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Le risque de crédit dans le prix des obligations convertibles

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dans le prix des

obligations convertibles

Comment donner un prix au risque de crédit d’une entreprise en l’absence de CDS ou d’obligations classiques ? Nicolas Singer s’est intéressé aux informations de pricing que peuvent alors apporter les obligations convertibles, produit financier hybride sensible aux variations du sous-jacent action mais dans une enveloppe obligataire.

N

otre étude porte sur la recherche du pricing du risque de crédit dans les obligations conver- tibles. Cet actif qui emprunte des caractéristiques aux actions, aux obligations et même aux options est un actif très spécifique. Le pricing de ce type de produit est d’autant plus compliqué qu’il nécessite de nombreuses variables et une connaissance transversale de plusieurs marchés très différents les uns des autres. Les différents acteurs du marché n’arrivent d’ailleurs que très rare- ment à se mettre d’accord pour savoir si les obligations convertibles doivent dépendre du département actions, du département fixed income ou bien du département inves- tissement « alternatif ». C’est un produit dépendant de différents types de risques, ce en quoi réside tout son inté- rêt. En effet, les obligations convertibles étant sensibles aux marchés action comme obligataires, l’investisseur devra prendre en compte le risque action, mais aussi le risque de taux et de crédit. Nous choisirons dans notre recherche de nous concentrer plus particulièrement sur le risque de crédit. En effet, ce produit étant articulé comme une obligation et étant émis par une société, possède un risque de crédit comme n’importe quelle autre obligation corporate classique. Le risque de crédit est « pricé » dans une obligation, comme le surcoût pour un investisseur à détenir une obligation d’entreprise et non une obligation d’Etat considérée comme « sans risque ». Cependant, s’il est assez simple de déduire le risque de crédit d’une obli- gation classique, c’est un calcul beaucoup plus difficile pour une obligation convertible à cause des contraintes optionnelles qui font que l’obligation est convertible. Pour

évaluer le risque de crédit au sein des obligations conver- tibles, nous nous baserons sur un modèle développé par Landskroner et Raviv dans un article de recherche inti- tulé Credit Spread Implied by Convertible Bonds Prices. Dans cet article, les auteurs veulent montrer que grâce au prix des obligations convertibles, il est possible de déduire le prix du risque de crédit pour un émetteur. Pour cela, ils utilisent un arbre binomial afin de donner un prix à l’action sous-jacente puis à l’obligation convertible. Nous considèrerons dans un premier temps le risque de crédit comme un input en utilisant une valeur arbitraire, puis grâce à la méthode de Newton-Raphson, nous conver- gerons vers la valeur exacte.

Enfin, nous testerons empiriquement ce modèle afin de vérifier que ce qui est élaboré théoriquement se vérifie, dans la pratique, sur les marchés financiers.

Explication du modèle

Toutes les informations que nous devons connaître sur le risque de défaut de l’obligation sont contenues dans le spread de crédit. Il représente le risque d’une société par rapport à une entité de référence sans risque. Nous savons que le prix d’une obligation convertible peut varier en fonction de nombreux facteurs : les taux d’intérêt, le spread de crédit et la volatilité du sous-jacent. Dans notre étude, nous simplifierons en isolant une seule source de risque qui est le prix de l’action sous-jacente.

Dans notre recherche nous avons choisi d’étudier le spread de crédit, et donc le prix du risque de crédit, pour un émetteur d’obligations convertibles. En effet, lors d’une Nicolas siNger

Étudiant ESCP Europe

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émission d’obligations classiques, il est assez simple de donner un prix au risque de crédit. On peut calculer la différence entre le rendement d’une obligation d’Etat classifiée sans risque et le rendement de l’obligation d’entreprise. Cette différence de rendement est notre spread de crédit. Malheureusement, avec les obligations convertibles, de nombreux autres facteurs doivent être pris en compte.

