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Commentaire de l'arrêt du Tribunal fédéral du 31 octobre 2019 dans la cause A. c. Ministère public de la République et canton de Genève, B., C., D. et E.

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Commentaire de l'arrêt du Tribunal fédéral du 31 octobre 2019 dans la cause A. c. Ministère public de la République et canton de Genève,

B., C., D. et E.

HOTTELIER, Michel

HOTTELIER, Michel. Commentaire de l'arrêt du Tribunal fédéral du 31 octobre 2019 dans la cause A. c. Ministère public de la République et canton de Genève, B., C., D. et E.

forumpoenale , 2020, no. 2, p. 108-113

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:135452

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Nr. 17 Tribunal fédéral, Cour de droit pénal, Arrêt du 31 octobre 2019 dans la cause A. contre Ministère public de la République et canton de Genève, B., C., D. et E. – 6B_673/2019

Art. 3, 8 et 14 CEDH ; art. 177, 180 et 261bis CP ; art. 310 CPP : ordonnance de non­entrée en matière ; obli­

gation d’enquêter en cas de plainte pour propos homo­

phobes.

Les expressions, gestes ou images dépréciatifs qui mettent en cause l’orientation sexuelle peuvent être constitutifs d’injure (art. 177 CP), dans la mesure où ils expriment le mépris. Insulter ou ridiculiser une personne en raison de son orientation sexuelle constitue une dis- crimination aussi grave que celles fondées sur la race, l’origine ou la couleur. Lorsqu’une personne allègue avoir subi un harcèlement (injures répétées, menace) à caractère discriminatoire, il y a lieu de tenir compte, dans l’application du principe In dubio pro duriore, des principes dégagés par la jurisprudence de la Cour euro- péenne des droits de l’homme en matière d’obligation d’enquêter fondée sur les art. 8 et 14 CEDH. (Résumé de l’auteur du commentaire)

Art. 3, 8 und 14 EMRK; Art. 177, 180 und 261bis StGB;

Art. 310 StPO: Nichtanhandnahmeverfügung; Unter­

suchungspflicht bei Strafantrag wegen homophoben Äusserungen.

Abwertende Ausdrücke, Gebärden oder Bilder mit Be- zug auf die sexuelle Orientierung können den Tatbestand der Beschimpfung (Art. 177 StGB) erfüllen, soweit sie Verachtung zum Ausdruck bringen. Eine Person wegen ihrer sexuellen Orientierung beleidigen oder lächerlich machen stellt eine ebenso gravierende Diskriminierung dar wie solche, die auf Rasse, Herkunft oder Hautfarbe gründen. Bringt eine Person vor, auf diskriminierender Weise gemobbt worden zu sein (wiederholte Beschimp- fungen, Drohung), müssen bei der Anwendung des Grundsatzes in dubio pro duriore jene Prinzipien be- rücksichtigt werden, welche die Rechtsprechung des EGMR hinsichtlich der Untersuchungspflicht nach Art. 8 und 14 EMRK entwickelt hat. (Regeste des An- merkungsverfassers)

Art. 3, 8 e 14 CEDU; art. 177, 180 e 261bis CP; art. 310 CPP:

decreto di non luogo a procedere; obbligo d’indagine in caso di querela per affermazioni omofobe.

Le espressioni, i gesti o le immagini denigratorie che concernono l’orientamento sessuale possono costituire un’ingiuria (art. 177 CP), nella misura in cui esprimono disprezzo. Insultare o ridicolizzare una persona a causa del suo orientamento sessuale costituisce una discrimi- nazione altrettanto grave di quella basata sulla razza,

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en matière en un classement, ce qui n’apparaît pas être le cas. A toutes fins utiles, il est précisé que l’art. 310 al. 1 let. c CPP, par le renvoi à l’art. 8 CPP, couvre aussi les cas d’ap- plication de la renonciation à la poursuite pénale lorsque le droit fédéral le prévoit (art. 52, 53 et 54 CP). L’application, à titre subsidiaire, de l’art. 52 CP par la cour cantonale n’a donc pas eu pour effet de convertir l’ordonnance de non- entrée en matière en une ordonnance de classement.

