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MARINS-PÊCHEURS EN MERD'IRLANDE

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Academic year: 2022

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MARINS-PÊCHEURS EN

MER D'IRLANDE

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Dans la même collection Les Oubliés de l'île Saint-Paul, Daniel Floch.

Les Aventuriers de la langouste verte, Jean-Claude Boulard.

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ANGÈLE KNEALE

MARINS-PÊCHEURS EN MER D'IRLANDE

ÉDITIONS OUEST-FRANCE 13, rue du Breil, Rennes

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© 1996, Édilarge S.A. - Éditions Ouest-France, Rennes.

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CHAPITRE PREMIER PADDY - C'était pas la peine de vous déranger...

L'inspecteur de police de Douglas, ayant examiné de près le fas- cicule de Jan, m'indiqua une des dernières pages :

- Regardez : son permis de séjour est pour six mois, pas pour six semaines.

Je poussai un gros soupir de résignation. Quelle perte de temps, un luxe qui me faisait continuellement défaut.

- D'accord, monsieur l'inspecteur, nous allons partir. Veuillez nous excuser du dérangement.

Jan était un pêcheur hollandais, débarqué dans l'île quelques semaines auparavant avec une jambe vilainement cassée. S'appuyant sur des béquilles, traînant sa jambe gauche plâtrée de la hanche à la cheville, il me suivit, l'air penaud, jusqu'à la voiture. - Je vais vous reconduire chez vous.

Jetant un coup d'œil à ma montre, je réfléchis comment réajuster le reste de la journée. Jan marmonna :

– Je suis vraiment désolé, j'étais sûr qu'ils m'avaient dit de me présenter au bout de six semaines.

- Cela n'a aucune importance. Puisque je suis en ville, j'en profiterai pour faire quelques courses, ainsi je ne me serai pas dérangée pour rien.

A l'époque, j'habitais à Port St Mary, un des plus jolis petits ports des îles Britanniques, à la pointe sud de l'île de Man qui se trouve en mer d'Irlande d'où, par beau temps, il est possible de discerner à l'horizon l'Irlande, l'Ecosse, l'Angleterre et le pays de Galles. Port St

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Mary est à 25 kilomètres de Douglas, la capitale de l'île de Man, une station balnéaire pleine d'un certain charme victorien, où se trouvent tous les bureaux officiels. Nous avons démarré, et nous discutions de choses et d'autres, en néerlandais. Je ne connaissais pas trop ce quartier éloigné des lieux qui m'étaient si familiers : le port de Douglas et l'hôpital.

Nous sommes arrivés à un feu de signalisation qui venait d'être installé et que je n'avais pas anticipé. Je le vis trop tard et brûlai un feu rouge au moment même où j'entr'aperçus une voiture sortant d'une route à notre gauche, du côté du passager. Je tentai de m'es- quiver, mais la collision était inévitable.

Notre voiture pivota sur place ; le pare-brise et les vitres volèrent en éclats ; le capot fut défoncé. Comme par miracle, personne ne fut blessé, pas la moindre égratignure. La femme qui conduisait l'autre voiture en sortit saine et sauve, et elle n'avait pas de passager. Quant à Jan et moi, nous étions secoués, bien sûr, et nous avons réalisé que nous étions bloqués, les deux portières étant déformées et coincées.

Notre point d'arrêt était au beau milieu d'un carrefour mouvementé, et c'était l'heure de pointe. Une foule de badauds s'assembla rapi- dement, comme après tout accident, et passait des commentaires peu flatteurs à mon égard. Deux jeunes agents de police arrivèrent sur les lieux et l'un d'eux essaya en vain de forcer ma portière. Après avoir enlevé les derniers éclats de verre du côté passager, il parvint enfin à ouvrir la portière gauche, du moins partiellement.

Jan dut faire toute une gymnastique pour arriver à sortir sa jambe plâtrée avant de pouvoir libérer le reste de sa personne dégingandée.

A la vue du spectacle inattendu, les gens se bidonnèrent à qui mieux mieux. Moi, je regardais droit devant moi, dans l'espoir de conserver un peu de dignité. Je lui passai ses béquilles sans un mot et ce fut mon tour de m'extirper de la voiture bousillée, une jolie Riley-Kestrel à deux tons, à laquelle j'ai tenu plus qu'à toute autre voiture. Je l'aperçus pour la dernière fois quand elle fut remorquée pour débloquer le bouchon qui s'était formé.

Je donnai mes coordonnées à la police et je reconnus immédiatement que j'étais en tort. Jan et moi furent invités dans une maison proche où on nous offrit sympathie, réconfort, l'usage du téléphone et une boisson : lui demanda un whisky, moi je me contentai d'une tasse de thé. Je me suis présentée à la maîtresse de maison qui me semblait familière, sans que j'arrive à la situer. J'insistai :

- Je suis certaine que nous nous sommes déjà rencontrées.

Sa grande fille, pouffant de rire, me dit :

- Bien sûr que vous l'avez déjà rencontrée, vous venez de rentrer dans sa voiture !

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Leur incroyable gentillesse et leur tolérance exemplaire me firent rougir d'embarras, et je ne savais où me mettre... Le pêcheur fut reconduit à son logis et je retournai à Port St Mary où je notai ce dernier incident dans mon « journal de bord », sans délai.

Nous étions en février 1976. La nuit venue, j'eus du mal à m'endormir ; l'accident m'avait secoué les nerfs et ébranlé mon aplomb, mais finalement je m'assoupis. Peu après, la sonnerie du téléphone me réveilla en sursaut. Il faisait noir comme dans un four. J'allumai la lampe de chevet, il était 1 h 15, ce ne pouvait être qu'un bateau. - Allô ! oui ?

- Portpatrick Radio ici, madame Kneale, un de vos Français vous demande. Faites-nous savoir si vous avez besoin d'aide.

C'était le patron du Phidias. Il s'annonçait pour Peel, à la côte ouest de l'île, avec un blessé, vers 6 h du matin, c'est-à-dire 5 h chez nous. C'était une blessure à la main, donc pas besoin d'une ambulance.

Oui, d'accord, je serais là.

Je réglai le réveil pour démarrer tôt tout en me demandant si j'avais encore suffisamment d'essence dans la voiture pour faire 80 kilomètres, et je me souvins tout à coup : bon sang, je n'ai plus de voiture ! Du coup, j'étais bien réveillée. Que faire ? Il me faudrait commander un taxi, c'est tout, et mon premier choix serait Paddy Bailey. Je me levai, me préparai un thé, puis par téléphone je prévins le capitaine de port à Peel, la douane et l'hôpital. Je remis la commande du taxi jusqu'à 4 h, car pourquoi briser deux fois le repos du chauffeur ?

Peu après 4 h, j'appelai Paddy et lui expliquai le cas, mon manque de transport, la probabilité de devoir attendre l'arrivée du bateau à Peel et la certitude d'une longue attente à l'hôpital. Il accepta de bon gré de me dépanner, mais me prévint qu'il devait être de retour à Port St Mary pour 8 h 30, pour un contrat journalier. Nous avons décidé d'improviser le moment venu - si nous étions trop retardés, il me laisserait à l'hôpital et je prendrais un autre taxi pour rentrer chez moi. Je m'installai à côté de Paddy et nous voilà partis dans la nuit, prenant la route de montagne vers Peel. Il ne tarda pas à me poser des questions.

