionnalisation du métier d’enseignant.

1. Professionnalisation du métier d’enseignant et compétences

Dans l’un de ses derniers articles, s’interrogeant sur la formation des enseignants, Yves Chevallard (201x, à paraître), reprend un terme popularisé par le sociologue américain Amitai Etzioni (1969) il y a déjà quarante ans pour évoquer leur métier. Il parle de semi-profession qu’il caractérise à partir de plusieurs critères comme une autonomie et une responsabilité restreinte, des corpus de savoirs et de savoir-faire limités, une période de formation courte ; soulignant ainsi le sous-développement pratique, professionnel et scientifique dans lequel cette profession aurait historiquement été maintenue.

Dans un même temps, pour faire face aux transformations et aux évolutions de plus en plus rapides de la société, l’ensemble des pays développés s’attache à promouvoir des orientations de la formation des enseignants qui tendent vers une plus grande professionnalisation. Il s’agit d’échapper au modèle de l’enseignant magister, délivrant des savoirs, pour se tourner vers le modèle d’un enseignant pédagogue et/ou « praticien réflexif » (Maroy, 2006). L’apparition du terme de compétence (De Peretti, 1993 ; Rey, 1996 ; Le Boterf, 1997, Perrenoud, 1999 ; Dolz & Ollagnier, 2000) dans le champ de l’éducation comme facteur de développement professionnel en est l’un des symptômes. Elle s’est accompagnée de réformes bâties autour de ce concept qui se sont traduites en France par la mise en place d’un nouveau cahier des charges de la formation des maîtres et un référentiel de compétences qui identifie les dix compétences professionnelles à acquérir ou à développer prioritairement par les enseignants (MEN, 2007, 2010) ; ainsi que par la mastérisation de la formation des enseignants initiée en 2010 dont le modèle commun de cursus doit conduire à l’acquisition de blocs de compétences notamment les savoirs didactiques disciplinaires ou interdisciplinaires et les principes, méthodes, outils intervenant dans leur transmission (Jolion, 2011).

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Bien qu’il soit difficile de prendre beaucoup de recul, tant la formation des enseignants a été bouleversée récemment, la question de la contribution de cet objectif institutionnel de formation par compétences à la professionnalisation du métier se pose inéluctablement, ainsi que celle de l’articulation des savoirs didactiques et des compétences professionnelles dans les cursus de master. Nous intéressons ici, plus particulièrement à la formation à la gestion d’un contexte discursif à l’école primaire dans le domaine de l’enseignement du français au cours de séances où l’oral prévaut.

2. Former par compétences pour répondre à des questions professionnelles 2.1 Savoirs didactiques et compétences professionnelles

Le concept de compétence est sans doute à considérer avec précaution. D’une part, d’abord apparu dans le monde de l’entreprise et du travail, puis par l’intermédiaire du domaine de la formation professionnelle, il peut paraître suspect idéologiquement tant il est associé aux notions de performance et d’efficacité (Ropé, 2000).

D’autre part, la définition du concept de compétence est elle-même flottante soit que l’on considère que la compétence recouvre « l’ensemble des ressources disponibles pour faire face à une nouvelle situation de travail » (Guillevic, 1991), ou bien qu’elle ne réside pas dans les ressources « mais dans la mobilisation même de ces ressources » (Le Boterf, 1994), ou encore qu’on la considère comme des « savoirs renvoyant à des situations complexes qui amènent à gérer des variables hétérogènes et qui permettent de résoudre des problèmes qui échappent à des situations référables épistémologiquement à une seule discipline. » (Meirieu, 1993).Quoi qu’il en soit, il n’en reste pas moins que ce concept renvoie à un « déjà-là », une virtualité qui s’actualise dans un contexte singulier, cette actualisation– réussie - révélant le passage à la compétence. Désigner autrement ce déjà- là créerait un hiatus avec les textes institutionnels sans pour autant résoudre, sans doute, la question de la professionnalisation du métier.

Ces ressources mobilisées, dans le domaine de l’enseignement, sont essentiellement des savoirs didactiques.

Dans un sens restreint, ils sont construits dans la perspective d’une discipline pour laquelle ils permettent d’élaborer un projet d’enseignement mais aussi de construction de connaissances par les apprenants. Dans un sens plus large, ces savoirs sont à déterminer en fonction des contraintes imposées et des conditions offertes non seulement par les disciplines mais aussi par les pratiques scolaires et sociales, l’école, etc. (Chevallard, Ib.).