Le fait d’acheter une option sur l’action de l’entreprise donne plus de valeur à l’obligation convertible qu’à une obligation classique. De fait, le rendement de l’obliga- tion convertible a de fortes chances d’être plus faible qu’une obligation classique avec la même maturité et la même séniorité. Ce qui minimisera le spread de crédit avec notre « évaluation » simpliste. C’est pour cela que lors de notre évaluation du prix de l’obligation conver- tible, il sera important de prendre en compte, premiè- rement le prix de l’action sous-jacente, mais également – et ce sera le sujet de notre étude – la variation du prix de notre obligation convertible selon le spread de crédit.

Nous nous interrogerons ensuite sur la valeur du spread de crédit actuellement donné par le marché à différentes obligations convertibles.

Nous savons qu’il existe de nombreuses façons d’éva- luer le prix des obligations convertibles. Cependant, aucun de ces modèles ne prend en compte le prix du risque de crédit.

C’est pour cela que nous avons pris pour référence l’ar- ticle de recherche de Landskroner et Raviv intitulé Credit Spread Implied by Convertible Bonds Prices (Yoram Landskroner, Alon Raviv, 2003). Dans cet article, en plus de donner le prix du risque de crédit dans les obligations convertibles, les auteurs utilisent leur modèle afin de pouvoir donner un prix au risque de crédit pour une entreprise donnée.

Cela a pour intérêt de pouvoir réutiliser ce spread de cré- dit. En effet, dans le cas où une entreprise ne posséderait pas d’obligations classiques, et viendrait à en émettre, le modèle permettrait d’avoir une idée de ce que le spread de crédit de cette entreprise devrait être sur le marché.

Cela serait en effet un atout majeur lorsque nous savons à quel point le risque de crédit s’avère être un risque cru- cial pour les différents acteurs sur les marchés financiers.

De plus, avec l’apparition de très nombreux produits dérivés de crédit, ce modèle permettrait de fournir des informations concernant le pricing de ces produits dérivés de crédit. En effet, comme leur nom l’indique, un produit dérivé de crédit a comme sous-jacent le risque de crédit de l’entreprise. Et il est impossible, ou bien inexact, de donner un prix à un produit dérivé sans avoir le prix de l’actif sous-jacent. Il est donc très pratique de pouvoir donner un prix à ce risque afin de pouvoir donner un prix aux produits dérivés par la suite.

Le modèle développé par Landskroner et Raviv est com- posé de deux arbres binomiaux. Ils utilisent la méthode développée par Cox, Ross et Rubinstein pour construire un arbre binomial afin de modéliser les différents prix que peut prendre l’action sous-jacente. Les arbres bino- miaux sont des outils très pratiques, car ils permettent de construire des outils d’évaluation de prix, et ils ont un avantage notable qui est de prendre en compte le chemin

parcouru par l’actif sous-jacent. En effet, dans certains cas, cela peut avoir une très grande importance, notam- ment en ce qui concerne les options à barrières ou les options de rachat.

Après avoir construit l’arbre binomial pour l’action sous-jacente, nous devons construire l’arbre binomial pour l’obligation convertible. Dans notre arbre bino- mial, à chaque nœud, nous obtenons 5 prix différents : – la valeur de l’obligation convertible si elle était conver- tie en action que l’on appellera valeur de conversion ou

« VC » ;

– la valeur de l’obligation convertible si elle est « por- tée » en attendant la maturité que l’on appellera valeur de portage ou « VP » ;

– la valeur partie obligataire que l’on appellera valeur de la dette ou « D » ;

– la valeur partie action que l’on appellera valeur de l’action ou « E » ;

– la valeur de l’obligation convertible ou « OC ».

Pour cela, nous commençons par la fin de l’arbre à maturité où dans chaque état de la nature, la valeur de l’obligation convertible est connue. En effet dans le cas où le prix de l’action sous-jacente est supérieur au prix de conversion, il est plus intéressant de convertir l’obli- gation convertible en action, car dans ce cas la valeur de conversion est supérieure à la valeur de portage. À matu- rité, la valeur de portage est en réalité égale à la valeur de remboursement de l’obligation convertible. Or, si la valeur de l’action est supérieure au prix de conversion en action, la valeur de conversion est forcément supérieure à la valeur de remboursement. C’est bien tout l’intérêt de l’obligation convertible de pouvoir profiter d’une hausse des marchés action tout en touchant des coupons et en étant mieux protégée qu’un actionnaire en cas de faillite de l’entreprise.