2.2. Avant l’ouverture d’une instruction, le droit de par- ticiper à l’administration des preuves ne s’applique en prin- cipe pas (art. 147 al. 1 CPP a contrario), et ce y compris en cas d’investigations policières diligentées à titre de complé- ment d’enquête requis par le ministère public en vertu de l’art. 309 al. 2 CPP (arrêts 6B_810/2019 du 22 juillet 2019 consid. 2.1 ; 6B_854/2018 du 23 octobre 2018 consid. 3.1 ; 6B_496/2018 du 6 septembre 2018). En outre, avant de rendre une ordonnance de non-entrée en matière, le minis- tère public n’a pas à informer les parties ni n’a l’obligation de leur fixer un délai pour présenter d’éventuelles réquisi- tions de preuve, l’art. 318 CPP n’étant pas applicable dans ce cas. Le droit d’être entendu des parties est en effet assuré, le cas échéant, dans le cadre de la procédure de recours contre l’ordonnance de non-entrée en matière (cf. art. 310 al. 2, 322 al. 2 et 393 ss CPP). Cette procédure permet aux parties de faire valoir tous leurs griefs – formels et maté- riels – auprès d’une autorité disposant d’une pleine cogni- tion en fait et en droit (cf. art. 391 al. 1 et 393 al. 2 CPP;

arrêts 6B_810/2019 précité consid. 2.1 ; 6B_239/2019 du 24 avril 2019 consid. 2.1 ; 6B_854/2018 précité consid. 3.1).

Sur le vu de ce qui précède, le recourant ne disposait pas d’un droit à participer à l’administration des preuves ou à se déterminer sur la volonté du ministère public de rendre une ordonnance de non-entrée en matière. Pour le surplus, en tant qu’il considère que le choix du ministère public de rendre une décision de non-entrée en matière l’a privé de son droit de participer à une instruction, son grief n’a pas de portée propre et se confond avec celui de violation du principe « in dubio pro duriore » traité ci-après.

Le grief tiré d’une violation de son droit d’être entendu est ainsi infondé.

3.

Se prévalant des art. 8 et 14 CEDH, le recourant soutient que le principe « in dubio pro duriore » a été violé.

3.1.

3.1.1. Selon la jurisprudence de la CourEDH, lorsqu’elles enquêtent sur des incidents violents, les autorités de l’État ont l’obligation, au regard de l’art. 3 CEDH, de prendre toutes les mesures raisonnables pour déterminer s’il existait un mobile raciste et si des sentiments de haine ou des pré- jugés fondés sur l’origine ethnique ont pu jouer aussi un rôle dans les événements (arrêts de la CourEDH R. B. c. Hongrie du 12  avril 2016 [requête no 64602/12], §  83 ; Abdu c.

Bulgarie du 11 mars 2014 [requête no 26827/08], § 44). Un traitement qui n’est pas suffisamment grave pour relever de l’origine o il colore. Quando una persona sostiene di aver

subito una molestia (ingiurie ripetute, minaccia) a ca- rattere discriminatorio, nell’applicazione del principio in dubio pro duriore occorre tenere in considerazione i principi stabiliti dalla giurisprudenza della Corte EDU per quanto attiene all’obbligo di indagare basato sugli articoli 8 e 14 CEDU. (Regesto dell’autore dell’annota- zione)

Faits :

Le 29 août 2018, A. a déposé plainte pénale contre B., C., D. et E. pour injures (art. 177 CP) et menaces (art. 180 CP). A son ap- pui, il expliquait avoir commencé à travailler en tant que serveur au restaurant « F. » le 28 juin 2018. Ses collègues avaient fait à plusieurs reprises des commentaires déplacés quant à ses mani- ères jugées « efféminées » et avaient proféré des insultes à carac- tère homophobe à son encontre. Le chef de cuisine s’était en outre montré agressif en criant sur lui et en le menaçant. Il avait dès lors quitté son emploi le 17 août 2018. Par ordonnance du 23 oc- tobre 2018, le Ministère public du canton et République de Genève a refusé d’entrer en matière sur la plainte de A.

Par arrêt du 2 mai 2019, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté le recours formé par A. à l’encontre de l’ordonnance précitée.

A. forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l’arrêt du 2 mai 2019. Il conclut principalement à sa ré- forme en ce sens qu’il est constaté une violation de l’obligation de procéder à une enquête effective découlant des art. 8 et 14 CEDH, à son annulation et au renvoi de la cause à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice pour nouvelle décision. Subsidiaire- ment, il conclut à l’annulation de l’arrêt précité et au renvoi de la cause à l’autorité précédente. Il sollicite également le bénéfice de l’assistance judiciaire.

