• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 4 L histoire de la créatrice du monde

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "CHAPITRE 4 L histoire de la créatrice du monde"

Copied!
7
0
0

Texte intégral

(1)

C

HAPITRE

4

L’histoire de la créatrice du monde

Dehors, l’air était si glacial qu’il aurait pu faire tressaillir les morts. Il n’y avait pas de neige, mais il faisait gris et moche. Real enfila la grosse laine qu’elle avait dans son sac et la serra fort pour retenir la chaleur de son corps. Cela ne la réchauffa pas, mais le vent fut légèrement coupé. À l’orphelinat, chaque résident recevait un pull comme celui-ci pour les nuits les plus froides, mais l’ancienne résidente se souvenait que beaucoup d’enfants tombaient malades en hiver, certains même - les plus fragiles - mouraient.

Julius marchait d’un pas rapide, s’appuyant légèrement sur sa canne en bois ciré en zigzaguant entre les passants. De chaque côté, il y avait quelque chose à regarder : à droite, un groupe de femmes vêtues de magnifiques robes papotaient entre elles, à gauche un poissonnier criait aux clients que ses prix étaient les meilleurs. Plus ils se rapprochaient de la rue principale, plus la foule devenait dense. Tout à coup, une main attrapa le bras de Real, la tirant sur le côté. La maladroite échappa de justesse à une collision avec une calèche qui roulait à toute vitesse.

- Fais attention où tu mets les pieds ! gronda son patron. J’ai besoin de toi pour nettoyer l’auberge. Reste près de moi, on est arrivés dans la rue principale.

Ils venaient d’arriver à une intersection où la rue débouchait sur la plus grande avenue du village. Le monde s’affairait de part et d’autre et un grand bruit de foule s’en émanait. Diverses odeurs remplissaient le nez des passants. L’enivrante senteur de pain frais, le parfum prononcé des fleurs, l’horrible odeur du poisson. Le vieil homme longeait la rue et se faisait bousculer de tous les côtés.

- Je n’aime pas cette sorte de créature. Toujours pressée alors qu’elle n’a rien d’important à faire, murmura-t-il.

Sans prévenir, il s’arrêta net et tourna dans une petite rue sombre. Il ouvrit une porte qui se trouvait sur le côté et fit signe à la jeune fille de le suivre. Ils entrèrent dans une boutique exiguë et surchargée. Partout se trouvaient des bouteilles de vin empilées les unes sur les autres. Un homme visiblement ravagé par le temps se tenait debout derrière le comptoir.

- S’lut Jul, dit l’homme au visage boursoufflé et parsemé de plaques rouges, comme d’hab’ ?

- Salut Mickel. Oui, comme d’habitude. Livraison à l’auberge, s’il-te-plaît.

- Très bien, répondit l’homme en reniflant bruyamment, six heures d’vant l’auberge.

L’homme au visage enflé s’essuya le nez avec la manche de sa chemise, il transpirait beaucoup alors même que ces deux clients tremblaient de froid. Il passa devant le comptoir et se dirigea vers ses réserves. Le reste de son corps était aussi boursoufflé que son visage. Le drôle d’individu était plutôt petit, bien plus que la jeune femme, et avait du mal à se déplacer. Il tanguait de droite à gauche pour marcher et il respirait bruyamment. Le patron du magasin continuait de renifler et Real remarqua qu’il avait un nez anormalement grand pour un être humain. Il griffonna maladroitement un mot sur un bout de papier et le tendit à son client avant de renifler une nouvelle fois.

- C’est un Porgrat, dit Julius une fois dehors, prenant à nouveau la direction de la rue principale, ce sont les meilleurs confectionneurs de vin qui existent.

- C’est vrai qu’il n’a pas l’air très en forme.

Le boutiquier rigola. Il tourna à droite dans la grande rue et zigzagua à nouveau entre la foule.

Il était rapide pour un vieux avec une canne.

(2)

- Non, ce n’est pas un porc gras, c’est un Porgrat. C’est une créature mi-nain mi-géant.

Mixe difficile à faire, mais pourtant bien réel. Les Porgrats ne vivent pas très longtemps à cause de leur corpulence. Ils font le poids d’un ogre, dans le corps d’un nain, ce n’est pas bon pour leur cœur.