- Cela vous arrive souvent d'être appelée la nuit ?

- Fréquemment. Plus couramment que le jour, surtout dans les cas médicaux.

- Comment cela se fait-il ?

Il faut savoir que Paddy est un véritable terrien.

- Le bateau finit sa routine, sauf si quelqu'un est mourant. Le temps, c'est de l'argent, surtout pour les marins-pêcheurs. S'ils sont

« sur le poisson », ils continuent à pêcher tant que cela en vaut la peine et ce n'est qu'après qu'ils font route terre.

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- Et le pauvre type qui est malade ou blessé ?

- Il n'a pas le choix. Au fond, ça lui convient souvent malgré les inconvénients, surtout quand l'équipage est réglé au partage. Sait-on jamais, peut-être que ce coup-ci sera celui de la marée qui leur obtiendra le meilleur prix.

– Je comprends...

Paddy a l'esprit vif.

- Qu'est-ce qui vous a amenée à travailler avec tous ces chalutiers de pêche ?

- De grâce, Paddy, ne dites pas « chalutiers de pêche ». Que voulez- vous qu'un chalutier fasse, si ce n'est pêcher ? Vous ne diriez pas « un avion volant », par exemple. Un avion, ça vole et un chalutier, ça pêche. Il arrive même à la BBC de commettre cette erreur.

- Je vois ce que vous voulez dire.

Paddy est un Irlandais bien éveillé. Après un silence, il revint à la charge :

- Mais comment se fait-il que vous êtes constamment en contact avec des marins-pêcheurs ? J'hésitai.

- C'est toute une histoire...

- Eh bien, on a le temps ! Avec cette bagnole, il nous faudra une bonne demi-heure pour arriver à Peel.

- Bon. Cela a commencé avec un naufrage, il y a presque vingt ans, en février 1957. A peu près à cette heure-ci de la nuit, mais il y avait de la bruine. Un chalutier français a coulé à la côte sud de l'île. L'équipage s'est sauvé en canot et ils sont arrivés à Port St Mary.

- Le canot de sauvetage est sorti pour eux ?

- Non, mais une femme de Port St Mary, l'épouse d'un capitaine, a deviné ce qui s'était passé quand ils l'ont réveillée et que dans son jardin elle a trouvé une bande d'étrangers débraillés et trempés. Elle les fit entrer et eut le bon sens d'immédiatement prévenir le secrétaire de la société de sauvetage à Port St Mary. - Et alors ?

– Alors, ils sont venus me chercher pour servir d'interprète, car aucun des gars ne savait un mot d'anglais. - Ils étaient combien ?

- Neuf en tout. On les retrouva dans plusieurs maisons ou errant sans but dans les rues désertes du village. Au départ, on ne connaissait pas leur nationalité. On se doutait bien que c'étaient probablement des Français, mais on les avait entendus dire « ya », donc ils auraient pu être hollandais, belges, allemands, danois ou norvégiens. Mais, c'étaient des Bretons et ça veut dire « oui » en breton. Ils étaient tous bretonnants. Le premier homme que nous avons rencontré était tout

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seul, il marchait en oscillant, comme hébété. Nous nous sommes arrêtés sous un réverbère. C'était un grand mince d'environ 30 ans.

En français, je lui ai demandé s'il était un des naufragés. Il eut l'air abasourdi. Puis, il appuya son bras plié sur mon épaule, y enfouit sa tête et se mit à sangloter. Je me mis à tapoter ses boucles trempées et sa casquette de marin. Nous avons attendu qu'il se calme. Il s'est repris, s'est redressé, et d'une voix ferme mais infiniment triste, il nous dit : « Je suis le patron. C'était mon bateau.

Il n'avait que trois mois. »

- Comment s'appelait le bateau ? me demanda Paddy.

- Le Noël du Marin. Et l'homme s'appelait René Le Lamer. On me fit demander s'il fallait lancer le canot de sauvetage, pour sauver soit des hommes, soit le bateau. La réponse fut négative : le bateau avait coulé et tout l'équipage était à terre sain et sauf. « Mais où sommes-nous ? » me demanda-t-il. « À Port St Mary, à la pointe sud de l'île de Man », je lui répondis. « Port Sainte Marie ? Ile de Man ? » Il avait l'air dérouté. J'ajoutai : « Pas loin du phare de Chicken. »

Les autres officiels (notre capitaine de port, un garde-côtes, le policier du village) ont repéré le reste de l'équipage et une fois assemblés nous sommes tous allés au Bay View Hotel. La propriétaire fut réveillée sans ménagements et, ses yeux encore troubles de som- meil, fut sommée assez brusquement : « Allumez un feu et préparez un petit déjeuner pour ces hommes. » Son mari descendit, en chemise sans col et en bretelles, et s'affaira à allumer un feu de proportions gigantesques pendant que son épouse préparait le repas. Bientôt, les hommes se régalaient de lard et d'œufs sur le plat, de pain grillé et de grandes tasses de thé. Leurs accoutrements étaient variés, allant de cirés et hautes bottes à des gars en caleçons et grosses chaussettes.

Après le repas, nous avons tous été conduits au George Hotel à Castletown, où nous avons passé le restant de la journée, et où il y avait place pour loger l'équipage.

- Qu'est-ce qui était arrivé à leur bateau ?

-En temps voulu il fut établi que l'homme de quart avait dû s'endormir à la barre, ce qui n'est pas surprenant vu les heures incroyables qu'ils font. Le bateau a tanné dans un rocher, quelque part aux environs de l'îlot du Calf of Man, faisant une grande brèche sous la ligne de flottaison, car c'était un bateau en bois. Ils se mirent à pomper au maximum, en marche arrière, mais c'était impossible de sauver le bateau. La voie d'eau était telle que la mer inonda rapidement la cale, le moteur, la chambre. Ils durent abandonner le bateau et tous leurs biens personnels : vêtements, montres, portefeuilles, papiers, cartes, leurs bottes, leurs alliances...

- Leurs alliances ?

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-Oui. Ils sont catholiques et portent des alliances, mais pas au travail. Combien de doigts, de mains, de bras ou même de vies ont été perdus parce qu'une bague a été happée par du matériel en mouvement ? Une fois à bord, ils ôtent leurs alliances et les mettent en sécurité jusqu'à ce qu'ils débarquent.

- Et ils sont arrivés avec leur canot à Port St Mary ?

- Pas exactement. Ils ne savaient pas où ils étaient. Ils ont longé la côte et cherché le premier point de débarquement, qui fut Perwick Bay. Vous pensez bien qu'ils ne pouvaient pas s'attaquer aux falaises de Spanish Head, de Black Head ou des Chasms. C'était une nuit sans lune, donc ils n'ont pas vu le chemin de la plage de Perwick et ils ont grimpé l'escarpement, se faisant égratigner par des roches, des épines d'ajoncs et des ronces. Aux premières maisons où ils cherchèrent de l'aide, on ne leur ouvrit pas la porte...

