• Aucun résultat trouvé

Drogues et risques d infection : enjeux et opportunités pour l Afrique de l Ouest. Expérience du Sénégal

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Drogues et risques d infection : enjeux et opportunités pour l Afrique de l Ouest. Expérience du Sénégal"

Copied!
16
0
0

Texte intégral

(1)

1

Drogues et risques d’infection : enjeux et opportunités pour l’Afrique de l’Ouest. Expérience du Sénégal

Dr Idrissa BA Psychiatre Addictologue

Coordonnateur technique du Centre de Prise en Charge Intégrée des Addictions de Dakar (CEPIAD) Membre de la Commission Ouest Africaine sur les Drogues (WACD)

Email : idrisba@gmail.com

I. Introduction

La Commission Ouest Africaine dans son rapport lancé en 2014 à Dakar signalait que la région n’est pas seulement une zone de transit et que les drogues représentent une menace pour les Etats et les Sociétés.

Les drogues constituent aussi un lourd fardeau pour les systèmes de justice pénale, une menace pour la sécurité (financement de conflits armés, trafic d’armes, criminalité et violences, etc.) et la cohésion sociale dans les pays et les communautés du fait de sa liaison étroite avec une criminalité organisée mais aussi une menace pour le développement économique (coûts directs et indirects).

Bien que les couches les plus vulnérables et les plus marginalisées de la population soient les plus touchées par les effets induits par cette consommation, la communauté en souffre dans son ensemble.

Avec près de 16 Millions de consommateurs de drogues par voie injectable (CDI) contribuant à près de 5 à 10% des nouvelles infections à VIH dans le monde en plus des multiples conséquences sanitaires économiques, sécuritaires ci-dessus citées, le silence n’est pas acceptable car il fait plus de victimes que les drogues elles-mêmes. Il y’a un danger énorme de laisser développer une nouvelle dynamique épidémique dans les pays déjà éprouvés.

(2)

2

Quelles sont les actions à mener pour faire face à cette « pandémie » de consommation de drogues et à ses risques ? Quels sont les enjeux et les opportunités d’une prise en charge des CDI?

Pour répondre à ces questions, nous partirons du contexte international de l’usage de drogues et de ses conséquences, puis nous décrirons l’expérience du Sénégal avant de conclure sur les opportunités et les enjeux de la prise en charge des problèmes liés à la consommation de drogues.

II. CONTEXTE INTERNATIONAL II.1 Situation épidémiologique:

 16 Millions de CDI (11 à 21 Millions) dont 3 Millions vivent avec le VIH (0,8 à 6,6 Millions). La chine, les Etats-Unis, la Fédération de Russie et le Brésil comptent 45% de la population de CDI du monde

 Le VIH et la Consommation de Drogues sont deux épidémies qui nécessitent une stratégie commune.

- En effet, 5 à 10 % des nouvelles infections VIH dans le Monde (30%

hors Afrique Subsaharienne) sont liés à la consommation de drogue qui constitue un des principaux vecteurs de l’épidémie à VIH (documenté dans 158 pays).

- Par exemple, en Europe de l’Est et Asie Centrale, 80% des cas de PVVIH (Personnes vivant avec le VIH) sont liés à l’usage de drogues.

II.2. Une situation pas très reluisante

 L’insuffisance ou l’inexistence des évaluations du risque épidémique potentiel marqué par l’absence de données comportementales et biologiques dans la plupart des pays.

 Une couverture des services très faible : inférieure à 5 % selon l'Association internationale de réduction des risques (IHRA)

(3)

3

 Des contradictions politiques au niveau mondial marquées par des décalages entre les engagements et les réalités au niveau des pays :

- Insuffisance de l’appropriation politique : dans les forums consacrés au sida, il existe beaucoup d’engagement des pays alors que dans les forums consacrés au contrôle des drogues, c’est le silence sur la problématique d’une politique de Réduction des risques (RDR). D’ailleurs, le terme de

« Réduction des Risques ou réduction des dommages» adopté par la Déclaration d’Engagement sur le VIH en 2001 et la Déclaration de politique sur le VIH/sida de 2006 ainsi que par le Conseil de coordination du Programme de l’ONUSIDA est contesté par la commission des stupéfiants (CND).

