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Commentaire théorique et pratique de la loi du 27 juillet 1884 sur le divorce · BabordNum

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(1)

COMMENTAIRE y M)

THÉORIQUE ET PRATIQUE

DE LA LOI DU 27

JUILLET 1884

SUR

LE DIVORCE

TAU

G. BAUORY-LACAflTINERIE

VBOFEiSEUR BE COBE CIVlE A LA FACULTE BE BROIT BE BOB BEAUX

PARIS

L. LA ROSE ET FORCEL

Libraires-Editeui'ri

.

22,

RUE SOUFFLOX.

22

1885

iTERlE

Ails !

,ice,BORDEAUX

(2)
(3)

COMMENTAIRE

THÉORIQUE ET PRATIQUE

DE LA LOI DU 21 JUILLET 1884

SUR LE DIVORCE

(4)
(5)

COMMENTAIRE

THÉORIQUE ET PRATIQUE

DE LA LOI DU 27 JUILLET 1884

SUR

LE DIVORCE

PAR

G. BAUDRY-LACANTINERIE

PROFESSEUR DE CODE CIVIL A LA FACULTÉ DE DROIT DE BORDEAUX

PARIS

L. LAROSE ET FORGEL

Libraires-Éditeurs

22,

RUE SOUFFLOT, 22

1885

(6)

AVERTISSEMENT

L'auteur deceCommentairea continué à suivre la méthode par

lui adoptée dans le Précis de droit civil dont il vient d'achever

la

publication. La partie de l'ouvrage contenant

les

principes et les notions essentielles est imprimée

en gros caractères. Le

surplus de l'ouvrage, imprimé én caractères plus fins, contient les notions historiques d'ordre secondaire,

les

questions de détail et les questions controversées.

(7)

COMMENTAIRE

THÉORIQUE ET PRATIQUE

DE LA LOI DU 27 JUILLET 1884

SUR LE DIVORCE

PROLÉGOMÈNES

§ I. Définitions du divorce et de la séparation de

corps.

Différences qui les séparent.

1. Définitions. Le divorce est la

rupture légale d'un mariage, prononcée

par

l'officier de l'état civil

en

exécution

d'une décision

judiciaire qui admet le divorce.

La

séparation de

corps

est l'état de deux époux dispensés

par

la jus¬

tice de

l'obligation de vivre ensemble

que

le mariage leur imposait.

2. Différences entre le divorceet la séparation de corps.

Les définitions

qui précèdent laissent

voir que

le divorce dissout le mariage, tandis

que

la séparation de

corps

le laisse subsister,

et en relâche seulement le lien en

dispensant les époux de l'une des obligations qu'il impose, celle de la vie

en commun, consacréepar l'art. 214 du code civil.

Cette différence fondamentale en

engendre plusieurs autres. Nous

allons

indiquer les principales.

1° Le divorce est

prononcé

par

l'officier de l'état civil

: le lien du

mariage devait être

rompu

de la même manière qu'il

a

été noué. Au

contraire la

séparation de

corps

est prononcée

par

le juge.

L'incapacité dont la femme

est

frappée

en sa

qualité d'épouse

survità la

séparation de

corps ; une

autorisation lui

sera donc encore nécessaire pour

accomplir les divers actes de la vie civile,

à

l'exception

(8)

2

de ceux

relatifs

à

l'administration de

son

patrimoine

;

cette auto¬

risation

doit, conformément

aux

règles du droit commun, être deman¬

dée au mari

d'abord, et,

sur son

refus, à la justice. Au contraire, au point de

vue

de la capacité, la femme divorcée est assimilée à la

veuve;

le principe de l'autorisation maritale ne reçoit donc plus son

application.

3° Les enfants que

met

au

monde

une

femme séparée de corps,

naissentsousla

protection de la règle Pater is est quem nuptiœ demons-

trant,

sauf désaveu de la part du mari conformément à l'art. 313,

al. 2. Au

contraire, les enfants qui naissent d'une femme divorcée,

sont

étrangers à

son

ancien mari,

au

moins lorsque leur conception

se

reporte à

une

époque postérieure à la prononciation du divorce.

4° Le devoir de fidélité cesse ex

utroque latere, le divorce

une

fois

prononcé. Il survit

au

contraire à la séparation de corps, et reçoit

encoreune sanction

pénale, du moins quant à la femme (P. art. 337).

5° La

séparation de

corps

laisse subsister entre les époux le devoir

de secours,

qui

se

traduira pratiquement dans le droit pour l'époux

indigent de réclamer

une

pension alimentaire à son conjoint. Au con¬

traire, l'obligation alimentaire n'existe pas entre époux divorcés.

Cependant l'art. 301 apporte à cette règle une exception que nous

étudieronsen son

temps.

6° La

séparation de

corps

laisse subsister entre les époux le droit

de successibilité

réciproque établi

par

l'art. 767

;

ce droit cesse entre

époux divorcés.

D'après l'opinion générale, le divorce met fin à l'obligation ali¬

mentaire que

la loi établit entre chaque époux et les père et mère de

l'autre; la séparation de

corps

laisse subsister cette obligation.

8° Le divorce fait

subir

aux

époux certaines déchéances

que n'entraîne pas

la séparation de

corps,

notamment celle dont il est question dans l'art. 386.

9° Enfin, à

la différence des époux séparés de

corps,

les époux

divorcés

peuvent, chacun de

son

côté, contracter

un

nouveau mariage.

C'est surtoutcette

conséquence qui effraie les adversaires du divorce

; ils

l'accepteraient volontiers

sans

cela.

§ II. Historique.

3. I. Anciendroit. Notre ancien droit

n'admettait

pas

le divorce. Il

était

proscrit

par

la religion catholique, et l'on sait qu'à cette époque

les

prescriptions de la loi religieuse s'imposaient au législateur civil.

Mais aucune

religion n'a la puissance d'empêcher les mauvais ména¬

ges,

et,

comme

il fallait bien, à tout prix, offrir

un

remède

aux

époux

(9)

3

pour

lesquels la vie

commune était devenue

insupportable, la religion catholique tolérait,

et notre anciendroit

pratiquait la séparation d'ha¬

bitation

(séparation de

corps,

divortium

a toro et

mensa), qui détend

le lien du

mariage

sans

le

rompre.

4. II. Droit intermédiaire. Œuvre de réaction violente contre l'an¬

cien état de

choses, la

loi du 20

septembre 1792

admit le divorce et

proscrivit la séparation de

corps.