- Oh ! Pourquoi pas ?

– J'ai appris par la suite que certains pensaient que c'était une bande d'ivrognes, d'autres craignaient que ce soient des Russes... - Des Russes ?

- La guerre froide battait son plein, rappelez-vous le film Les Russes arrivent. Mais Madame le capitaine Watterson, elle a tout de suite pigé, la brave femme.

- Quelle affaire ! Mais je ne vois toujours pas le rapport. Pourquoi êtes-vous continuellement sur la brèche avec des marins-pêcheurs maintenant, alors que ce naufrage remonte si loin ?

- Je vais vous expliquer : j'ai passé toute la journée du naufrage avec eux, jusque passé minuit. J'étais à bout, je vous assure ! Inter- préter seize heures d'affilée pour neuf hommes qui viennent d'échapper à la mort, tous dans un état d'énervement, souvent parlant - ou plutôt criant - tous à la fois, employant d'étranges termes maritimes... En plus, ils avaient l'accent breton qui est aussi prononcé que - par exemple - l'accent de l'Irlande du Nord en anglais, comme le vôtre.

J'ai fait l'interprète sans interruption pour diverses autorités et pour la Société de soutien aux naufragés qui envoya toute une camionnette de vêtements et de chaussures pour les rhabiller et les rechausser.

Comme les tailles et pointures anglaises sont tout à fait différentes, ils plongeaient dans le tas et faisaient des essais jusqu'à ce que cela aille. Puis, un docteur est venu pour un examen médical et leur donner des soins ; puis, certains ont voulu aller à l'église pour rendre grâces de l'avoir échappé belle ; puis, la presse... et la BBC... et un coiffeur est venu les raser... et oh ! je ne me souviens pas, il y a tellement longtemps. Mais je me rappelle qu'un des jeunes équipiers annonça qu'il se marierait dès son retour, car sa fiancée était enceinte, et il tint parole !

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Quand j'ai finalement rejoint mon mari et nos deux petits garçons, j'étais épuisée, mais comme enivrée. Après tout, un naufrage ne vous arrive pas tous les jours sur le pas de la porte. J'imaginais, dans mon innocence, que ce serait un événement unique, un jour mémorable, une histoire à raconter à mes petits-enfants quand je serais vieille. Je ne me doutais de rien ! J'avais fait le premier pas dans une direction qui allait bouleverser ma vie.

- Que voulez-vous dire ?

- Je veux dire, Paddy, qu'à leur retour en France, les hommes ont raconté leur aventure. Il faut comprendre qu'en Bretagne chaque marin-pêcheur est le petit-fils, fils, frère, oncle, cousin, père et voisin d'autres marins-pêcheurs. A l'époque, des centaines de chalutiers bretons travaillaient en mer d'Irlande, avec des équipes de huit à dix hommes. Le fait de ma présence se répandit, probablement comme ceci : « Écoute, mon pote, si jamais tu as un pépin en mer d'Irlande, il y a une petite Belge à Port Sainte Marie qui parle couramment anglais et français. Elle te dépannera. Voici son numéro de télé- phone... » Et au bout d'un ou deux ans, j'étais mêlée à au moins un incident par semaine. Voilà comment cela a démarré, Paddy.

Nous sommes arrivés à Peel au moment précis où le Phidias contournait la pointe du quai brise-lames construit sous les ruines impressionnantes d'un château-forteresse. Le quai était désert, sauf pour nous deux. J'attrapai l'amarre qu'un matelot lança à terre et je la plaçai au bollard qu'il m'indiqua. Paddy refusa catégoriquement de m'accompagner à bord - il lui arrivait de verdir à la vue d'un bateau remué par le clapotis le long du quai.

Je reconnus le blessé, Christian Gaballec : il avait déjà débarqué ici en avril 1969 avec un pied brûlé et mes parents, qui étaient ici en vacances, s'étaient occupés de lui, le conduisant tous les jours à l'hôpital pour faire changer son pansement.

Tout se passa bien. Quand nous en avions eu terminé avec l'hôpital, nous avons reconduit le patron qui avait escorté son matelot - comme tout bon patron - à son bateau à Peel. On nous offrit du poisson : je demandai un merlu, Paddy préférait la morue et il fut enchanté d'en recevoir une de proportions gigantesques. Nous avons largué les amarres, dit au revoir de la main et regardé le bateau contourner le quai et reprendre la mer. Paddy rentra à temps voulu pour son contrat journalier. Sur le chemin du retour, Paddy me demanda :

- Quel est ce drôle de nom qu'ils vous appellent, « Madam On Gèle » ?

- Oh ! Cela remonte au jour du naufrage : les hommes m'ont demandé mon adresse pour qu'ils puissent m'écrire de Bretagne.

Quand je leur ai expliqué que « Kneale » qu'ils lisaient « Que-né-al »

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se prononçait « Nîle » en anglais, ils ont décidé de se limiter à mon prénom, Angèle, Angela en anglais et, depuis lors, toute la flotte de pêche m'appelle « Madame Angèle ».

Je m'étais fait un nouvel ami, un joyeux luron débrouillard sur qui

je pouvais compter et qui viendrait souvent à mon aide dans les années à venir.

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CHAPITRE II LE DAUPHIN

Cela commença chez le boulanger un lundi matin de la mi-mars 1972. Le personnel ignora mon bonjour amical, les clients pareillement, et tout le monde évitait mon regard : pas du tout le genre de l'île.

D'accord, j'étais en pleine campagne contre les châtiments corporels judiciaires qui, en 1972, étaient encore en vigueur dans les îles de Jersey, Guernesey et Man. Ma cause n'était pas populaire mais, à peu d'exceptions près, les gens de mon village ne m'en voulaient pas.

J'étais perplexe ! Chez le marchand de journaux, ce fut le même cinéma, personne ne m'adressait la parole et les conversations s'arrêtaient net. Mais que se passait-il ? Pourquoi étais-je mise en quarantaine ? Je demandai l'avis d'une voisine :

- C'est à cause du dauphin...

- Le dauphin ?

- Vos Français l'ont tué. On ne l'a plus vu depuis jeudi dernier, après l'escale d'un de vos bateaux français dans la baie.

C'était une accusation sérieuse et je savais qu'elle était sans fon- dement. Il fallait que je m'en occupe sans tarder !

Le mercredi précédent, le Gagne-ta-Croûte avait été remorqué

jusqu'à Port St Mary avec son chalut pris dans l'hélice, par le

Camisard. Il n'y avait pas de place à quai et les plongeurs avaient

dû travailler derrière le brise-lames, dans la baie. Mon second fils,

Tony, était un des deux plongeurs, l'autre étant Ken Harrison, sur-

nommé « Jungle Jim ». A trois, nous nous sommes rendus au Gagne- ta-Croûte en vedette, nous amarrant bord à bord. L'autre chalutier

décampa aussitôt.