 Insuffisance de l’appropriation financière : faiblesses des ressources mobilisées par les gouvernements et les partenaires bilatéraux et multilatéraux à la hauteur de l’ampleur et de la gravité du problème. Le succès de la mise en œuvre d’une politique de RDR à l’échelle des pays nécessite des financements solides, souples et durables.

 Les entraves juridiques aux politiques de RDR (Programmes d’aiguilles et de seringues (PAS) ; Traitements de substitution aux opiacés (TSO), etc.) : en effet, on observe une législation et des politiques contre-productives qui interdisent les programmes d’échanges de seringues et d’aiguilles et les traitements de substitution.

- Dans de nombreux pays, la distribution d’aiguilles et de seringues constitue une infraction et les substituts des opioïdes comme la Méthadone et la buprénorphine sont classés parmi les substances illicites, bien qu’elles figurent dans la liste modèle des médicaments essentiels de l’OMS

- La création d’un environnement favorable à la mise en œuvre de la stratégie de réduction des risques impose une réforme harmonisée des lois.

(4)

4

 La criminalisation, la désapprobation sociale au niveau des communautés, la stigmatisation au niveau des services de santé conduisent les CDI à se cacher et ne pas accéder aux services de soins.

 Les insuffisances dans les offres de services :

- La non disponibilité de centres de référence répondant aux besoins spécifiques des CDI

- L’insuffisance de services spécifiques aux différents groupes (Personnes Privées de Liberté ou détenus, Professionnelles du sexe, Hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres Hommes, enfants de la rue ou déplacés, migrants, etc.)

- L’inexistence de centres spécialisés de désintoxication et de personnels formés dans ce domaine pour faciliter la mise en œuvre de l’injonction thérapeutique

- L’insuffisance d’accès au diagnostic biologique (Charge virale, génotypage, Bonne pratique de fabrication (BPF), etc.) et surtout au traitement de l’hépatite C, hors de portée de plusieurs pays.

- L’insuffisance de l’attention accordée aux drogues autres que celles injectées (comme les stimulants amphétamines, le crack etc.)

Au niveau international, depuis la déclaration d’engagement sur le VIH/sida en 2001 (Session Spéciale de l'Assemblée Générale des Nations Unies/UNGASS)) , beaucoup d’efforts ont été consentis à savoir la création en 2002 du Groupe de référence des Nations Unies sur le VIH et la Consommation de drogues, l’élaboration de documents d’orientation pour l’élaboration des politiques, la diffusion des bonnes pratiques à haut impact, etc.

Il faut reconnaître cependant le déni politique, la faiblesse de la couverture mondiale des activités RdR, l’insuffisance de l’appropriation des Etats et des ressources financières adaptées à des réponses nationales, les entraves juridiques dans le cadre d’une réponse purement répressive et d’un environnement social

(5)

5

essentiellement marqué par la criminalisation, la désapprobation et la stigmatisation à l’endroit des consommateurs de drogues.

II.3. Une réponse mondiale :

Dans la cadre de la réponse mondiale on peut noter entre autres :

II.3.1. Création de l’IHRA en 1996

Il s’agit d’une ONG caritative née en Angleterre qui a assuré le plaidoyer au niveau du Système des Nations Unies et à l’échelle internationale en plus de l’organisation de campagnes, de publications et la formation des experts à l’échelle internationale.