De ce point de vue, il ne saurait y avoir de construction de compétences sans savoirs didactiques et ces savoirs didactiques seraient en partie inutiles s’ils ne pouvaient être mis en synergie et opérationnalisés dans une situation donnée. L’articulation entre savoirs didactiques et compétences professionnelles s’avère ainsi comme un enjeu fort d’une formation par alternance afin d’apporter des réponses à des questions professionnelles, c'est- à-dire des questions communes à l’ensemble des enseignants.

2.2 Une question professionnelle : gérer un contexte discursif à l’école primaire

A l’école primaire, les professeurs sont polyvalents, ils gèrent une classe avec toutes les disciplines, en utilisant essentiellement la communication verbale et le discours dialogique finalisé comme moyens (Altet, 2001) leurs élèves n’ayant pas encore une maîtrise suffisante de l’ordre scriptural (Peytard, 1970). La formation à la gestion d’un contexte discursif entendu comme le cadre dans lequel se déroule une activité et de façon dynamique comme l’espace de parole auquel les participants se réfèrent au cours de l’échange (Goffman, 1974 ; 1987), apparaît donc comme l’une des priorités pour les enseignants du premier degré.

Cette gestion relève, selon le référentiel du MEN, de différentes compétences relatives à l’organisation du travail de la classe qui nécessite l’adaptation « des formes d’interventions et de communication au types de situation et d’activités prévues (postures, place, interventions, vérification des consignes, etc.) » ; et de la maîtrise de la langue française pour enseigner ainsi que des disciplines (« communiquer avec clarté et précision et dans un langage adapté, construire des séquences d'enseignement qui visent des objectifs de développement de l'expression orale et écrite, organiser les divers enseignements en les articulant entre eux dans le cadre de la polyvalence, profiter de la polyvalence pour construire les apprentissages fondamentaux »).

Elle réfère donc à la fois à des questions relatives aux médiations (Grandaty & Dupont, 2010) nécessaires à la conduite des apprentissages en temps réel et aux interactions en classe, et à des questions relevant plus spécifiquement des didactiques disciplinaires portant sur les processus de structuration et de gestion de contenus d’enseignement.

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3. Une étude de cas : former à gérer un contexte discursif à l’école primaire 3.1 Quelles conditions de formation pour acquérir savoirs didactiques et compétences ?

Suite à la mastérisation de la formation des enseignants en 2010 qui a conduit au déplacement du concours de recrutement en M2 et à la disparition de l’année de stage, ont été mises en place des unités d’enseignement (UE) intitulées « Polyvalence » dans le master MEFE premier degré de l’IUFM, école interne de l’Université de Toulouse-Le Mirail s’inscrivant dans une continuité avec un schéma de formation en alternance intégratif. Ces UE, organisées autour d’un stage, qui en est la clé de voûte, ont pour objectifs principaux de mettre en perspective les contenus disciplinaires et leur organisation dans la préparation de séances, avec leur enseignement et leur analyse. Il s’agit de :

- « Préparer et sensibiliser à l’enseignement à l’école primaire par l’observation, la conception, la mise en œuvre et l’analyse de séances d’apprentissage en classe ;

- Sensibiliser les étudiants au lieu et à l’exercice du métier. »1

Lors de ces UE, les étudiants se répartissent dans des groupes à effectifs réduits en fonction de projets de classe proposés par les maîtres d’accueil et des domaines d’enseignement ou des disciplines scolaires choisis afin de réinvestir les savoirs didactiques acquis dans d’autres UE. Ces dispositifs comprennent un premier temps de formation autour de la préparation et de l’exploitation du stage et un second temps centré sur la conduite et l’analyse de séances d’apprentissage encadré par des formateurs IUFM et des maîtres formateurs. En M1, lorsque le stage est filé, un jour par semaine sur la durée de l’UE, les allers-retours entre temps d’enseignement, et temps de réflexion et de partage pour affiner la conception des séances et l’analyse entre pairs de pratiques sont favorisés. Ils permettent de faire émerger les questions professionnelles auxquelles sont confrontés directement les étudiants et de s’interroger sur les savoirs didactiques à mobiliser et les compétences nécessaires pour construire des réponses.