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Les plongeurs sont d'abord allés voir de quoi il retournait. Le chalut dégorgeait de poisson quand il fut happé par l'hélice. Le travail serait long et difficile et, à regret, il fut jugé nécessaire de couper dans le chalut. Les matelots français prirent la chose philosophiquement, se résignant à la perspective de longues heures de ramendage pour remettre en état le chalut déchiqueté.

A cette époque, un dauphin solitaire (Tursiops truncatus) avait élu domicile à Port St Mary, ceci depuis plus de deux ans. C'était un objet d'attraction, le familier du port. Il suivait les bateaux de pêche et les plaisanciers, faisant parfois chavirer des vedettes dont les occupants finissaient dans la flotte. Il observait avec curiosité toutes les activités du port, à la surface et sous l'eau, et donnait volontiers des démonstrations de sports aquatiques à la grande joie des estivants.

Ses compagnons les plus proches étaient mes fils Michael et Tony, âgés alors de 20 et 17 ans, tous deux amateurs de la plongée. Ils avaient forgé des liens d'amitié avec le dauphin, une bête magnifique, longue de trois mètres et d'une rapidité étonnante. Ils ont pris de remarquables photos sous-marines de leur copain jouant à cache-cache avec eux parmi les bateaux mouillés dans le port. L'animal leur permettait de le toucher avec leurs palmes de caoutchouc, mais pas avec leurs mains.

Quand mes garçons plongeaint, le dauphin allait à leur rencontre et les saluait avec de grandes exhalations d'air, pour imiter leurs bulles d'air pensaient-ils, comme pour leur dire : « Bonjour, les gars aux bulles ! » Le dauphin était d'avis que leurs jeux devraient se prolonger indéfiniment et aux premiers indices que l'heure de récréa- tion touchait à sa fin, il signalait son mécontentement en émettant un cliquetis, comme un compteur Geiger, donnant à mes fils des petits coups de nez, et parfois même les mordillant.

Il est évident que le dauphin avait suivi notre vedette jusqu'au Gagne-ta-Croûte et qu'il s'était intéressé à ce qui se passait sous l'eau.

Tony devait constamment lui donner des coups de pieds pour l'écarter du travail. Une fois le chalut déchiré et son riche contenu libéré, le dauphin se paya un banquet pépère de morues, merlus, lieux noirs, merlans, encornets et Dieu sait quoi encore.

Après que l'hélice eut été dégagée, inspectée et déclarée en bon état, nous sommes retournés au port en vedette. L'équipage du Gagne-ta- Croûte nous dit au revoir de la main et ils reprirent la mer sans tarder pour rattraper le temps de pêche perdu. Le dauphin nous accompagna, parfois à l'avant, parfois à l'arrière, tournant en rond autour de nous, nous taquinant d'en dessous, prétendant qu'il nous ferait chavirer, bondissant en l'air et nous éclaboussant de près avec de grands

« poufs ». Cela amusa les deux plongeurs qui étaient mouillés de toute

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façon, mais mon meilleur pull Aran en grosse laine fut trempé, et je dégoulinais.

Le lendemain matin, mon cadet Daniel, qui à 11 ans ne plongeait pas encore, me demanda la permission de sortir avec le bombard pour photographier les clowneries du dauphin. Il paraît qu'il était spécia- lement enjoué, peut-être le résultat de son bon repas de la veille !

« D'accord, mon chéri, mais tu dois porter ton gilet de sauvetage, et prends le petit appareil, au cas où tu chavires. »

J'étais donc sûre et certaine que « mes Français » n'avaient nulle- ment fait de mal à notre ami aquatique. Il lui était déjà arrivé d'aller

« en vacances » dans l'une ou l'autre baie voisine. Il suffisait qu'une seule personne le repère. Je m'attablai au téléphone et je contactai les garde-côtes, les gardiens de phares, les capitaines de ports, la station de biologie marine, les amateurs de voile, les pêcheurs à la ligne et bien sûr les marins-pêcheurs mêmes. Ce fut l'un d'eux, Herbert Crebbin, un caseyeur, qui me téléphona la bonne nouvelle : « J'étais allé soulever mes casiers à homards quand je l'ai vu, il y a une heure, dans la baie de Port Erin. » Quel soulagement !

La station commerciale de radio de l'île, Manx Radio, consentit à diffuser la nouvelle. Le lendemain matin, parmi les grands titres, ils annoncèrent : « Après avoir disparu de son territoire favori à Port St Mary depuis près d'une semaine, le dauphin a été repéré dans la baie de Port Erin. » Et quand je fis mes emplettes, tout était de nouveau normal.

Le dauphin nous quitta soudainement au cours de l'été suivant. On pense que les explosions sous-marines de minage au cours de travaux d'approfondissement du port ont dérangé son ouïe extra-fine. Son escale suivante fut à Milford Haven, au pays de Galles, où il vécut quelques années, puis il s'installa au large des Cornouailles et finit par disparaître. Il était tellement apprivoisé qu'un certain docteur Horace Dobbs en fit une étude approfondie qui donna lieu à plusieurs programmes de télévision et à un livre (To ride a wild dolphin).

Il était facile à identifier, ayant plusieurs cicatrices et un trou près

de la nageoire dorsale, occasionné soit par un coup de pale d'hélice,

soit par quelqu'un qui lui a tiré dessus. C'est dans le calme de Port

St Mary qu'il a choisi de chercher sa guérison. Et je connais pas mal

d'êtres humains blessés par la vie qui en ont fait de même.

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CHAPITRE III À LA RESCOUSSE

C'était en décembre 1968. Le patron d'un petit chalutier m'avait appelé de mer vers l'heure du déjeuner, s'annonçant avec un malade.

Les symptômes se résumaient à un œdème douloureux de la jambe droite, du genou à la cheville. Ils devaient accoster à 21 h, mais un docteur de l'hôpital avait recommandé d'avancer l'heure d'arrivée, car il se pouvait que ce soit assez grave. Alors, j'ai rappelé le bateau par Portpatrick Radio, en Écosse. Le patron était d'accord d'avancer l'escale de deux heures, donc 19 h mais, en l'occurrence, il est arrivé à 20 h et j'ai poireauté une heure à quai, seule, dans l'obscurité. J'ai donc embarqué le malade et à ma grande surprise non seulement le patron, mais aussi le bosco, avaient décidé de nous accompagner.

Le diagnostic fut assez simple : une cellulite, c'est-à-dire une inflam- mation sous-cutanée. Piqûre, pommade, traitement antibiotique de huit jours. Le dispensaire était déjà fermé et le docteur Johnson, une charmante jeune femme, insista pour rappeler un pharmacien, à mon grand soulagement, car trouver une pharmacie ouverte la nuit en décembre dans une petite île n'est pas une sinécure !

C'est comme ça que l'aventure a débuté. J'avais remarqué à l'hôpital que le patron et le bosco s'absentaient fréquemment sous le prétexte d'aller aux toilettes et qu'ils en revenaient parfumés au vin et d'une humeur de plus en plus joyeuse. Il est clair qu'ils avaient caché du confort en bouteille dans la voiture.