II.3.2.Les déclarations politiques des Nations Unies sur la question

- La Déclaration de l’UNGASS sur la réduction de la demande de drogues (1998)

- Note d’information des Nations Unies sur la prévention de la transmission du VIH/SIDA liée à la consommation de drogue(2000)

- La déclaration d’engagement sur le VIH/SIDA de l’UNGASS(2001) - Document d’orientation politique de l’ONUSIDA de 2005 sur

l’intensification de la prévention du VIH : « Prévenir la transmission du VIH par la CDI par la mise en place d’un système global intégré et efficace »

- Déclaration politique sur le VIH/sida en 2006 - Stratégie ONUSIDA 2011-2015 : VISION ZER0 - Déclaration Politique sur le VIH/sida de 2011

II.3.3 Création en 2002 du Groupe de référence des Nations Unies sur le VIH et la Consommation de drogues

C’est un Organisme indépendant composé de 24 experts de 20 pays (cliniciens, chercheurs, épidémiologistes, représentants des CDI et qui a comme rôle de

(6)

6

donner des avis techniques à l’ONUDC, à l’OMS, au secrétariat de l’ONUSIDA et aux partenaires concernés

II.3.4 Publications sur la question

- Collection publiée par l’OMS/ONUDC/ONUSIDA intitulée « Evidence for Action (Des preuves pour agir) » contre le VIH/SIDA et les drogues injectables (2004):

- - Réduction de la transmission du VIH par SENSIBILISATION

- - Fourniture de MATERIEL D’INJECTION STERILE pour réduire la transmission du VIH

- - Réduction de la transmission du VIH par le TRAITEMENT DE LA DEPENDANCE DE DROGUE

- - THERAPIE ANTIRETROVIRALE et utilisateurs de drogues injectables -

 Document de politique de l’OMS/ONUDC/ONUSIDA sur le traitement de substitution

 WHO/UNODC/UNAIDS (2009) : Guide technique destiné aux pays pour la définition des objectifs nationaux pour l’accès universel à la prévention, au traitement, aux soins et au soutien en matière de VIH/sida

III. CONTEXTE AFRICAIN

III.1 La consommation de drogue est une réalité décrite en Afrique

L’Afrique est aujourd’hui une terre privilégiée de trafic d’héroïne et de cocaïne :

L’héroïne, originaire d’Asie, transite vers l’Europe et les Etats unis via l’Afrique de l’Est, l’Afrique Centrale et l’Afrique de l’Ouest. Sa consommation est documentée au Kenya, en Ile Maurice, au Mozambique, en Tanzanie, en Afrique du Sud et au Sénégal.

La cocaïne transite par l’Afrique de l’Ouest .Elle est acheminée en Europe par voie maritime, aérienne et terrestre via les corridors de

(7)

7

transports terrestres. Sa consommation est documentée au Burkina Faso, au Ghana, au Nigeria, au Sénégal, en Sierra Leone, au Togo, en Guinée, en Côte d’Ivoire.

L’usage de produits excitants ou stupéfiants (souvent par voie orale) est particulièrement fréquent chez les chauffeurs de taxis et camions.

III.2 La réponse en Afrique

Dans le contexte Africain, la réponse par rapport à la consommation de drogue est caractérisé par :

 le manque de documentation, notamment en Afrique de l’Ouest où les études biocomportementales sont très rares

 Son caractère longtemps méconnu, ignoré ou minoré. Il s’agit le plus souvent d’un certain déni politique alors que l’ONUDC a alerté sur le poids croissant du narcotrafic en Afrique et sur ses graves conséquences sociales, politiques, sanitaires et économiques.

 Sujet globalement tabou : ainsi, jusqu’en 2011, seuls 5 pays ont déclaré la présence de CDI sur leur territoire (Afrique du Sud, Kenya, Ile Maurice, Tanzanie et Sénégal) et seuls 4 pays ont intégré dans leur Plan Stratégique de Lutte contre le Sida une composante CDI (Kenya, Ile Maurice, Tanzanie et Sénégal)

 Réponse essentiellement de type Répressif marqué par une criminalisation de la toxicomanie, une forte stigmatisation, une législation et des politiques contre-productives

 Au moment où les Programmes Nationaux de Lutte contre le Sida soutiennent les initiatives, les organismes de contrôle des drogues des pays ne bougent pas alors que dans les forums mondiaux et régionaux, ils prennent des engagements

(8)