Real crut que c’était une blague et rigola, mais Julius s’arrêta en plein milieu du chemin et lui lança un regard perçant.

- Je ne plaisante pas, petite. Regarde autour de toi. Crois-tu sincèrement que cette sorte de créature soit la seule sur terre ?

Elle comprit enfin : il parlait des Hommes.

- C’est peut-être les seules créatures que tu connais, mais tu n’es plus dans ton orphelinat. Le monde n’est pas celui décrit dans la bible. Ou en tout cas, il ne l’est plus.

Le boutiquier se remit en marche et son employée le suivit de près pour entendre ce qu’il continuait à dire.

- Les Hommes ne sont pas seuls. Les sœurs ont voulu te faire croire que seul Dieu pouvait faire des choses exceptionnelles, mais c’est faux. Les Hommes sont simplement ignorants de l’autre monde, car ils sont trop occupés à regarder leur propre nombril. Ils ne s’intéressent qu’à eux, normal qu’ils ne voient rien d’autre.

Elle se mit à réfléchir à toute vitesse. Son patron était toujours sérieux lorsqu’il ne buvait pas, mais il se mettait à délirer à propos de créatures imaginaires lorsqu’il était ivre. Or, aujourd’hui, il n’avait pas bu… pas beaucoup. La jeune femme continuait de le suivre et de l’écouter quand une idée lui vint à l’esprit et s’arrêta. Le vieil homme le remarqua et s’immobilisa quelques centimètres plus loin. Tous deux restèrent à se regarder, se faisant bousculer par la foule pressée. Elle hésita, puis se décida à poser la question qui lui brûlait la langue. Elle n’avait rien à perdre à paraître stupide.

- Si tu n’es pas un humain, tu es quoi ? Le vieux eut un sourire.

- Je suis un sorcier, dit-il le plus naturellement du monde.

Puis, il se retourna et continua son chemin. Secouée, Real courra derrière lui.

- Prouve-le ! - Quoi ?

- Si tout ce que tu dis est vrai, prouve-le !

Ils continuèrent de marcher et arrivèrent bientôt à une nouvelle intersection. Sur leur droite, une petite rue tranquille s’allongeait à l’infini. Le-soit-disant-sorcier pivota et prit la direction de cette ruelle. Il marcha en silence pendant que le bruit de la rue principale s’éloignait et Real se demanda s’il était sage de suivre un homme qui se disait être capable de magie. Ils s’arrêtèrent devant une petite porte en bois rouge et Julius se posta devant son apprentie avec un sourire.

- Tu veux que je te prouve que je suis bien un sorcier ? - Oui.

- Et après cela tu vas enfin croire ce que je te dis ?

Elle acquiesça nerveusement. Le vieil homme tendit les bras et ouvrit ses paumes contre le ciel. L’orpheline garda les yeux fixés sur ses mains et la preuve ne se fit attendre. Une petite plante apparut dans une lueur or en grandissant. Elle ne touchait pas les mains de son créateur, elle lévitait à quelques centimètres de ses paumes. La plante grandissait à vue d’œil et quelques feuilles se mirent à pousser sur les côtés. Un bourgeon apparut et éclot. Une magnifique rose blanche en sortit, lévitant au-dessus des mains craquelées de son propriétaire. Il la fit s’envoler jusqu’à Real et elle la prit délicatement à deux doigts, comme si

(3)

la rose n’était qu’illusion. Mais la fleur était bel et bien là, robuste et magnifique.

Époustouflée, la jeune femme la regarda stupéfaite, la bouche ouverte. Elle ferma les yeux et sentit son enivrant parfum.

- C’est magnifique.

- C’est ma spécialité. Je suis un sorcier qui contrôle la terre. La nature m’obéit.

- Pourquoi me le dire ? Pourquoi me montrer tout cela maintenant ?

- Parce que tu fais partie de notre monde. C’est pour cela que les sœurs t’ont envoyée chez moi.

- Les sœurs ? Quoi ?