Lorsque le docteur Johnson annonça que le malade pouvait retourner

à bord à condition qu'il ne fasse pas de travail lourd, mes deux

ouistitis se déclarèrent enchantés. « Parfait, dit l'un, tu prendras la

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place du cuistot et tu ne travailleras pas sur le pont. » L'autre ajouta :

« Nous n'avions aucune intention de te laisser ici, c'est pour ça que nous sommes venus à deux. Tu sais que nous sommes partis à court de matelots et comme un des gars est à moitié fou, on n'aurait pas pu se passer de toi. »

Leur réaction me déplut. Pour tout dire, je ne me sentais pas à l'aise avec ces deux hommes, je les trouvais plutôt agressifs et pas du tout typiques des officiers de pêche que je connaissais si bien, avec leur calme et leur sens des responsabilités. Je n'irais pas jusqu'à dire que j'ai développé un sixième sens, mais je travaille au pifomètre et je me fie à mon instinct.

Il fallait reconduire les trois hommes à Peel. Mes passagers bavar- daient. Ils s'amusaient follement, se moquant du « demi-fou » qui avait piqué une crise trois jours auparavant, en mer, et se plaignait de maux de tête violents. Entre de grands éclats de rire et se tapant les cuisses, ils décrivaient ses singeries, comment il faisait tout de travers, par exemple étriper le poisson avec le mauvais côté de la lame de couteau, puis jeter le poisson en mer et les tripes dans le panier.

Marrant ! Et tout ce qu'il croyait voir grimper le mât : des singes, des perroquets... Je suivais leur conversation et, plus j'en entendais, plus je me fâchais intérieurement et me souciais de cet homme. Je leur demandai :

– Pour l'amour du ciel, pourquoi cet homme ne nous a-t-il pas accompagnés à l'hôpital ?

- Parce que nous sommes à court d'hommes. D'ailleurs, il n'est pas malade, seulement un peu fou.

- Est-ce qu'il boit beaucoup ?

- Non, au contraire, il ne boit jamais, sa ration de vin va au bateau.

J'ai pensé, méchamment, que je me doutais bien aux mains de qui finissait sa ration de vin. J'ai décidé de me rendre à bord coûte que coûte pour voir sur place ce qui se passait.

C'était un chalutier en bois, de taille modeste, peut-être 100 tonnes.

L'équipage qui jouait aux cartes fit place pour moi entre eux sur la banquette qui entourait la table, suivant la forme arrondie de la poupe.

Après avoir serré la main de tous, j'ai demandé lequel d'entre eux souffrait de maux de tête violents.

- Il est dans sa couchette, au-dessus de vous.

Je me mis debout sur la banquette, leur tournant le dos, pour ouvrir les petits rideaux de grosse toile qui étaient tirés. Une bouffée d'air chaud me frappa au visage. L'homme dormait profondément.

Touchant son front, j'ai réalisé qu'il faisait de la fièvre et je réclamai

un thermomètre. Le patron et le bosco tentèrent de m'empêcher,

prétendant qu'il n'y avait pas de thermomètre à bord, disant que les

marins-pêcheurs n'ont pas besoin d'être dorlotés comme des petits

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enfants et autres remarques du même genre. J'ai regardé l'équipage à la ronde et j'ai reconnu le plus vieux du bord, que j'avais déjà rencontré plusieurs fois à bord d'autres chalutiers. Je l'ai fixé de l'œil et il m'a donné un signe presque imperceptible de la tête comme quoi il avait compris. Il trouva la trousse médicale et me passa deux thermomètres.

Je ne suis pas infirmière, mais j'ai été ambulancière de la Croix- Rouge pendant la guerre 39-45, en Belgique, c'est d'ailleurs comme ça que j'ai rencontré mon mari Philippe, après la Libération, et que je suis devenue manxoise. En outre, j'ai été présente à des centaines d'examens médicaux de pêcheurs et je savais plus au moins que faire.

Le thermomètre enregistra plus de 40 de fièvre. Après ça, j'ai demandé à emprunter une montre chronométrique, qu'on m'a donnée tout de suite. Son pouls battait bien au-delà de 100 par minute. L'homme ne réagissait pas. J'ai demandé une lampe de poche, le mécanicien me passa la sienne. Les hommes m'observaient dans un silence complet.

J'ai fermé les rideaux pour faire l'obscurité, soulevé les paupières de l'homme et rapidement éclairé ses yeux, un à la fois. Les pupilles étaient complètement contractées.

Me dégageant de la couchette et du haut de ma grandeur (1,53 m) debout sur la banquette, j'ai déclaré d'un ton ferme que cet homme devait aller à l'hôpital, très probablement par ambulance. Le patron ricanait en disant : « Dès que vous toucherez la terre pour aller téléphoner, nous lancerons les amarres, et en route ! » Je crois qu'il était sérieux. Et personne ne broncha.

Je fis semblant de faire mes adieux et je priai mon vieux copain du bord de m'aider à débarquer, car il faisait nuit noire. Arrivés sur le pont, je lui demandai en chuchotant s'il savait comment faire fonctionner la radio du bord, et sa réponse était positive. Nous nous sommes faufilés dans la passerelle, nous avons allumé une lampe pilote et le matelot a trouvé la fréquence voulue pour contacter la terre.

J'ai demandé à Portpatrick Radio de me mettre en contact avec l'hôpital de Douglas, et après que j'eus expliqué que c'était un cas d'urgence et que je parlais d'un bateau, la réceptionniste m'a passé le docteur Rhoda Johnson.

J'ai décrit les symptômes tels que je les avais établis et le matelot m'aida à compléter le reste : l'âge du patient - 33 ans - et l'enchaî- nement des autres symptômes : les maux de tête, la crise, les vomis- sements, la confusion mentale et le reste. Le docteur Johnson nous dit :

- Amenez-le-nous sans tarder, c'est très urgent.

Elle me proposa de le faire transporter à terre par ses camarades

de bord pour que je puisse l'amener en voiture, afin de faire au plus

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vite, mais quand je lui ai décrit la situation et le manque probable de coopération, elle commanda une ambulance. Nous sommes redescendus pour donner la nouvelle. Le fait qu'une ambulance faisait route vers nous sembla galvaniser l'équipage et ranimer leur esprit de corps. Ils étaient enfin convaincus que leur camarade de bord était très mal. Bientôt, tout le monde s'affaira à préparer le panier du malade : du linge propre, des chaussettes, ses souliers, sa montre, de quoi lire, son portefeuille, un rasoir, etc. Je pris charge de son fascicule et promis au patron de tenir la mère en France au courant ; lui se chargeait de prévenir les autorités maritimes par radio. J'ai suivi l'ambulance et suis restée avec le malade pour faire l'interprète et le rassurer. Le docteur Johnson était exténuée ; il était 2 ou 3 h du matin, et Dieu sait combien de temps elle avait été de service, en tant que jeune interne. Elle expliqua qu'une ponction lombaire révélerait s'il s'agissait d'une tumeur au cerveau ou d'une méningite. Je l'ai observée faire la ponction lombaire et le résultat était la méningite. Le docteur Johnson me dit :

– Vous lui avez sauvé la vie. Il serait mort dans les vingt-quatre heures.