Partant de ceprincipe«qu'il fallait accorder laplus grande latitudeàla faculté duleconsentementdivorce, àcausedesde laépoux,natureetparce quedu contrat dela libertémariageindividuellequia pourne peutbase principalejamaisêtre aliénée d'une manièreindissoluble par aucune convention », le législateur de cette

époquemultiplia à l'infiniles causes de divorce. Il ne sebornapas à admettre le divorcepour causes déterminées (aliénation mentale de l'un des époux; condam¬

nation de l'un d'eux à des peines afflictives ou infamantes; crimes, sévices ou injuresabandon du mari pargraves del'un desla femmeépouxouenversde la femmel'autre;pardérèglementle mari pendant deuxnotoire des mœursans au; moins; absence de l'un desépoux sansnouvellespendantcinq ans au moins;émi¬

gration dans les casprévusparla loi),il admit en outre ledivorcepar le consente¬

ment mutuel des époux, etmême le divorce sur lademande de l'un d'euxpour incompatibilitéd'humeur.Les facilités déplorables que cette loi donnaitaudivorce, furentConventionencoreaugmentées par deux décrets des 8 nivôseet 14floréal an II,que la nationale dut abroger peu de temps aprèsles avoir édictés (15 thermi¬

dor an III), surun rapport de Mailhe, qui se terminaitpar ces mots : «Vous ne

sauriez arrêter troptôt le torrentd'immoralitéque roulent ces lois désastreuses ».

Sousl'empire de cet état dechoses, on vit le nombre desmariagesdiminuer pro¬

gressivement àmesure que celui des divorces augmentait. L'an VIeutà enregis¬

trer plus de divorces que demariages! L'unique bienfaitde cettelégislation a été d'apprendre aulégislateurdel'avenir que demauvaises lois portentnécessairement de mauvais fruits.

5. III. Code civil. Survint le code civil. On y

trouve,

au

sujet de

cette délicate

question du divorce, l'empreinte de l'esprit de

concilia¬

tion

qui est l'un des

traits

caractéristiques de

cette œuvre

immortelle.

Le

législateur de

1803 sut

adopter

un moyen

terme équitable

entre

lejigorisme oiiixajhe-aQtEe-miicien

droit,

qui,

sous

l'empire de préoc¬

cupations d'ordre

exclusivement

religieux, avait proscrit

le divorce d'une manière

absolue, n'offrant

aux

époux malheureux, quelles

que fussent leurs croyances

religieuses,

que

le

remède insuffisant de la

séparation de

corps,

et l'esprit de réaction violent^ passionné, qui

dominaitle

législateur de

la

période révolutionnaire,

et

qui le porta,

non seulement à admettre le

divorce,

à

le faciliter

même outre mesure, au

grand préjudice de la société, mais

encore,

chose

regret¬

table entre

toutes,

à

supprimer la séparation de

corps, ce

qui consti¬

tuait une mesure véritablement

tyrannique

à

l'endroit

des

époux catholiques, dont la

foi repousse

le divorce,,

et

qui

se

trouvaient

ainsi

l

sans remède contre les horreurs

d'uhNe

cohabitation devenue intolé-

\ rable.

(10)

4

"Voicien

quelques mots le système du code civil.

Il admetle

divorce, restreint dans de sages limites, et, parallèlement

àlui,

la séparation de corps.

Le divorce

peut avoir lieu pour causes déterminées ou par le con¬

sentement

mutuel des époux.

Lescauses

déterminées de divorce, qui peuvent servir aussi de fon¬

dement àune

séparation de corps,sont: 1°l'adultère de l'un des époux,

avec cette

particularité que l'adultère du mari doit avoir été accom¬

pagné d'une circonstance aggravante, l'entretien de la concubine dans

la maison

conjugale (art. 229 et 230) ; 2° les excès, sévices ou injures

graves

de l'un des époux envers l'autre (art. 231) ; 3° la condamna¬

tion devenue

définitive de l'un des époux à une peine afflictive ou

infamante

(art. 232).

Quant

au

divorce

par

consentement mutuel, il n'est nullement ce

que son nom

donnerait à penser. Le législateur du code civil

n'admettait pas, comme

celui de 1792, que le consentement des par¬

tiesdoit

pouvoir dissoudre le mariage de même qu'il sert à le nouer,

conformément à

la règle Quae consensu contrahuntur contrario consensu

pereunt. Sur ce point il doit y avoir une différence entre le mariage

et les autres

contrats,

parce que

le mariage engendre un état, et que

l'état des personnes

nous apparaît en principe comme étant irrévoca¬

ble. Dansla

pensée du législateur de 1803, le divorce par consente¬

ment mutuel

n'était qu'une forme particulière du divorce pour cause

déterminée.

Il avait été introduit pour certains cas exceptionnels, où

l'époux demandeur en divorce semble se trouver dans l'impossibilité

morale de

révéler publiquement devant la justice la véritable cause

dudivorce,

soit

parce que

cette révélation pourrait avoir pour résultat

délivrerson

conjoint

aux

sévérités de la justice criminelle, comme s'il

s'agit

par

exemple d'une tentative d'assassinat, soit parce qu'elle pour¬

rait avoir pour

conséquence de couvrir de ridicule, de honte ou d'op¬

probre le demandeur ou sa famille, comme il peut arriver dans certains

cas pour une

demande en divorce fondée sur l'adultère. Cette pensée

apparaît bien à la simple lecture de l'art. 233 : « Le consentement

» mutuel et

persévérant des époux, exprimé de la manière prescrite par

» la loi, sous

les conditions et après les épreuves qu'elle détermine,

» prouvera

suffisamment que la vie commune leur est insupportable, et

»

qu'il existe, par rapport à eux, une cause péremptoire de divorce ».

D'ailleurs,

toutes les précautions avaient été prises par le législateur

de 1803 pour que

l'on ne pût pas abuser dans la pratique du divorce

par

consentement mutuel, et le détourner de sa destination véritable :

procédure longue et compliquée ; épreuves multiples ; sacrifices

divers

imposés aux époux, notamment obligation pour chacun d'eux

/\

(11)

defaire aux enfants du

mariage l'abandon de la moitié de

sa

fortune.

Si bien que,

lorsque les époux avaient enfin satisfait

sans

défaillir

aux nombreuses

exigences de la loi, le juge pouvait

se

dire

en

lui-même,

suivant l'heureuse

expression du rapporteur de la nouvelle loi

sur

le

divorce à la chambre des

députés, M. Léon Renault

:

Je

ne

connais

pas

la

cause pour

laquelle le divorce est réclamé, mais je suis sûr qu'elle existe (1).