Par ordonnance du 27 juin 2019, le Tribunal fédéral a rejeté la demande d’assistance judiciaire de A.

Invités à se déterminer sur le recours, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice s’est référée à son arrêt et le Minis- tère public a renoncé à présenter des observations, tandis que les autres intimés se sont brièvement déterminés. A. a renoncé à ré- pliquer.

Extraits des considérants :

[…]

2.

Le recourant affirme que la cour cantonale aurait dû constater la violation de son droit d’être entendu, attendu que le ministère public ne lui a jamais offert la possibilité de formuler des réquisitions de preuve complémentaire, ni de se déterminer sur son intention de rendre une ordonnance de classement. Il soutient d’ailleurs que la cour cantonale a transformé l’ordonnance de non-entrée en matière du minis- tère public en une ordonnance de classement, et ce sans échange d’écriture.

2.1. Le recourant n’explique pas ce qui lui laisse penser que la cour cantonale a converti la décision de non-entrée

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tées, à teneur desquelles le terme « pédé » constitue une in- jure formelle). L’infraction d’injure est en effet réalisée notamment lorsque l’auteur a, en une forme répréhensible, témoigné de son mépris à l’égard de la personne visée et l’a attaquée dans le sentiment qu’elle a de sa propre dig- nité (arrêts 6B_938/2017 du 2  juillet 2018 consid.  5.1 ; 6B_557/2013 du 12 septembre 2013, consid. 1.1 et les réfé- rences citées, in SJ 2014 I 293). Par ailleurs, celui qui aura volontairement fait redouter à sa victime la survenance d’un préjudice réalise l’infraction de menace au sens de l’art. 180 CP (ATF 122 IV 97 consid. 2b p. 100). Enfin, le droit suisse réprime la contrainte par « stalking » (art. 181 CP), soit la persécution obsessionnelle d’une personne durant une pé- riode prolongée (ATF 141 IV 437 consid. 3p. 438 s. ; 129 IV 262 consid. 2 p. 263 s.).

3.1.3. Conformément à l’art. 310 al. 1 CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s’il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l’infraction ou les conditions à l’ouverture de l’action pénale ne sont manifes- tement pas réunis (let. a) ou qu’il y a lieu de renoncer à l’ou- verture d’une poursuite pénale lorsque les conditions de l’art. 52 CP sont remplies (let. c).

L’art. 310 al. 1 let. a CPP doit être appliqué conformé- ment à l’adage « in dubio pro duriore ». Cela signifie qu’en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu’il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas rem- plies. En cas de doute s’agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n’est pas à l’autorité d’instruction ou d’accu- sation mais au juge matériellement compétent qu’il appar- tient de se prononcer. La procédure doit se poursuivre lorsqu’une condamnation apparaît plus vraisemblable qu’un acquittement ou lorsque les probabilités d’acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d’une infraction grave. Le ministère public et l’autorité de recours disposent, dans ce cadre, d’un pouvoir d’appréciation que le Tribunal fédéral revoit avec retenue.

Cela étant, déterminer si l’autorité précédente a correcte- ment compris la portée du principe « in dubio pro duriore » est une question de droit, soumis au libre examen du Tri- bunal fédéral (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243 ; 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91 et les références citées).

3.2. Le recourant a expliqué que dès sa prise d’emploi au sein du restaurant, il s’était senti mis à l’écart par les autres employés. Une dizaine de jours plus tard, à l’occasion d’une soirée organisée par un collègue, D., responsable ad- joint du restaurant, lui avait confié qu’il risquait de perdre son travail à cause de ses manières « efféminées », étant pré- cisé que le précité n’avait pas utilisé ce terme mais fait un geste qu’il avait compris en ce sens. Son collègue l’avait éga- lement traité de « folle » durant un service. Plusieurs jours plus tard, E., le maître d’hôtel, lui avait fait des commen- l’art. 3 CEDH peut néanmoins nuire à l’intégrité physique

et morale du requérant au point d’enfreindre l’art. 8 CEDH sous son volet relatif à la vie privée (arrêts de la CourEDH Khan c. Allemagne du 23 avril 2015 [requête no 38030/12],