Une fois toutes les valeurs à maturité déterminées, on peut remonter l’arbre en direction du prix d’origine pour déterminer le prix de l’obligation convertible à chaque nœud. En théorie l’investisseur possède deux choix :

– soit il décide de convertir son obligation convertible en action et donc de récupérer la valeur de conversion ;

– soit il choisit de garder l’obligation convertible pour une période supplémentaire et donc l’obligation conver- tible vaut la valeur de portage.

En pratique, la valeur de l’obligation convertible à chaque instant est égale au maximum entre la valeur de portage et la valeur de conversion.

OCi = max (VCi, VPi)

La première partie de l’obligation convertible, qui est la partie obligataire est la partie que nous actualiserons aux taux r*(i, i+ı)qui représente le taux risqué de l’émetteur de l’obligation convertible. La seconde partie est la par- tie action qui se trouve être la partie action de l’obliga- tion convertible et qui, elle, est actualisée aux taux sans risque r(i, i+ı). À chaque nœud la valeur de l’obligation convertible est égale à :

OCi = Di+ Ei

La valeur de conversion à maturité est égale au prix de l’action dans l’état de la nature correspondant multiplié par le ratio de conversion. En pratique, on ne conver-

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On a donc EN =

{

VCO lorsque VCN > VPN

En effet à maturité si l’on ne choisit pas la conversion, la valeur de l’action dans l’obligation convertible est zéro, car l’option sur achat de l’action venant à maturité elle vaut zéro si elle est en dehors de la monnaie.

De façon alternative, dans le cas où le prix de l’action est inférieur au prix de conversion, on décide de se faire rembourser et donc la valeur de l’obligation convertible est entièrement due à la valeur de la partie obligataire.

On a donc DN =

{

VPO lorsque VPN > VCN

Il s’agit du cas le plus simple pour déterminer quelles sont les différentes valeurs qui composent l’arbre de l’obligation convertible.

Nous allons désormais détailler la façon dont il est pos- sible de calculer ces mêmes valeurs mais à des périodes intervenant avant la maturité de l’obligation. En théo- rie, l’investisseur a toujours deux choix à effectuer : il a la possibilité de convertir l’obligation convertible et cela comme nous l’avons vu précédemment à maturité. Cepen- dant ce qui change lorsqu’on ne se trouve pas à maturité, c’est que l’investisseur ne peut pas se faire rembourser l’obligation. Son second choix consiste donc à conser- ver l’obligation convertible, ce qu’on appelle le portage.

Durant cette période l’investisseur est sujet aux fluctua- tions du cours de l’obligation convertible qui dépend de l’actif sous-jacent mais en contrepartie, il touche les coupons qui sont versés aux investisseurs obligataires.

La valeur de portage est donc calculée à chaque nœud, et peu importe le nombre de périodes, que l’on se trouve proche ou non de la maturité. La valeur de portage est donc égale à la valeur actualisée au taux sans risque de la partie action à la période suivante et à la valeur actua- lisée au taux risqué de la partie obligataire à la période suivante. Et cela dans l’état de la nature haussier et bais- sier par rapport au nœud où nous nous trouvons, pondéré de la probabilité p de se trouver dans chacun de ces états.

VPi = e-r*(i,i+ı)Dt(pDi+ı + (ı - p)Di+ı) + e-r*(i,i+ı)Dt(pEi+ı +(ı-p)Ei+ı )+ C Ici, on définit C comme la valeur des coupons perçus par l’investisseur. En théorie, il faut verser le coupon à la date indiquée par l’entreprise. Pour une raison de simplicité, on décide de considérer le coupon comme un versement continu que l’on multiplie par le nombre d’années avant la maturité et que l’on divise par le nombre de périodes.