3.2 Un contexte discursif dans le domaine du français : le débat interprétatif littéraire (DIL)

Pour former à la gestion d’un contexte discursif, nous avons choisi de faire travailler les étudiants sur des séances essentiellement orales, en l’occurrence dans l’étude de cas présentée ici, des séances de débats interprétatifs littéraires (DIL) mises en œuvre en cycle 3. Dans la perspective de l’articulation entre savoirs didactiques et compétences professionnelles, le DIL nous paraît un exemple de contexte discursif intéressant à plus d’un titre :

- Tout d’abord, la présence récurrente du terme débat, qui spécifie les échanges en les inscrivant dans un genre construit socio-historiquement, dans les programmes français de l’école primaire, témoigne de l’importance donnée aux interactions à l’école primaire.2

- Il s’agit d’une activité prescrite relativement nouvelle qui ne repose pas sur une tradition scolaire solidement établie comme la dictée ou la leçon de grammaire.

- Elle est clairement liée à plusieurs domaines de savoirs didactiques: la lecture littéraire et le travail de compréhension et d’interprétation ; l’enseignement de genres oraux et de conduites discursives.

- Cette activité renvoie explicitement à un genre social, le débat qui comme toute situation d’oral polygérée est un lieu d’insécurité pour l’enseignant amené à faire face à de nombreux imprévus (Grandaty & Dupont, Ib.).

Les étudiants pour planifier et mettre en œuvre leur situation d’apprentissage doivent être en mesure de se situer vis-à-vis de différents savoirs didactiques pour choisir des objets d’enseignement et créer un contexte discursif propice aux apprentissages tout en apprenant à le gérer, c'est-à-dire à orienter les échanges vers un but commun en fonction d’enjeux scolaires ; le regard rétroactif porté sur la pratique au cours de séances homologues les aidant à articuler savoirs didactiques et gestion d’un contexte discursif. Cette approche systémique de la formation implique pour les étudiants de ne s’engager ni dans une démarche « toute langagière » qui ne prendrait pas en compte les contenus disciplinaires, ni dans une démarche « toute disciplinaire » qui ne s’intéresserait pas au type d’échanges qui se nouent dans le genre considéré.

1 Note relative à l’organisation de l’UE 248A. Master EFE (Enseignement, Formation, Education) spécialité ESE (Enfance, Scolarisation dans le premier degré et Education). IUFM midi-Pyrénées.

2 On ne compte pas moins de 46 occurrences du terme débat dans les Instructions Officielles de 2002 pour l’ensemble des cycles, et 6 occurrences dans les instructions officielles de 2008 pour le cycle 3.

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3.3 Eléments d’analyse et méthodologie

Les étudiants ont eu à concevoir des séances s’intégrant dans les journées de leur stage filé, ces journées pouvant être consacrées également à des temps d’observation et à des séances dans d’autres domaines disciplinaires que le français. Pour enclencher des débats, le choix a été fait de lire avec les élèves des contes refaits, appelés aussi contes détournés ou à l’envers, qui sont des réécritures de contes traditionnels. Outre le fait que ces réécritures sont très nombreuses dans la production actuelle d’albums pour enfants, elles permettent de plus, de s’appuyer sur une culture commune partagée (les contes originels) tout en proposant un type de lecture spécifique, au second degré. Il s’agit en effet ici de lire deux textes à la fois pour repérer le détournement opéré par le second et apprécier les écarts entre les textes de construction, de définition des personnages, de valeurs, etc.

Le corpus notre recherche réunit plusieurs types de données relatives à un groupe :

- Des fiches de préparation qui posent un cadre didactique. Elles sont une forme de planification de l’activité d’enseignement qui revient pour l’enseignant à «constituer un réseau complexe de relations entre différents niveaux d’expériences » (Tochon, 1993) relativement ici à la création du contexte discursif : objets d’enseignement, compétences attendues, et à la gestion du groupe classe : consignes, déroulement, formes de travail, temporalité.

- Des séances, au nombre de trois, menées en classe qui ont été filmées afin de rendre observable l’activité réelle d’enseignement et sa dynamique.

- L’enregistrement d’échanges oraux qui s’inscrivent dans la perspective professionnelle d’analyse réflexive des pratiques.

