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Médecine et élevage de précision : surveillance et détection précoce individualisée en élevage

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Médecine et élevage de précision : surveillance et détection précoce individualisée en élevage

Sébastien Assie, Anne Relun, Raphaël Guatteo

To cite this version:

Sébastien Assie, Anne Relun, Raphaël Guatteo. Médecine et élevage de précision : surveillance et détection précoce individualisée en élevage. Innovations Agronomiques, INRAE, 2018, 66, pp.43-51.

�10.15454/1.5408051526655645E12�. �hal-02622987�

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Médecine et élevage de précision : surveillance et détection précoce individualisée en élevage

Assie S.

1

, Relun A.

1

, Guatteo R.

1

1

BIOEPAR, INRA, Oniris, Université Bretagne Loire, F-44307 Nantes Correspondance : sebastien.assie@oniris-nantes.fr

Résumé

L’élevage de précision s’appuie sur un grand nombre de données, souvent individualisées, générées par des outils de monitoring, avec pour objectif principal de préserver les performances techniques et économiques des élevages mais aussi souvent d’améliorer le bien-être des animaux, d’adapter l’alimentation et de réduire l’impact environnemental. Le développement d’une médecine vétérinaire de précision – ou personnalisée –, s’appuyant sur les outils de l’élevage de précision pourrait permettre le recours à des thérapeutiques personnalisées évitant les traitements collectifs diminuant ainsi l’usage d’antibiotiques. La masse de données générées pourrait aussi servir d’autres applications : surveillance syndromique ou phénotypage haut débit.

Mots-clés : Bovin, Elevage de précision, Médecine vétérinaire de précision

Abstract : Veterinary precision medicine and precision livestock farming: monitoring and individual early detection of diseases

Precision livestock farming leans on a large number of individualized data generated by monitoring systems. Objectives of precision livestock farming is mainly to maintain technical and economic performances but also to improve animal welfare, to adjust livestock feeding and to reduce environmental impact. The development of a veterinary precision medicine –or veterinary personalized medicine- based on tools used for precision livestock farming could allow personalized treatments and avoid mass medication. The mass of generated data could also serve other applications, for instance, syndromic surveillance and high resolution phenotyping.

Keywords : Cattle, Precision livestock farming, Veterinary precision medicine.

Introduction

L’élevage français en 2018 doit être multi-performant pour relever de nombreux défis : produire des denrées saines au coût le plus bas, respecter la santé et le bien-être des animaux, préserver l’environnement et tout cela selon des modalités acceptées par la société. Face à ce défi de la multi- performance, une réponse possible est l’élevage de précision. Le développement, depuis quelques années, de nouvelles technologies dans les domaines de la microélectronique, de l’informatique, des télécommunications et des nanotechnologies a rendu possible l’émergence de l’élevage de précision.

Dans ce mode d’élevage, les éleveurs mettent en place un pilotage fin de leur élevage en étant capable

d’adapter au plus juste leur conduite d’élevage pour atteindre les performances visées en se basant de

plus en plus sur des outils de monitoring.

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La maîtrise de l’état sanitaire des animaux, la prévention des maladies ou le cas échéant la prise en charge efficace des cas cliniques, est une composante essentielle du respect de la santé et du bien- être des animaux. Les éleveurs utilisent des antibiotiques pour réduire les dommages causés par les maladies infectieuses, dommages qui diminuent la rentabilité économique de la production et impactent le bien-être animal. L’usage des antibiotiques en médecine vétérinaire peut conduire à la sélection de bactéries résistantes, potentiellement transmissibles à l’homme (Angulo et al., 2004 ; Bywater, 2004).

La réduction du risque d’émergence de souches bactériennes résistantes peut être envisagée à l’échelle individuelle en mobilisant trois principaux leviers : (i) la réduction du nombre total d’animaux traités, (ii) la réduction de l’impact des antibiotiques sur les flores commensales digestives, (iii) la réduction des doses administrées par animal traité. Nous avons étudié ce dernier levier en se demandant si en utilisant les outils de l’élevage de précision, il est possible de définir des situations (correspondant à des détections très précoces de cas de maladies respiratoires des jeunes bovins) pour lesquelles l’optimisation des posologies des antibiotiques peut conduire à une diminution des doses et permet de diminuer ainsi la pression de sélection sur les flores commensales, tout en respectant la contrainte de maintien de l’efficacité thérapeutique. Une telle approche est une forme de médecine vétérinaire de précision.