Je suis rentrée chez moi vers 4 h du matin, ayant quitté mes pénates la veille à 6 h 30 !

Le docteur Rhoda Johnson fut tuée dans un accident de la route

en Afrique du Sud, deux ans après. Elle était formidable avec les

marins. Je l'ai pleurée comme si j'avais perdu une sœur.

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CHAPITRE IV

« QUO VADIS »

Fin novembre 1976, j'ai passé un week-end à Liverpool, à l'invitation du nouveau consul général, M. Dupont-Lothelain. Les grands postes consulaires ne sont jamais que pour quatre ou cinq ans et de 1961 à 1983, période au cours de laquelle j'étais agent consulaire de France à l'île de Man, j'ai fait la connaissance de plusieurs consuls et vice- consuls et de leur personnel, principalement à Liverpool.

Deux escorteurs d'escadre, le Maillé-Brézé et le Dupetit-Thouars étaient en escale officielle et plusieurs réceptions avaient été organisées.

Au cours d'un cocktail, le charmant nouveau consul général me fit savoir qu'il aimerait plus de détails sur mon travail avec la flotte de pêche française.

- Qu'entendez-vous par « plus de détails » ?

- Je vais vous expliquer : la prochaine fois qu'un chalutier vous appelle à l'aide, notez tout ce qui se passe, d'une façon détaillée, tout comme une étude de cadence au travail. Nous ne sommes pas loin de votre île, mais c'est un autre monde ! Nous avons du mal à nous représenter ce qui se passe là-bas. - Vous voulez vraiment dire tout ? littéralement tout ?

- Absolument. Une description de chacune des actions, du premier appel à la conclusion de l'incident. Je serai curieux de vous lire.

Donc, armée d'un carnet de notes auquel j'avais ficelé un crayon, j'ai attendu le prochain incident. Le mois de décembre débuta avec de grosses tempêtes et il y eut plusieurs accidents en mer, avec perte de vies. Je savais que ça ne pouvait manquer : tôt ou tard il y aurait un « incident » et ça n'a pas tardé.

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Un chalutier français qui s'était débattu cinq jours et nuits dans une mer d'Irlande qui avait atteint son paroxysme de méchanceté, est entré à Douglas, avec une série de problèmes, tous assez courants, mais il est rare qu'ils arrivent tous à la fois, au même bateau, et au cours d'une même marée. C'est le seul cas que j'aie noté à fond.

Voici la suite des événements, Lundi 6 décembre 1976 (premier jour)

5 h 30 - Réveillée par le téléphone. Anglesey Radio me met en rapport avec Joseph Hervé, patron du Quo Vadis de Lorient (248 tonnes).

- Allô ! madame Angèle, nous faisons route Douglas, nous arriverons dans deux heures, à 7 h 30 de votre heure. Le chef est gravement malade et il faudra une ambulance. Et nous avons fait des avaries à cause du gros temps. Et j'aurai besoin de mécaniciens, oh ! et des électriciens...

Je préviens le capitaine de port de Douglas et la douane ; je trouve un médecin qui se rendra à bord (obligatoire en cas de maladies, mais pas en cas d'accidents) ; je commande Ernie Leece de Peel, mécani- cien. Pas de réponse chez BMK, électriciens maritimes, ils ne sont pas encore au travail et je n'ai pas leur numéro à domicile. Pas de taxi disponible, donc je démarre avec ma voiture, à 6 h 45.

7 h 30 – Il fait encore noir quand j'arrive à Douglas. En route, j'entends à la radio qu'un chalutier français, le Compagnons de la Mer, est en détresse du côté de Land's End. Je parle au Quo Vadis en radio VHF du bureau du port pour l'aider à accoster, relayant en français les instructions du capitaine de port. Le docteur Ritson arrive à 8 h et nous allons ensemble à bord. Le chef-mécanicien, Jean-Pierre Le Maux, est dans un semi-coma diabétique. Le médecin fait venir une ambulance, que je suis en voiture jusqu'à l'hôpital pour faciliter l'admission du malade. De là, j'arrive à toucher les électriciens BMK de Douglas, et je commande également Electronics Ltd de Ramsey, car le sondeur et le traceur Decca sont en panne, avariés par la tempête.

9 h 30 - Je quitte l'hôpital et retourne à bord. Ernie Leece arrive - il travaillera sans arrêt jusqu'à 17 h. Je règle les droits de port, calculés sur la jauge brute du bateau et je tiens compte de mes dépenses car j'agis en tant qu'agent maritime aussi bien que consulaire.

J'accompagne le patron au bureau du port, d'où nous appelons l'armateur en France, en PCV. La communication est pénible à obtenir, cela nous prend une demi-heure. Le patron explique à l'armateur ses nombreux problèmes et demande qu'un mécanicien de remplacement soit expédié d'urgence.

10 h 15 - Arrivée de Brian Brough, de la maison Electronics Ltd.

Il s'attaque aux appareils en panne, mais offre de réparer d'abord un tableau électrique pour permettre au compresseur du moteur

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auxiliaire de regonfler les bouteilles d'air, ceci afin de pouvoir relancer le grand moteur, un Duvant. Alfred Kerzéro, second méca- nicien, vient seulement d'embarquer et est plutôt perdu. Il est à bout : voici trois nuits qu'il n'a pas dormi, ses paupières sont rouges et ses yeux larmoyants.

11 h 20 - Les électriciens arrivent et s'occupent d'un second tableau électrique qui contrôle la pompe de cale. Ernie Leece travaille à la pompe même, qui refuse d'amorcer. La courroie principale du gros moteur, une toute neuve, est cassée et traîne dans plusieurs mètres d'eau de cale. La cale n'a pas été asséchée depuis cinq jours. J'ap- prends que le chef malade a fait une vilaine chute dans la machine, ce qui explique des blessures à la tête et aux genoux et de nombreuses ecchymoses remarquées à l'hôpital.

Vers midi, le traceur Decca est réparé, mais pas le sondeur qui a une faute intermittente. Les bouteilles d'air arrivent à « vingt kilos » de pression. J'emprunte un vieux « bleu » (une salopette) pour des- cendre dans la machine, car là c'est un fouillis indescriptible.

12 h 30 - Les électriciens nous quittent, disant qu'ils ont fini leur travail, mais la pompe ne fonctionne pas normalement. Je déjeune à bord avec l'équipage, Brian Brough et Ernie Leece étant aussi invités.

Au menu : homard à la mayonnaise, salade de tomates et laitue, rosbif avec purée de pommes de terre, vin et café.

La conversation tourne autour du temps atroce. Dans la nuit, le chalutier français Compagnons de la Mer a coulé aux environs de Land's End. Nous parlons du Fruit de la Mer dont le bosco, George Chapelin, fut perdu dans la nuit du 26 au 27 novembre : une grosse lame emporta deux hommes, dont un fut repêché après trente-cinq minutes, mais pas le pauvre George que je connaissais.

