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Numérique et régime français des savoirs en action : l’open en sciences : le cas de la consultation “ république
numérique ” (2015)
Celya Gruson-Daniel
To cite this version:
Celya Gruson-Daniel. Numérique et régime français des savoirs en action : l’open en sciences : le cas de la consultation “ république numérique ” (2015). Sciences de l’information et de la communication.
Université Sorbonne Paris Cité, 2018. Français. �NNT : 2018USPCB114�. �tel-02515981�
UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES
ÉCOLE DOCTORALE 474 – FRONTIÈRES DU VIVANT
Thèse de doctorat en
Sciences de l’information et de la communication
NUMÉRIQUE ET RÉGIME FRANÇAIS DES SAVOIRS EN~ACTION : L’ OPEN EN SCIENCES.
LE CAS DE LA CONSULTATION « RÉPUBLIQUE NUMÉRIQUE » (2015).
Présentée et soutenue publiquement le 15 novembre 2018 par :
Célya GRUSON-DANIEL
Dirigée par Pascal JOLLIVET-COURTOIS, Yann MOULIER-BOUTANG et Florence PIRON Devant un jury composé de :
Pascal JOLLIVET-COURTOIS, Maître de conférences, Université de Technologie de Compiègne (co-directeur de thèse)
Joëlle LE MAREC, Professeure, Université Paris Sorbonne (rapporteure)
Clément MABI, Maître de conférences, Université de Technologie de Compiègne (examinateur) Florence MILLERAND, Professeure, Université du Québec à Montréal (rapporteure)
Yann MOULIER-BOUTANG, Professeur émérite, Université de Technologie de Compiègne (co- directeur de thèse)
Florence PIRON, Professeure, Université Laval (co-directrice de thèse)
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REMERCIEMENTS
Si les remerciements ont été rédigés à la toute fin, comme la dernière pierre apportée à l’édifice, je ne compte pas les multiples fois où je me les suis récités mentalement. Le sentiment de gratitude a été un de mes principaux moteurs pour avancer. Telle une bouée, il m’a permis de garder la tête hors de l’eau malgré les nombreuses tempêtes sur le parcours de ces quatre années doctorales.
Je souhaite tout d’abord remercier Florence Piron, qui a été la première à accepter de m’accompagner dans cette aventure. Son dynamisme, sa générosité et sa disponibilité, bien qu’elle mène de front de multiples projets de recherche, ont été un soutien précieux, sans compter son aide à acérer mon esprit critique par des débats parfois mouvementés ! Mes pensées se tournent ensuite vers Pascal Jollivet-Courtois. Sa capacité d’écoute, sa curiosité et son suivi bienveillant tout au long de la rédaction de la thèse sont une grande chance que je souhaite à tous doctorant.e.s. Je remercie Yann Moulier-Boutang pour ses connaissances et ses conseils toujours percutants. Merci à ce trio d’avoir encadré jusqu’au bout une doctorante aux réactions parfois un peu abruptes et rebelles, je l’admets volontiers.
Mes remerciements vont ensuite au Centre Virchow-Villermé (USPC) et tout particulièrement à Anneliese Depoux et à Antoine Flahault. Ils ont accepté de me soutenir financièrement durant presque trois années en me permettant d’allier mon travail d’ingénieure de recherche au sein du Centre et la réalisation de ma thèse. Merci de leur confiance, de leur flexibilité et de leurs conseils si précieux (notamment Anneliese qui m’a introduit à l’univers des sciences de l’information et de la communication). Ces années auraient été moins agréables sans la présence et le soutien de mes collègues du CVV : Corinne, Hélène, Khamsa, Karl-William, Sophie, Sophie- Hélène, Stéfanie).
Ce parcours atypique n’a pu se réaliser qu’avec l’existence de l’école doctorale du CRI, Centre de recherches interdisciplinaires, et le parcours « nouvelles frontières » alors tout récemment créé. Merci à François Taddéi, Ariel Lindner, David Tareste et bien d’autres de faire vivre ce lieu d’ébullition d’idées et de projets hors cadres, où je me suis sentie à ma place. Je ne pouvais imaginer aussi meilleur comité de suivi de thèse avec la présence de Valérie Peugeot et Alain Rallet. Ils ont tous deux apporté leurs précieux conseils pour équilibrer les exigences académiques avec la réalisation de ce doctorat dans les temps impartis.
