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Syndicats et libéralisation en Europe

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Academic year: 2022

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Relations sociales dans les services d'intérêt général

Une comparaison France-Allemagne IFAEE

Syndicats et libéralisation en Europe

Richard Pond

Marie Gravey

DOI : 10.4000/books.cirac.433 Éditeur : IFAEE

Lieu d'édition : IFAEE Année d'édition : 2011

Date de mise en ligne : 13 décembre 2017 Collection : Travaux et documents du CIRAC ISBN électronique : 9782905518644

http://books.openedition.org Référence électronique

POND, Richard. Syndicats et libéralisation en Europe In : Relations sociales dans les services d'intérêt général : Une comparaison France-Allemagne [en ligne]. Cergy-Pontoise : IFAEE, 2011 (généré le 02 octobre 2020). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/cirac/433>. ISBN : 9782905518644. DOI : https://doi.org/10.4000/books.cirac.433.

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Syndicats et libéralisation en Europe

Richard POND

Du point de vue de la Fédération Syndicale Européenne des Services Publics (FSESP), la Commission européenne aborde la libéralisation des services publics sous l’angle du mar- ché unique. Préoccupée par cet état de fait et malgré quelques avancées sur le sujet (pro- tocole annexé au Traité de Lisbonne, création d’un intergroupe au Parlement européen), la FSESP rappelle le rôle primordial de services publics de qualité, véritable « pierre angu- laire de la société européenne ».

Impact social de la libéralisation des services publics

La libéralisation a eu un impact lourd et significatif sur les salariés de toute l’Europe, en particulier sur ceux des services publics et ceux qui travaillaient dans le secteur public mais se retrouvent maintenant en situation de fournir des services publics en tant que salariés d’opérateurs du privé. La Fédération Syndi- cale Européenne des Services Publics (FSESP1) représente environ huit millions de travailleurs, dont beaucoup ont vécu la libéralisation personnellement et, dans le secteur de l’énergie en particulier, les salariés ont subi les politiques de libéralisation menées surtout par la Commission européenne.

Cela ne veut pas dire que les syndicats européens sont irrévocablement op- posés à la concurrence ou au corollaire probable d’une libéralisation accrue : la privatisation. La préoccupation de la FSESP réside dans le fait que ces poli- tiques sont initiées par la Commission européenne et approuvées avec plus ou moins d’enthousiasme par les gouvernements nationaux, sans que ceux-ci n’en reconnaissent véritablement l’impact social. A ce jour, les témoignages sug- gèrent que non seulement des centaines de milliers de travailleurs ont été per- dants dans cette libéralisation mais on se demande aussi véritablement si le pro- cessus a porté les fruits promis par ses défenseurs.

Une politique inspirée du marché unique

L’approche de la Commission européenne vis-à-vis de la question des services publics a largement consisté à envisager les choses du point de vue du marché unique. Il n’y a pas eu de véritables programmes concernant les services pu- blics, mais un programme dans le cadre duquel les politiques sont principale-

1 La FSESP est une fédération syndicale européenne affiliée à la Confédération Européenne des Syndicats (CES). Elle comprend plus de 250 organisations membres dans 49 pays et couvre les secteurs de la santé et des services sociaux, les gouvernements centraux, régionaux et locaux ainsi que les services publics d’énergie, d’eau et de gestion des déchets.

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ment définies en fonction de leur contribution à l’extension du marché unique à pratiquement tous les secteurs.

Même lorsque la Commission a débattu d’une politique affectant directe- ment le secteur public, comme son initiative sur la qualité des finances pu- bliques, elle s’est concentrée sur une gestion « a minima » et sur de faibles niveaux de dépenses publiques. Plutôt que de chercher des manières de déve- lopper réellement une politique des services publics, la Commission européenne a créé son propre langage qui fragmente la discussion. Nous n’avons pas de ser- vices publics, mais nous avons des services d’intérêt général, des services d’intérêt économique général, des services sociaux d’intérêt général et des ser- vices sociaux non économiques d’intérêt général !

