COMMENT
CONDUIRE
SA VOITURE
MAURICE TRINTIGNANT
COMMENT C O N D U I R E
SA VOITURE
HACHETTE
@ Librairie Hachette, 1967.
Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays.
Avant de commencer la lecture de ce petit livre,
répondez en toute franchise — je dis bien en toute
franchise — au besoin sans témoin — à ces dix ques-
tions, et donnez-vous une note.
Le jeu de la vérité est terminé. Si vous n'avez pas obtenu 18, 19 ou 20, je crois que vous avez effective- . ment intérêt à lire ce petit livre : il pourra vous être
utile.
IDÉES FAUSSES
« LENTEUR ÉGALE SÉCURITÉ »
Pour rouler prudemment, roulez rapidement.
Certaines expressions, hâtivement employées par la presse écrite et parlée, tendent à accréditer l'idée que la vitesse serait dangereuse : « accident dû à la vitesse
excessive ».
Il n'y a pas de vitesse excessive dans l'absolu. Il y a une vitesse excessive pour chaque conducteur. Et cela, nul code, nul ministre ne peut le calculer. C'est à chacun de nous de l'évaluer.
La vitesse sur route n'est pas dangereuse, au contraire. Si vous en êtes capable, plus vous roulerez vite, plus vite vous aurez dégagé la chaussée et plus vous serez en sécurité.
Calculez vous-même votre vitesse en fonction de
votre habitude du volant et en fonction des perfor-
mances du véhicule. Votre vitesse de route ne doit
cependant jamais atteindre la vitesse plafond de votre voiture : il faut toujours que vous ayez de la
« réserve ». Le conducteur qui roule « pied au plan- cher » n'a plus que ses freins. Gardez toujours
« quelques chevaux sous le pied ».
Dans ces conditions, les panneaux ou les mesures de limitation de vitesse ne sont pas seulement absurdes dans la mesure où ils s'appliquent uniformément à tous les véhicules et à tous les conducteurs, ils sont aussi dangereux.
Il y a une vitesse limite pour chaque voi- ture.
Prenons l'exemple d'un secteur de route où la vitesse est limitée à cent kilomètres à l'heure :
fb Le conducteur d'une voiture rapide ne pourra utiliser convenablement sa mécanique. Il roulera en dessous de ses possibilités. Inutilement, il encombrera une route qu'il pourrait dégager beaucoup plus rapidement sans risque.
0 Au contraire, le conducteur d'une voiture peu rapide — vitesse maximum de quatre-vingt-dix ou cent kilomètres à l'heure — se croira auto- risé à rouler « pied au plancher » sans contre- venir à l'indication portée sur les panneaux de limitation de vitesse. Il n'en sera pas moins en danger.
. U n e v o i t u r e r o u l a n t à la vitesse m a x i m u m a u t o - risée — c e n t k i l o m è t r e s à l ' h e u r e — a r r i v e d e r - r i è r e u n c a m i o n r o u l a n t à q u a t r e - v i n g t - c i n q à l ' h e u r e . I l a le d r o i t d e le d é p a s s e r m a l g r é la d i f f é r e n c e de vitesse assez f a i b l e . I l le d é p a s s e r a d o n c l o n g u e m e n t , c ' e s t - à - d i r e q u ' i l r e s t e r a l o n g - t e m p s e n « d o u b l e p o s i t i o n » — la p o s i t i o n l a
p l u s d a n g e r e u s e q u i soit.
D e la m ê m e m a n i è r e les p a n n e a u x q u i l i m i t e n t la vitesse, d a n s la t r a v e r s é e des a g g l o m é r a t i o n s , c o n s t i - t u e n t u n e f a u s s e g a r a n t i e de s é c u r i t é .
0 E n p l e i n e j o u r n é e , la t r a v e r s é e d ' u n e cité p o p u - leuse à s o i x a n t e à l ' h e u r e p e u t ê t r e t r è s d a n g e - r e u s e . O r , l ' a u t o m o b i l i s t e se c r o i t e n d r o i t de le f a i r e : il s u i t les p a n n e a u x .
lu A u c o n t r a i r e , a u x h e u r e s c r e u s e s , a l o r s q u ' i l p o u r r a i t sans d a n g e r a u g m e n t e r son a l l u r e , il r i s q u e , a u n o m de la l i m i t a t i o n de vitesse, de se v o i r i n f l i g e r u n e c o n t r a v e n t i o n .