Nous allons tout d’abord définir l’élevage de précision et l’apport de ses outils pour la détection des troubles de santé. Ensuite, au travers de l’exemple des recherches que nous avons entrepris sur la détection précoce des maladies respiratoires des jeunes bovins et l’administration de doses d’antibiotiques adaptées à cette précocité de détection discuter par l’exemple de l’émergence possible d’une médecine de précision qui pourrait permettre par une plus grande individualisation des traitements de diminuer l’usage d’antibiotiques.

1. Elevage de précision et surveillance en élevage 1.1 Définition et principe de l’élevage de précision

Lorsqu’un éleveur utilise de manière coordonnée des outils de monitoring innovants (capteurs ou objets connectés embarqués ou fixes, automates robotisés…) pour préserver les performances techniques et économiques de son élevage, il fait de l’élevage de précision. L’utilisation d’outils de monitoring innovant peut en outre permettre notamment d’améliorer le bien-être des animaux, d’adapter l’alimentation à leur besoin et de réduire l’impact environnemental de l’élevage. Une définition relativement consensuelle aux différentes filières animales a été proposée par Hostiou et al. (2014) :

« l’élevage de précision, c’est l’utilisation coordonnée (i) de capteurs pour mesurer des paramètres comportementaux, physiologiques ou de production sur les animaux, (ii) de Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) pour échanger, stocker, transformer et restituer ces informations à l’éleveur pour l’aider dans sa prise de décision en complément de ses observations ».

L’utilisation d’automates, équipés de capteurs et de technologies de transfert d’informations, permettant de décharger l’éleveur de certaines tâches lourdes et répétitives (traite, alimentation, régulation de l’ambiance des bâtiments) peut également être associée à l’élevage de précision (Allain et al., 2014).

L’obtention de données individualisées en grand nombre, pour chaque animal équipé d’outils de monitoring et à des intervalles de temps qui peuvent être très courts, est une des grandes avancées de l’élevage de précision. Le pilotage en continu de l’élevage est ainsi possible (Aerts et al., 2003 ; Berckmans, 2004 ; Whates, 2007). La quantité de données disponibles explose grâce à l’élevage de précision. A titre d’exemple, un bovin équipé d’un bolus intra-ruminal de prise de température fournira automatiquement (sans effort pour l’éleveur) une valeur de température ruminale toutes les 5 minutes.

Un éleveur qui voudrait suivre la température de ses animaux, au prix d’efforts importants, ne

parviendra à mesurer une température par animal que une à deux fois par jour et encore, s’il n’a pas

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trop d’animaux à surveiller... Ces données vont devoir être traitées, synthétisées pour que les décideurs, l’éleveur ou ses conseillers, puissent les intégrer dans leur prise de décision.

Une autre conséquence de l’élevage de précision est qu’il donne accès à de nouveaux paramètres (fréquence ruminale, durées d’ingestion alimentaire, activité de l’animal…) qui étaient jusque-là impossibles à mesurer en conditions réelles d’élevage. Il faut donc apprendre à utiliser, valoriser ces nouveaux paramètres pour piloter par exemple l’alimentation, la reproduction, la santé ou le bien-être des animaux. Depuis le milieu des années 2000, de nombreux capteurs ont été développés et déployés dans les élevages. Il s’agit principalement soit de capteurs embarqués sur les animaux afin d’assister les éleveurs pour la détection des chaleurs et des vêlages, soit de capteurs fixes sur les robots de traite afin de détecter les infections intra-mammaires (Rutten et al., 2013). Ces capteurs, enregistrent en continu des grandeurs physiques (accélérations, sons, température, conductivité électrique) ou chimiques (pH) qui permettront d’obtenir des indicateurs ou « alertes » relatives par exemple au comportement alimentaire (durée d’ingestion), à la reproduction (alerte de chaleurs, imminence du vêlage) ou à la santé (alerte mammite). Des exemples de paramètres qui peuvent être suivis aujourd’hui chez les bovins et leur utilisation potentielle (en reproduction, santé, alimentation) sont présentés dans la Figure 1.

