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Academic year: 2022

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Sensibles ethnographies

Expériences et expressions des corps et des sens en anthropologie

Journées d'étude organisées par les doctorants du Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative (LESC, UMR 7186, CNRS / Université Paris Nanterre) - 29 et 30 novembre 2018 (dates prévisionnelles)

APPEL A COMMUNICATION

Les journées d’études “Sensibles ethnographies” seront placées sous le signe du corps sensible, à la fois senti et sentant, contribuant par ses expériences et expressions à donner sens au monde.

Quelques décennies après les « tournants » corporel et sensoriel en sciences sociales, les jeunes anthropologues ont-ils investi la question de l’expérience sensible et de l’affect au sein de leurs recherches ? Comment abordent-ils, d’un point de vue conceptuel, épistémologique et méthodologique, les dimensions incarnées et sensorielles de leurs terrains ? En quoi cela change-t- il notre compréhension de l’humain, de la société et des cultures ? Autant de questions qui seront soumises à une réflexion collective appuyée sur des matériaux ethnographiques divers. Ces journées s’adressent à tous doctorants et jeunes chercheurs en anthropologie, de Nanterre et d’ailleurs, dont les travaux font écho à ces thématiques - qu’elles fassent partie de leurs problématiques initiales ou qu’elles surgissent au cours du terrain.

Dès 1934, Marcel Mauss avait appelé de ses vœux une étude plus systématique des « techniques du corps ». Inévitablement présente « en pointillés » ou « implicitement » (Le Breton 1992) dans les ethnographies depuis les origines de l’anthropologie, la question du corps ne devient un champ de recherche à part entière que depuis les années 1970-80. Réhabilitation générale du corps en Occident, revendications féministes et attention portée au genre, comptent parmi les raisons avancées pour expliquer ce « retour au corps ». Fournier et Raveneau (2008) font le constat de la place de plus en plus grande qui lui est accordée en anthropologie, mais soulignent le paradoxe d’un « évitement de la question de la matérialité du corps » les traversant. Le corps y est considéré d’abord comme porteur de symboles, reflet de systèmes de pensée, de structures sociales et politiques, dans une « tendance générale (…) à se servir du corps pour parler d’autre chose ou à l’envisager comme une métaphore » (ibid). Sans nier l’intérêt de ces travaux, Fournier et Raveneau en appellent alors à une approche du corps non plus « poussé vers l’abstraction ou naturalisé », mais pris « dans sa matérialité et dans sa réalité concrète » (ibid), ce qu’avaient déjà initié une poignée d’auteurs dans les années 1980 et 90 (dont Stoller 1989 ; Csordas 1994). Le tournant sensoriel a ensuite approfondi ce champ corporel en construction et participé à l’explorer dans toute sa matérialité.

La recherche anglo-saxonne a d’abord prêté une attention particulière aux facultés sensori-motrices (Howes 1991 ; Noë 2004 ; Pink 2015). En France, l’anthropologie du sensoriel en tant que telle n’apparaît que de façon intermittente et « atomisée » dans la discipline (Gélard 2016), bien qu’un certain nombre de chercheurs aient contribué à ouvrir la recherche aux sens et aux affects dès les années 1990-2000 (Candau 2000 ; Surrallés 2004 ; Halloy 2006). La dimension corporelle en soi, et non plus seulement le corps symbolique, est ainsi mise au centre de l’analyse anthropologique, impliquant la nécessité de repenser le concept de corps (Julien, Rosselin et Warnier 2006). La théorisation par Surrallés des dynamiques liées à l’« esthésie », ou la notion d’« embodiment » de Csordas, permettent de considérer la sensibilité comme processus constitutif de la construction identitaire de l’individu, et le corps comme « au fondement des représentations du monde et de ce “moi” que nous édifions en permanence » (Surrallés in Csordas 2001).

Entre approches phénoménologiques, culturalistes et cognitivistes, ces idées sont mobilisées dans des champs disciplinaires et objectifs divers : ethnomusicologie et anthropologie de la danse (Desroches, Stévance & Lacasse 2014 ; Martinez 2009 ; Fléty 2015), étude des pratiques sportives (Clément 2014), étude des gestes liés au langage et aux processus de communication (Hall 1971 ; Birdwhistell 1981 ; Goffman 1981 ; Ingold 2011), étude des mouvements corporels du quotidien (Noë 2004 ; Pink 2015), ou anthropologie médicale et du corps souffrant (Jackson 2001 ; Lauderman 2001).