§ 35; Costello-Roberts c. Royaume-Uni du 25 mars 1993,

§ 36, série A no 247-C). La CourEDH a ainsi jugé que lorsqu’une personne soutient de manière défendable qu’elle a subi un harcèlement à caractère raciste, notamment des insultes et des menaces physiques, les États se doivent, en vertu de l’art. 8 CEDH, de prendre toutes les mesures rai- sonnables pour déterminer s’il existait un mobile raciste et si des sentiments de haine ou des préjugés fondés sur l’ori- gine ethnique avaient pu jouer aussi un rôle dans les événe- ments, cela même lorsque le traitement n’atteint pas le degré de gravité requis par l’art. 3 CEDH (arrêt de la CourEDH R. B. c. Hongrie précité, §§ 83–84).

Selon l’art. 14 CEDH, « [l]a jouissance des droits et li- bertés reconnus dans la présente Convention doit être assu- rée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions poli- tiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou so- ciale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ». Selon la jurispru- dence de la CourEDH, l’orientation sexuelle relève de la protection de l’article 14 (arrêt de la CourEDH X c. Turquie [requête no 24626/09 du 9  octobre 2012], §  57 ; parmi d’autres affaires : Kozak c. Pologne du 2 mars 2010 [requête no 13102/02], § 83, Alekseyev c. Russie du 21 octobre 2010 [requêtes no 4916/07, 25924/08 et 14599/09], § 108). In- sulter ou ridiculiser une personne en raison de son orienta- tion sexuelle constitue une discrimination aussi grave que celles fondées sur la race, l’origine ou la couleur (arrêt de la CourEDH Vedjeland et autres c. Suède du 9 février 2012 [requête no 1813/07], §  55 ; parmi d’autres affaires : Smith et Grady c. Royaume-Uni [requêtes no 33985/96 et 33986/96], § 97, ECHR 1999-VI).

3.1.2. En droit interne, l’extension de la norme antira- ciste de l’art. 261bis CP aux discriminations fondées sur l’orientation sexuelle, adoptée par le Parlement le 14 dé- cembre 2018, traduit la volonté de réprimer de la même manière les actes discriminatoires fondés sur l’appartenance raciale, ethnique ou religieuse, et ceux fondés sur l’orienta- tion sexuelle (modification du Code pénal du 14 décembre 2018, FF 2018 7867). Un référendum est pendant.

Au regard de la législation en vigueur, les expressions, gestes ou images dépréciatifs portant sur l’orientation sexuelle peuvent être constitutifs d’injure (art. 177 CP), dans la mesure où ils expriment le mépris (cf. Alexandre Cur- chod, Droit pénal, in Droit LGBT, 2ème éd., 2015, p. 664 s. ; voir aussi les arrêts de la Chambre pénale d’appel et de révi- sion de la Cour de justice du canton de Genève no AARP/192/2018 du 12 juin 2018 consid. 2.2.1 et de la Cour d’appel pénal du Tribunal cantonal de Fribourg no 501 2017 177 du 24 septembre 2018 consid. 3.1 et les références ci-

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raison de son homosexualité, ce que ceux-ci réfutaient, sou- tenant qu’il était intégré, et avoir tout fait pour, lui propo- sant notamment de se joindre à eux après le service, ce qu’il refusait systématiquement, et le conseillant sur sa tenue ves- timentaire afin qu’il n’ait pas de problème. Le témoin confir- mait également que le recourant était intégré. Les prévenus s’accordaient enfin à dire que le recourant ne cachait pas son homosexualité et, au contraire, en jouait. H. avait ajouté que le recourant en riait parfois et le directeur avait affirmé ne pas avoir eu connaissance de problèmes entre ses em- ployés, le recourant ne soutenant du reste pas s’en être plaint à son supérieur. Il n’apparaissait donc pas que les prévenus avaient eu la volonté délibérée de porter atteinte à l’honneur du recourant en utilisant le terme « folle », ou tout geste inapproprié.

Enfin, la cour cantonale relevait que selon le recourant, E. l’aurait traité de « PD », ce que le mis en cause contestait.

A teneur du dossier, personne n’avait pu confirmer ces pro- pos. Cependant, même si le second témoin, qui n’avait pas été entendu par la police, venait à corroborer ce terme inju- rieux, force était de constater que l’art. 52 CP s’imposerait.