Figure 1 : Principales mesures pouvant être effectuées sur les vaches laitières : localisation des capteurs associés et domaines d’utilisation (Allain et al., 2014 ).

A partir des paramètres mesurés par les capteurs, les outils de monitoring extraient des indicateurs ou des alertes à l’aide d’algorithmes. Les données enregistrées par les capteurs sont soumises à des algorithmes qui permettent de détecter des événements anormaux en comparant les valeurs mesurées à celles, théoriques, produites par des modèles prédictifs. Ces modèles prédictifs estiment les valeurs normalement attendus des différents paramètres en prenant en compte les conditions environnementales et d’élevage.

Une fois extraits, ces indicateurs et alertes permettent la prise de décision et le pilotage du troupeau.

Cette prise de décision peut-être automatisée lorsqu’un modèle d’aide à la décision est intégré par le

constructeur à l’outil de monitoring. C’est le cas par exemple pour le système Herd Navigator® (Lattec),

qui prend en compte des facteurs comme la parité de la vache, son stade de lactation, ou son niveau

de production en complément de l’alerte issue du dosage de progestérone. L’éleveur reçoit alors

directement le conseil d’inséminer ou de ne pas inséminer son animal. Cependant, le plus souvent,

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l’éleveur (ou ses conseillers) doivent agréger eux-mêmes les indicateurs et alertes issus des outils de monitoring avec d’autres informations (observation des animaux, informations technico-économiques) pour prendre une décision (par exemple : modifier la ration, mettre un animal à la reproduction…). Le côté positif de cette démarche est qu’elle limite le risque de perte d’autonomie décisionnelle de l’éleveur et ne rompt pas totalement le lien entre l’Homme et l’animal. L’éleveur ne se retranche pas derrière sa

« machine », mais continue à examiner ses animaux et entretien un lien avec eux. Le point négatif est que les connaissances scientifiques sur l’agrégation d’informations issues des capteurs avec d’autres informations (économiques, historiques, techniques) provenant de l’élevage, dans des modèles prédictifs, pour permettre une prise de décision pertinente sont très limitées voire inexistantes.

1.2 Elevage de précision et surveillance des troubles de la santé

Il ressort de l’analyse des outils de monitoring existants que, mis à part les systèmes de détection des mammites (en système robot), la quasi-totalité des mesures pouvant avoir un rôle dans le monitoring de la santé et de ses troubles ont été développées initialement pour une autre utilisation. Les dispositifs de mesure de température avaient pour objectifs initiaux plutôt de détecter les vêlages et les chaleurs, de même que les accéléromètres ou pédomètres. Les mesures fines de la composition du lait avaient plutôt pour objectif d’ajuster le pilotage du troupeau (alimentation notamment) plutôt que de détecter sensu stricto les maladies ou déviations métaboliques. De même, le suivi continu de l’ingestion ou des durées de rumination visaient à détecter les chaleurs. Ces dispositifs donnent de façon indirecte des informations sur la santé de l’animal.

Une autre difficulté à utiliser les informations issues de ces outils de monitoring réside dans le fait que si certaines modifications telles que celle de la conductivité du lait se rapportent spécifiquement à la détection d’une seule maladie (mammite en l’occurrence), de nombreux autres signaux (rumination, température, fréquentation du robot) sont non spécifiques d’un trouble de santé particulier. A titre d’exemple tout animal ayant une infection peut avoir une hyperthermie. Si on utilise, un thermobolus pour détecter une maladie particulière, il ne faut pas perdre de vue que lorsqu’une alerte est émise pour un animal équipé, rien ne prouve qu’il ait effectivement cette maladie. Tout dépend du contexte d’élevage. Ainsi, les résultats obtenus dans une étude (Timsit et al., 2011a) menée en élevage de jeunes bovins a abouti à des valeurs prédictives positives plutôt élevées (73%). Ce résultat est plutôt attendu car en systèmes jeunes bovins, les maladies respiratoires sont fréquentes (prévalence élevée favorable à une bonne valeur prédictive positive) et une hyperthermie intense et durable a de grande chance d’être attribuable à des troubles respiratoires. Dans cette étude, la spécificité n’est pas étudiée.