6. Loi du 8mai 1816. Nous avonsvécusous ce

régime jusqu'au

com¬

mencement de la Restauration. A cette

époque survint

une

loi dont

l'art. 1

porte

: «

Le divorce est aboli

».

C'est la loi du 8 mai 1816, qui

fut une œuvre de réaction cléricale. La charte de 1814 avait déclaré la

religion catholique, religion de l'Etat;

or

la religion catholique

n'admet pas

le divorce

;

donc la loi civile

ne

pouvait

pas

le

consacrer.

Que telle aitété la cause de l'abolition du divorceen 1816, c'est cequi ne sau¬

rait être contesté. M. deTrinquelaguen'en indique pas d'autre dans son rapport

à

la chambre desdéputés. « Auxyeuxde notre religion sainte, dit-il, lemariage

n'est

point un simple contratnaturel oucivil; elleyintervient pour lui

imprimer

un caractère plus auguste. C'est son ministre qui, au nom du créateur

du

genre humain etpour le perpétuer, unit les époux,consacre leur engagement.

Le nœud

qui estformé prend dans le sacrementune forme célesteetchaque époux

semble,

àl'exemple du premier homme,recevoirsa compagne des mains de

la divinité

même. Une union formée par elle ne doit pas pouvoir être détruitepar

les

hommes, et de là son indissolubilité religieuse... La loi civile, qui permet

le

divorce,est donc en opposition avecla loi religieuse. Or, cette opposition ne

doit

point exister, car la loi civile empruntant sa plus grandeforce de la loi

religieuse,

il est contre sa nature d'induire les citoyens à la mépriser. Il faut donc,pour lesconcilier, que l'une des deux fléchisse et mette ses dispositions en

harmonie

avec celles de l'autre. Maisla loi religieuse appartient à un

ordre de choses

fixe, immuable, élevé au-dessus du pouvoir des hommes. La nature

des lois

humaines, dit Montesquieu, est d'être soumise à tous les accidentsqui

arrivent et

de varier à mesure que les volontés des hommes changent. Au contraire,

la

nature des lois de la religion est dene varier jamais. C'est doncà la

loi civile de

céder, et l'interdiction du divorceprononcéepar la loireligieuse doit être respec¬

tée parelle».

Ainsi, l'abolition du divorce en 1816 eut pourbut unique de mettre la

loi civile

en harmonie avec les prescriptions de la religion catholique devenue

religion

d'Etat.

Ilest

remarquable

que

les articles du code civil, relatifs

au

divorce,

n'ont pas

été abrogés expressément

par

le législateur de 1816. On avait

sans doute senti la nécessité de les laisser subsister comme

complé¬

ment de la

séparation de

corps, que

le législateur de 1803

a

régle¬

mentée avec une sobriété toutevoisine de

l'obscurité, entendant,

sans

doute,

queses

nombreuses lacunes seraient comblées

par

des emprunts

faits avec discernement à la

législation du divorce. Effectivement la jurisprudence,

se

conformant

sur ce

point

aux vues

probables du

(1)Journalofficiel du 14juin1882.

(12)

6

législateur de 1803, éclaircies

en un

certain

sens par

le législa¬

teurde

1816, appliquait

en

matière de séparation de

corps

de

nom¬

breuxarticles relatifs au divorce. De telle sorte que

jusques à hier,

«c'estuneinstitution détruite

qui

a

continué à fournir des règles

pour

l'application d'une disposition devenue

non

seulement principale mais unique

».

Ce sont les paroles de M. Léon Renault, le rapporteur de la

nouvelle loi à la chambre des

députés. Il ajoute

un peu

plus loin

: «

Le

divorce est resté dans le monument de nos lois comme une statue momentanément

voilée, mais debout

à

la place où elle avait été ori¬

ginairement élevée et qu'il est toujours facile de découvrir et de

mettre en lumière ».

Si lelégislateur de 1816 était allé jusqu'au bout dans la voie de

la logique,

ce n'est pas seulement le divorce qu'il aurait dû abolir, mais

aussi l'institution du

mariage civil, qui, commele divorce, esten opposition avecles dogmes de

la reli¬

gion catholique, d'aprèslesquels lemariage estun contrat exclusivement

religieux.

Logiquement aussi, il aurait fallumettresur biend'autres points les prescriptions

delà loi civile en harmonieavec celles de la loi religieuse, notamment en ce qui

concerne les nullités demariage. Ce n'est peut-êtrepaslabonne

volonté qui

a man¬

qué pourtenter cetteentreprise; maison a bien senti qu'on se

heurterait à

une impossibilité! Le principe de la sécularisation dumariage était déjà trop

profondé¬

mententré dans lesmœurs pourqu'onpût espérer l'attaqueravec

succès.

La révolution de 1830

supprima la religion d'Etat. La conséquence logique aurait dû être le rétablissement du divorce, puisqu'il n'avait

été

supprimé

que comme

incompatible

avec

les dogmes de la religion

d'Etat.

Effectivement, de 1831

à

1834, la chambre des députés vota, à quatre reprises différentes, le rétablissement du divorce

;

mais

ses efforts furent

paralysés

par

l'obstination de la chambre des pairs qui

refusa de laisser passer

la loi.

En1848 un

projet de rétablissement du divorce fut déposé

sur

le

bureau de l'assemblée constituante;

mais il fut retiré

par son

auteur

etnevint mêmepas en

discussion.

7. Loi du 27

juillet 1884.

Enfin le divorce vient d'être rétabli

par

une loi décrétée le 19

juillet 1884, et promulguée le 27 du même mois.

M. Alfred

Naquet peut ajuste titre

en

revendiquer la paternité. Avec

l'ardente conviction d'un

croyant et l'infatigable ardeur d'un apôtre,

M.

Naquet

a

réveillé dans le public la question du divorce, qui paraissait assoupie, et l'a promptement amenée à maturité. On

aparu

s'étonner

toutefois à

plusieurs reprises, dans les discussions auxquelles la nou¬

velle loi a donné

lieu,

que

l'action si énergique de M. Naquet n'ait pas

soulevé dans

l'opinion publique

un

mouvement plus accentué en faveur

du

divorce, et les adversaires de cette institution n'ont

pas

manqué de

s'en

prévaloir

pour

la combattre. Mais,

comme on

l'a fort bien observé,

la

question du divorce n'intéresse qu'un petit nombre de personnes,

etil n'est pas

étonnant

que

tous

ne se

passionnent pas pour elle.