La vision de la Commission en ce qui concerne de nombreux services pu- blics, en particulier ceux que fournissent les industries de réseau, est focalisée sur la libéralisation. Dans les secteurs fédérés par la FSESP, l’impact de la libé- ralisation a été particulièrement net dans l’énergie : électricité et gaz. Depuis le début des années 1990, la FSESP observe les effets de la libéralisation à mesure que la législation européenne contraint les Etats membres d’ouvrir leurs mar- chés à la concurrence. En 2007, une étude commandée par la Commission euro- péenne a confirmé l’estimation de la FSESP selon laquelle le secteur énergé- tique a perdu environ 300 000 emplois depuis le début du processus de libérali- sation. Il ne s’agit pas nécessairement de destructions d’emplois car nombre d’entre eux auraient été externalisés mais, selon l’expérience de la FSESP, ces externalisations impliquent le transfert d’emplois vers des entreprises ou des secteurs appliquant des conditions d’emploi et de rémunération moins favo- rables aux salariés.

La Commission semble considérer les services publics et la coopération comme l’ « exception » à la règle de la concurrence et de la recherche de profit, ce qui apparaît aussi dans son programme de dérégulation. Dans ce cadre, la Commission promeut la directive relative aux services, une meilleure régulation et une politique commerciale européenne plus libérale.

Campagne de la FSESP en faveur des services publics

La FSESP a fait valoir que, globalement, les organisations du secteur public sont les meilleurs fournisseurs de services publics mais que, en tout état de cause, il faudrait laisser au moins les modalités de leur fourniture à la discrétion des pouvoirs publics. Des services publics de qualité dépendent d’un ensemble d’éléments importants. Il y va de l’efficacité de leur fourniture et de leur organi- sation, basée sur des finances saines. La transparence est vitale, de même que des mécanismes permettant la participation efficace des usagers et des parte- naires sociaux. La fourniture de ces services doit être évaluée en termes d’égali- té, de cohésion et d’inclusion sociale, et la FSESP est convaincue qu’il faut, pour avoir des services de qualité, préserver une main-d’œuvre bien formée,

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dont l’engagement s’appuie sur un emploi et des conditions de travail de bonne qualité.

Il est essentiel d’assurer l’accessibilité universelle des services, à un prix abordable, selon un principe d’équité. Il n’est pas impossible que ces conditions soient compatibles avec celles du marché, mais elles ne peuvent être laissées au seul marché. Il est impératif de mettre en place certaines formes de régulation et, de préférence, d’une régulation qui, en substance, prendrait la forme d’un contrôle démocratique.

Préoccupée par la focalisation de la Commission européenne sur le marché unique, la FSESP a mené une campagne, en collaboration avec un large éventail de syndicats, organisations politiques et sociales, pour tenter d’obtenir une di- rective cadre sur les services publics. Nous avions beaucoup d'objectifs majeurs.

Nous voulions faire clairement passer le message selon lequel des services publics de qualité sont la pierre angulaire de la société européenne et qu’ils devraient à ce titre être au cœur de l’élaboration des politiques européennes et non pas considérés simplement comme une pierre d’achoppement sur la voie de la création d’un marché unique.

La campagne visait aussi à identifier qui était responsable de la gestion des services publics avec un rôle et une responsabilité clairs des pouvoirs publics locaux, régionaux et nationaux élus qui prennent en compte les besoins des usa- gers. La FSESP a voulu souligner le risque que les grands opérateurs puissent entrer sur le marché afin d’« écrémer » les parties rentables des services publics, créant un déséquilibre qui laisserait au secteur public la responsabilité unique- ment d’un ensemble de services non économiques. La campagne consistait en outre à souligner combien il est important de rendre les services accessibles aussi largement que possible, de les fournir gratuitement ou à des prix abor- dables à ceux qui en ont besoin.

Le protocole annexé au Traité de Lisbonne

L’approche de la Commission européenne nous posait de nombreux problèmes.

Premièrement, la Commission était réticente même à reconnaître les services publics, puisqu’elle utilise le terme de « services d’intérêt général » et n’a tou- jours pas de direction chargée de gérer spécifiquement les services publics.

Deuxièmement, elle s’est focalisée très largement sur le marché unique, qui s’est vu accorder la priorité sur pratiquement toutes les autres politiques.

Le Traité de Lisbonne constitue néanmoins une évolution relativement posi- tive en termes de reconnaissance de l’importance des services publics, et le protocole annexé à ce Traité donne quelques perspectives de protection et de promotion des services publics. Le Président de la Commission, Jose Manuel Barroso, a fait la remarque suivante : « Dans le Traité de Lisbonne, il y a déjà des dispositions très claires sur la défense et la garantie des services publics. Je suis convaincu que les services publics remplissent une fonction essentielle

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dans notre modèle de société européenne. Je suis prêt à organiser un débat avec le Parlement européen sur la meilleure manière de garantir cette protec- tion et la spécificité des services publics ».