8

 Insuffisance de l’appropriation politique(non inclusion de la prise en charge des consommateurs de drogues dans la plupart des Plans stratégiques de lutte contre le sida) et financière (pas de soutien financier conséquent pour soutenir des actions amples et durables pouvant avoir des impacts à moyen et long terme)

D’ailleurs, pour la plupart des décideurs, le terme réduction des risques n’amène que silence et controverse. Pourquoi les autorités responsables de la lutte contre les stupéfiants, bien que non opposées au Slogan « un monde sans drogue » sont-elles opposées à la réduction des risques, malgré leur engagement à accroître les mesures de réduction des risques liés à la consommation de Drogues lors de la Déclaration politique sur le VIH/sida adoptée en 2006 (Prévention VIH et autres infections VHB, VHC, Prise en charge des PVVIH, de la Tuberculose, des hépatites B et C, Réduction des injections et de l’utilisation drogues).

Il faut reconnaître un léger frémissement politique au cours de ces trois dernières années

IV. CONTEXTE NATIONAL

Depuis 2008, la promotion d’une réponse plus adaptée face à la problématique de la consommation de drogues en Afrique est promue sous l’impulsion de l’ONUDC.

Au niveau national, il faut noter la prise en charge médicale assurée par les services de psychiatrie, les activités de sensibilisation à l’endroit de la population générale menées par quelques organisations de la société civile et le Comité Interministériel de Lutte contre la Drogue (CILD).

L’introduction de la prise en charge des CDI dans le cadre de la lutte contre le sida a été facilitée par l’enquête UDSEN (Usagers de Drogues au Sénégal) réalisée en 2011 avec l’appui de la coopération française—plus précisément

(9)

9

l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS)—et le Projet Fonds Mondial du SE/CNLS, étude qui a permis de disposer des premières données biologiques et comportementales chez ce groupe particulier.

La stratégie nationale associe :

- la promotion d’un Sénégal sans Drogues (prévention primaire ayant comme objectif la réduction de la consommation de drogue parmi la population générale et chez certaines cibles très vulnérables comme les PPL (personnes privées de liberté/Détenus), les PS (Professionnelles du sexe), les HSH (Hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes), les enfants de la rue, les jeunes du milieu scolaire et extra-scolaire),

- la prévention secondaire des risques majeurs chez les CDI, leur prise en charge médico-sociale

- et la promotion d’un environnement juridique, éthique, socio-économique et politique favorable au respect des droits humains et à la mise en œuvre du paquet de services en faveur des CDI.

Cette approche prend en compte tous les dispositifs légaux et juridiques à l’encontre des trafiquants de drogue et s’inscrit dans le strict respect des réalités socio-culturelles du pays.

La stratégie nationale développée en réponse à la situation épidémiologique particulière chez les CDI inclut les neuf (09) interventions clés complémentaires recommandées par l’OMS et l’ONUDC : il s’agit d’une combinaison d’actions visant à réduire les risques liés à la consommation de drogues et le nombre de nouvelles infections chez les CDI :

1. Information, Education, Communication/Communication pour le Changement de Comportement (IEC-CCC) programmes ciblés chez les CDI et leurs partenaires.

2. Programme d’Aiguilles et Seringues (PAS)

(10)

10

3. Traitement de Substitution aux Opiacés (TSO) et autres traitements de la dépendance

4. Traitement Antirétroviral (TARV) 5. Distribution de Préservatifs

6. Conseil Dépistage Volontaire (CDV)

7. Diagnostic et Traitement des Infections sexuellement transmissibles (IST) 8. Prévention, Diagnostic et Traitement de la Tuberculose

9. Vaccination, Diagnostic et Traitement des ’hépatites virales

La mise en œuvre de cette stratégie devra être facilitée par la création d’un environnement favorable qui devra reposer sur :

- une appropriation renforcée des autorités politiques (Gouvernement, Ministère de l’intérieur/CILD, Ministère de la santé, Ministère de la Justice, Parlement etc.) mais aussi des organisations de la société civile (ONG agissant sur la problématique des drogues, autorités religieuses).