(13)

7

Ceux

qui

ne

sont

pas

mariés

ne se

préoccupent guère du divorce :

tous se

persuadent

que,

s'ils

se

marient, ils feront

un

choix tel qu'ils

n'auront

jamais à désirer la rupture de leur union. Et quant à ceux qui sont mariés, la très grande majorité

ne

songent

pas

à se séparer,

etla

question du divorce les laisse

assez

froids. On verrait l'opinion publique s'émouvoir dans de bien autres proportions

au

sujet d'une proposition de loi touchant

aux

intérêts de tous,

par

exemple d'une

loi modifiant l'assiette de

l'impôt

ou

le service militaire.

Au

surplus, l'objection

que

les adversaires du divorce tiraient de la

tiédeur de

l'opinion publique n'est

que

tout à fait secondaire. Nous

allons maintenant examiner ces

objections dans leur ensemble.

§ III. Le divorce est-il

un

bien, est-il un mal?

8. Le divorce a des adversaires

passionnés

;

il

a

aussi des partisans

convaincus. Les

premiers le considèrent

comme

mettant

en

péril l'ins¬

titution du

mariage, et

par

suite l'existence même de la société dont

le

mariage est

une

des plus fermes assises. Les autres,

au

contraire,

voient enlui unélémentde

moralisation,

et par

suite de perfectionne¬

ment social. Quia raison dans cedébat? Nous croyonsque ce

sont les partisans du divorce. Ce n'est

pas que

le divorce

nous

apparaisse

comme un bien; à notre

avis il

est

plutôt

un

mal. Mais c'est

un

mal nécessaire,

en ce sens

qu'il est le seul

moyen

d'éviter

un

plus grand mal,

etnous

remercions

àce

titre le législateur de l'avoir rétabli,

parce

qu'il faut bénir le législateur

autantpour

le mal qu'il

nous

ôte

que pour

le bien qu'il

nous

donne.

9. Les adversaires du divorce sont dans le

vrai, quand ils disent

que le

mariage est contracté dans

un

esprit de perpétuité. Interrogez deux époux

au

moment

ils viennent d'échanger leurs serments devant le

ministre de la loi etdevant le ministre de leur

culte, ils

vous

diront, le

souriresurles lèvres etla

joie dans le

cœur :

C'est

pour

toujours. Les

adversaires du divorce ont raison encore

quand,

se

plaçant à

un

point

de vuediamétralement

opposé à celui du législateur de 1792, ils disent

que

le mariage n'est

pas

soumis à cette règle, qui

gouverne

les

con¬

trats en

général,

que

le consentement des parties peut dissoudre le

lien que ce

même

consentement a

servi

à

former, conformément à l'adage Quœ

consensu

contrahuntur contrario

consensu

pereunt.

Mais souvent les

espérances des époux sont cruellement trompées.

Cette

union, dans laquelle ils rêvaient le bonheur, devient quelque¬

fois pour eux

la

source

des plus affreux tourments. L'épouse

a

trahi

la foi

promise !

ou

bien le mari

se

livre

sur

la

personne

de la

femmeàde continuels

sévices, peut-être à des excès qui mettent

son

(14)

8

existence en

danger. La vie

commune

est devenue intolérable; sa

continuationne

pourrait être envisagée que comme une interminable

agonie. En pareil

cas,

le lien du mariage est rompu en fait. La ques¬

tion est de savoir

si le législateur peut, dans l'intérêt social, en

prononcer

l'indissolubilité, offrant seulement aux époux le triste expé¬

dient de la

séparation de

corps, ou

s'il ne doit pas plutôt, mettant le

droit d'accord avec le

fait, autoriser la rupture légale du mariage

par

le divorce. A notre avis, c'est ce dernier parti qui est préférable.

« En étatde

mariage,

comme en

tout autre, dit M. de Marcère (1), la

personnalité humaine est, dans tout ce qui constitue son essence,

au-dessus de la

loi civile. Droit de

penser,

de croire, de chercher le

bonheur: en un mot

les facultés morales

ne

relèvent que de la nature qui

nous

les

a

données; et lorsque, dans des cas extrêmes, la loi

reconnaît que

des époux

ne

sauraient continuer à vivre sous le même

toit, elle deviendrait abusive et serait tyrannique, si, contrairement

au droit

naturel, elle prétendait tenir

ces

époux enchaînés dans

des liens fictifs

qu'elle

a

elle-même desserrés ».

10. De nombreuses

objections ont été soulevées contre le principe

mêmedu divorce.Les

principales sont tirées : 1° de considérations reli¬

gieuses; 2° de l'intérêt social; 3° de l'intérêt des enfants. Nous allons

les examiner

succinctement.

11. I.

L'objection tirée des considérations religieuses est la plus

puissante de toutes. La religion catholique, dit-on, est celle delà majo¬

rité des

Français;

or

cette religion proscrit le divorce; l'admettre dans

nos

lois, c'est donc faire violence à la conscience des époux catholiques

qui pourront être obligés de subir les conséquences d'une mesure que

leur foi repousse.

Nous remarquerons

d'abord

que

l'objection n'a plus aucune valeur

aucas

d'époux appartenant l'un et l'autre à un culte qui admet la

légitimité du divorce. Et même dans ce cas, l'objection se retourne en partie contre ceux qui la proposent. Car si, au nom de la liberté de

conscience,

onne

veut

pas que

le divorce puisse être imposé à des

époux catholiques,

au

nom de cette même liberté, il faut admettre que

la loi civile doit

autoriser le divorcé

au

profit de ceux dont les

croyances

religieuses ne répugnent pas à ce mode de dissolution du

mariage. Le système qui prétendrait imposer à tous les citoyens le

principe de l'indissolubilité du mariage, parce qu'il est consacré par

la

religion catholique à laquelle appartiennent la majorité des Fran¬

çais,

se

résumerait

en une

oppression de la minorité par la majorité.

Il

n'y

apas

plus de difficulté, si l'on envisage le cas d'époux catholi-

(l)Rapportfait à lachambre des députésau nomde la commission chargée d'examiner la

proposition de

loi de M.AlfredNaquetrelativeaurétablissement du divorce.Journalofficiel du 30mars1882.

(15)

ques

l'un et l'autre. Ah!

sans

doute, ils pourraient criera la tyrannie,

si le

législateur civil leur offrait exclusivement le divorce

comme remède auxunions malheureuses;

ils seraient

en

effet réduits à l'al¬

ternative,

ou

de subir

une

cohabitation devenue intolérable,

ou

d'y échapper

par unmoyen que

leur foi

repousse.