En effet, non seulement fréquentes, les maladies respiratoires sont les seules causes non rares d’hyperthermie chez des jeunes bovins en début d’engraissement ; étudier la spécificité n’a alors que peu de sens. A l’inverse, une étude menée en vaches laitières avec un bolus du même fabricant (mais avec des algorithmes de détection sans doute différents) abouti à une valeur prédictive positive située entre 24 et 50% selon la prévalence des troubles de santé (Clément, 2014). Là encore, le résultat est attendu car la prévalence des maladies est faible en troupeaux bovins laitiers (favorable à une bonne valeur prédictive négative mais défavorable à une bonne valeur prédictive positive) et lorsqu’une une vache laitière déclenche une hyperthermie, l’éventail des troubles de santé associés potentiels est large et certains troubles peuvent être difficiles à diagnostiquer aboutissant à considérer certains signaux comme de faux positifs.

Dans le futur, il conviendrait ainsi de développer des outils de monitoring dédiés uniquement à l’évaluation de la santé. De tels outils de monitoring devraient à coup sûr mesurer plusieurs paramètres.

En effet, la très grande majorité des troubles de santé se reconnait (se diagnostique en terme de

présence / absence mais aussi de bénignité / gravité), d’un point de vue clinique, en analysant la

présence et l’intensité de plusieurs symptômes généraux et plusieurs symptômes locaux (spécifiques

d’un organe ou d’un système). Ainsi, pour qu’un outil de monitoring ne donne plus simplement des

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alertes de santé mais soit apte à poser un véritable diagnostic il faudrait qu’il mesure et analyse plusieurs paramètres. Un outil ou une combinaison d’outils permettant de mesurer la température de l’animal, son alimentation, la fréquence et l’amplitude des mouvements de la cage thoracique, la force et la fréquence de la toux, serait par exemple très spécifique pour détecter des bronchopneumonies des bovins. Combiner les outils de monitoring ou les capteurs est une solution simple (mais pour l’instant onéreuse) pour détecter spécifiquement une maladie donnée.

Quoi qu’il en soit, conscients des potentialités des paramètres mesurés (température, rumination, …) les fabricants des outils de monitoring actuellement disponibles sur le marché ont développé des algorithmes, spécifiques pour la détection de troubles de santé. Toutefois, pour nombre de ces outils, si les performances vis-à-vis de l’utilisation initiale (détection des chaleurs par exemple) sont bien connues et souvent au moins égales voire supérieures à l’observation par l’éleveur, ces mêmes performances pour la détection en sus des troubles de santé ne sont pas toujours connues. Il s’agit plutôt d’une optimisation de l’utilisation de capteurs déjà acquis par les éleveurs, que d’une application en santé réellement évaluée. En d’autre termes : « la santé c’est un plus ». Les performances de nombreux outils de monitoring sont inconnues. Lorsqu’elles sont connues, une grande variabilité existe pour les valeurs de sensibilité ou spécificité obtenues. Cela tient notamment aux conditions d’expérimentations et notamment le système d’élevage, la fréquence et l’intensité des maladies mesurées dans les troupeaux étudiés d’une part et à la méthode de référence utilisée d’autre part. Ainsi pour évaluer les performances des premiers outils pour la détection des chaleurs, on comparait l’outil et la détection réalisée par l’éleveur par rapport à la mesure du taux de progestérone. Les conclusions sont ainsi robustes et rapportaient que les outils avaient des performances au moins égales mais souvent supérieures à la détection éleveur.

Enfin, plusieurs des mesures/capteurs décrites dans la Figure 1 sont à l’heure actuelle, en tout cas pour leur volet santé, plutôt utilisés dans des contextes de recherches qu’avec une réelle application terrain (le prix élevé des thermobolus intra-ruminaux par exemple limite leur utilisation hors contexte de recherches).