J’adresse également ma reconnaissance au laboratoire COSTECH et au LabCMO qui m’ont accueillie dans cette configuration franco-québecoise, sans oublier les chercheur.e.s et les doctorant.e.s qui les composent. Merci pour les moments de partage que les réunions et d’autres moments informels m’ont offert. Mes pensées vont spécifiquement à Florence Millerand, Clément Mabi et Serge Proulx. S’y ajoutent mes félicitations pour les tous jeunes docteur.e.s : Jean-Edouard Bigot, Églantine Schmitt et Jérémie Joubert.
Ce doctorat n’aurait pas pu être mené à bien sans un peu de hack et une dynamique collaborative à différentes étapes du processus de recherche. Merci à Constance de Quatrebarbes qui a apporté bien plus qu’une aide pour la mise en œuvre de méthodes numériques. Je sais la chance d’avoir trouvé en elle une grande affinité intellectuelle et une vision commune et critique du ‘numérique’.
Une dédicace spéciale au trio de doctorant.e.s de l’AISLF de Montréal (Camille Bosqué, Cécilia
Calheiros, Matei Gheorghui) qui ont égayé la fin de mon séjour québecois 2016 en mêlant pauses
festives aux réflexions sociologiques. Merci aux membres de HackYourPhD et plus spécifiquement
Jean-Baptiste Bohuon et Matthieu Le Chanjour pour leur relecture des premiers jets de ce travail.
J’adresse également toute ma reconnaissance aux relecteurs de l’été 2018, qui ont consacré quelques heures de leur temps libre à traquer fautes et coquilles de ce document : Antoine, Constance, Chimène, Élyane, François, Guillaume, Léo, Maryline, Matei, Matthieu, Meritxell, Nina, Pénélope, Pierre-Sofiane, Viviane, Yoann.
Je souhaite aussi mentionner les espaces d’inspir et d’expir présents lors de la longue période de rédaction. Ils ont donné du sens et de la douceur à cette ascèse doctorale. Je n’oublierai pas l’ambiance réconfortante des bibliothèques municipales et universitaires et les longueurs passées dans les piscines municipales à évacuer un trop plein de pensées. Le centre Sivananda, où Célya devient Prema, a été un cocon précieux. Merci à tous les karma yogi qui apportent joie et conscience du bonheur de chaque instant. Je remercie aussi mes élèves du cours du mercredi de l’Hôtel-Dieu, qui me conforte dans l’idée de la nécessité de développer le yoga pour les profils scientifiques et intellectuels ! Maddalena Canna et Jacques Vigne ont été aussi des personnes-clefs en cette fin de thèse pour m’aider à faire germer de nouvelles questions de recherche qui m’habitent aujourd’hui à la croisée entre sciences humaines et sociales, sciences cognitives et champs du yoga et de la méditation.
J’adresse également toute ma gratitude à mes proches qui m’ont soutenue dans le challenge que je me suis donné avec ce doctorat (œuvre totalitaire au sens de Goffman), et cela sans aucun jugement face à ce choix : Boubou PhDSitter hors pair, Cécilia, Noémie, Constance, Lucie, Matthieu, Anthony. Même si éloigné.e.s parfois géographiquement, elles/ils ont été d’une écoute attentive et d’un soutien essentiel. Mes pensées les plus douces et sincères vont à Guillaume Dumas, co- fondateur de HackYourPhD, source d’inspiration scientifique de premier plan, qui malgré tout a toujours été présent…
Pour conclure, je souhaite remercier et dédier cette thèse à mes parents : Élyane, Jacques et ma fratrie (étendue) : Yoann, Yohel et Chimène. Ce que je leur dois est bien au-delà des mots. Merci de leur patience et de leur aide à transformer les lianes noueuses et douloureuses du passé en de profondes racines qui m’ancrent et m’aident chaque jour à grandir et à évoluer.