Mais notre législateur

admet la

séparation de

corps

parallèlement

au

divorce. Libre

aux

catholiques d'y recourir. Le législateur

propose

le divorce à tous,

ilne

l'impose à

personne.

Reste lecasun seul des

époux

a

des convictions religieuses qui

lui interdisent

l'usage du divorce. Il

pourra

arriver, dit-on,

que

cet époux soit obligé de subir le divorce qui

sera

demandé et obtenu

par

son

conjoint; le divorce lui

sera

donc imposé, et le principe de la

liberté de conscience sera violé danssa personne.

Le divorce

sera

.

prononcé, oui. Mais qui oblige l'époux catholique à

user

de la fatculté

de se remarier que ce

divorce lui confère? Libre à lui de respecter le

lien que sa

foi lui représente

comme

subsistant toujours, et alors il

se trouveradansune situation

équivalente,

ou

à

peu

près, à celle

que lui créeraitune

séparation de

corps,

situation qui n'a rien d'incompa¬

tible avec les

préceptes et les dogmes de la religion catholique.

Enrésumé,

le principe de la liberté de conscience est parfaitement respecté du moment

que

le législateur, tout

en

autorisant le divorce,

ne

l'impose à

personne,

et le double d'une autre institution, la sépara¬

tion de corps,

qui est

en

harmonie

avec

les

croyances

des époux dont

la

religion n'admet

pas

le divorce.

D'ailleurs ilfaut remarquer que,

dans le mariage, le contrat civil est complètement distinct du sacrement. Or

ce que

le divorce brise, c'est

le contrat civil

seulement, il laisse le sacrement intact. Donc le divorce

ne

porte

aucune

atteinte à l'indissolubilité du lien religieux.

«

Ce qui

est indissoluble au

point de

vue

catholique, dit M. Naquet (1),

ce

n'est

pas

le mariage civil, les catholiques

ne

le reconnaissent

pas,

ils

ne

le

considèrent que comme une

simple formalité qu'ils subissent, mais

contre

laquelle ils protestent

sans cesse.

N'ai-je

pas,

dès lors, le droit

de leur demander en

quoi ils pourront être blessés le jour où,

pour descas graves

et déterminés,

nous

briserons le nœud dont ils contes¬

tentla validité au

point de

vue

de la conscience?

»

12. II.

Après l'objection prise des considérations religieuses, la plus

grave est

celle

que

l'on puise dans les considérations d'intérêt social.

Le

divorce, dit-on, est de nature

à

jeter dans la société

une

perturba¬

tion grave, parce

qu'il ébranle l'institution du mariage, qui est l'une des

bases

fondamentales

de l'ordre social. On se

jouera de la sainteté du mariage, du

moment que

le lien qu'il crée

ne sera

plus indissoluble! Le

(1)Discours àlachambredesdéputés.Journal officiel du Sfévrier1881.

(16)

10

législateur,

organe

des intérêts sociaux, doit donc proscrire le divorce.

Ildoit le

proscrire,

parce que

l'intérêt des époux, qui demandent à

rompre une

union malheureuse dans laquelle ils se sont imprudem¬

ment

engagés, est

un

intérêt particulier, et que l'intérêt particulier

doit être

sacrifié, quand il est

en

lutte avec l'intérêt social qui est un

intérêt

général.

Il resterait à démontrerque

le divorce est

un

élément de dissolution

sociale; or

les avis des philosophes sont très partagés sur ce point.

Bon nombre considèrent le

divorce, grâce auquel les époux peuvent

contracter une nouvelle union

légitime, qui servira de base à

une

nou¬

velle

famille,

comme

beaucoup plus moral

que

la séparation de corps, qui

ne

laisse le plus souvent

que

le désespoir dans le cœur des époux,

parce

qu'elle les réduit à la dure alternative, ou de se sacrifier d'une

manière

complète,

en

fermant leur

cœur

à toute affection légitime, ou,

se

moquant des prescriptions d'une loi impitoyable et des sévérités de l'opinion publique, de

se

réfugier dans les amères douceurs des liaisons

illégitimes. Il paraît

que

c'est à

ce

dernier parti que les époux séparés

de corps se

résolvent le plus souvent. Nous le demandons, la moralité

publique

y

gagne-t-elle?

«

Ce qu'est la séparation de corps pour les

époux, dit M. de Marcère (1), le voici : c'est le dérèglement de la vie ou

lecélibat

forcé, c'est-à-dire

un

état contraire soit

aux

lois sociales, soit

à la nature humaine ».

D'ailleurs, le divorce n'est

pas une

nouveauté législative. Presque

tous les autres

peuples de l'Europe,

sans

porter nos regards au delà,

l'ont inscrit dansleurs codes. Il

n'y

a

d'exception

que pour

l'Espagne,

le

Portugal et l'Italie; et

encore

il

ne

faudra probablement plus

compter bientôt l'Italie, le pouvoir législatif étant actuellement saisi

dansce pays

d'un projet de loi, dû à l'initiative du gouvernement, qui

paraît être

sur

le point d'aboutir. Eh bien ! une longue expérience du

divorce chezcesdivers

peuples,

ne

confirme nullement les appréciations

pessimistes de

ceux

qui voient dans cette institution un élément de dis¬

solution sociale. Le divorce a-t-il

démoralisé l'Angleterre, l'Autriche,

la

Russie, la Suède, laNorwège, la Hollande, l'Allemagne...? Bien plus,

sinous considérons unpays

voisin, qui nous a emprunté notre code

civil,

et

qui pratique depuis longues années le divorce tel qu'il est orga¬

nisé par ce

code, la Belgique, nous voyons que le nombre total des

divorces etdes

séparations de

corps

réunis

y

était proportionnellement

moins

considérable, durant

ces

dernières années, que le nombre des séparations de

corps en

France. La statistique, dont les adversaires du

(l)Rapportfait à lachambre des députésau nomde lacommission chargée d'examiner la

proposition de

loi de M.AlfredNaquet,relativeaurétablissementdu divorce.Journalofficiel du 30 mars1882.

Chambre;

annexes, p.800.

(17)

11

divorce

négligent peut-être trop les enseignements, donne le chiffre de

11 sur

1,000

pour

la Belgique et de 26

sur

1,000

pour

la France, soit plus du double (1).