En effet, la culpabilité de l’auteur et les conséquences pour le recourant ne sauraient être considérées comme impor- tantes, vu le contexte précité.

3.4. Lorsque, comme en l’espèce, un individu se plaint d’avoir subi un harcèlement (injures répétées, menace) à ca- ractère discriminatoire, il y a lieu de tenir compte, dans l’application du principe « in dubio pro duriore », des prin- cipes dégagés par la jurisprudence de la CourEDH en lien avec les art. 8 et 14 CEDH (consid. 3.1.1 supra).

Il ressort de ce qui précède (consid. 3.3 supra) que selon la cour cantonale, C. n’avait pas eu l’intention de menacer le recourant, l’acte était demeuré isolé et le recourant n’en avait subi que des conséquences bénignes. L’autorité précé- dente a également fait sienne la version des faits des mis en cause qualifiant leurs propos de simples plaisanteries et niant toute volonté discriminatoire. Elle a encore considéré que personne n’avait pu confirmer l’usage du terme « PD », au demeurant sans importance compte tenu du contexte retenu, notamment le fait que le recourant était intégré au sein de l’équipe du restaurant et que les prévenus n’avaient pas voulu porter atteinte à son honneur.

L’état de fait cantonal diffère ainsi de celui présenté par le recourant, qui a décrit une situation de mise à l’écart et d’insultes répétées, à caractère discriminatoire, qui l’ont touché au point qu’il a quitté son emploi prématurément. Il apparaît donc que la cour cantonale a relativisé les propos du recourant et écarté sa version des faits au profit de celle des mis en cause, sans pourtant avoir constaté que le recou- rant aurait fait des déclarations contradictoires qui le ren- daient moins crédible que ses opposants. Certes, la personne appelée à donner des renseignements a déclaré qu’elle pen- sait que le recourant était intégré dans l’équipe et que les blagues le visant n’étaient pas méchantes. Cependant, cet taires déplacés quant à ses manières et une blague homo-

phobe, dont il ne pouvait préciser les termes, à l’exception de « PD ». En présence d’une partie des employés, C., le chef de cuisine, lui avait demandé s’il ne pouvait pas marcher comme tout le monde, ce qui avait fait rire le personnel pré- sent, qui s’était moqué de lui. Le précité lui avait également dit plusieurs fois d’arrêter de faire sa « folle » et, à une re- prise, il s’était montré agressif en criant sur lui et en le me- naçant « Je vais te buter la gueule! ». B., le directeur, n’avait pas participé mais n’avait également rien fait pour que cela cesse, alors qu’il était au courant.

Le recourant a expliqué avoir ressenti un isolement et une profonde injustice du fait qu’il était homosexuel. Ces événements avaient eu une répercussion négative sur son travail et il avait donc quitté l’établissement le 17 août 2018, soit avant la date prévue, son contrat se terminant le 31 suivant.

A l’appui de sa plainte, le recourant a requis l’audition de G. et H. en qualité de témoins, dont il a fourni les coor- données. Seul H. a été entendu.

3.3. La cour cantonale a constaté que selon le recourant, C. lui avait dit : « Je vais te buter la gueule! » alors que le mis en cause reconnaissait avoir dit « Si je fais le tour du passe, je viens t’en mettre une ! », expliquant qu’ils étaient en plein service au restaurant et que le recourant errait sans emporter les plats qui étaient prêts pour les clients, ce qui l’avait énervé. C. s’en était par la suite excusé. La cour can- tonale a considéré, dans ce contexte, que les propos n’appa- raissaient pas être d’une nature telle qu’ils puissent objecti- vement alarmer une personne de sensibilité moyenne, placée dans les mêmes circonstances, condition nécessaire pour admettre l’existence d’une menace au sens de l’art. 180 CP.

Même si tel avait été le cas, la culpabilité du prévenu devait être sensiblement relativisée, compte tenu du contexte dans lequel ces paroles sont intervenues – aux dires de C., il en- tendait uniquement presser le recourant alors qu’ils étaient en plein service, et non le menacer – et du fait que cet acte était demeuré isolé. Par ailleurs, il n’avait été ni allégué ni rendu vraisemblable que le recourant en aurait subi des conséquences autres que bénignes, celui-ci ayant continué normalement son service après cet incident. Partant, les conditions de l’art. 52 CP seraient réalisées.