13 h 30 - Nous redescendons dans la machine. Alfred, complète- ment exténué, va casser la croûte à son tour. Nous découvrons une fuite dans un tuyau et je donne un coup de main à la contenir avec un « bandage » de fortune fait d'un pneu découpé.

Alfred nous rejoint. Le patron lui ordonne d'aller se reposer, mais il s'attarde encore une heure. Finalement, il se retire, crevé, mais peu après il est rappelé pour un essai de lancement de moteur. Il me fait pitié, le patron aussi, avec ses nerfs à fleur de peau, presque au bout du rouleau.

Ernie aurait fort besoin d'un plan du système de refroidissement du moteur. Avec la permission du patron, je fouille parmi les papiers du chef malade dans sa cabine et j'y découvre le plan qui indique la position des pompes, vannes, etc. Ernie est aux anges.

Je prépare le « panier » du malade avec ses biens personnels, à déposer à l'hôpital - mais j'oublie bêtement d'y mettre des chaussures.

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15 h - Le moteur de la pompe de cale retombe en panne. Je grimpe à quai pour rappeler les électriciens BMK. Ils reviennent et font le travail rapidement. Par un heureux hasard, j'étais encore auprès du téléphone quand l'armateur appelle pour annoncer que Tintin Burguin arrivera demain soir en remplacement. Hourra !

16 h - Le patron se change et m'accompagne à l'hôpital. Le malade a une chambre à lui. Il est inconscient et est sous perfusion de sérum.

Il y a deux docteurs à son chevet, un Indien et une femme. Il y a aussi une très jeune infirmière qui tente en vain d'obtenir un échantillon d'urine du patient. J'ouvre le robinet d'un lavabo et cela réussit, l'échantillon arrive goutte à goutte. Nous mettons les médecins au courant de la chute dans la machine et ils font immédiatement faire des radios du crâne. Nous rangeons ses affaires dans une petite armoire et laissons son fascicule dans un tiroir de la table de nuit. Il ne servirait à rien de rester au chevet d'un homme inconscient, aussi je reconduis le patron au port et j'arrive chez moi à Port St Mary au moment de la météo BBC du soir : mer d'Irlande, fort coup de vent Beaufort neuf, augmentant tempête force dix...

Mardi 7 décembre 1976 (deuxième jour)

7 h 30 - Le patron me téléphone : « Le moteur auxiliaire est en panne, nous n'avons pas de « jus » (courant) à bord. Il n'avait pas été huilé, je me demande s'il est grillé. Et le poisson dans la cale sans réfrigérant... »

J'appelle Ernie Leece qui se rendra à Douglas avec une petite génératrice portative. Coup de fil de l'hôpital : les médecins aimeraient savoir quels médicaments Jean-Pierre prenait, pour adapter leur trai- tement. Je promets de m'en occuper.

9 h 15 - Je vais d'abord à notre petite usine à Port St Mary pour résoudre quelques problèmes du personnel, puis je vais à Douglas pour fouiller la cabine du chef en quête de médicaments. Je les dépose à l'hôpital. Le patron m'accompagne, nous trouvons Jean-Pierre un peu mieux, mais encore très somnolent.

10 h 45 - Nous retournons au bateau. Dans la nuit, la tempête a fait sauter les amarres. Les autorités portuaires insistent qu'il faut mouiller le bateau dans un endroit plus sûr et renforcer les amarres. Ils surveillent l'opération de déplacement et se déclarent satisfaits.

Ernie est déjà à bord avec un assistant, John Molyneux. La petite génératrice ne donne tout juste assez de courant que pour une lampe baladeuse ! Le patron et moi sommes convoqués au bureau du port : le Quo Vadis bloque le mouillage habituel du ferry, combien de temps va-t-il rester là ? L'arrivée ce soir du mécanicien de remplacement est confirmée de France par téléphone : une bonne nouvelle.

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Vers 11 h, mon mari arrive à bord, offrant son aide. Il suggère un produit, Easy Start (Pilote en France), qu'il va acheter à terre et dix minutes après son retour le moteur auxiliaire est lancé à la main. Peu après, je dois encore aller à terre téléphoner aux électriciens, car le moteur de démarrage de la pompe de cale est de nouveau tombé en panne.

12 h 05 - Essai de lancement du moteur-treuil. Pas réussi, perte d'air comprimé. Philippe offre d'aller chercher un supplément de Pilote, mais c'est l'heure du déjeuner, les magasins sont fermés et il revient bredouille.

Les trois mécaniciens (Ernie, John et Alfred) retirent la courroie d'entraînement cassée qui traîne dans l'eau de cale. Ils la mesurent pour aller en acheter une neuve, mais ils découvrent à bord un morceau qui fera l'affaire et Ernie va à terre chercher des agrafes.

12 h 30 - Le cuistot annonce le déjeuner, dont le menu comprend un plat intéressant de calmars. Plusieurs équipiers demandent une avance en sterling pour faire des emplettes de Noël en ville. Il faudra que je me rende à la banque.

13 h 30 - Les électriciens arrivent. Pendant que les matelots se changent, je cours à terre chercher un supplément de Easy Start, puis je me rends en ville avec quatre des équipiers. Pendant le repas, on a discuté certaines de leurs aventures en mer. Par exemple, Joseph Kermorvant a été le seul rescapé du naufrage du Rose mystique.

Marcel Toumelin, à 17 ans, a été débarqué à Moville souffrant d'une appendicite, soignée à Londonderry. Il paraît que c'est moi qui ai tout arrangé par téléphone, mais je ne m'en souviens pas.

Après avoir encaissé de l'argent liquide à la banque et distribué les avances, nous allons tous ensemble à l'hôpital voir Jean-Pierre, qui va un peu mieux et est ravi d'avoir de la visite. Je les laisse là, ils devront se débrouiller pour aller en ville et retourner à bord. Je rentre chez moi en fin d'après-midi, où je m'occupe de mon courrier personnel et des affaires de l'usine. La famille du malade a régulièrement pris des nouvelles, je peux maintenant leur donner un numéro de téléphone de chevet, puisque Jean-Pierre a repris connaissance.

18 h 20 - C'est un vieux copain, Valentin Burguin, qui débarque à Ronaldsway, l'aéroport de l'île, pour faire le remplaçant dans la machine. Son cousin Jojo Bourdiec, accompagné de sa femme Rosemarie, va à sa rencontre. Ils habitent Port St Mary - mais ça c'est une autre histoire !

19 h - Les Bourdiec arrivent à Douglas avec Tintin, peu après moi.

Le patron paie une tournée de vin à bord pour célébrer son arrivée.

Pour son baptême de l'air, il a été servi ! Il a fait cinq vols en un jour, de Lorient à Nantes, de Nantes à Paris, de Paris à Londres, de

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Londres à Liverpool et la dernière étape jusqu'ici. La présence d'un mécanicien frais et dispos remonte le moral de tout le monde, surtout celui d'Alfred. Il y a une joyeuse ambiance.