2. Elevage et médecine de précision

2.1 Définition de la médecine de précision

En médecine humaine, la médecine de précision se définit comme une forme de médecine construite sur les informations relatives aux gènes ou aux protéines du patient, ou encore à son environnement afin d’être plus prédictive en identifiant les prédispositions, d’affiner les diagnostics et d’accroître les chances de guérison du patient, en augmentant par exemple l’efficacité des traitements (Feero et Guttmacher, 2014 ; Peer, 2014). La médecine de précision est parfois aussi appelée médecine personnalisée. Le traitement proposé au patient est personnalisé, adapté à ses caractéristiques et à celles de sa maladie.

Un concept assez proche existe au sein du monde agricole. L’agriculture de précision est un concept apparu à la fin du XXème siècle, qui consiste à optimiser les rendements des parcelles par rapport aux investissements et aux impacts environnementaux des pratiques (McBratney et al., 2005). L’agriculture de précision s’intéresse à la variabilité du milieu à travers des technologies numériques (cartographie satellite, systèmes d’alarmes climatiques et épidémiques, capteurs, …), afin de fournir aux agriculteurs des outils d’aides aux décisions. Ces outils permettent par exemple d’ajuster les quantités d’engrais ou de produits phytosanitaires nécessaires aux besoins des cultures à des échelles infra-parcellaires.

La médecine vétérinaire est l’art de prévenir les maladies et de soigner les animaux, de conserver ou de

rétablir leur santé. Selon l’OMS, la santé humaine est un état de complet bien-être physique, mental et

social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité. En médecine

vétérinaire, si la santé animale s’entend avant tout comme l’absence de maladie elle est aussi

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indissociable de la notion de bien-être animal, les animaux ayant des capacités à ressentir des émotions, ayant des besoins et pouvant accéder à un certain degré de conscience. En faisant un parallèle avec la médecine de précision, la médecine vétérinaire de précision est donc l’art de prévenir et de soigner les animaux, de manière plus prédictive et plus personnalisée en se basant sur des informations précises (gènes, environnement…). L’élevage de précision, appliqué au domaine de la santé et du bien-être des animaux, est une part de la médecine vétérinaire de précision. Les outils de monitoring issus de l’élevage de précision ne doivent cependant être perçus que comme un des éléments de la solution permettant de faire de la médecine vétérinaire de précision. Ils apportent des données individuelles sur certains paramètres physiologiques ou de production des animaux mais pour atteindre une précision suffisante permettant d’adapter finement des traitements il faudra disposer d’un certain nombre de connaissances sur le génome des animaux et leur capacité de réponse à un traitement donné, et sur les pathobiomes.

La médecine vétérinaire de précision peut permettre, en médecine bovine notamment, en s’appuyant sur des informations individuelles, une approche thérapeutique centrée sur l’individu.

Traditionnellement, face à la difficulté de récolter des informations pour chaque individu, le diagnostic et la thérapeutique ciblent plus les lots d’animaux que les individus et se focalisent sur les risques auxquels les animaux sont soumis collectivement. C’est une des raisons de la mise en place de traitements collectifs. En se recentrant sur l’animal, la médecine vétérinaire de précision constitue un changement de paradigme. Elle est une voie possible pour supprimer/ diminuer les traitements antibiotiques de masse (i) réalisés avant tout cas de maladie mais parce que les animaux sont soumis à un risque très fort (antibioprévention) ou (ii) lorsque la maladie devient trop prévalente dans un lot d’animaux pour éviter de nouveaux cas supplémentaires (métaphylaxie). Les traitements pourraient être adaptés, les doses d’antibiotiques ajustées, à chaque animal.

2.2 Médecine vétérinaire de précision en élevage bovin : preuve de concept

« détection précoce- traitement adapté »

Les travaux présentés dans ce chapitre ont été développés dans le cadre d’un partenariat public-privé entre le laboratoire Vetoquinol et plusieurs unités mixtes de recherche de l’INRA : l’UMR Oniris-INRA 1300 «Biologie Epidémiologie et Analyse Risque en santé animale» (BioEpAR), l’UMR ENVT-INRA 1331 Toxalim, l’UMR ENVT-INRA 1225 « Interactions Hôtes-Agents Pathogènes » (IHAP), ainsi que l’UMR 1302 INRA-Agrocampus Ouest « Structures et Marchés Agricoles, Ressources et Territoires » (SMART). Dans ces travaux, nous avons illustré par l’exemple de la détection précoce des bronchopneumonies infectieuses bovines (BPI) et d’un traitement avec une dose réduite de marbofloxacine, une voie possible de réduction de l’usage des antibiotiques en médecine vétérinaire.