Julius rigola et poussa la porte rouge. Real coinça maladroitement la rose dans le bustier de sa robe et entra à sa suite. Un son de clochette retentit et Real crut arriver au paradis. Tout de suite, une odeur de vieux livre envahit ses sinus. Les deux compagnons étaient entrés dans une grande boutique où se trouvaient des montagnes de livres empilés les uns sur les autres.

Certaines piles étaient sur le point de tomber et vacillaient dangereusement. De grandes allées s’étendaient jusqu’à l’infini dans le fond de la pièce et des milliers d’histoires différentes n’attendaient que d’être découvertes.. L’orpheline se sentit comme chez elle.

Une dame se racla la gorge et descendit lentement les marches en lançant un regard sévère en direction de ces intrus. L’escalier se trouvait sur la gauche et il tournoyait sur lui-même comme pour prendre le moins de place possible. La femme, qui avait l’air de paraître plus jeune que son véritable âge, avançait avec des mouvements lents et gracieux. Elle avait un chignon strict sur la tête et une magnifique robe bleu nuit qui recouvrait ses pieds. Elle s’avança vers le sorcier et posa ses mains sur ses épaules. Elle lui donna une bise sur chaque joue et prit ses mains dans les siennes.

- Quel plaisir, Julius. Il y a tellement longtemps que tu n’es plus venu me voir.

- Pardonne-moi Athène. J’étais très occupé.

Ils échangèrent quelques mots sur le temps qui était passé et curieuse, l’orpheline en profita pour se diriger vers les allées infinies.

- Qui est-ce, Julius ?

La maladroite se retourna, mais la dame avait toujours les yeux fixés sur son ami. Cependant, elle comprit que ce haussement de voix était à son intention.

- Je te présente Real Hope, notre ménagère. Elle est arrivée dans mon auberge il y a quelques semaines.

Athène s’approcha et jaugea l’intruse de haut en bas. Elle lui tourna autour sans que Real ne bouge, sentant son regard glacé parcourir tout son corps.

- De quelle espèce es-tu ? Demanda-t-elle finalement.

- Quoi ?

- On ne dit pas « quoi », on dit « pardon », avec politesse ! Je t’ai demandé de quelle espèce tu étais ?

- Euh…

- C’est pour cela que nous sommes ici, j’avais espéré que tu puisses reprendre ton ancien poste, contre paiement bien sûr…

L’orpheline ne comprit pas un mot. Athène avait soudainement tourné le regard vers Julius qui semblait la supplier.

- Tu veux dire… avec elle ? Le sorcier acquiesça.

- Je pensais à quelque chose comme trois heures par jour. Il y a tellement à faire, elle vient de l’orphelinat derrière la forêt… donc, tu comprends…

(4)

Athène eut une moue d’exaspération en entendant le mot orphelinat. La jeune femme était toujours perdue et n’osait pas bouger. La vieille dame semblait prendre son temps et dévisagea l’objet de toutes les attentions une bonne centaine de fois avant de soupirer.

- Si tu penses que ça en vaut la peine, je suis d’accord… Mais je te demande deux pièces d’argent par semaine, non négociable.

Julius semblait ravi.

- Marché conclu ! Dit-il en lui baisant la main.

L’élégante dame n’esquissa aucun sourire.

- Nous commencerons dès demain matin. Tu viendras ici à huit heures tapantes, dit-elle en s’adressant à Real, et ne sois pas en retard !

L’orpheline ne réagit pas. Elle ne comprenait toujours pas la situation. Julius échangea encore quelques mots avec son amie avant de sortir de la bibliothèque.

- Ça s’est très bien passé ! Dit-il une fois dehors.

- Que s’est-il passé ? Demanda la jeune femme en reprenant ses esprits.

Le vieil homme ne lui répondit pas tout de suite. Il entreprit de traverser la rue principale d’une traite en marchant à toute vitesse. Son accompagnatrice, surprise, le suivait de près en évitant les calèches et les chevaux. Quelques minutes plus tard, ils étaient de l’autre côté. Ils continuèrent d’avancer rapidement et bientôt ils se retrouvèrent sur un chemin en terre, en dehors de la ville, au bout duquel se trouvait une ferme.

- Athène vient d’accepter d’être ton professeur.