Il ne s’agit plus seulement d’étudier la dimension sociale des pratiques mais également leur dimension tangible et le rapport concret aux composantes de l’environnement, comme les sons (Guillebaud 2017), les odeurs (Candau 2000) ou l’expérience de l’espace (Duffy et Waitt in Pink 2015).

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Grâce à ces déplacements du regard anthropologique, là où les approches linguistiques, textuelles et symboliques touchent peut-être à leurs limites, il s’agit d’envisager la réalité humaine, sociale et culturelle, depuis l’« incarnation », c’est-à-dire depuis l’expérience corporelle et sensible (Csordas 2001, 2002). Etudier la diversité des cultures ne pourrait plus faire l’économie d’une compréhension fine des « régimes sensoriels » propres à chacune (Howes 2003). Les approches sensibles et matérialistes questionnent alors non seulement la place du corps des sujets observés dans leurs relations et interactions, mais aussi celle de l’ethnologue-observant. Ce nouveau regard sur « l’être-au-monde » va de pair avec toute l’immédiateté, la subjectivité, et donc les difficultés méthodologiques et épistémologiques, que cette incarnation entraîne : comment faire science à partir de l’infinie diversité individuelle que suppose la prise en compte d’une corporalité et d’une sensorialité humaine ? Fournier et Raveneau (2008) proposent de partir des pratiques, non des représentations, et d’assumer la part de subjectivité de ces travaux. Nous ajouterions à cette exigence celle de l’explicitation du point de vue nécessairement situé du chercheur. Certains choisissent de mettre en avant ce filtre que constitue leur corps, avec son expérience, en le considérant comme objet méthodologique d’observation sur le terrain (Halloy 2006 ; Pink 2015). Les sensations et émotions de l’ethnologue deviennent outils d’analyse, capteurs d’une réalité qu’il s’agit de confronter aux données collectées auprès des enquêtés, même s’il peut se révéler difficile de faire valoir la légitimité d’un savoir ainsi produit, parfois considéré comme trop personnel et subjectif.

La multiplicité de ces approches du corps sensible en anthropologie nous amène à soumettre aux jeunes chercheurs qui désirent prendre part à ces journées d’étude la question des concepts mis en œuvre, celle de la définition de cet objet d’étude et celle de la méthodologie.

Sous quels angles décrire et analyser les corps vécus, sensibles et expressifs ? Comment aborder les agentivités corporelles ethnographiques et produire du savoir à partir de ces données ? Pratique filmique, observation des gestes et réactions physiques, multimodalité sensorielle, analyse de l’expression verbale des ressentis et perceptions, enregistrement sonore, dispositifs expérimentaux et artistiques, ou encore engagement corporel du chercheur : quelles méthodes sont privilégiées, avec quels résultats et conséquences ?

Qu’en est-il de la restitution ? Texte classique, choix d’écriture innovants, recours à d’autres médias, sons, images, etc., quels sont les moyens de donner à voir ces matériaux et leur analyse?

Seront également d’un grand intérêt les recherches qui, dans un premier temps n’avaient pas pour objet le corps et le sensible mais qui, de par leurs protocoles d’enquête ou les méandres du terrain, finissent par devoir en rendre compte.

Enfin, les notions et concepts ici à l’œuvre complexifient l’abord de ce champ : tout le monde a et est un corps, éprouve sensations et émotions, et cette communauté d’expérience primordiale semble parfois justifier l’absence d’explicitation préalable des termes (Surrallés, 2004). Mais la confusion demeure : ressenti, sensation, sensorialité, sensibilité, sentiment, affect, émotion, de quoi parle-t-on finalement ? Si bien sûr ces journées d’étude ne suffiront pas à ordonner une multiplicité de notions, les participants s’attacheront à mettre au clair les concepts implicites propres à leurs travaux.

Nous encourageons les propositions sous différents formats : présentation orale de 20 minutes, exposition (dessins, photographies de terrain) ou projection de film commentées, atelier pratique... Merci d’envoyer vos propositions sous la forme d’un titre et d’un résumé de 2500 signes maximum, à sensibles.ethnographies2018@gmail.com, en précisant vos nom, prénom et affiliation, avant le 20 juillet 2018. Nous vous contacterons d’ici début septembre.