- la levée des obstacles juridiques pour la mise en œuvre de la stratégie de réduction des risques

- le renforcement de capacités des acteurs pour la mise en œuvre des différentes stratégies du programme

V. EXPERIENCE DU SENEGAL

Le Sénégal, pays à épidémie VIH de type concentrée [prévalence de 0,5% en 2012, source OMS] est le premier pays d’Afrique de l’Ouest à avoir mesuré la prévalence du VIH, VHB et VHC dans sa population de CDI (consommateurs d’héroïne et/ou de cocaïne) (Etude ANRS 12243) et validé, en juillet 2013, une stratégie nationale multisectorielle de lutte contre l’infection à VIH et autres comorbidités chez les consommateurs de drogues par voie injectable ainsi que son plan opérationnel annuel. Les principaux résultats de l’enquête ont révélé que :

(11)

11

• La taille de la population de CDI précaires de la région de Dakar était estimée à 1324 personnes (IC95%: 1281-1367).

• La population de l’étude était essentiellement masculine (n=434, 86, 4%) et la moyenne d’âge était de 42, 1 ans (SD 10, 4).

• Dans le mois précédent l’enquête, 91,5% avait consommé de l’héroïne, 63%

de la cocaïne (essentiellement sous forme de crack), 64% du cannabis, 49%

de l’alcool et 29,8% des benzodiazépines. Seuls l’héroïne (72,5%) et le cannabis (62,4%) étaient majoritairement consommés quotidiennement.

33,1% consommaient de l’alcool quotidiennement.

• Les prévalences du VIH et du VHC dans la population de CDI étaient nettement plus élevées que dans la population générale, avec notamment une prévalence du VIH de 5,2% [IC 95% (3,8-6,3)] et une séroprévalence du VHC (Ac VHC+) de 23,3% [IC 95% (21,2-25,2)] alors qu’elle n’est que de 1,4% [15] chez les donneurs de sang, et de 1,6% chez les PVVIH [16]. La prévalence du VHB (Ag Hbs+) était de7, 9 % [IC (α =0, 25)] :( 0,052- 0,111).

• Les prévalences du VIH et du VHC retrouvées dans l’échantillon d’enquête (n= 507) étaient fortement associées au mode de consommation des drogues et au genre pour le VIH. Usage actuel ou passé de l’injection versus jamais d’injection : 9, 4 % vs 2, 5% ; femmes versus hommes : 13% vs 3% ; et seulement au mode de consommation pour le VHC : usage actuel ou passé de l’injection versus jamais d’injection 38, 85 % vs 18%.

• Les comportements à risque d’infection étaient fréquents : 27, 7% des CDI avaient injecté au moins une fois de la drogue dans leur vie (13, 8% durant le mois en cours) ; et un échange de sexe contre de l’argent ou de la drogue au moins une fois dans la vie avait été rapporté par 26, 8% d’entre eux.

La population de CDI, quel que soit le mode de consommation, constitue donc une population clé pour le contrôle des épidémies VIH et VHC au Sénégal.

(12)

12

Au vu de ces résultats, les autorités sénégalaises, avec le soutien du programme

« Ensemble pour une Solidarité Thérapeutique Hospitalière En Réseau » (ESTHER), ont initié dès octobre 2011 à Dakar, des activités de réduction des risques par le biais d’une équipe de terrain composée de travailleurs sociaux et de médiateurs pairs permettant des activités de prévention individuelles et en groupe, un programme d’échange de seringues, des références pour des soins et un suivi de la mortalité.

Ainsi, au 31 décembre 2013, 565 CDI étaient connus de l’équipe de terrain, 18 619 seringues avaient été distribuées, dont 58% récupérées, 17 564 préservatifs distribués, 240 consultations de CDI avaient été réalisées au Centre Régional de Recherche et de Formation à la Prise en Charge Clinique (CRCF) de Fann concernant 110 CDI. Ce travail de terrain a permis également de créer des relations de confiance et de proximité avec les CDI, de montrer l’absence d’accès aux soins médicaux de base, la vulnérabilité des CDI à la tuberculose et une mortalité rapportée par les CDI inquiétante (56 décès rapportés entre juin 2011 et décembre 2013, dont 50% était des injecteurs).