- Un professeur ? Mais de quoi ?

- Nous vivons dans un monde compliqué, petite, il n’a rien à voir avec ce que tu as appris et je ne veux pas d’une jeune idiote ignare chez moi. Je lui ai donc demandé qu’elle t’enseigne l’histoire de notre monde. C’est la meilleure pour cela, c’est une liseuse.

L’apprentie fronça les sourcils et voulut protester, mais son patron la coupa.

- Une liseuse est une créature capable de lire dans les âmes. Elle pourra savoir si tu mens, elle pourra déceler tes plus sombres secrets et elle pourra connaître ton passé, tous tes souvenirs.

Real sentit son cœur battre d’excitation.

- Pourrait-elle me dire d’où je viens ? Qui étaient mes parents ? Le sorcier ne répondit pas à sa question.

- Petite, laisse-moi te raconter une histoire.

Il prit une grande inspiration et passa sa canne dans son dos.

- Il y a environ mille ans, un esprit très puissant vivait dans ce monde. On l’appelait Yume. Elle était l’esprit créateur, elle faisait pousser les arbres, remplissait les océans et construisait les montagnes. Elle insufflait la vie aux créatures. En vérité, elle était la vie. Bienveillante et compréhensive, elle prenait soin de la terre que son père lui avait offerte.

Un bruit de sabots foulant le sol les coupa dans leur histoire. Le conteur attendit que la calèche les ait dépassés pour continuer.

- Son père est le grand créateur des mondes. Il est énergie et on l’appelle Seikatsu.

- C’est Dieu ?

- Tu ne dois pas le voir comme ça. Oublie tout ce que tu as appris sur ta religion. Seikatsu ne juge pas. Il est l’énergie créatrice, il est le son qui a créé les mondes, il est invisible.

Real ne quittait pas Julius du regard.

(5)

- Seikatsu a envoyé une partie de son énergie sur la terre qu’il venait de créer et ce fut sa fille Yume, qui prit l’apparence d’une femme. Elle créa tout un univers et, grâce à elle, les habitants de la terre vivaient très heureux. La jeune déesse veillait sur eux et le mal n’existait pas. C’était l’harmonie entre les peuples.

- Alors qu’est-ce qui s’est passé ? - Waru est arrivé.

Le vieil homme marqua une pause.

- Il est le frère de Yume. Il a été envoyé sur Terre en même temps qu’elle, mais il a choisi l’apparence d’un homme. Frère et sœur devaient œuvrer ensemble pour créer un monde en harmonie, mais la jeune déesse comprenait mieux les créatures terrestres que son double et donc elle était plus aimée. Cela a rendu le jeune dieu fou de jalousie, si bien qu’il a commencé de saboter les créations de sa sœur, en leur insufflant de mauvais sentiments.

- C’est lui qui a créé le mal ?

- On peut dire ça. Il a transmis sa propre jalousie aux créatures qu’elle imaginait et ils ont commencé à s’entre-tuer. Yume ne l’a pas remarqué pas tout de suite, mais quand elle l’a compris, il était trop tard. Les créatures que Waru avait infectées s’étaient reproduites en grand nombre. Et elle ne pouvait pas se résoudre à tuer ses créations pour les remplacer. Elle a donc décidé de jouer le rôle de médiatrice entre les différents peuples qui se faisaient la guerre. Elle a réussi un moment, mais plus les gens se sentaient mal, plus le dieu devenait fort et déployait sa contamination. Quant à sa sœur, elle perdait peu à peu son énergie et s’éteignait lentement.

Ils étaient arrivés aux portes de la ferme et se stoppèrent.

- Dans un dernier espoir, Yume créa les douze peuples gardiens, que tu connais peut- être mieux sous le nom des douze signes astrologiques.

En effet, la jeune fille les connaissait. Anaïs était une grande amatrice de ces semi-prédictions publiées dans le journal local, mais au vu de l’histoire de Julius, ils n’avaient rien avoir en commun.

- Ces peuples étaient destinés à garder une parcelle de son pouvoir, pour le jour où elle aurait la force de revenir…

- Revenir ?

- … Mais son frère, fou de rage que sa sœur ait eu l’audace de remettre son pouvoir à quelqu’un d’autre que lui, a commis la plus atroce des choses.