Yoici unedonnée

plus rassurante

encore,parce

qu'elle est empruntée

à notrepays

lui-même. Nous

avons

pratiqué, de 1803 à 1816,1e divorce

à peu

près tel

que

vient de l'établir,

ou

plutôt de le rétablir, la loi

nou¬

velle; or,

il

ne

paraît

pas que,

pendant cette période, l'usage du divorce

ait

engendré d'abus, qu'il ait compromis l'institution du mariage. Aussi

le

parti clérical, lorsqu'il

a

fait abolir chez

nous

le divorce

en

1816,

a-t-il

soigneusement évité de

se

placer

sur ce

terrain

;

il invoquait,

nousl'avons

déjà dit, des considérations d'ordre exclusivement religieux

et

politique.

Yeut-on

quelque chose de plus concluant

encore, parce que

l'expé¬

rience est

plus récente? L'Alsace et la Lorraine,

ces

deux provinces françaises,

vers

lesquelles

nous ne cesserons

de tourner notre

cœuren attendant que nous

puissions leur tendre la main,

se

sont

vu,

depuis 1876, imposer

une

loi étrangère, la loi allemande, qui admet le divorce

àl'exclusion de la

séparation de

corps ;

elles vivent donc depuis huit

ans sous le

régime du divorce. Eh bien! la statistique est là

encore pour

le démontrer, le nombre des désunions entre époux

ne

s'en est

pas trouvé

augmenté

;

il

ne se prononce pas

aujourd'hui plus de divorces

dansces

provinces qu'il

ne

s'y prononçait autrefois de séparations de

corps.

Yoilà de quoi

rassurer

les adversaires du divorce, qui croient

ou

feignent de croire

que

le lien du mariage

sera

très affaibli, à

cause de la facilité que

le divorce donnera

pour

le

rompre,

et de l'abus qu'on

fera de cette faculté.

Qu'importe après cela

que,

dans

un, pays

voisin, la Suisse, il ait été fait, durant

ces

dernières

années,un

véritable abus du

divorce

?

La

faute

en estau

législateur de

cepays,

qui,

en

1876,

a

modifié in pejus la loi

sur la

matière,

en y

introduisant

une

nouvelle

cause

de divorce très

peu

définie, et

par

suite très élastique, l'atteinte profonde

au

Lien

con¬

jugal. Tout le mal est

venu

de là. Auparavant il n'avait été fait

aucun abus du

divorce,

parce

qu'il était sagement réglementé

:

les

causes de divorce étaient celles

indiquées

par

notre code civil.

L'exemple

de la Suisse ne prouve

qu'une chose, c'est qu'une mauvaise loi porte

de mauvais fruits.

13. III. Nous arrivons à

l'objection tirée de l'intérêt des enfants.

Les adversaires du divorce insistent

beaucoup

sur

la situation

que

le

divorce crée aux enfants issus du

mariage. On n'a

pas

beaucoup de peine à démontrer

que

cette situation est déplorable. Nous répondrons

(l)Rapportausénat de M.Emile Labiche.Journal officiel du 21 février 1884,annexes, p.67.

(18)

12

avec Treilhard : Et

les enfants des époux séparés de corps ! ne sont-

ils pas

tout aussi à plaindre ? On ne prétend pas, sans doute, en sup¬

primant le divorce, supprimer aussi la séparation de corps. Eh bien !

si l'on refuse le divorce aux

époux malheureux en ménage, ils auront

recours àla

séparation de

corps,

et la situation des enfants sera tout

aussi fâcheuse. Il est

vrai qu'après le divorce les enfants sont exposés

à tomber,

par.suite du

nouveau

mariage de celui de leurs auteurs à

qui la justice les

a

confiés, sous la dure autorité d'un parâtre ou d'une

marâtre. Mais croit-on que

le spectre du parâtre ou de la marâtre

n'apparaisse

pas

aussi

aux

enfants des époux séparés de corps? Nous

le disions tout à l'heure, une

liaison illégitime

pour

chaque époux, tel

estle fruit ordinaire de

la séparation de

corps.

Dans la classe riche,

les

époux parviendront quelquefois à dissimuler aux yeux de leurs

enfants

l'irrégularité de leur conduite. Mais il n'en sera pas ainsi dans

la classe pauvre,

qui est la plus nombreuse. Là les enfants seront

témoins des relations

adultérines de leur père

ou

de leur mère avec qui ils vivent. Ils auront, eux aussi, un parâtre ou une marâtre, et ils

le verront ;

seulement

ce sera un

parâtre ou une marâtre illégitime. En

sera-t-il

plus affectueux

pour

cela? Mal pour mal, nous préférons encore

la situation des enfants dans

le divorce

:

elle est plus franche et plus

digne

que

dans la séparation de corps, où tout est faux et embarrassé.

En tous cas,

elle n'est ni plus ni moins fâcheuse que celle des enfants

d'un veufou d'une veuve

qui

se

remarie.

En somme, onne

voit

pasque

le divorce crée aux enfants des époux

une situation

pire

que

la séparation de corps; la situation qui leur

est faite par

le divorce paraît même préférable. Alors quel argument

le sort des enfants

peut-il fournir

aux

adversaires du divorce,

puisqu'il faut, de toute nécessité, accepter à tout le moins la sépara¬

tion de

corps?

14. Conclusion. Nous

concluons

que

le législateur de 1884 a accompli

une œuvre

avantageuse au double point de vue moral et

social,

en

rétablissant dans

nos

lois le divorce. On aurait peut-être pu

se borner àunerestauration pure

et simple du code civil ; il aurait

suffi pour

cela d'abroger purement et simplement la loi du 8 mai 1816

abolitive du divorce. Notre

législateur

a

préféré, tout en conservant

quant

au

fond la législation du code civil, y apporter certaines modifi¬

cations

qu'il

a

considérées

comme

des perfectionnements. On aura

uneidée de ces modificationsdans

leur ensemble, enlisant la première partie de l'art. 1 de la loi nouvelle : « La loi du 8 mai 1816 est

»

abrogée.

Les dispositions du code civil abrogées par cette loi sont

»

rétablies,

à

l'exception de celles qui sont relatives au divorce par con-

» sentement

mutuel,

et avec

les modifications suivantes, apportées aux

(19)

13

» articles

230, 232, 234, 235, 261, 263, 295, 296, 298, 299, 306, 307 et

» 310 ».