Le Centre de Prise en Charge Intégrée des Addictions de Dakar (CEPIAD) est une unité du service de psychiatrie de l’hôpital de Fann, issu d’une mobilisation technique et financière (Fonds mondial, Initiative 5%, ESTHER, ONUDC, ONUSIDA etc.).

Il a été inauguré le 1er Décembre 2014.

L’objectif principal de ce centre est d’offrir une prise en charge ambulatoire globale aux personnes dépendantes de substances psychoactives dans le respect de leurs droits humains. Le centre a également une vocation de formation et de recherche au niveau national et régional.

Le CEPIAD s’inscrit dans une approche combinée de réduction des risques (intégrant la prise en charge médicale et psychologique) avec des activités liées à l’autonomisation des consommateurs de drogues (activités d’expression artistique, réinsertion socio-professionnelle, activités de convivialité et groupe

(13)

13

d’auto-support etc.) permettant une prise en charge globale, centrée sur les usagers.

Ainsi, les différentes activités du CEPIAD comprennent le traitement de substitution aux opiacés par la méthadone (TSO), la prise en charge addictologique, somatique et psychiatrique des dépendances, le conseil et dépistage du VIH et des hépatites virales B et C, le traitement antirétroviral, la prévention et le traitement des infections sexuellement transmissibles et de la tuberculose. Par ailleurs, un programme d’échange de seringues (PES) et la distribution de préservatifs ainsi qu’une communication pour un changement de comportement font partie du dispositif de réduction des risques infectieux en stratégie fixe et avancée (équipe d’outreach).

Depuis le début de ses activités en février 2015 et jusqu’en décembre 2015, le CEPIAD a permis la réalisation de 3 431 consultations concernant 405 patients dont la moitié pour consommation d’héroïne, et parmi lesquels 110 personnes ont démarré un TSO par méthadone. Le dépistage VIH a concerné 235 patients, parmi lesquels 12 ont eu une sérologie positive.

Fin 2016, l’ouverture d’un deuxième centre thérapeutique ambulatoire et également résidentiel est prévue au Centre hospitalier national psychiatrique de (CHNP) de Thiaroye pour les CDI des départements de Pikine et de Rufisque.

Fait essentiel, la stratégie « Test and Treat» pour le VIH visant cette population clé a été intégrée (juin 2014) dans les nouvelles recommandations de prise en charge (Plan Stratégique de Lutte contre le Sida du Sénégal 2014-2017).

C’est ainsi que la Commission Ouest Africaine sur les Drogues (WACD), visant à développer le volet soins et RDR de la politique régionale des drogues, souligne le rôle moteur du Sénégal : « Hormis le cas du Sénégal, les recherches effectuées en vue de l’élaboration de plusieurs documents de référence de la WACD ont confirmé l’absence quasi-totale de politiques ou de protocoles visant à proposer des traitements ou des solutions alternatives à l’incarcération pour les usagers problématiques. L’expérience sénégalaise constituera un exemple

(14)

14

important pour les autres pays d’Afrique de l’Ouest et permettra à ces derniers de mettre en place des stratégies efficaces de réduction des risques. »

Dispositif innovant dans la sous-région, le CEPIAD reste confronté à de nombreux défis, parmi lesquels on peut citer les ressources humaines, l’environnement social et légal, l’aspect genre et la décentralisation de la prise en charge.

Aujourd’hui, la société civile est fortement mobilisée autour du CEPIAD et des différents partenaires pour une réforme de la politique des drogues visant à renforcer la dimension santé publique à travers les activités de réduction des risques qui comprennent un package de 9 activités. C’est ainsi que le Réseau national de la société civile sur les drogues (RNSD) a été mis en place. Le RNSD est un démembrement du Réseau Ouest Africain de Politique des Drogues (WADPN), grâce à l’appui de l'Institut de la société civile de l'Afrique de l'Ouest (WACSI), basé à Accra.