Les séances sont préparées en commun par le groupe, toutefois, un seul étudiant conduit les séances considérées.

Nous nous attacherons plus particulièrement à repérer les ajustements opérés lors de la préparation et de la conduite des séances et ce qui en est dit, ou pas, au cours des échanges afin d’éclairer les éléments qui favorisent le développement de compétences professionnelles pour créer et gérer un contexte discursif.

4. L’articulation entre savoirs didactiques et compétences professionnelles

4.1 Les savoirs didactiques mobilisés dans les préparations de séances

La présentation synthétique de l’activité d’enseignement dans une fiche de préparation conduit non seulement à choisir et à catégoriser des savoirs didactiques mais également à les hiérarchiser. Ainsi, la construction des séances des étudiants est sous-tendue par l’utilisation de références multiples empruntées aux champs de la didactique de l’oral et de la lecture littéraire. Le genre oral disciplinaire « Le débat interprétatif littéraire » est le titre générique des séances, et apparaît donc toujours comme objet d’enseignement explicite.

Bien que le temps dévolu aux débats ne représente qu’un tiers environ des séances, celui-ci est désigné comme l’objet d’enseignement premier, tant par la position hiérarchique qu’il occupe dans la fiche que dans sa place dans la temporalité d’enseignement : en clôture, il est bien la finalité qui sous-tend l’ensemble des tâches effectuées par les élèves : lecture des textes, écrits de travail, etc. La seconde finalité affichée dans les préparations est l’établissement d’un dialogue sur les livres choisis à partir de problèmes d’interprétation posés par leur mise en réseau pour établir une culture commune. De même, les indicateurs de l’activité des élèves renvoient à l’oral et à la lecture littéraire : s’écouter et prendre en compte la parole d’autrui ; s’intégrer dans un débat littéraire ; exprimer ses propos en argumentant. Ils sont puisés dans les progressions pour le cours moyen des Instructions Officielles de 2008 dans les rubriques « Echanger, débattre » et « Littérature ».

Pour apporter des réponses à la question professionnelle de la gestion de ce contexte discursif, les étudiants se sont intéressés aux médiations nécessaires. Ils indiquent, par exemple, la posture qui devra être adoptée lors de la conduite de la séance, être en recul, c’est-à-dire modifier le statut de la parole de l’enseignant pendant le moment du débat pour laisser parler les élèves, et réguler le débat pour soutenir la tâche langagière des élèves : « Je suis en recul et je régule le débat ». Ils conçoivent également un déroulement stratégique des séances :

- L’explicitation des enjeux de la séance.

- La mise en place d’une culture commune à travers la lecture magistrale successive des deux œuvres appelant la recherche d’analogies et d’écarts.

- La réalisation d’un écrit de travail pour mettre en mots les lectures personnelles (par exemple l’écriture de morales exemplificatrices).

- La confrontation de ces écrits afin de déclencher le débat interprétatif.

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L’économie générale de la conception de ces séances reste globalement statique du point de vue de leur structure. Cependant quelques modifications apparaissent ce qui témoigne de la prise en compte de ce qui s’est passé dans le temps réel de l’apprentissage. Ainsi, les indicateurs de l’activité des élèves sont précisés. Il est question de « justifier ses propos en tenant compte des propos des camarades » (afin qu’il y ait un véritable échange) ; d’« être capable de vérifier dans le texte ce qui interdit ou permet l’interprétation défendue » (afin de favoriser la mise en réseau des textes). Les étudiants éprouvent également le besoin d’écrire des questions portant sur les textes (d’aucune à la première séance à sept dans la troisième) pour assurer le guidage des échanges en distinguant des questions de compréhension qui précèdent l’ouverture du débat lui-même :

« Maintenant vous allez débattre à partir de plusieurs questions ». Ces ajustements portent traces d’une réflexion sur les médiations nécessaires à l’ouverture d’un champ spéculatif bien que les problèmes interprétatifs posés par les textes ne soient jamais pointés explicitement.