En ce qui concernait les propos et gestes homophobes dont se plaignait le recourant et qui auraient conduit à sa démission, la cour cantonale a observé que de telles injures étaient contestées par les mis en cause, E. précisant seule- ment avoir pu faire des blagues, sans méchanceté ni carac- tère homophobe. H., le témoin auditionné, avait certes déclaré avoir entendu et « vu » « des commentaires homo- phobes », mais il les avait aussi qualifiées de blagues inno- centes. De plus, il ne pouvait désigner une personne en par- ticulier, ni rapporter les termes utilisés, à l’exception du mot

« folle ». S’agissant du contexte, le recourant soutenait que ses collègues l’avaient mis à l’écart dès son engagement en

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onusien. C’est pourquoi, selon le Tribunal fédéral, en élaborant cette disposition, le législateur suisse n’a pas envi- sagé une extension de la répression pénale susceptible de s’étendre à tous les actes de discrimination ou d’atteinte à des grou pes ou des collectivités (arrêt 6B_361/2010 précité, consid. 4.4.1).

2. Dans l’affaire examinée en 2010, les juges fédéraux ont nié qu’une personne homosexuelle puisse se prévaloir d’une infraction à l’honneur lorsque des propos homo- phobes sont proférés de manière indifférenciée à l’égard de la communauté homosexuelle, faute pour le groupe visé par des déclarations de ce genre d’être suffisamment déterminé pour que la personne soit touchée directement dans son honneur. Le droit à l’honneur se présentant comme un droit à caractère individuel, les propos insultants dirigés d’une manière générale contre les personnes homosexuelles sont traditionnellement réputés échapper au droit pénal, raison pour laquelle l’extension d’une disposition telle que l’art. 261bis CP a, de longue date, été souhaitée en doctrine (voir en particulier Curchod, Droit pénal, in : Ziegler/

Bertschi/Curchod/Herz/Montini (éd.), Droits des gays et lesbiennes en Suisse, Berne 2007, p. 513).

3. Comme l’indique le Tribunal fédéral dans l’arrêt qui forme l’objet du présent commentaire (consid. 3.1.2), une modification du Code pénal et du Code pénal militaire issue d’une initiative parlementaire déposée par le Conseiller na- tional Mathias Reynard, adoptée le 14 décembre 2018 par l’Assemblée fédérale, est venue compléter le champ opéra- toire du délit prévu aux art. 261bis CP et 171c CPM. La no- velle poursuit l’objectif de réprimer la discrimination et l’in- citation à la haine en raison de l’orientation sexuelle (FF 2018 7867 pour le texte adopté par l’Assemblée fédérale, 3897 pour le rapport de la Commission des affaires juri- diques du Conseil national, du 3 mai 2018 et 5327 pour l’avis du Conseil fédéral, du 15 août 2018).

La modification des art. 261bis CP et 171c CPM s’inscrit dans le concert de plusieurs recommandations émanant d’organes internationaux, en particulier du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à l’issue des deuxième et troisième rapports périodiques universels présentés par la Suisse, de même que celles formulées par que le Co- mité des droits de l’enfant et la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance. Dans son cinquième rap- port du 19 juin 2014, cet organe du Conseil de l’Europe a invité les autorités suisses à adopter une législation complète en vue de lutter contre la discrimination fondées sur l’orien- tation sexuelle et l’identité du genre et d’inclure ces motifs à l’art.  261bis CP (FF 2018 5329, 3907 et les références citées).

4. Les Chambres fédérales ont donné suite à l’initiative parlementaire précitée, mais renoncé à compléter les art. 261bis CP et 171c CPM par la mention explicite du cri- tère de l’identité de genre, en limitant la portée de la nou- velle disposition au critère de l’orientation sexuelle. Le légis- élément ne dénie pas toute crédibilité aux accusations du

recourant. Il est rappelé à cet égard que la question de savoir si une déclaration est attentatoire à l’honneur relève d’une interprétation objective selon la signification qu’un desti- nataire non prévenu doit, dans les circonstances d’espèce, lui attribuer, soit une question de droit (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.3 p. 315 s.). Aussi, si l’administration des preuves doit permettre d’établir les circonstances du cas d’espèce, en revanche la question du caractère attentatoire à l’hon- neur d’un propos doit être résolue par le juge et ne dépend pas de l’appréciation de témoins. En tous les cas, H. a confirmé l’existence de commentaires homophobes adressés au recourant. Par ailleurs, le second témoin proposé par le recourant n’a pas été entendu. L’autorité précédente admet qu’elle ne peut exclure que cette personne, si elle avait été entendue, aurait corroboré l’usage de termes injurieux à l’endroit du recourant.