Adapter les doses d’antibiotiques, nécessite de déployer une médecine vétérinaire de précision, associant outils de diagnostic, de monitoring des animaux, et protocoles médicamenteux ajustés.

Nous avons réalisé des études de laboratoire, précédant une étude en conditions de terrain, qui visaient à confirmer chez les bovins les données scientifiques issues de la littérature disponible en antibiothérapie humaine et vétérinaire, qui indiquent que les antibiotiques de la famille des fluoroquinolones ont une activité augmentée en présence d’inocula bactériens de petites tailles (Lhermie et al., 2015). Ce phénomène a comme corollaire que les doses d’antibiotiques efficaces sont plus faibles lorsque la charge bactérienne d’un individu infecté est faible, par rapport aux doses efficaces lorsque cette même charge bactérienne est plus importante.

Les études de laboratoire ont permis de valider notre hypothèse de réduction de la dose de

marbofloxacine efficace face à un inoculum bactérien de petite taille. La dose de marbofloxacine utilisée

lors de l’évaluation en conditions de terrain a été fixée par une analyse in vitro, et l’activité sur deux

modèles animaux de pneumonie, chez la souris et dans l’espèce cible avec un pathogène couramment

isolé comme agent de BPI (Mannheimia haemolytica) (Lhermie et al., 2016). L’efficacité d’une dose

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réduite de marbofloxacine administrée en début d’infection bactérienne sur les guérisons clinique, bactériologique et sur l’intensité des lésions pulmonaires a ainsi été vérifiée expérimentalement. L’étude de terrain conduite sur des jeunes bovins à l’engraissement a permis de confirmer la faisabilité de la mise en place d’un protocole thérapeutique associant une détection précoce des maladies respiratoires (en mesurant en continu la température ruminale des animaux) et un traitement avec une dose réduite d’antibiotique (Lhermie et al., 2017). La consommation de marbofloxacine et le nombre de rechutes n’étaient pas significativement différents entre ce groupe et le groupe des jeunes bovins détectés plus tardivement par inspection et recevant une dose standard de marbofloxacine. L’effet positif de la réduction de dose était contrebalancé par un nombre de cas détectés plus élevés dans le groupe détection précoce.

Nos résultats suggèrent que le monitoring en continu de la température des jeunes bovins, comme proxy d’une détection précoce des animaux malades n’est pas suffisant pour recommander le traitement avec une dose d’antibiotique adaptée à une détection précoce avec un antibiotique à action courte comme la marbofloxacine (Lhermie et al., 2017).

Le transfert sur le terrain du concept «détection précoce / traitement antibiotique adapté au stade de l’infection » reste complexe et semble dépendre à la fois de la pharmacodynamie (effet inoculum) et de la pharmacocinétique (durée d’action) de l’antibiotique considéré. De manière plus importante, ce transfert dépend surtout de la mise en œuvre d’outils de diagnostic précoce et précis et la recherche de tels outils devraient être encouragée. Le développement de biomarqueurs spécifiques corrélés avec la charge bactérienne, de tests de mise en évidence d’agents pathogènes au chevet de l’animal, sont aussi indispensables pour encourager le développement d’une thérapeutique vétérinaire de précision recourant à des doses optimisées d’antibiotiques.

Le protocole de détection implémenté dans notre étude terrain menée sur les jeunes bovins se situe à la frontière des concepts d’élevage de précision et de médecine de précision. Le recours à un outil de monitoring individuel d’une variable biologique associée à l’état de santé des animaux a permis d’optimiser les quantités d’antibiotiques utilisées par rapport à un objectif de préservation de l’efficacité des antibiotiques. En effet, la mise en place de la thérapeutique a été basée sur l’analyse de la température ruminale en continu ; elle s’est donc affranchie de l’imprécision de mesure inhérente à la subjectivité des observations qui auraient pu être faites par l’éleveur. Toutefois, les valeurs prédictives positive et négative du critère de décision restent à déterminer. Nos résultats, bien que produits avec des effectifs réduits et dans un système spécifique, présentent un caractère innovant, et devraient ouvrir la voie à de futures recherches dans ce domaine.