S’il paraît tout à fait logique de prendre en compte la partie obligataire future dans la valeur de portage, il peut paraître contre-intuitif d’également actualiser la valeur de la partie action. Et pourtant, si l’on revient à la défini- tion de l’obligation convertible, on se rappelle que l’in-

VCi = Si x ρ

La valeur de la partie action « E » est assez facile à cal- culer. En effet, la partie action de l’obligation convertible dépend entièrement du sous-jacent. Donc, elle est égale :

– soit à la valeur de conversion, si cette dernière est supérieure à la valeur de portage ;

– soit à la valeur actualisée à la période suivante dans l’état haussier et dans l’état baissier de la période sui- vante en fonction de la probabilité « p ».

Ei =

{

lorsque VCi > VPi e-r(i,i+ı)(pEi+1 + (ı - p)Ei+ı)

VCi

De façon analogue, la partie de dette de l’obligation convertible se définit comme la valeur actualisée au taux risqué de la partie dette dans l’état haussier et baissier à la période suivante, toujours pondéré de la probabilité de se retrouver dans chacun des états. Bien évidemment, dans le cas où l’obligation est convertie la valeur de la dette est équivalente à zéro car la dette n’existe plus : elle est monétisée en action.

Di =

{

lorsque VCi > VPi e-r(i,i+ı)(pDi+1 + (ı - p)Di+ı)

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La convergence vers notre spread théorique

Nous passons donc à la deuxième étape qui consiste à trouver le spread de crédit de l’obligation convertible.

Et donc le taux d’intérêt qui permet d’actualiser la par- tie obligataire risquée de l’obligation convertible. Pour cela, nous allons chercher à égaliser :

– le prix de l’obligation convertible observable par le marché, que l’on considère comme son « prix juste » et donc comme une bonne estimation du risque de crédit de cette même obligation,

– et le prix calculé grâce à notre modèle, pour variable d’ajustement, afin d’égaliser ces deux valeurs nous uti- liserons le spread de crédit dans notre modèle (Sp). Nous cherchons donc à trouver la valeur du spread Sp telle que :

OCMod(Sp) = OCMar

OCMod(Sp) représente la valeur de l’obligation conver- tible en fonction du spread de crédit choisi calculé grâce au modèle binomial.

OCMar est la valeur de l’obligation convertible sur le mar- ché et cela à n’importe quel moment au cours de la vie de l’obligation.

Afin de pouvoir trouver la valeur de Sp que nous recher- chons et qui ne peut pas être calculée avec une formule fermée, nous utiliserons la méthode de Newton-Raphson.

Cette technique permet par itération de converger vers la valeur du spread qui nous permet d’égaliser la valeur de marché avec la valeur observée.

Le principe de la méthode Newton-Raphson est de par- tir d’une valeur arbitraire x0 et de trouver la valeur de la solution pour cette valeur. On calcule alors la tangente

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à la courbe pour notre valeur f(x0) et on prolonge la tan- gente jusqu’à l’axe des abscisses afin de trouver une nou- velle valeur « xı ». Calculer la tangente à la courbe f(x0) revient mathématiquement à calculer la dérivée de cette courbe en ce point. On utilise alors la nouvelle valeur x1 pour laquelle on peut calculer la valeur de f(x1) et répé- tez ce processus jusqu’à trouver la valeur X qui permet de résoudre notre équation.

Méthode de Newton-Raphson 1

Ici f(x) représente la valeur de l’obligation convertible calculée par le modèle moins la valeur de l’obligation convertible sur le marché et x représente la valeur du spread de crédit recherché.