20 h - Le patron déclare : « C'est pas tout ça les enfants, il faut se remettre au travail. » J'enfile le vieux « bleu » et nous descendons à la queue leu leu dans la machine : Tintin, Alfred, Ernie Leece, John Molyneux, le patron et moi. Tintin est horrifié par la pagaille qui règne en bas. Il essaie tout d'abord de lancer la pompe de cale, mais n'y arrive pas plus que les mécaniciens anglais : elle refuse d'agripper.

Tintin n'y comprend rien, il dit qu'il lui faut absolument consulter le mécanicien du bord. Je le conduis voir Jean-Pierre qui donne des instructions pas à pas pour cette sacrée pompe de cale et fournit des tas d'autres renseignements utiles concernant « son » moteur. Nous retournons au port, nous avons tout juste le temps de boire un verre avant la fermeture des cafés, et je rentre chez moi.

Mercredi 8 décembre 1976 (troisième jour)

8 h 15 - Coup de fil du patron : « Tintin et moi avons travaillé toute la nuit. Nous avons tout essayé. Il nous est impossible de faire la vidange nous-mêmes, nous avons besoin des pompiers. » Sa voix est rauque et j'ai du mal à le comprendre.

9 h 15 - Une longue discussion par téléphone avec le commandant du port. Nous décidons de faire appel aux pompiers. J'examine mon courrier avant de me mettre en route pour Douglas, où j'arrive vers 10 h. Les pompiers sont déjà là, en pourparlers sur le quai avec deux représentants des autorités portuaires et nous sommes bientôt rejoints par l'ingénieur en chef des travaux publics. Ce dernier soulève la question de pollution du port et décrète que l'eau de cale devra être récupérée dans un conteneur. Il décide de commander un camion- citerne. Le commandant des pompiers et moi lui faisons remarquer que ce n'est que de l'eau après tout, et que toute « pollution » serait évacuée à la prochaine marée haute - il y en a deux par jour. Il ne veut rien entendre et renvoie les pompiers.

11 h 30 - Je prends Tintin et le patron dans ma voiture avec l'intention d'aller à l'hôpital pour consulter Jean-Pierre plus à fond, mais nous nous arrêtons d'abord au bureau des douanes. Nous aurions dû nous signaler hier, vingt-quatre heures après leur entrée au port, mais nous étions trop occupés. Nous remplissons et signons les for- mulaires requis en quelques minutes, et quand nous sortons... les clés de la voiture ont disparu ! Je retourne voir si je les ai laissées au bureau des douanes, mais on m'annonce que « c'est courant, on en vole tous les jours ».

Je me rends à pied au garage le plus proche, pleurant de rage, et je signale le vol à la police par téléphone. Je commande aussi de

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nouvelles clés à mon garage, puis j'implore mon fils Michael de venir m'aider et je retourne au bateau. Les deux Français y étaient déjà retournés, tout découragés, les épaules basses. Nous déjeunons dans l'obscurité, puisqu'il n'y a pas de « jus ». Pas de réponse au numéro des électriciens que nous avons appelé à plusieurs reprises.

13 h 30 - Michael arrive, m'apportant de nouvelles clés pour ma voiture. Il se charge immédiatement de conduire à l'hôpital Tintin et le patron, armés d'une longue liste de questions à poser au mécanicien malade.

Ils viennent à peine de partir que le camion-citerne arrive. Comme il n'y a pas d'officiers du bateau présents, je surveille et minute l'opération. La pompe est déclenchée à 14 h. Au bout d'une bonne demi-heure, 350 gallons (1 600 litres) ont été aspirés et le volant du grand moteur semble être hors de l'eau. Il y a encore place pour 50 gallons (225 litres) qui sont pompés de dessous le réducteur de vitesses. Le camion-citerne quitte le quai à 14 h 45 pour aller vider son cargo à Port Jack, à côté de Douglas. « Je reviens dans quelques minutes », me dit le conducteur.

15 h 15 - J'attends toujours le retour du camion-citerne : pourquoi sont-ils tellement retardés ? Je profite de mon inactivité pour appeler le consulat à Liverpool. Je décris la situation complexe. Mon inter- locuteur sympathise, mais n'offre aucune aide concrète, sauf celle de rapatrier le malade après sa guérison.

15 h 20 - Michael revient avec ses deux passagers. Il s'avérera nécessaire, après tout, d'acheter une courroie neuve, l'autre étant irréparable ; après avoir trempé trop longtemps dans la « flotte » de cale, elle patinerait sur le volant. Michael va en acheter une, ainsi qu'un produit de dégraissage : Jizer.

16 h 20 - Toujours pas de signe du camion-citerne, ni de réponse chez les électriciens. Michael va voir à leur atelier, ils ne sont pas là.

En désespoir de cause, nous appelons une autre firme d'électriciens qui nous dit que nous les trouverons probablement au Palace Hotel où BMK a un contrat d'ouvrage. C'est bien le cas : ils promettent de venir dès qu'ils seront libres.

16 h 40 - Le camion-citerne réapparaît ! Ils sont tombés en panne sur le chemin du retour. A coup sûr, un sort a été jeté sur ce bateau ! Il est trop tard maintenant, la mer a descendu - nous avons des marées de plus de neuf mètres -, le bateau aussi évidemment. La manche du camion-citerne n'est pas assez longue pour atteindre la cale, d'autant plus que le tirant d'eau du Quo Vadis est d'environ 4,50 mètres. Néan- moins, à bord du camion-citerne, ils ont une pompe portative qui pour- rait être mise à bord si seulement nous pouvions déverser dans la mer.

Accompagnée de Michael, je vais voir le capitaine du port, pour obtenir la permission de le faire. Le capitaine Kinley est très indécis,

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« Allô ! madame Angèle »

Les terriens ignorent tout de la rude vie des travailleurs de la mer. Jour et nuit, par tous les temps, dans des mers calmes ou démontées, nos marins-pêcheurs triment, parfois hébétés par le manque de sommeil. Ils passent le plus clair de leur temps en mer, avec deux jours dans leurs foyers après une longue marée, et c'est de nouveau route mer. Voici un véritable dossier établi par une femme qui, ayant été appelée à faire l'interprète après un naufrage à l'île de Man en 1957, s'est vue prise dans un engrenage qui transforma sa vie. Pendant un quart de siècle, elle prêta assistance à plus de 450 chalutiers, enregistrant environ 1 800 interventions, à l'exclusion des cinq premières années non notées, mais encore vivantes dans sa mémoire et dans celle de beaucoup d'hommes. Une série d'anecdotes allant du tragique à l'humoristique, le tout manifestement vécu, et écrit avec le cœur, ce livre remarquable est un témoignage de la vie des hauturiers, ces hommes méconnus.

L'auteur, Angèle Kneale, d'origine belge, rencontra son mari britannique à la libération de Bruxelles. Elle l'épousa en 1947, et depuis lors a vécu dans le pays de son mari, l'île de Man en mer d'Irlande, où elle donna naissance à trois fils. Agent consulaire de France pendant vingt-cinq ans, elle prêta assistance jour et nuit à de nombreux chalutiers bretons.

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