La

plus considérable,

en

apparence tout au moins, des modifications

réalisées ouseulement

annoncées

par

cet article,

concerne

l'abroga¬

tion du divorce par

consentement mutuel. Nous avons donné (supra

5)

un aperçu

de cette institution qui, dans la pensée du législa¬

teur de

1803, était uniquement destinée à permettre aux époux de

dissimuler la

véritable

cause

du divorce, la

cause

légitime

que

des

considérations

d'humanité

ou

de pudeur

ne

leur permettaient pas de

révéler

publiquement. S'il est vrai, comme on le prétend, que le

divorce par

consentement mutuel est l'œuvre de Napoléon Ier, qui le fit

insérerdansle code

civil

envue

du divorce qu'il

se

proposait d'impo¬

serbientôt à

l'impératrice Joséphine, s'il est vrai d'autre part qu'il est

demeuréà peu

près complètement ignoré dans la pratique pendant

les treize années

qu'ont vécu les textes qui l'organisaient, il ne faut

pas

beaucoup regretter

sa

suppression. En Belgique, où l'on a con¬

servé sans modifications

la législation du code civil

sur

le divorce, il paraît

que

les divorces

par

consentement mutuel ne dépassent pas la

proportion de 1

sur

400.

§ IV. Division de la matière.

15. Nous diviseronsnotre étude sur

la loi nouvelle

en-

quatre parties.

La

première

sera

consacrée

au

divorce, la deuxième à la séparation de

corps,

la troisième

aux

dispositions communes au divorce et à la

séparation de

corps,

la quatrième

aux

dispositions transitoires.

Pour que

le lecteur puisse

mesurer

d'un coup d'œuil les diverses

étapes

que nous

allons successivement parcourir, nous commençons

par

donner ici le texte de la loi dans son entier.

loi sur le divorce

Art. 1er. La loi du 8 mai 1816 est

abrogée.

Les

dispositions du code civil abrogées par cette loi sont rétablies, à

l'exception de celles qui sont relatives au divorce par consentement

mutuel, et

avec

les modifications suivantes, apportées aux articles 230,

232, 234, 235, 261, 263, 295, 296, 298, 299, 306, 307 et 310.

Art. 230. La

femme

pourra

demander le divorce pour cause d'adultère

de son mari.

Art. 232. La condamnation de

l'un des époux à

une

peine afflictive

et

infamante

sera pour

l'autre époux une cause de divorce.

(20)

14

CHAPITRE II DE LA PROCÉDURE DU DIVORCE

Section 1

Des formes du divorce.

Art. 234. La demandeen divorce ne fourra

être formée qu'au tribu¬

nal de l'arrondissementdans

lequel les époux auront leur domicile.

Art. 233. Si

quelques-uns des faits allégués

par

l'époux demandeur

donnent lieu àune

poursuite criminelle de la part du ministère public,

l'action en divorce restera

suspendue jusqu'après la décision de la juri¬

diction

répr essive

:

alors elle

pourra

être reprise sans qu'il soit permis

d'inférer de cette décision

aucune

fin de non-recevoir ou exception préju¬

dicielle contre

l'époux demandeur.

Art. 261.

Lorsque le divorce

sera

demandé

par

la raison qu'un des

époux est condamné à

une

peine afflictive et infamante, les seules forma¬

lités à observer consisteront à

présenter

au

tribunal de première ins¬

tance une

expédition

en

bonne forme de la décision portant condamna¬

tion,

avec un

certificat du greffier constatant

que

cette décision n'est plus susceptible d'être réformée

par

les voies légales ordinaires. Le certificat

du

greffier devra être visé

par

le

procureur

général ou par le procureur

de la

République.

Art. 263.

L'appel

ne sera

recevable qu'autant qu'il

aura

été interjeté

dans les deux mois à

compter du jour de la signification du jugement

rendu contradictoirement ou par

défaut. Le délai

pour se

pourvoir à la

courde cassation contre un

jugement

en

dernier ressort

sera

aussi de

deux mois à

compter de la signification. Le pourvoi

sera

suspensif.

Section II

Des mesuresprovisoires auxquelles peut donnerlieu la demande en divorce.

Section III

Des fins de non-recevoir contre l'action en divorce.

CHAPITRE III des effets du divorce

Art. 295. Les

époux divorcés

ne

pourront plus

se

réunir, si l'un

ou l'autre a,

postérieurement

au

divorce, contracté

un nouveau

mariage

(21)

15

suivi d'un second divorce. Aucas de réunion des

époux,

une

nouvelle

célébrationdu

mariage

sera

nécessaire.

Les

époux

ne

pourront adopter

un

régime matrimonial autre

que

celui qui réglait originairement leur union.

Après la réunion des époux, il

ne serareçu

de leur part

aucune nou¬

velle demande de

divorce,

pour

quelque

cause que ce

soit, autre

que

celle

d'une condamnationà une

peine afflictive et infamante prononcée contre

l'un d'eux

depuis leur réunion.

Art. 296. La

femme divorcée

ne pourra se

remarier

que

dix mois après

que

le divorce

sera

devenu définitif.

Art. 298. Dans lecas de divorce admis en

justice

pour cause

d'adul¬

tère, l'époux coupable

ne pourra

jamais

se

marier

avec son

complice.

Art. 299.

L'époux contre lequel le divorce

aura

été prononcé perdra

tous les

avantages

que

l'autre époux lui avait faits, soit

par

contrat de mariage, soit depuis le mariage.

CHAPITRE IV de la séparation de corps

Art. 306. Da?is lecas oùily a

lieu à demande

en

divorce, il

sera

libre

aux

époux de former

une

demande

en

séparation de corps.

Art. 307. Elle sera intentée,

instruite

et

jugée de la même manière

que

toute autre action civile.

Art. 310.

Lorsque la séparation de

corps aura

duré trois

ans,

le juge¬

ment pourra

être converti

en

jugement de divorce

sur

la demande

formée

par

l'un des époux.

Cette nouvelle demande sera introduite par

assignation, à huit jours francs,

en

vertu d'une ordonnance rendue

par

le président.

Ellesera débattueenchambre du conseil.

L'ordonnancenommera un

juge rapporteur, ordonnera la communica¬

tionauministère

public et fixera le jour de la comparution.

Le

jugement

sera

rendu

en

audience publique.

Sont

abrogés les articles 233, 275 à 294, 297, 305, 308 et 309 du code

civil.

Art. 2.Le

paragraphe ajouté à l'article 312 du code civil par la loi

du 6décembre 1850 est

modifié

comme

il suit

:

«Encas de

jugement

ou

même de demande soit de divorce, soit de séparation de

corps,

le mari

pourra

désavouer l'enfant qui

sera

né trois

cents

jours après la décision qui

aura

autorisé la femme à avoir

un domicile

séparé, et moins de cent quatre-vingts jours depuis le rejet définitif de la demande,

ou

depuis la réconciliation. L'action

en

désaveu

ne serapas

admise s'il

y a eu

réunion de fait entre les époux.