Le protocole comporte trois sections principales à l’article 1, concernant respectivement :

• la subsidiarité – c’est l’idée principale, selon laquelle les services doivent être fournis « d’une manière qui réponde autant que possible aux besoins des utilisateurs » ;

• le besoin d’une diversité de services ; et

• surtout, les principes communs inhérents à tous les services publics re- connus dans cette formule : « un niveau élevé de qualité, de sécurité et quant au caractère abordable, l’égalité de traitement et la promotion de l’accès universel et des droits des utilisateurs ».

La FSESP estime que cette dernière phrase l’oblige clairement à poursuivre son action pour que le respect de ces principes puisse être évalué concrètement. Le défi consiste dorénavant à essayer d’appliquer ces éléments clés du protocole, et la FSESP souhaite se concentrer sur un certain nombre de questions spécifiques.

Propositions de la FSESP

La FSESP attend maintenant de la Commission européenne qu’elle utilise le protocole relatif aux services publics comme base pour établir une liste de con- trôle à partir de laquelle les changements apportés aux services publics peuvent être évalués en termes de qualité, de sécurité et de prix, d’égalité de traitement et de promotion de l’accès universel et des droits des usagers. Evaluer la législa- tion à la lumière de cette liste de critères serait la première étape franchie par la Commission avant d’engager un processus d’évaluation d’impact plus vaste. Ce serait reconnaître la primauté des obligations de service public sur la conformité au marché, comme le prévoit le protocole.

La FSESP estime aussi que pour s’assurer que cette liste est utilisée dans la pratique, la Commission européenne devrait dédier une unité (de préférence au bureau du Président) pour la faire valoir face à toute proposition susceptible de modifier la nature d’un service public.

Une autre initiative qui mériterait, selon la FSESP, d’être débattue à la Commission, est un projet de Statut des services européens d’intérêt général.

Celui-ci suivrait les mêmes lignes que le statut de société européenne et servi- rait de référence aux fournisseurs de services publics à tous les niveaux requis.

Une autre étape serait la publication par la Commission d’une communica- tion sur l’accès universel. Ce document devrait souligner que la garantie d’accès universel comporte, par définition, une dimension collective et mettre en avant les mécanismes assurant l’accès universel par la solidarité.

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DEPUIS LES DERNIÈRES ÉLECTIONS EUROPÉENNES, il y a eu une évolution importante avec la création au Parlement européen d’un intergroupe sur les ser- vices publics. Il rassemble des députés d’horizons politiques divers, ainsi que d’autres acteurs comme les syndicats, qui se retrouvent maintenant régulière- ment pour discuter de sujets de préoccupation, en particulier lorsque la législa- tion proposée risque d’avoir un impact sur les services publics. L’existence de cet intergroupe va contribuer à sensibiliser davantage le Parlement européen aux services publics et devrait permettre de former plus facilement des coalitions lorsqu’un lobbying coordonné est nécessaire sur des initiatives susceptibles d’avoir des répercussions, positives ou négatives, sur les services publics.

Alors que le protocole relatif aux services publics donne des perspectives d’action en ce domaine et semble marquer des changements dans l’approche de la Commission, il reste des défis importants. La FSESP a essuyé une grande dé- ception en constatant que la stratégie Europe 2020, comme la précédente définie à Lisbonne, n’arrive pas à reconnaître le rôle que jouent les services publics pour répondre à certains de ses principaux objectifs. Les pouvoirs publics sont des acteurs majeurs sur les questions du développement économique, de la hausse des taux d’emploi et de la réalisation des objectifs d’inclusion sociale. Ils peuvent en outre, en tant qu’employeurs, avoir une ou deux longueurs d’avance sur le secteur privé dans des initiatives destinées à donner de meilleures chances aux femmes, aux jeunes, aux personnes en situation de handicap et de chômage de longue durée.

Il faut aussi citer les projets de la Commission en matière de gouvernance économique et de surveillance plus attentive des projets de dépenses publiques dans toute l’UE. Pour la FSESP, le problème est que cette approche se con- centre bien trop étroitement sur la consolidation fiscale. Elle ne répond pas aux besoins d’action coordonnée afin d’assurer que l’Europe prend résolument la voie de la reprise en accordant un rôle central aux services publics et à l’inves- tissement public.

Traduction de Marie GRAVEY

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