On a donc :

f(Sp) = OCMod(Sp) - OCMar

Il nous faut calculer la dérivée de notre fonction et cela afin de pouvoir déterminer la valeur tangente à notre fonction. Pour cela, on utilise la définition de la dérivée qui revient à calculer la valeur de f(Sp) pour une très petite variation. On utilise donc f(Spo + h) avec h ayant une valeur très proche de zéro (h = ı0-10).

f ’(Spo) = f(Spo + h) - f(Spo) h

Il nous est possible par approximation linéaire de trou- ver la valeur de qui correspond au prolongement de la tangente jusqu’à l’axe des abscisses Sp1 est égale à notre première itération et devient la nouvelle valeur de « x ».

Sp1 = Spo - f(Spo) f ’(Spo)

On peut remplacer dans f(Sp) = OCMod(Sp) - OCMar, Sp1 par Spo et voir si cela résout notre équation. Si cela ne résout pas notre équation, il suffit de renouveler le processus et donc de ré-effectuer les calculs avec Sp1 et cela nous don- nera une nouvelle valeur que l’on appellera Sp2.

Dans le cas où cela résout notre équation, nous venons de trouver la valeur du spread de crédit pour une entre- prise, et cela grâce au prix de son obligation convertible.

Un des avantages du marché obligataire est sa grande diversité, on peut y trouver une très grande variété d’obli- gations. C’est d’ailleurs ce qui en fait un marché deux à trois fois plus important que le marché action. En effet, si une entreprise ne peut avoir qu’une seule action, elle peut émettre une multitude de dettes différentes. Celles- ci peuvent différer par leur maturité, leur séniorité au sein de la structure du capital, le paiement de coupon et enfin le rattachement d’options de rachat anticipé. Il en va de même pour le marché des obligations convertibles, ce qui d’un point de vue d’optimisation de la modélisation rend les choses plus difficiles.

Une fois le modèle construit, nous avons décidé de tes- ter le modèle. Pour cela, les informations nécessaires ont été récupérées sur Bloomberg pour chaque obligation convertible et rentrées dans le modèle afin de calculer le spread de crédit théorique et de le comparer à ce qui

1. Source : Centre Interdisciplinaire de Nanoscience de Marseille (2009).

est « pricé » sur le marché. Cependant après une dizaine d’obligations, nous nous rendons compte que nos résul- tats s’avèrent être très éloignés de ce qui est « pricé » sur le marché. Après plusieurs relectures du modèle et du papier de recherche, nous nous sommes rendu compte que des très nombreuses obligations convertibles étaient assorties de soft call, à savoir une option de rachat de l’obligation convertible donnée à l’émetteur. Cela permet, dans un cadre légal instauré au moment de l’émission, de fixer un prix de rachat (généralement le prix d’émission) dans le cas où l’action sous-jacente traiterait à un prix supérieur à un certain montant (généralement 130 % de son prix de conversion) et cela pendant un certain nombre de jours.

Il faut réaliser l’impact que cela peut avoir sur le prix d’une obligation, si jamais la valeur de l’action sous- jacente est supérieure à 130 % de sa valeur de conversion alors le prix de l’obligation convertible devrait normale- ment être proche de 130. Car à tout moment le porteur de l’obligation convertible peut décider de convertir son obligation en action et donc se retrouver avec le montant équivalent en action. Il est donc très important de prendre en compte lors du pricing de l’obligation la présence d’une option de rachat donnée à l’émetteur. En effet si l’ac- tion de l’entreprise s’installe durablement au-dessus de ce seuil de 130 % et que l’entreprise se trouve dans une situation financière où elle peut se permettre de rache- ter sa dette de façon prématurée, alors le prix de l’obli- gation convertible peut passer d’une valeur théorique de 130 à 100 lorsqu’elle est rappelée par l’entreprise. Une moins-value de 30 points de base (bps) pour un porte- feuille obligataire est une perte difficilement tolérable.

En effet, la dynamique de rendement n’est désormais plus du tout la même ! Un investisseur en obligation convertible à laquelle est attaché un soft call, ne participe plus du tout de la même manière à la hausse du marché action. Il est en effet bloqué à certains montants dans le cas où l’entreprise rachète les obligations convertibles.