4.2 La mobilisation des savoirs didactiques en situation pour gérer le contexte discursif : observation des séances

4.2.1 Oral et littérature

Lors de la conduite de la première séance, en dehors de la consigne initiale, il n’est plus fait référence explicitement au genre oral. Dans les deux séances suivantes, un moment de l’échange est consacré aux règles de communication du débat que les élèves énoncent, et dans la troisième séance, l’étudiant précise les conduites discursives attendues :

Et3 : vous devez / expliquer ce que vous venez de dire / d’accord / il faut justifier ses propos / dire je pense telle ou telle chose parce que ou par rapport à telle chose que j’ai entendue ou que je pense /

Ce que dit et fait dire l’étudiant du débat en réduit le contour, les élèves pouvant ne le comprendre que comme un temps de parole régit par des règles collectives de communication, une conversation ordinaire à partir d’opinions.

D’autre part, l’incitation à comparer les textes n’est proposée par l’étudiant que lors de la troisième séance. Des élèves relèvent bien des rapports d’analogie entre les histoires lues :

E4 : Ben c’est euh / on a inversé les rôles / c’est / euh / un peu la même histoire puisque au dé / à la première histoire / c’était la grenouille / euh / qui ment à la princesse / et à la deuxième c’est la princesse qui ment à la grenouille.

Ces rapports ne suffisent pas cependant à eux seuls à interroger les relations entretenues par les textes, les remarques factuelles faites par les élèves, ici l’inversion des conduites entre la princesse et la grenouille, n’étant pas saisies et soulignées comme lieu signifiant

4.2.2 Les médiations

Tout au long des trois séances de DIL, l’étudiant veille scrupuleusement à ne pas occuper l’espace interactionnel afin de favoriser la participation de chacun en adoptant une posture spécifique ; physiquement, en se positionnant à l’extérieur d’un cercle formé par les élèves - Et : moi je reste sur le côté – ; et langagièrement en limitant sa parole à des médiations régulatrices, - Et : vous vous organisez ensemble / moi je serai là pour distribuer la parole. Cette posture sera constamment réitérée : -Et: voilà / bon / moi je vais rester sur le côté / vous allez vous répondre entre vous / d’accord / (séance 2), -Et : là c’est entre vous / d’accord /(séance 3).

Il est également extrêmement soucieux des règles communes régissant les échanges dans la classe : Et : plus fort / plus fort / pour que tout le monde t’entende – Et : chut / on lève le doigt / (séance 1) ;

et revient au début des deux séances suivantes sur les règles de fonctionnement du débat :

Et : alors / je vais revenir sur le débat / que faut-il faire / (séance 2), - Et : donc vous allez débattre à la fin de la séance / quelles sont les règles du débat / qu’est-ce que l’on doit faire et qu’est-ce qu’on ne doit pas faire / oui / Amandine / (séance 3).

Aux cours des séances, la prise de parole des élèves est constamment encouragée : - Et: Idjrati est-ce que tu veux répondre à Pierre / vas-y Idjrati / (séance 1)

- Et: est-ce que vous êtes d’accord / ou est-ce que vous êtes contre le fait que les parents aient envoyés / le Petit Chaperon Vert /voir sa mère-grand / (séance 2)

3 Et, pour étudiant.

4E, pour élève.

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- Et : qui c’est qui peut m’expliquer / qui c’est qui peut expliquer aux camarades / euh / ce que ça veut dire / tu essayes Chloé / (séance 3)

Cependant, l’importance donnée à l’enrôlement dans la tâche des élèves et la fonction essentiellement régulatrice des médiations donnent à penser que l’étudiant agit comme si le dispositif mis en place se suffisait à lui-même pour produire naturellement des interactions. Or, dès la première séance, il peine à susciter des prises de paroles, comme le soulignent ces interventions :

Et : nous on comprend cette morale mais pourquoi / d’accord / vous développez / vas-y – Et : c'est-à-dire / pourquoi vous avez-vous écrit cette morale / expliquez /

Dans les séances suivantes, pour faire avancer le débat, l’étudiant utilise l’enchaînement de questions prévues dans les préparations, dont voici des exemples :

Et : alors / première question/ euh / par rapport à la première histoire que je vous ai lue « Le coup du Prince Crapaud » / vous vous en souvenez / c’est bon / - E : oui - Et: d’accord / euh / comment pouvez-vous qualifier l’attitude de la grenouille /

Et : alors je vous pose une question / pensez-vous que / la grenouille de la première histoire / connaissait l’histoire du Prince Grenouille et pourquoi / (séance 3).

Ces questions permettent de relancer les prises de parole et sont posées selon une progression logique.