2.3 Autres perspectives

L’utilisation des outils de monitoring issus de l’élevage de précision ne permettra pas simplement la mise en place de traitements innovants. Il ouvre aussi d’autres perspectives en santé animale.

2.3.1 Meilleure compréhension des phénomènes pathologiques

Une première perspective de l’élevage et de la médecine de précision relève de la meilleure

compréhension des phénomènes pathologiques eux-mêmes. A titre d’exemple, une étude menée sur

des jeunes bovins (Timsit et al., 2011b) rapporte des performances de croissance altérées chez des

animaux ayant « seulement » eu des épisodes d’hyperthermies sans traitement mis en place par

l’éleveur en comparaison aux animaux sans hyperthermies. Les performances des animaux avec

hyperthermies et traitement étaient encore plus faibles. Les outils de monitoring donnent désormais

accès à des grandeurs autrefois non mesurables, en tout cas en continu. Les données ainsi générées

pourraient permettre de (i) revisiter l’étendue et la signification pathologique des valeurs de référence

(température, rumination) et (ii) de mieux décrire le continuum des phénomènes pathologiques

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notamment pour mieux comprendre ou définir le moment optimal de mise en place des traitements afin d’éviter l’usage trop important d’intrants tout en optimisant la santé des animaux.

2.3.2 Surveillance syndromique

Une autre perspective concerne la surveillance syndromique qui vise à détecter de manière précoce un large spectre de maladies, à partir de signes non spécifiques d’altération de la santé comme des baisses de production laitière (Madouasse et al., 2014) ou des valeurs anormales d’indicateurs liés aux performances de reproduction (Marceau et al., 2014) par exemple. Les données issues des systèmes de monitoring pourraient être utilisées pour de la surveillance syndromique. Des indicateurs liés à la santé (nombre d’alertes de santé par zone géographique par exemple) pourraient être modélisés et les déviations de performance détectées précocement. L’avantage d’utiliser ces données est que la collecte des données est faite en continu sur les animaux. Une limitation pourrait être, pour certains systèmes de monitoring, le faible pourcentage d’élevages équipés pour le moment, ce qui peut aboutir à une couverture incomplète de certaines régions géographiques. Une utilisation à grande échelle nécessiterait également que les données issues de différents systèmes de monitoring de la production laitière par exemple, soient compatibles en termes de formats notamment.

2.3.3 Phénotypage haut-débit

Enfin, la dernière perspective concerne la notion de phénotypage à haut débit, à savoir l’utilisation des mesures faites en continu par des capteurs sur les animaux pour la mesure de phénotypes d’intérêt (Phocas et al., 2014). A notre connaissance très peu d’applications pratiques de cette notion ont abouti pour le moment, encore plus en santé. Néanmoins, à l’avenir, l’identification d’individus aux trajectoires sanitaires contrastées et pourtant soumis aux mêmes facteurs de risques pourrait permettre de produire des données utiles à l’identification d’individus plus robustes ou résilients.

Conclusion

L’élevage de précision émerge depuis quelques années en France. Le grand nombre de données générées par les capteurs utilisés permet un pilotage fin des troupeaux qui peut être un des éléments de réponse à la nécessaire multi-performance des élevages.

Le développement d’une médecine vétérinaire de précision – ou personnalisée –, s’appuyant sur les outils de l’élevage de précision pourrait permettre le recours à des thérapeutiques personnalisées évitant les traitements de masse. La masse de données générées pourrait servir d’autres applications : surveillance syndromique ou phénotypage haut débit.

Pour que des applications puissent être réellement démocratisées dans les élevages français, les coûts des équipements devront certainement encore diminuer et surtout des études scientifiques pour valoriser les données obtenues et aider à la prise de décision devront être menées.

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