Nous avons également vu que, dans ce genre de situa- tion, certaines entreprises en profitaient pour racheter leurs obligations qui avaient été émises au moment où, les taux étant plus hauts, les coupons attendus étaient plus élevés. Elles émettaient alors de nouvelles obliga- tions assorties de coupons plus faibles, ce qui permettait aux investisseurs détenteurs de l’ancienne obligation de l’échanger contre la nouvelle au lieu de se faire rembourser.

Il a été nécessaire de modifier le modèle, et de nous éloigner un peu de l’article de recherche qui ne prenait pas en compte la présence potentielle de soft call, afin de nous rapprocher de la réalité et des prix de marché.

Nous avons donc pris un échantillon de trente-cinq obligations convertibles et nous avons testé pour cha- cune d’entre elles le modèle développé. Nous avons ensuite comparé nos résultats au marché, grâce à la page de Bloomberg (OVCV) qui permet de « pricer » les obligations convertibles et en donne toutes les informa- tions techniques. Pour onze obligations convertibles sur les trente-cinq, nous avons trouvé un spread de crédit qui était très proche de ce qui était « pricé » par le marché ou tout du moins par le « pricer » de Bloomberg. Pour ces onze obligations, la différence entre le spread de cré-

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raison en valeur relative et non absolue, car une diffé- rence de 50 points de base ne représente pas la même chose sur un spread de crédit de 25 bps ou de 600 bps.

Nous avons donc un tout petit peu moins d’un tiers de nos obligations qui se trouvent être « pricé » de façon extrêmement précise. En effet, il ne faut pas oublier que le marché obligataire est un marché de gré à gré, la dif- férence entre prix d’une contrepartie ou d’une autre peut être importante. Il est donc important de prendre avec recul le prix des obligations indiquées sur Bloomberg. De plus, parmi nos trente-cinq obligations, nous en avons trouvé six pour lesquelles la différence était inférieure à 25 % du spread donné par le modèle. Nous avons donc la moitié des obligations pour lesquels la différence est inférieure à 25 %. Cependant nous avons également dix obligations pour lesquelles la différence de spread est supérieure 100 % du spread donné par le modèle.

Cela peut s’expliquer par la difficulté de prendre en compte les soft call et de ne pas avoir d’autres informa- tions sur la capacité de l’entreprise à racheter ses obli- gations convertibles. En effet, il n’est pas possible de savoir en avance si cette société sera en mesure financière de racheter sa dette. Ou alors si elle préfère allouer ses ressources à des investissements ou à d’autres projets.

Cette nuance est très importante et malheureusement très difficilement modélisable. Nous avons donc choisi une stratégie conservatrice et il a été considéré qu’à partir du moment où il existait un soft call sur l’obligation conver- tible, cela serait obligatoirement pris en compte lors de notre pricing pour le spread de crédit. Et donc on suppose que la société activera de façon systématique son call sur les obligations, qu’il s’agisse d’une conversion forcée ou d’un remboursement en numéraire.

Limites du modèle

La précision de l’arbre

Pour améliorer la précision des calculs, il aurait été pos- sible d’augmenter le plus possible le nombre de sous- périodes de l’arbre binomial. En effet, cela nous permet de réduire les écarts d’évaluation et donc d’avoir une plus grande de précision. Pousser cette précision à l’extrême revient à effectuer un pricing en temps continu. Pourquoi alors utiliser un arbre binomial ? L’intérêt majeur ici, est d’avoir un pricing qui est dépendant du chemin que le cours de l’action emprunte. On a compris qu’à cause des soft calls, tous les chemins allant d’un point A à un point B ne sont pas forcément équivalents.

Les options de rachat

Un autre problème qui vient interférer dans notre éva- luation du spread de crédit est la façon dont on traite les soft calls. Dans le modèle de base développé par Landskro- ner et Raviv, ils sont tout simplement omis. Mais si l’on

le prix de l’obligation convertible. En effet le rachat de l’obligation par une entreprise dépend de très nom- breux critères : niveau de liquidité disponible, échéances prochaines d’obligations, coût de refinancement sur les marchés. Il est intéressant de remarquer que toutes les obligations dont la différence entre le spread de crédit trouvé par le modèle et celui donné par Bloomberg est supérieure à 100 % sont des obligations avec des soft calls.