Ce réseau est en train de mener des plaidoyers auprès des autorités en vue d’une réforme de la politique sénégalaise en matière de drogues. L’usage de drogues étant considéré comme un délit au regard de la loi 97-18 du 1er décembre 1997 portant Code des Drogues, le réseau milite, pour faciliter l’accès aux soins aux consommateurs de drogues, une approche santé publique avec un cadre légal promouvant les activités de réduction des risques.

VI. ENJEUX ET OPPORTUNITES

Face à la menace que constituent le trafic et l’usage de drogues dans notre région, le silence n’est plus permis, et la mobilisation s’impose pour relever le défi. Les politiques de prohibition et de répression ayant montré leurs limites, dès lors, un changement de paradigme s’avère indispensable.

Les enjeux sont multiples et peuvent être ainsi déclinés.

- Santé publique

(15)

15

L’approche santé publique doit être renforcée dans les politiques de drogues.

L’enquête menée à Dakar montre que les consommateurs de drogues injectables constituent une population hautement vulnérable. Les politiques en vigueur ainsi que la stigmatisation sociale les ont exclus de toute possibilité d’accès aux soins et autres services.

- Économique et financier

Les capitaux drainés par le trafic de drogues constituent une menace pour nos jeunes Etats, du fait du risque de corruption et de blanchiment d’argent.

Par ailleurs, l’usage de drogues impliquant les jeunes constituent une menace pour l’avenir de nos nations.

- Sécurité

Le trafic de drogues peut générer de la violence. Les trafiquants de drogues ont souvent recours à des réseaux mafieux pour l’écoulement de leurs produits.

VII. CONCLUSION

Les liens entre la consommation de drogues et les risques infectieux sont bien connus. La prise en charge des consommateurs de drogues constitue un enjeu important pour la maîtrise de l’épidémie VIH et des hépatites virales.

Un changement de paradigme dans les politiques de drogues s’avère indispensable dans notre région pour permettre l’inclusion des consommateurs de drogues dans les différents programmes de santé.

Investir dans la prévention, le traitement, les soins et le soutien aux personnes dépendantes de la drogue réduit les coûts des services de santé, améliore la sécurité et contribue à la paix et au développement. Les Consommateurs de drogues, victimes de ce phénomène mondial et de ses conséquences (ceux atteints du VIH/SIDA, ceux dépendants, etc.), doivent ainsi bénéficier d’une

(16)

16

prise en charge médico-sociale à côté de la réponse répressive édictée par les lois dans nos pays à l’encontre des trafiquants.

Références

Documents relatifs

Commentaires/Eléments clés : Les principes relatifs aux activités de prévention, de traitement et de prise en charge du VIH/SIDA et des IST en Afrique du Sud ont été adoptés dans

A l'occasion des Forums de l'Orientation et des métiers, une navette est mise en place entre les arrêts Gare de Tours <>. Parc Expo <> Lycée Grandmont, ce vendredi 11

Indicateurs de risques retenus en interne : Expositions, Volatilités, Bêtas, Ratios (Sharpe, Information, …), Deltas Niveau de risques : Le risque Actions est jugé FORT car

L ’ analyse a montré que la contreperformance de ces pays est due à leur faible niveau technologique et à la faiblesse de leurs institutions, induisant des coûts de transactions

d'implantation géographique où sont exécutés les travaux de recherche de votre entreprise 1.4 - Votre activité interne de R&D est réalisée pour (réponses multiples possibles) :

Cet article définit les spécificités de communication des forums de discussion en replaçant cet environnement au sein d’un tableau de qualification reprenant les 9

Le tiers présent-absent, ainsi décrit, correspond aux situations de communication de ces discussions politiques que nous retrouvons dans les forums ; ce

Expériences publiques sur le magnétisme animal, faites à l'Hôtel-Dieu de Paris.- 3e édition augmentée Paris : Bechet ; Dentu ; l'auteur, 1826 (impr..