L à e n c o r e , c h a q u e c o n d u c t e u r d o i t c a l c u l e r sa vitesse e n r a i s o n d e l ' h e u r e de la j o u r n é e e t . . . de l'efficacité de ses f r e i n s .
J e r e m p l a c e r a i s t o u s les p a n n e a u x de l i m i t a t i o n actuels p a r u n p a n n e a u u n i q u e : « S O Y E Z P R U D E N T ».
L e p r o v e r b e se t r o m p e : Q u i v a l e n t e m e n t n e v a p a s s a i n e m e n t .
Contrairement à une opinion trop répandue, la lenteur n'est pas un gage de sécurité. Elle devient même un sérieux danger sur les grandes routes. Un automobiliste croit rouler prudemment à cinquante à l'heure. Il est suivi à deux cent cinquante mètres par une voiture roulant à cent quarante kilomètres à l'heure. Il suffit de dix secondes à cette voiture pour le rejoindre.
Celui qui roule lentement sur une grande route est sans arrêt à la merci d'un acci- dent : il est dépassé constamment.
Or le moment le plus dangereux de la circulation est celui du dépassement. Sur une route très fréquentée, le conducteur trop lent est en danger permanent1.
Pour pouvoir « doubler » en toute sécurité, l'auto- mobiliste doit toujours avoir effectué au préalable quatre opérations préliminaires :
P r e m i è r e m e n t : s'assurer qu'il va sensible- ment plus vite que le véhicule qui le précède.
On ne double pas à cent à l'heure une voiture qui roule à quatre-vingt-quinze. Si votre vitesse n'est pas sensiblement supérieure, attendez l'oc- casion : la montée, le virage que vous aurez
1. Certains conducteurs ne se sentent pas capables de conduire vite.
Manquant de confiance en eux-mêmes, ils agissent raisonnablement en ne forçant pas leur talent. Mais qu'ils prennent au moins la précaution de rouler à l'extrême droite de la chaussée ; d'autres voitures suivent, ils ne doivent pas créer un « bouchon ».
mieux pris, et dont vous sortirez plus rapide- ment, etc.
D e u x i è m e m e n t : s'assurer qu'il ne vient rien en face. Les conducteurs accordent souvent trop peu d'importance à cette précaution essentielle.
Il faut non seulement évaluer la distance des véhicules arrivant en sens inverse, mais aussi leur genre et leur vitesse.
Je m'explique. Vous roulez à quatre-vingts à l'heure derrière un camion. Vous voyez un véhicule arrivant en face à cinq cents mètres.
Si c'est une voiture roulant à soixante kilomètres à l'heure, vous ne la croiserez que dans une quinzaine de secondes ; vous avez donc le temps de doubler. Si c'est une voiture roulant à cent soixante kilomètres à l'heure, vous la croiserez dans sept secondes ; vous n'avez pas le temps de doubler.
T r o i s i è m e m e n t : s'assurer qu'une voiture plus rapide que vous n'est pas déjà prête à vous dou- bler. Si c'est le cas, ne mettez pas votre cli- gnotant ; vous pourriez amener son conducteur à freiner. Laissez-la passer. Ne la mettez jamais en demeure — sur son élan — de vous dépasser en troisième position.
Q u a t r i è m e m e n t : les trois premières opérations effectuées, mettre le clignotant. Trop de conduc-
teurs commencent par mettre leur clignotant, gênant ainsi ceux qui les suivent à plus grande vitesse.
Au moment même du dépassement, la règle est simple.
La meilleure garantie de sécurité pour dou- bler un véhicule c'est la vitesse.
Vous réduirez ainsi au minimum le temps du dépas- sement.
Ne faites pas comme ce conducteur que j'ai ren- contré un jour sur une grande route.
Une deux-chevaux chargée de quatre personnes roulait depuis plus d'un kilomètre derrière un camion filant à bonne allure. J'arrivais derrière eux dans une longue ligne droite à cent trente à l'heure environ. J'étais déjà en position pour doubler. Soudain, sous mon nez, le conducteur de la deux-chevaux met son clignotant et com- mence à doubler. Il a mis exactement un kilo- mètre pour dépasser le camion et se rabattre.
J'avais dû freiner assez brutalement. J'examinais le visage du conducteur dans son rétroviseur.
C'est seulement au bout de cinq cents mètres — lorsqu'il roulait parallèlement au camion — qu'il s'est aperçu de ma présence. Doubler dans
9 , 7 3 F - 1 0 F T . T . C .
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