La structure de volatilité

Il est également important de noter que lors de notre pri- cing d’obligation convertible, nous utilisons une volatilité historique de l’action. Or il est reconnu que la structure de la volatilité n’est ni plate ni linéaire. Il faudrait utili- ser la volatilité implicite, qui provient des options sur le sous-jacent. Cependant, deux options dont les strikes (prix de conversion) sont différents possèdent des volatilités implicites différentes. Et donc en fonction du strike, la valeur de cette option varie également.

La structure des taux d’intérêt

De même, nous avions annoncé qu’afin de simplifier la modélisation du prix du spread de crédit nous ne pren- drions pas en compte le risque sur les taux d’intérêt. En effet, si une obligation dont la maturité est proche, l’im- pact peut être faible, cela est différent pour une obliga- tion à longue maturité.

Nous nous rendons compte que ce modèle est malheu- reusement loin d’être complet et infaillible. Toutefois, il nous permet de donner un prix au risque de crédit grâce aux obligations convertibles, ce que nous recherchions.

Nous avons vu certains points qui viennent réduire la fia- bilité du modèle mais qu’il nous était difficile de modifier dans notre étude. Il est cependant possible avec plus de ressource, de partir de la base de ce modèle et de l’amé- liorer afin d’enaugmenter la précision.

Conclusion

En partant des obligations convertibles, un produit financier hybride sensible aux variations du sous-jacent action, avec une composante optionnelle mais dans une enveloppe obligataire. Nous avons essayé dans cette étude de donner un prix au risque de crédit. Cela dans le but d’avoir accès au risque de crédit de l’émetteur dans le cas où il n’existe pas de CDS ou d’obligation classique.

En ayant décidé de partir des obligations convertibles, il n’était alors pas possible de trouver le spread de crédit comme la différence entre un taux d’emprunt risqué de notre obligation et un taux sans risque issu d’un emprunt d’Etat. Les composantes optionnelles des obligations convertibles empêchaient cette technique simple que nous aurions pu effectuer sur une obligation classique.

Pour pouvoir trouver notre risque de crédit nous nous sommes appuyés sur l’article de recherche de Landskro-

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Bibliographie

ner et Raviv (2003). Nous avons utilisé un arbre bino- mial et nous nous sommes inspirés de la technique de pricing de Tsiveriotis et Fernandes (1998), dans laquelle à chaque étape nous évaluons le prix de la partie obliga- taire et de la partie action de l’obligation convertible et recherchons également s’il est plus intéressant de conver- tir l’obligation convertible ou de continuer à la porter.

Dans ce modèle, le spread de crédit est un input que nous utilisons pour trouver « une première valeur » du spread de crédit. Nous avons pu par la suite grâce à la méthode de Newton-Raphson converger vers une valeur exacte du spread de crédit de notre obligation convertible très rapi- dement. Puis nous avons voulu tester empiriquement si le modèle fonctionnait. Nous avons alors comparé nos

résultats aux prix que nous pouvions trouver sur Bloom- berg. Malgré des résultats mitigés, il est intéressant de remarquer que nous avons effectué une amélioration sur le modèle de base, qui est développé dans l’article de recherche. Et cela afin de pouvoir prendre en compte les options de rachats anticipés d’obligation (soft call). Cet ajout s’avère être essentiel car de très nombreuses sociétés ajoutent des options d’achat anticipées sur leurs obliga- tions convertibles. Il aurait été dommage de restreindre notre domaine d’utilisation de notre modèle. Avec cette amélioration, nous pouvons désormais « pricer » un plus grand nombre d’obligations convertibles et nous avons proposé un certain nombre d’alternatives qui peuvent améliorer la précision du modèle. n

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