Julius avait baissé le regard et poussait quelques pierres avec sa canne.

- Il a effacé la mémoire des Hommes.

Elle sentit son cœur se serrer.

- Il a effacé leur mémoire et leur a enlevé tout pouvoir. Au départ, les Hommes étaient les créatures préférées de Yume. Ils étaient intelligents et bienveillants envers les autres peuples. Ils avaient le pouvoir de soigner tous les maux, ils étaient magnifiques et puissants, mais Waru les a détruits par pure jalousie et maintenant, les Hommes ne sont plus que des coquilles vides qui errent sans but, le cœur rempli d’avidité et de peine.

- C’est horrible…

- Après que la jeune déesse ait créé les peuples gardiens pour sauvegarder une partie de son âme, elle a utilisé le reste de son pouvoir pour débarrasser le monde de son frère. Les peuples gardiens lui ont construits une arme qui avait la faculté de transformer le mal et la jalousie en poussière. Ils l’ont offert à leur créatrice et elle l’a

(6)

utilisé contre le dieu. Mais l’esprit du Mal était tellement contaminé qu’il a disparu totalement et il n’est jamais retourné auprès de son père. Yume, réalisa qu’elle avait détruit l’âme de son double et fut prise d’une immense douleur. Elle est morte de chagrin.

Real était passionnée par le récit.

- Par la suite, les douze peuples gardiens ont essayé de ramener le calme et la paix dans le monde, mais ils ont échoué. Sans l’aide des Hommes, les malheurs des autres peuples ne pouvaient plus être guéris et le monde a sombré dans une longue ère de guerre. Impuissants, les peuples gardiens se sont retirés chacun dans un coin du monde, en attendant le retour de leur créatrice.

- Elle est revenue ?

- Non. Cela fait maintenant mille ans que les peuples gardiens l’attendent, sans jamais avoir reçu un signe de son retour. Certains ont abandonné l’idée qu’elle reviendrait pour les sauver… et d’autres attendent encore.

Le cerveau de l’orpheline fonctionnait à toute vitesse, se demandant si cette histoire était réelle et avant qu’elle ne puisse poser des questions, son patron se dirigea vers le fermier qui venait d’apparaître.

- Bonjour René.

- Bonjour Julius, ça fait longtemps, content de te voir.

Les deux hommes se serrèrent la main et la jeune fille, encore sous le choc de cette histoire, reconnut le vieil homme du nom de René. Il était venu chercher le garçon qui avait partagé la calèche avec elle, le jour où elle avait quitté l’orphelinat.

- J’aurai besoin d’un Robuste, tu en élèves encore ?

- Bien sûr, suis-moi, dit le fermier en lui faisant signe d’entrer dans l’écurie.

Real suivit les deux hommes et entra à son tour. Elle fut stupéfaite par le spectacle qui se déroulait sous ses yeux. D’un aspect extérieur minable et vieillot, l’intérieur ne ressemblait en rien à une écurie. La porte donnait sur un grand pré ensoleillé qui s’étendait à perte de vue. Il n’y avait ni plafond en bois, ni boxe, ni paille, ni chevaux. Seule une grande étendue verte et dorée s’étalait derrière la porte. L’air était chaud et léger, rien à voir avec celui de l’extérieur.

Le sorcier rigola en voyant l’air stupéfait de l’orpheline.

- De la magie, dit-il, un sortilège surprise. Il s’agit de créer un monde parallèle derrière une porte où seules les créatures magiques peuvent entrer.

Son cœur se serra. Elle ne comprenait pas.

- Exactement, dit le fermier, et le petit nouveau ne peut pas y venir, lui ne voit qu’une écurie abandonnée lorsqu’il y entre. Du très beau boulot Julius, merci.

Le boutiquier redressa le buste et fit un clin d’œil à sa partenaire.

- C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je ne voulais pas que tu entres dans l’auberge le premier soir, dit le propriétaire avec un sourire en coin, je n’étais pas sûr que tu puisses voir les sortilèges, alors j’ai préféré fermer la porte à clef. Sinon, tu aurais vu une auberge vide, proche de l’écroulement et des rats courant un peu partout.