En bref, alors que l’ordonnance de non-entrée en matière se limitait à constater que des déclarations contradictoires s’opposaient sans éléments matériels permettant de retenir une version plutôt qu’une autre, la cour cantonale a entre- pris d’apprécier les déclarations des parties pour établir les faits, bien qu’aucune instruction n’ait encore été menée. Elle a fait une fausse application du principe « in dubio pro du- riore » en procédant en réalité à une appréciation des preuves qui relève de la compétence du juge du fond.

Dès lors que les développements de la cour cantonale, contraires au principe « in dubio pro duriore », sous-tendent également l’application de l’art. 52 CP, cette argumentation subsidiaire ne peut davantage subsister.

4.

Il résulte de ce qui précède que le recours doit être admis, l’arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l’autorité can- tonale pour nouvelle décision.

[…]

Commentaire :

1. La jurisprudence pénale du Tribunal fédéral relative aux propos homophobes n’est guère fournie. Sans doute cette casuistique témoigne-t-elle d’une lacune liée à l’absence d’in- crimination pénale spécifique sur le sujet. Une intéressante affaire jugée le 1er novembre 2010 (6B_361/2010) dans le cas de plaintes pour diffamation et calomnie déposées dans le contexte de la journée mondiale contre l’homophobie a conduit la Haute Cour à rappeler que l’adoption de l’art. 261bis CP, accepté en votation populaire le 25 sep- tembre 1994 (FF 1994 V 521 ; 1992 III 265), traduit l’un des engagements auxquels la Suisse a souscrit en ratifiant la Convention internationale du 21 décembre 1965 sur l’éli- mination de toutes les formes de discrimination raciale (RS 0.104), étant souligné que d’autres caractères, tels que le sexe, les tendances sexuelles ou les convictions idéologiques n’ont pas été retenus par la nouvelle norme pénale, faute précisément de découler des exigences de l’instrument

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que développée par la Cour européenne des droits de l’homme.

L’abondance et la richesse des précédents alsaciens que cite la Cour de droit pénal témoigne avec éloquence de l’im- portance que cette casuistique a acquise et de l’incontestable effet utile qu’elle exerce sur le droit de notre pays. On peut aussi y voir, sous l’angle constitutionnel, un cas d’applica- tion de l’art. 35 al. 1 et 3 Cst., selon lequel les droits fonda- mentaux (et, par voie de conséquence, les droits de la CEDH) doivent être respectés dans l’ensemble de l’ordre juridique y compris, lorsqu’ils s’y prêtent, dans les rapports entre particuliers (sur le sujet, voir les développements de Müller, Verwirklichung der Grundrechte nach Art. 35 BV, Berne 2018, p. 65 ss).

7. Pour certes mentionner (à une seule reprise, con- sid. 3.1.2) le respect de la dignité humaine – sans pourtant évoquer ni la garantie générique des art. 7 Cst. et 3 al. 1 CPP ni l’interdiction des discriminations fondées sur le mode de vie au sens de l’art. 8 al. 2 Cst. –, l’arrêt qui forme l’objet du présent commentaire porte bien, très fondamen- talement, sur la mise en oeuvre de ces garanties, en lien avec la lutte, sur le terrain du droit et de la procédure pénale, contre les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle.

C’est le lieu de rappeler que la garantie constitutionnelle de la dignité humaine au sens de l’art. 7 Cst. se trouve au cœur de l’art. 261bis CP (ATF 143 IV 77, 80/83 ; 143 IV 308, 311).

Dans le cas d’infractions pénales liées à des propos homo- phobes, c’est par conséquent le respect dû à la personne humaine à la fois en sa qualité d’individu et de son appar- tenance à un groupe particulièrement exposé qu’il s’agit de respecter et de protéger, conformément à la terminologie qu’emploient la théorie et la pratique suisse des droits fon- damentaux.