RÉSUMÉ
Cette recherche prend la forme d’une enquête au sein des milieux de production des savoirs français contemporains et vise à comprendre les différentes significations du terme open en sciences. J’ai considéré le qualificatif open comme une formule. L’analyse de ses traductions en français (ouvert, libre, gratuit), tout autant que des noms qui lui sont associés (science, data, access), constitue le fil directeur de mon étude. Cette enquête, qui a débuté en 2013, s’est surtout centrée sur un évènement particulier, la consultation sur le projet de loi pour une République numérique (septembre- octobre 2015), en particulier l’article 9 sur « le libre accès aux publications scientifiques de la recherche publique ».
Cette consultation en ligne a donné une envergure nationale et publique aux problématiques d’accès aux savoirs. En tant qu’épreuve de réalité « équipée » d’un dispositif numérique participatif, elle a été l’occasion d’observer presque
« en direct » la défense de différentes conceptions de « ce que devrait être » le régime contemporain des savoirs en France.
M’inscrivant dans une démarche par théorisation ancrée, j’ai constitué progressivement, à propos de ce moment particulier de cristallisation des débats sur l’open en sciences, un corpus de documents reflétant le déploiement des échanges sur des espaces/dispositifs numériques distincts : site web de la consultation, blogs scientifiques, revues académiques, médias « grand public », rapports. Les mouvements itératifs de cette enquête, alliant méthodes numériques (réalisation d’une cartographie de similarité des votes) et analyse qualitative du corpus, tout autant que les concepts théoriques mobilisés à la croisée entre sciences de l’information et de la communication et sociologie pragmatique de la critique, ont donné lieu à une modélisation.
Cette dernière expose les perspectives argumentatives et les stratégies dans l’épreuve mises en œuvre par diverses parties prenantes pour faire valoir leurs conceptions. Elle montre qu’elles sont sous-tendues par des logiques que j’ai rattachées à des esprits successifs du régime français des savoirs. Par la suite, en passant de la modélisation à une théorisation transposable à d’autres terrains de recherche, je montre comment, derrière les discours sur l’open, la distinction entre deux logiques (technoindustrielle ou processuelle) peut être pertinente pour analyser les reconfigurations actuelles d’autres agencements sociétaux. Les stratégies dans l’épreuve employées lors de la consultation illustrent dans ce sens la coexistence de deux conceptions « numériques » de la démocratie (représentative étendue ou contributive), présentes dans le design même de la plateforme consultative.
Dans la dernière partie, je propose d’expliquer les dynamiques de reconfiguration d’un esprit et d’un agencement sociétal dans une interprétation énactive en considérant les couplages permanents entre cognition, actions médiées par les technologies et environnement sociotechnique. L’expérience même du doctorat narrée tout au long de ce récit constitue aussi l’exemple d’un processus d’énaction sur mes propres conceptions de l’open. En ce sens, elle ouvre une piste de réflexion sur la nature située et incarnée de toute production de savoirs, qui n'échappe pas aux limites tout autant qu’aux potentialités de la métacognition.
Mots clefs : open, numérique, régime des savoirs, démocratie, équipement des débats, dispositifs numériques, énaction
ABSTRACT
THE FRENCH REGIME OF KNOWLEDGES AND ITS DYNAMICS: OPEN IN SCIENCES AND DIGITAL TECHNOLOGIES IN DEBATE.
THE CASE STUDY OF THE FRENCH BILL FOR A “DIGITAL REPUBLIC” (2015)
This research investigates the worlds of contemporary French knowledge production in order to understand the different meanings of the term ‘open’ in sciences. Specific attention has been drawn to the qualifying adjective ‘open’
in relation to the French translations (ouvert, libre gratuit) as well as associated terms (science, data, access) with this formula. This inquiry began in 2013 and focused mainly on a specific event, the consultation on the bill for a “Digital Republic” (September-October 2015), in particular Article 9 on "open access to scientific publications in public research". This online consultation has allowed for a national and public scope to the issue of access to knowledges.
As an “equipped” reality test via a participative website, arose the opportunity to observe almost "live" the defense of different conceptions of "what should be" the contemporary regime of knowledges in France.