Le fermier ne fit pas attention à la conversation qui se déroulait et sortit de sa poche une sorte de petit harmonica pour se mettre à jouer un morceau. Une musique douce et envoûtante en sortit. Au même moment, le sol se mit à trembler et une horde d’ombres noires fondit sur eux. Le fermier continuait à jouer, jusqu’à ce que les créatures s’arrêtent docilement devant lui. Une douzaine d’immenses chevaux se présentèrent, impatients de connaître la raison de cet appel.

- Choisis celui que tu veux.

(7)

Julius jaugea les animaux et, à l’aide de sa canne, en pointa un très grand.

Ces chevaux n’étaient pas ordinaires. Leurs pattes ne se terminaient pas par des sabots, mais par des pattes d’ours. Ils ressemblaient à des chevaux de calèche jusqu’aux genoux, puis en-dessous, ces créatures possédaient de grandes pattes touffues munies de longues griffes.

Les quadrupède semblaient nerveux et ne restaient pas en place. Le fermier passa un licol autour du cou de celui choisi et l’emmena vers la porte qui se trouvait plantée au milieu du pâturage. Il s’arrêta juste devant et ouvrit une petite malle en bois qui se trouvait au pied de l’entrée. Il en sortit quatre grandes chaussettes d’un brun foncé semblable à la robe de l’animal.

- C’est pour cacher leurs pattes. Les humains seraient affolés s’ils voyaient ça, dit-il en montrant le Robuste.

Il attrapa ses pattes et lui enfila les chaussettes, une à une. Comme par magie, les pattes touffues de l’animal se transformèrent en jambe athlétique.

- Merci René, combien je te dois ? - Deux pièces d’or.

Il sortit deux pièces jaunes de sa bourse en cuir, et les tendit à son ami. Tous deux se remercièrent et le groupe sortit de la grange.

Pendant qu’ils traversèrent la cour, Real remarqua que le garçon avec qui elle avait partagé la calèche était en train de nettoyer la porcherie. Il ne se retourna pas, mais la jeune cliente lui sourit tout de même. Elle avait de la peine pour ce garçon qui ne saura probablement jamais ce qui se cache dans cette grange.

Ils reprirent le chemin de l’auberge, la bête marchant tranquillement à côté d’eux.

- Pourquoi m’enseigner tout cela ?

- Parce que je t’entends hurler la nuit. Ces cauchemars que tu fais, ils veulent dire quelque chose. Une force en toi brûle de sortir.

L’orpheline ne dit rien. Elle se sentait honteuse.

- Ne t’inquiète pas petite, dit-il en montrant du doigt les rues du village qui se rapprochaient, ce n’est pas toi qui n’est pas normale, c’est eux qui le sont trop.

Références

Documents relatifs

J’aime les frites et le poisson mais je déteste le poulet et les légumes. J’aime bien

Ces effets sont bien connus, mais les premières mesures sanitaires et socioéconomiques décidées par les responsables politiques pour répondre au Covid-19 ont

• Si elle est en 5 venant de 3, Cathy (qui s’est déplacée d’une place vers la gauche) était en 2 ou en 5 ; si Cathy était en 2 et s’est déplacée en 1, il n’y a plus de

Dans chacune des trois directions, il y a un trou dans le cube (de section carrée), défini par deux paires de plans de section.. L’intersection de ces plans avec le cube troué dans

Il y a 36 + 37 soit 73 gants, dont la répartition est résumée dans ce tableau : Si l’on n’a pas de chance, on peut prendre d’abord les 21 gants gauches blancs (les plus nombreux)

psychanalyses en 1895., et avec la télégraphie sans fil (Edouard Branly, l’ère de la radio commençait. Aussi, à Paris on retrouvait les grands peintres Picasso, Van Gogh. Et

3 Compte tenu des défis et problèmes de durabilité multiples qui remplissent les pages de nos journaux, inspirent nos travaux de recherche et interviennent dans les processus

Les axes proposés pour ce colloque sont multiples : il peut s’agir de questionner l’imaginaire et ses impacts sur le monde des loisirs corporels, mais aussi de montrer en quoi