Comité scientifique

Sisa CALAPI, Helma KORZYBSKA, Marie MAZZELLA DI BOSCO, Pierre PERALDI-MITTELETTE Doctorants en anthropologie du Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative (LESC / CREM, UMR 7186, CNRS / Université Paris Nanterre)

Avec les conseils de Katell MORAND (Université Paris Nanterre / LESC-CREM, UMR 7186, CNRS).

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Bibliographie sélective

BIRDWHISTELL, R.L. (1981), « Un exercice de kinésique et de linguistique : la scène de la cigarette » in WINKIN Y. (dir.), La Nouvelle Communication, Paris : Seuil, pp.160-190

CANDAU, J. (2000) Mémoire et expériences olfactives : anthropologie d'un savoir-faire sensoriel, Paris : Presses universitaires de France

CLEMENT, J. (2014) Cultures physiques. Le rugby de Samoa, Paris : Editions Rue d’Ulm

CSORDAS, T. (ed.) (2001[1994]) Embodiment and experience : the existential ground of culture and self, Cambridge University Press, Coll.: Cambridge studies in medical anthropology CSORDAS, T. (2002). Body/meaning/healing, Basingstoke. New York : Palgrave Macmillan

DESROCHES, M., STÉVANCE, S. & LACASSE, S., dir. (2014). Quand la musique prend corps, Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal

FLÉTY, L. (2015). Les cortèges de la fortune. Dynamiques sociales et corporelles chez les danseurs de morenada (La Paz, Bolivie), Thèse de doctorat en anthropologie, sous la direction de Jacques Galinier, Université Paris Ouest Nanterre La Défense

FOURNIER, L.S. & RAVENEAU, G. (2008). « Anthropologie des usages sociaux et culturels du corps ».

Journal des anthropologues, 112-113,(1), 9-22

GÉLARD, M.-L. (2016). « L’anthropologie sensorielle en France. Un champ en devenir ? ». L’Homme, revue française d’anthropologie (217) : 91-108

GOFFMAN, E. (1981), « Engagement » in WINKIN Y. (dir.), La Nouvelle Communication, Paris, Seuil, pp.267- 278

GUILLEBAUD, C. (2017) Toward an anthropology of ambient sound, New York [etc.] : Routledge.

HALL, E. (1971) La dimension cachée, Paris : Éd. du Seuil

HALLOY, A. (2006). « Un anthropologue en transe. Du corps comme outil d’investigation ethnographique », in PETIT, P. & NORET, J. (eds.), Corps, performance, religion. Etudes anthropologiques offertes à Philippe Jespers. Paris : PubliBook. 87-115

HOWES, D. (2003). Sensual Relations. Engaging the Senses in Culture and Social Theory, Ann Arbor :

University of Michigan Press

HOWES, D., éd. (1991), The Varieties of Sensory Experience : A Sourcebook in the Anthropology of the Senses, Toronto : University of Toronto Press

INGOLD, T. (2011) The perception of the environment: essays on livelihood, dwelling and skill, London : Routledge

JACKSON, J. (2001), « Chronic pain and the tension between the body as subject and object.», in CSORDAS, T.

(ed.), Embodiment and experience : the existential ground of culture and self, Cambridge University Press, Coll.:

Cambridge studies in medical anthropology, 201-228

JULIEN M-P., ROSSELIN C. et WARNIER J-P. (2006). « Le corps : matière à décrire. », Corps, 1,(1), 45-52.

LAUDERMAN C. (2001), « The embodiment of symbols and the acculturation of the anthropologist », in CSORDAS, T. (ed.), Embodiment and experience : the existential ground of culture and self, Cambridge University Press, Coll.: Cambridge studies in medical anthropology, 183-197

LE BRETON, D. (1992). Sociologie du corps, Paris : PUF

MARTINEZ, R. (2009) « Musiques, mouvements, couleurs dans la performance musicale andine  : Exemples boliviens ». Terrain. Revue d’Ethnologie de l’Europe 53: 84-97.

MAUSS, M. (2001[1934]). « Les techniques du corps », in Sociologie et Anthropologie, Paris : PUF NOË, A. (2004) Action in perception, Collection: Representation and mind, London : MIT Press PINK, S. (2015). Doing sensory ethnography. London : Sage

STOLLER, P. (1989). The Taste of Ethnographic Things : The Senses in Anthropology. Philadelphia : University of Pennsylvania Press

SURRALLES, A. (2004). « Des états d’âme aux états de fait. La perception entre le corps et les affects », in HÉRITIER F. & XANTHAKOU M. (dir.) Corps et affects. Paris : Odile Jacob. 59-75

 

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