L’approche révèle de manière évocatrice que, en droit contemporain, les droits de la personne humaine au sens de la CEDH et, par voie de conséquence, les droits fondamen- taux garantis par la Constitution fédérale procèdent d’ins- truments normatifs non pas figés mais bien vivants, qu’il convient d’interpréter et de comprendre à la lumière des conditions de vie actuelles et des conceptions sociétales qui prévalent de nos jours dans les États démocratiques, dans le but de protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs, conformément à la formule qu’em- ploie la Cour européenne des droits de l’homme (voir par exemple CourEDH 24. 1. 2017, Khamtokhu et Aksenchik c. Russie, § 33 où la Cour relève que l’un des principes car- dinaux de l’interprétation du texte conventionnel de 1950 est celui d’une interprétation évolutive des droits garantis).

Prof. Michel Hottelier, Genève ■

lateur a considéré que les personnes transidentitaires ou intersexuées sont elles aussi souvent victimes de propos et d’actes de haine et de discriminations au même titre que les personnes homosexuelles ou bisexuelles. La modification législative est cependant réputée appréhender la question de manière globale, en étendant la protection prévue par cette disposition à toutes les personnes LGBTI (FF 2018 3900 et 3908 ; 5332 pour les explications du Conseil fédéral). Lar- gement approuvée lors de la procédure de consultation (FF 2018 5329), la modification des art. 261bis CP et 171c CPM a néanmoins été frappée d’une demande de référendum et soumise au scrutin le 9 février 2020, lors duquel elle a été acceptée par une forte majorité du corps électoral.

5. L’arrêt qui forme l’objet du présent commentaire s’ins- crit dans ce contexte général, auquel il vient ajouter, sur le terrain de la procédure, un élément fondateur : l’obligation d’enquêter en cas d’allégation défendable de propos ou de comportements à caractère homophobe. Le Tribunal fédé- ral se réfère pour ce faire à la casuistique née des art. 3, 8 et 14 CEDH. L’obligation d’enquêter découle historique- ment du droit à la vie au sens de l’art. 2 CEDH, avant d’avoir été étendue à l’interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants au sens de l’art. 3 CEDH. Procédurale par nature, cette exigence double la garantie matérielle, à caractère absolu et non susceptible de dérogation au sens de l’art. 15 CEDH, qu’énonce la norme conventionnelle d’un devoir de diligenter une enquête en cas de suspicion défendable d’une atteinte aux droits qu’elle énonce.

La garantie est désormais bien connue, pour avoir donné lieu à une jurisprudence aussi fournie qu’éclectique, tant devant la Cour européenne des droits de l’homme que devant le Tribunal fédéral (sur les aspects historiques de l’ob ligation d’enquêter au niveau de la CEDH, voir le com mentaire de l’arrêt du Tribunal fédéral, 6B_362/2009, 13. 7. 2009, publié et commenté in PJA 2009, p. 1479 ; plus généralement, pour d’intéressants cas d’application de l’obligation d’enquêter, voir les arrêts 1B_272/2011, 22. 3. 2012 ; 1B_771/2012, 20. 8. 2013, publié et commenté in PJA 2013, p.  1688 ; 6B_152/2014, 6. 1. 2015 ; pour deux affaires suisses jugées à Strasbourg, voir CourEDH 7. 2. 2006, Scavuzzo-Hager et autres, § 74 ss ; CourEDH 24. 9. 2013, Dembele, § 62 ss).

6. Dans le cas d’espèce, le Tribunal fédéral se réfère en particulier aux art. 8 et 14 CEDH pour justifier le devoir d’enquêter sur les accusations d’injures et de menaces dans le cas de propos homophobes, en lien avec le principe in dubio pro duriore (qui, conformément à la jurisprudence, commande que la procédure se poursuive en cas de doute, ATF 137 IV 219, 226 et les références citées) tel qu’il dé- coule du principe de la légalité au sens de l’art. 5 al. 1 Cst., lu au regard des art. 319 al. 1 let. a et b et 324 al. 1 CPP.

Il s’agit en l’occurrence d’un cas, tout à la fois intéressant et original, d’interprétation de la législation de procédure pénale d’une manière conforme au droit conventionnel tel

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