»

(22)

16

Art. 3. La

reproduction des débats sur les instances en divorce ou en séparation de

corps

est interdite sous peine de l'amende de 100 à 2,000 fr.

édictée par

l'article 39 de la loi du 30 juillet 1881.

DISPOSITION TRANSITOIRE

Art. 4. Les instances en

séparation de corps pendantes au moment de

la

promulgation de la présente loi pourront être converties par les

demandeurs eninstances

de divorce. Cette conversion pourra être deman¬

dée mêmeencour

d'appel.

La

procédure spéciale au divorce sera suivie à partir du dernier acte

valable dela

procédure

en

séparation de corps.

Pourront être

convertis

en

jugements de divorce, comme il est dit à

l'article

310,

tous

jugements de séparation de corps devenus définitifs

avant ladite

promulgation.

Art. 5. La

présente loi est applicable à l'Algérie et aux colonies de la

Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion.

(23)

PREMIÈRE PARTIE

DU DIVORCE

16.Conformément au

plan adopté

par

le législateur lui-même,

nous traiterons successivement dans trois

chapitres

:

1° des

causes

du divorce; 2° de la procédure du divorce; 3° des effets du divorce.

CHAPITRE I

DES CAUSES DU DIVORCE

17. Nous aurons à rechercher successivement

quelles sont les

cau¬

ses du

divorce,

et par

qui elles peuvent être proposées.

§ I. Quelles sont les

causes

de divorce.

18. Les causes de divorce sontau nombre de trois : 1° adultère de l'undes

époux; 2° excès, sévices

ou

injures

graves

de l'un des époux

enversl'autre;

3° condamnation de l'un des époux à

une

peine afïlic-

tive etinfamante. C'estce

qui résulte des

art.

229-232 ainsi

conçus : Art. 229. Le mari pourra

demander le divorce

pour cause

d'adultère

desa

femme.

Art. 230. La

femme

pourra

demander le divorce

pour cause

d'adultère

de son mari.

Art. 231. Les

époux pourront réciproquement demander le divorce

pour

excès, sévices

ou

injures

graves,

de l'un d'eux

envers

l'autre.

Art. 232. La condamnation de l'un des

époux à

une

peine afflictive

et

infamante

sera pour

l'autre époux

une cause

de divorce.

Etudions successivement ces diverses causes de divorce.

I. Adultère de Vun des

époux.

19.Ici le code civil consacrait une différence

importante

entre

le

mari etla femme. L'adultère de la

femme,

en

quelque lieu qu'il eût

été

commis, fût-ce

en

dehors de la maison conjugale, et alors

même

qu'il constituait

un

fait isolé, pouvait servir de base

à une

demande

en divorce formée par

le mari (art. 229). Au contraire, l'adultère du

marinedevenait une cause de divorce pour

la femme qu'autant qu'il

était

accompagné de cette circonstance aggravante

que

le mari

avait.

2

(24)

18

« tenu sa

concubine dans la maison

commune » ou, comme

le dit

l'art. 339 du code

pénal,

en

des termes équivalents « entretenu sa

concubine dans

la maison conjugale

» : ce

qui constitue un spectacle particulièrement offensant pour la femme, ainsi réduite à voir son

titre et sesdroits

usurpés, qaod castas et pudicas maxime exasperat.

Le

législateur de 1884

a

fait disparaître cette différence, en suppri¬

mant dans l'art. 230

les

mots :«

lorsqu'il

aura

tenu

sa

concubine dans

la maisoncommune ».

Ettoutefois il enreste encore une

trace matérielle dans le texte de

/aloi. Dumoment que

l'on assimilait complètement, au point de vue

dontil

s'agit, la situation de la femme à celle du mari, il était inutile

de

régler cette situation dans deux articles distincts. Au lieu de dire :

« Le mari pourra

demander le divorce pour cause d'adultère de sa

femme »

(art. 229)

; «

La femme pourra demander le divorce pour

cause d'adultère

de

son

mari

»

(art. 230), il était bien plus simple de

dire : L'un des

époux

pourra

demander le divorce pour cause d'adul¬

tère de l'autre,

de même

que

l'art. 231 dit

: «

Les époux pourront réciproquement demander le divorce pour excès, sévices ou injures

graves

de l'un d'eux envers l'autre.

»

Pour

justifier l'innovation

sur

laquelle nous venons de nous expli¬

quer,

M. Naquet disait en substance à la chambre des députés, et on

l'a

répété après lui

au

sénat : Nous avons pensé qu'après avoir pro¬

clamé le

principe des devoirs égaux des époux dans le titre du mariage

(art. 212), il

ne

fallait pas immédiatement proclamer le principe con¬

traire dans le titredu divorce.

Il

ya

une

question de haute moralité.

Il a été ditque

la civilisation d'un pays se reconnaissait aux droits

dont

jouit la femme, à l'égalité plus ou moins grande qui existe entre

elle etl'homme. Consacrons

le principe de l'égalité morale entre les

deux sexes...

(1).

Ilesttrès douteux,ànotre avis,qu'en réformant notre

loi

sur ce

point, le législa¬

teur de 1884 l'ait améliorée. Nous n'entendons pas contester

qu'au point de

vue moral l'adultère dumari soit aussirépréhensible que celui de la

femme. Mais

ce n'est pas là la question, et

le législateur aurait tort de

se

placer ici exclusivement

àce pointdevue.Il s'agit

de savoir si la blessure

que

fait l'adultère du mari dans

le cœurdelafemme,estnécessairementaussigrave,

aussi profonde

que

celle résul¬

tant pour l'époux de

l'adultère de l'épouse; si, d'un côté

comme

de l'autre, l'adul¬

tèrerend nécessairementla vie commune insupportable, et doit

ouvrir à

ce

titre

laporteaudivorce.

Or, si l'on

se

place à

ce

point de

vue,

il est difficile de ne pas

admettre unedifférence desituation entre les deux époux. Nos mœurs,

à

tortou

à

raison, sontplus indulgentes pour les

faiblesses du mari

que pour

celles de la

femme. D'unautrecôté, l'opinion publique établitun lien entrel'honneur

du mari

etla fidélité de sa femme,tandis qu'elle considère les

infidélités

du

mari

comme laissant l'honneur de la femme intact. En troisième lieu, les conséquences

de

(1)Journalofficiel du 16juin 1882. Débatsparlementaires,p.918.

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