Cependant, faute de reformulations et de synthèses intermédiaires, elles ne jouent pas pleinement leur rôle : les différents échanges suscités par ces questions demeurent juxtaposés sans que des conclusions soient formellement formulées.

La priorité donnée au faire parler, l’étudiant étant très vigilant quant aux règles de communication dans la classe permettant le fonctionnement de l’échange, et à la place donnée à l’enseignant qui s’interdit d’intervenir trop directement dans le débat sauf pour évoquer de nouveaux points d’échanges possibles, donne une place prépondérante à la dimension communicative au détriment, en partie, de l’orientation de l’activité des élèves ce qui ne favorise pas la clarté du contrat didactique (parler sur les textes) et les enjeux de l’activité (l’exploration des résistances d’un texte et son inscription dans un réseau).

4.3 L’analyse des pratiques pour rationaliser les savoirs didactiques mis en œuvre

Lors des échanges, les étudiants indiquent qu’ils n’ont guère modifié le dispositif des séances : lecture des deux contes et débat sur le conte refait. Ils soulignent cependant l’importance d’avoir prévu des questions de guidage. Ils évoquent pour préparer la seconde séance des obstacles à la compréhension notamment concernant un texte théâtral. Pour la troisième séance, ils se focalisent sur les productions langagières d’un point de vue quantitatif (écoute, participation) et qualitatif (conduites argumentatives).

En bilan, les étudiants notent les confusions engendrées par le manque d’explication de la tâche langagière attendue lors de la première séance, les élèves échangeant peu entre eux et n’argumentant pas. Ils retiennent comme indice de réussite des trois débats l’allongement du temps des échanges qu’ils imputent prioritairement au dispositif spatial mis en place, élèves en cercle et enseignant à l’extérieur du cercle. Pour le second et le troisième débat, ils soulignent l’attention portée aux relances et la définition des règles du débat, ainsi que les décisions prises pour arrêter les échanges et poser une nouvelle question. Ils listent enfin les conditions nécessaires pour mettre en œuvre un débat en citant dans l’ordre : l’organisation d’un dispositif spatial spécifique, le choix des livres et la détermination de points de résistance support du débat, la prévision des interventions possibles pour relancer les échanges. Ils continuent à s’interroger par contre sur le choix des objets d’enseignement visés dans le DIL, sur son degré de guidage (Quand le recentrer ? Comment intervenir au bon moment ?), et sur la participation de l’ensemble des élèves aux échanges.

5. Pour une dynamique de formation articulant savoirs didactiques et compétences professionnelles

Cette étude de cas souligne à nouveau, si besoin était, que les pratiques de l’enseignant et les tâches effectuées par les élèves ne sont pas uniquement consécutives à la planification de l’activité d’enseignement et à sa pertinence didactique a priori « d’où découlerait de façon univoque les pratiques et leurs effets sur l’apprentissage » (Goigoux, Nonnon, 2007) mais sont également produites et actualisées par la gestion de la situation d’enseignement, en l’occurrence ici un contexte discursif. L’intérêt, nous semble-t-il, du dispositif de formation présenté, est de mettre à l’épreuve les savoirs didactiques dans des situations d’enseignement dans lesquelles l’enseignant doit rechercher des solutions pour résoudre des questions professionnelles en les opérationnalisant ; puis d’en effectuer une lecture. L’alternance réitérée entre préparation, mise en œuvre et analyse de séances homologues soutient la dynamique de formation. Sans négliger les réussites, qu’il est tout

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aussi important de faire repérer et expliciter, les « ratés », inhérents à tous actes d’enseignement, ne sont pas alors à considérer comme des dégradations d’une préparation idéale mais comme des points d’appui lors des échanges contribuant à la construction des compétences professionnelles. Réussites et ratés permettent de faire émerger la congruence entre savoirs didactiques disponibles, savoirs didactiques mobilisés et situations d’enseignement et de percevoir leur actualisation dans des compétences professionnelles. Dégager ces éléments d’expertise évite les illusions d’optique telle que la participation des élèves comme unique critère de l’évaluation de l’activité d’enseignement dans le cas de la gestion d’un contexte discursif. Plus généralement, c’est en ce sens que la formation par compétences peut contribuer à la professionnalisation du métier d’enseignant.

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