Through a grounded theory approach around this particular crystallisation moment of the debates on open in sciences has led me to gradually constitute a corpus of documents, reflecting the deployment of the exchanges on different digital spaces/apparatus (consultation website, scientific blogs, academic notebooks, mainstream press, etc.). Within an iterative research process, I combined digital methods (digital mapping of the similarity of votes) and qualitative analysis of the corpus, as well as the theoretical concepts mobilized at the crossroads between information and communication sciences and “pragmatic sociology of critique”.
This enabled the development of a model which shows that the argumentative perspectives and the strategies in the test implemented by various stakeholders to promote their own conceptions are underpinned by logics, which I have attached to “spirits” of the French regime of knowledges. Subsequently, by switching from modeling to transposable theorization into other fields of research, I show how the distinction between two logics (technoindustrial or processual), behind the discourses on open, can be relevant to analyze the current reconfigurations of other “societal arrangements”. The consultation by itself illustrates this point with the coexistence of two "digital" conceptions of democracy (extended representative or contributive), embodied in the design of the consultative platform.
In the last part, I propose to explain the dynamics between the reconfiguration of a spirit and its social arrangement, by considering the permanent coupling between cognition, technologically mediated actions and socio-technical environment. Finally, the PhD experience narrated throughout this inquiry is also an example of an enaction process on my own conceptions of open. In this sense, it opens further reflections on the situated and incarnated nature of any production of knowledges, which escapes neither the limits nor the potentialities of metacognition.
Keywords: open, regime of knowledges, democracy, debate, digital technologies, enaction
Troublé par les mots, vous tombez dans le gouffre.
En désaccord avec les mots, vous arrivez à l'impasse du doute.
Samadhi du miroir du Trésor de Maître Tozan
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS 3
RÉSUMÉ 5
ABSTRACT 6
SOMMAIRE 9
PROLOGUE 11
INTRODUCTION GÉNÉRALE 13
PREMIÈRE PARTIE -
L’OPEN…ET SES TRADUCTIONS : UNE FORMULE RÉVÉLATRICE D’ENJEUX CONTEMPORAINS
Introduction - L’open une formule 31
Chapitre 1 – Open : les différentes facettes du ‘numérique’ 35
Chapitre 2 – Dans le domaine scientifique : un régime des savoirs en action ? 57
DEUXIÈME PARTIE –ITINÉRAIRE DENQUÊTE : CONSIDÉRATIONS THÉORIQUES ET MÉTHODOLOGIQUES
Introduction - Doctorat et construction d’une posture de recherche 81
Chapitre 3 – Sensibilité théorique et choix de quelques concepts-clefs 89 Chapitre 4 – La consultation république numérique : épreuve de réalité « équipée » 119
INTRODUCTION PRÉALABLE AUX CHAPITRES D’ANALYSE - Troisième et quatrième partie157
TROISIÈME PARTIE –
CONCEPTIONS « PRÉ-NUMÉRIQUES » : UNE ADAPTATION À L’OPEN CONTROVERSÉE Chapitre 5 – Science et lettres rétablies : la défense d’esprits du régime des savoirs passés 171 Chapitre 6 – Science en transition : l’adaptation d’un régime technoindustriel-marchand controversée 189
QUATRIÈME PARTIE –
CONCEPTIONS « NUMÉRIQUES » : LES DEUX FACETTES DE L’OPEN
Chapitre 7 – Science réappropriée : la défense d’un régime civique-technoindustriel des savoirs 213 Chapitre 8 – Libre diffusion et régime processuel des savoirs : de la défense des sciences communes à l’effleurement
des enjeux computationnels marchands 247
CINQUIÈME PARTIE –
D’UNE MODÉLISATION À UNE THÉORISATION : PISTES DE RÉFLEXION OUVERTES Introduction – Modélisation et ouverture à d’autres agencements sociétaux 289 Chapitre 9 – Les stratégies dans l’épreuve : un reflet des logiques mobilisées et des modèles démocratiques 295 Chapitre 10 – Dynamiques de reconfiguration : des esprits aux agencements sociétaux en~action 317
CONCLUSION GÉNÉRALE - Cinq années écoulées : un esprit de l’open à la dérive ?